Distorsions architecturales et difficultés diagnostiques

Distorsions architecturales et difficultés diagnostiques

J Radiol 2004;85:2099-106 © Éditions Françaises de Radiologie, Paris, 2004 formation médicale continue le point sur… Distorsions architecturales et...

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J Radiol 2004;85:2099-106 © Éditions Françaises de Radiologie, Paris, 2004

formation médicale continue

le point sur…

Distorsions architecturales et difficultés diagnostiques C Digabel-Chabay (1), C Allioux (2), C Labbe-Devilliers (1), P Meingan (1) et M Ricaud Couprie (1)

Abstract

Résumé

Architectural distortion and diagnostic difficulties J Radiol 2004;85:2099-106

L’identification d’une distorsion architecturale requiert une bonne habitude de la mammographie. La prévalence est estimée à 6 % des anomalies détectées dans les campagnes de dépistage. Sous cette appellation, sont regroupées les rétractions focales de l’architecture dont la VPP est estimée à 10 % et les images stellaires sans centre dense plus péjoratives (VPP 50 %). La démarche diagnostique consiste à : éliminer par des incidences complémentaires les images construites ; documenter par d’autres techniques (échographie, IRM, prélèvements) les images de distorsion minime pour décider de la conduite à tenir ; opérer les images stellaires qui peuvent correspondre à un authentique carcinome ou à un centre prolifératif d’Aschoff. Les interrelations entre cette entité et le carcinome tubuleux sont discutées. Les images de distorsion architecturales cicatricielles doivent faire l’objet d’une attention particulière lorsqu’il existe un risque de récidive ou de localisation carcinomateuse controlatérale. C’est le cas après chirurgie conservatrice ou oncoplastique.

Identification of architectural distortion requires a good practice of mammography. Prevalence is estimated at 6% of detected abnormalities in screening programs. Under this denomination are gathered focal architectural distortion with predictive positive value (PPV) of 10% and stellate images without central densification, which are more suspicious (PPV 50%). In order to establish a diagnosis, false images must be eliminated by other views. Minimal architectural distortion have to be investigated by other techniques (sonography, MRI percutaneous biopsy) in order to define the best strategy for further management. Stellate images suggestive of radial scars must be surgically removed. The relationships between radial scars and tubular carcinoma are discussed. A particular attention is required for post traumatic or post surgical scars if it exist a high risk of local recurrence or controlateral carcinoma specially after conservative or oncoplastic surgery. Key words: Architectural distortion. Radial scar. Breast cancer. Scar image.

a distorsion architecturale correspond à une altération de l’harmonie du tissus conjonctif avec un aspect divergent ou une désorganisation des travées opaques. Ces images peuvent être localisées, pyramidales, systématisées à un segment galactophorique, ou diffuses. Il s’agit d’images difficiles à voir et à caractériser. Leur identification requiert une bonne habitude de la mammographie pour les différencier de l’architecture normale et de ses superpositions. Elles sont particulièrement difficiles à reconnaître dans les glandes denses et hétérogènes. Quand une image de distorsion architecturale est détectée, en pratique quotidienne plusieurs questions peuvent se poser : • s’agit-il d’une image construite ? • si une image de distorsion ou une image stellaire sans centre dense est réelle, quels diagnostics peut-on évoquer et quelle est la conduite à tenir ? • si la distorsion traduit une image cicatricielle ou post-traumatique, peut-on être rassuré ou existe-t-il des situations à risque particulières ? Après un rappel de la prévalence et de la valeur diagnostique de l’imagerie, nous traiterons de ces trois questions.

L

(1) Service d’Imagerie Médicale, Centre René-Gauducheau, CRLCC Nantes – Atlantique, boulevard Jacques-Monod, 44807 Saint-Herblain. (2) Association Madame, Dépistage du cancer du sein, BP 96531, 44265 Nantes Cedex 02. Correspondance : C Digabel-Chabay

Mots-clés : Distorsion architecturale. Cicatrice radiaire. Cancer du sein. Images cicatricielles.

Prévalence La distorsion architecturale sans opacité associée représente le troisième signe le plus fréquent de révélation d’un cancer du sein après les opacités et les microcalcifications (37). La prévalence peut être appréciée à travers les chiffres fournis par les campagnes de dépistage. Il faut cependant distinguer le taux de test positif avant la réalisation de l’imagerie complémentaire, qui permet de s’assurer de la réalité de l’image, et le taux de reconvocation lui-même variable selon la possibilité de réaliser immédiatement des clichés complémentaires. Dans une série finlandaise le taux de reconvocation pour distorsion architecturale était de 6,3 % au 1er tour pour 378 femmes reconvoquées (34). Dans la campagne de dépistage menée en Loire Atlantique, sur une période de 4 ans répondant à l’ancien cahier des charges, 117 414 tests ont été réalisés. 7 213 tests ont été classés suspects. Les images jugées suspectes étaient des ruptures architecturales sans signes associés dans 6,4 % des cas. Durant l’année 2003, 36 345 examens ont été réalisés selon les nouvelles modalités. Les images de distorsion architecturale représentent encore 6,1 % des examens classés ACR 3, 4 ou 5. Ceci laisse à penser que les images construites reclassées en images normales ou bénignes à la suite d’un bilan diagnostique immédiat sont finalement peu nombreuses. Les résultats des différentes séries ne sont pas toujours comparables, car la part variable des anomalies décrites dépend beaucoup de la terminologie utilisée. Dans certaines séries les images spiculées sans centre dense ou pseudo stellaires sont classées avec les images stellaires, alors que dans d’autres séries elles sont regroupées

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avec les images de distorsions. Nous avons choisi de traiter ces deux sortes d’images dans cet exposé.

Valeur diagnostique de l’imagerie

1. La mammographie 1.1. Les distorsions architecturales Elles traduisent les rétractions focales de l’architecture fibroconjonctive. Les déformations de contour du parenchyme glandulaire donnent le classique signe de la « tente » décrit par Tabar (41). Dans l’atlas BI RADS de l’American Collège of Radiology (ACR) (6) les anomalies de l’architecture mammaire sans masse définie et sans condensation centrale se définissent comme des distorsions architecturales minimes classées ACR 4, dont la valeur prédictive positive (VPP) reste inférieur à 20 %. Inversement, les distorsions architecturales majeures ou à petit centre dense sont aussi classées ACR 4, mais la VPP est comprise entre 20 % et 70 % (25). Dans les séries biopsiques la VPP varie entre 10 % et 40 % (24, 36). Silverstein (38) dans une série de 58 distorsions isolées biopsiées note la faible VPP (10,3 %) de ce type d’image (6 cancers sur 58 biopsies). Il constate que l’association à des microcalcifications augmente la VPP qui passe alors à 57 %. Les distorsions architecturales sont une présentation radiologique fréquente des cancers d’intervalle par faux négatif. Burell (9) dans une série de 72 773 mammographies étudie 90 cancers de l’intervalle dont 20 faux négatifs c’est-à-dire cancers considérés comme manqué lors de la relecture. 55 % (11/20) de ces cancers se présentent sous forme d’effets stellaires ou de distorsions. Dans une autre étude (10), il retrouve une distorsion architecturale dans 18 % des cancers de l’intervalle classés faux négatif à la relecture. Dans la campagne de dépistage de Loire Atlantique, 65 cancers de l’intervalle ont été revus. Parmi ceux ci, 17 ont été classés faux négatif et 4 (6,1 %) se présentaient sous forme d’une distorsion architecturale simple. Les distorsions architecturales isolées révèlent souvent des cancers lobulaires infiltrant 19 % pour Bertrand (5) et 16 % pour Le Gal (26). Le biais de ces études est qu’elles portent sur de petits nombres et qu’il n’est pas toujours précisé les types d’images regroupées sous l’appellation distorsion architecturale.

1.2. Image stellaire sans centre dense Elle correspond à l’image « radial scar » des anglo-saxons. La signification en est plus péjorative. Tabar et Dean (41) ont décrit 4 critères plutôt en faveur de la bénignité : • un aspect variable selon l’incidence ; • un centre clair ou un centre dense petit par rapport à la taille des spicules ; • des spicules fins et longs parfois regroupés en amas ou doublés par des bandes radio transparentes ; • Une absence de rétraction cutanée ou de masse palpable même pour des lésions très superficielles. Ces signes radiologiques ne sont cependant pas assez spécifiques pour éliminer une lésion carcinomateuse (19). Certains cancers peuvent présenter les mêmes aspects séméiologiques. Dans 50 %

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à 60 % des cas, ces images correspondent à un cancer et dans 40 % à 50 % des cas à une cicatrice radiaire ou nodule d’Aschoff (10). Pour Mitnick (29) ces images révèlent 30 % des cancers infracliniques. La présence de microcalcifications associées augmente la VPP.

1.3. Apport des systèmes informatisés d’aide à la détection (CAD) Les systèmes d’aide à la détection utilisés en dépistage apparaissent particulièrement performants pour mettre en évidence opacités et microcalcifications. Une étude récente (3) montre que ce n’est pas le cas pour les images de distorsion architecturale. Cette étude qui porte sur 45 cas et qui compare les deux systèmes d’aide à la détection les plus utilisés actuellement, montre une sensibilité de 49 % pour l’un et de 33 % pour l’autre. Il faut donc rester particulièrement attentif pour détecter ces images, car l’aide d’un CAD n’est pas suffisante.

2. L’échographie Elle doit être réalisée avec un appareillage performant. Elle est particulièrement utile dans les seins denses. Si elle ne permet pas toujours d’apprécier la fibrose, en revanche elle permet de détecter du tissus tumoral associé et d’en apprécier la taille. La valeur diagnostique de l’échographie est satisfaisante pour visualiser des cancers se traduisant par des distorsions architecturales et en particulier les images stellaires sans centre dense (taux de détection de 85,5 % à 100 %) (35). Un examen échographique normal n’exclut cependant pas un cancer. Ceci explique la faible sensibilité de l’échographie dans la détection des cancers lobulaires invasifs (68 %) (12) qui parfois se traduisent par des signes radiologiques assez frustes, tels qu’une discrète désorganisation. Un des intérêts de l’échographie est de permettre la réalisation de prélèvements écho guidés dès lors que l’anomalie radiologique détectée à une traduction échographique.

L’IRM Elle n’est pas recommandée pour caractériser une lésion infra clinique détectée par l’imagerie standard (mammographie et échographie) en dehors de protocoles cliniques d’évaluation (2). Elle peut cependant apporter des informations utiles par sa valeur prédictive négative (VPN) élevée dans des cas sélectionnés comme par exemple des anomalies infra cliniques visibles sur une seule incidence mammographique ou des images de distorsion architecturale sans traduction échographique. Les faux positifs sont nombreux, mais les faux négatifs sont rares dans les cancers invasifs, même s’il s’agit de cancer lobulaire ou de cancer très bien différencié avec une forte stroma réaction fibreuse comme les carcinomes tubuleux (42). La place des prélèvements guidés par IRM reste à préciser. Bien que pratiquée encore par peu d’équipes, il s’agit d’une alternative intéressante dès lors qu’il n’existe pas de traduction échographique. En effet, ces images de distorsion architecturales sont souvent difficiles à cibler en stéréotaxie du fait de la variabilité de l’aspect sur les clichés angulés. La place de la tomographie par émission de positon (PET scan) reste à évaluer. L’intérêt des prélèvements percutanés sera discuté selon les situations rencontrées. J Radiol 2004;85

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Mammographie de dépistage chez une femme de 53 ans. Incidence de face gauche, image pseudo stellaire interne avec une microcalcification. Incidence refaite avec un meilleur étalement de la glande, disparition de l’image pseudo stellaire interprétée comme une image construite. Screening mammography in a 53-year-old woman. Left cranio caudal view, internal stellate image with a microcalcification. Breast was lifted up forward on a new view, stellate image disappeared. Interpreted as a false image.

Difficultés diagnostiques Devant une image de distorsion architecturale, dès lors que la réalité de l’image est prouvée, la crainte de manquer le diagnostic de cancer s’impose au radiologue sénologue. Sans vouloir être exhaustif, nous passerons en revue différentes situations rencontrées en pratique courante, les diagnostics à évoquer et les conduites à tenir pour répondre aux questions posées.

1. Les images construites Le meilleur signe est probablement le fait que l’image n’est visible que sur une seule incidence. Lorsque cette hypothèse est évoquée, il faut s’attacher à faire disparaître cette image en renouvelant l’incidence avec une glande parfaitement étalée et une compression optimale (fig. 1), voire en inclinant le rayon de quelques degrés ou en roulant la glande différemment (20). Un cliché localisé avec compression peut être utile. De même, un cliché localisé agrandi peut permettre de faire disparaître l’image du fait du facteur d’agrandissement différent et de la dissociation des fibres superposées contribuant à la formation de l’image radiologique. Il n’existe pas en règle générale de lésion palpable associée et l’échographie est le plus souvent normale. Il faut cependant garder à l’esprit que de réelles images pathologiques peuvent n’être visibles que sur une seule incidence.

2. Distorsion architecturale sans antécédent traumatique En dehors des cicatrices post-opératoires ou post-traumatiques sur lesquelles nous reviendrons, la présence d’une image de distorsion peut traduire une lésion bénigne, un centre prolifératif d’Aschoff, entité qui soulève des questions spécifiques, mais surtout une authentique lésion carcinomateuse qu’il ne faut pas manquer.

2.1. Les lésions bénignes Parmi elles, les formes sclérosantes de tuberculose, l’actynomycose, le fibroadénome hyalinisé ou la tumeur d’Abrikossof sont des raretés de découverte anatomopathologique (18). J Radiol 2004;85

Les dystrophies mammaires sont plus fréquentes, mais se traduisent plus souvent par d’autres aspects radiologiques que des distorsions et images stellaires. 70 % à 80 % des distorsions biopsiées sont bénignes : les lésions les plus fréquemment retrouvées sont la mastose fibro-kystique, l’adénose sclérosante et l’ectasie canalaire sécrétante. Cependant, de la néoplasie lobulaire ou une hyperplasie épithéliale atypique sont retrouvées dans 30 % de ces pièces bénignes (40). Une étude portant sur 43 adénoses sclérosantes histologiquement prouvées retrouve une distorsion architecturale dans 6,3 % des cas (22). L’échographie n’est pas spécifique, montrant 2 fois une lésion nodulaire solide et 1 fois une simple ombre acoustique. D’autres études montrent des taux de distorsion architecturale très variables (entre 2 % et 12 %) dans des fibroses focales histologiquement prouvées (36, 44). Les prélèvements percutanés sont d’un apport limité et peu fiables lorsque l’adénose sclérosante se présente sous cet aspect radiologique (21). La prudence devant ces images suspectes de la malignité reste de réaliser une exérèse chirurgicale et le plus souvent ces lésions bénignes sont des découvertes anatomopathologiques.

2.2. Le Centre Prolifératif d’Aschoff (CPA) Décrit par Aschoff à la fin du XIXe siècle, il a reçu divers appellations toutes en rapport avec son apparence et son caractère fibroélastosique entourant les structures canalaires. Parmi les synonymes proposés citons : prolifération papillaire sclérosante, lésion sclérosante non encapsulée, épithéliose infiltrante, mastopathie indurative et surtout cicatrice radiaire ou « radial scar ». Ces lésions peuvent être multiples, bilatérales et souvent retrouvées à l’état microscopique dans les pièces opératoires. Dans ce cas, elles sont sans traduction radiologique (32, 45). Parfois le CPA peut prendre un aspect pseudo tumoral visible à la mammographie, mais plus souvent il se traduit par une image stellaire due à l’élastose. Dans une étude portant sur 157 cas histologiquement prouvés, Brenner (8) retrouve une distorsion architecturale dans 24 % des CPA présentant des atypies et dans 31 % des CPA sans atypie, les opacités et les calcifications étant les autres expressions radiologiques. Lorsque des microcalcifications se superposent à l’image stellaire le diagnostic est particulièrement difficile (33).

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Femme de 58 ans, antécédent de traumatisme du sein gauche. Mammographie de dépistage, premier examen. Découverte d’une image de rupture architecturale d’aspect stellaire interne gauche visible sur toutes les incidences. L’échographie complémentaire montre une image hypoéchogène corrélée à l’image radiologique. La microbiopsie réalisée sous échographie met en évidence un carcinome canalaire infiltrant. incidences obliques, incidences de face, agrandissement de face, échographie. 58-year-old woman, history of traumatic injury on the left breast. Screening mammography, first examination. Discovery of an architectural distortion with a stellate appearance on the internal left side, found on all views. Sonography show hypoechoic mass concording with radiologic image. The US guided core biopsy shows an infiltrating ductal carcinoma. cranio caudal bilateral view, oblique bilateral view, magnification of cranio caudal view, sonography.

Les critères de bénignité décrits par Tabar et Dean (41) ne sont pas suffisamment discriminants, de même l’échographie n’est pas non plus très spécifique (43). Les liens entre carcinomes tubuleux et CPA ont fait l’objet de nombreuses publications (7, 13). Linell (28) décrit des formes « limites » où il est impossible de distinguer CPA et carcinome tubuleux en raison de la présence d’atypies. Jacobs (24) montre une augmentation du risque relatif (RR) de développer un cancer lorsque des images histologiques de « radial scar » sont associées à des lésions de mastopathie proliférante. Ce RR passe de 1,5 à 3 s’il n’existe pas d’atypie et de 3,8 à 5,8 lorsque la prolifération épithéliale comporte des atypies. Il en fait un facteur de risque indépendant. L’association fréquente avec le carcinome tubuleux le rend suspect d’être un état précancéreux (1, 33). L’apport des biopsies percutanées est récent et plus particulièrement les biopsies assistées par aspiration. L’impact sur la conduite à tenir reste à évaluer. Sur une cohorte de 157 cicatrices radiaires biopsiées, Brenner (8) fait état d’une sous-estimation avec 28 % de carcinomes retrouvés lors de l’exérèse chirurgicale alors que la biopsie montrait seulement des atypies. Il conclut cepen-

dant qu’une surveillance peut être proposée s’il existe une concordance radio histologique, une absence de cellules atypiques et seulement si le volume prélevé est suffisant avec un minimum de 12 prélèvements réalisés de préférence sous aspiration. Dans tous les autres cas l’exérèse chirurgicale est indispensable.

2.3. Les carcinomes Les carcinomes infra cliniques restent la préoccupation diagnostique principale. Outre le carcinome tubuleux déjà exposé, un carcinome canalaire infiltrant au début peut se traduire par une image difficile à différencier d’une cicatrice radiaire (fig. 2) et difficile à détecter dans un sein dense. La distorsion architecturale est un mode de révélation classique du carcinome lobulaire infiltrant qui se présente sous cette forme dans 16 % à 20 % des cas selon les auteurs (5, 16, 26). Un examen clinique attentif et une échographie réorientée par l’imagerie peuvent s’avérer utiles. Une anomalie échographique permettant d’orienter des prélèvements peut être ainsi retrouvée a posteriori. La localisation exacte des images de distorsion sur les incidences à + 15° et – 15° est parfois difficile et les J Radiol 2004;85

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Fig. 3 : a b c

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Femme de 65 ans traitée pour un carcinome canalaire infiltrant du sein droit. Bilan de surveillance, incidence de profil, présence d’une image de nécrose adipeuse typique avec densification des travées fibreuses à la partie inférieure. Un an plus tard apparition d’une image stellaire au contact de la nécrose adipeuse. L’échographie montre une petite image hypoéchogène arrondie en rapport avec l’image stellaire tandis que la nécrose adipeuse calcifiée se traduit par une ombre acoustique nettement plus volumineuse. Une ponction échoguidée confirme la récidive locale. 65 years old woman cared off an infiltrating ductal carcinoma of the right breast. Survey examination: on the oblique view it exists à typical fat necrosis image with fibrosis densification at the lower part. One year later stellate image appears in contact with fat necrosis. Sonography show a small hypoechoic mass for stellate image and an acoustic shadow for fat necrosis. Guided cytology confirms local recurrence.

prélèvements réalisés sous stéréotaxie alors imprécis. L’IRM peut être une aide au diagnostic du fait de sa VPN élevée. L’exérèse chirurgicale reste la règle, des lors que l’image est prouvée et surtout s’il s’agit d’un aspect pseudo stellaire. En cas de contre indication chirurgicale une surveillance rapprochée doit être programmée.

3. Distorsion architecturale et sein post-opératoire Les images de distorsion architecturales chez une femme opérée ou ayant des antécédents traumatiques sont fréquentes. L’anamnèse, la réalisation de mammographie de référence après intervention et la comparaison aux bilans précédents, permettent le plus souvent de classer ces images ACR 2. Des questions particulières que nous aborderons maintenant peuvent se poser en fonction du type de chirurgie mammaire.

3.1. Cancer du sein et plastie de réduction Le diagnostic radiologique de cancer infra clinique survenant dans un sein modifié par une plastie de réduction pose des problèmes spécifiques. Les cicatrices parenchymateuses ont parfois un aspect radiaire pseudo tumoral. Des microcalcifications en rapport avec la nécrose adipeuse peuvent apparaître. Elles représentent un problème diagnostique lorsque l’aspect n’est pas caractéristique surtout au début. Le recours à des incidences complémentaires, la comparaison aux bilans précédents, la mise en œuvre d’une surveillance rapprochée permettent le plus souvent de limiter le retard au diagnostic. J Radiol 2004;85

La surveillance clinique et mammographique doit être particulièrement soigneuse après une plastie de symétrisation chez une femme traitée pour un cancer du sein controlatéral. Une étude de l’institut Bergonié a montré que l’analyse anatomopathologique systématique des pièces de résection glandulaire chez 66 patientes, retrouvait des lésions carcinomateuses dans 40 % des cas dont 23 % de cancers infiltrants (17). Cette incidence sans commune mesure avec le taux de cancer controlatéral de 10 % retrouvé dans les séries classiques, s’explique par un taux important de lésions in situ de bon pronostic qui seraient restées latentes sans grever le pronostic vital ou de lésions ne modifiant pas la survie globale. Après une plastie de réduction, qu’elle soit réalisée dans un but purement esthétique ou dans le cadre d’une chirurgie oncoplastique, Il est utile de posséder des clichés de référence pour différencier les phénomènes cicatriciels des anomalies d’origine tumorale (27). Une densification tissulaire d’apparition récente ou une modification des images de convergence même non spécifique doit attirer l’attention et inciter à proposer un contrôle rapproché à 6 mois. Lorsqu’un doute persiste et qu’il n’y a pas d’expression clinique, un prélèvement guidé voire une IRM peuvent s’avérer utile (30, 31).

3.2. Cancer du sein traité et récidive dans le lit de tumorectomie La mammographie reste l’examen de base dans la surveillance locale après traitement conservateur d’un cancer du sein. La sensibilité de la mammographie est dans ce cas inférieure à celle d’une mammographie de dépistage en raison des modifications postthérapeutiques pouvant gêner l’analyse (14). La première mammo-

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Fig. 4 : a b c

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Patiente âgée de 41 ans suivie pour sclérose en plaque. Elle présente à la mammographie une zone de désorganisation architecturale à gauche. L’examen clinique et l’échographie sont normaux. Incidence de face gauche, incidence de profil gauche. La patiente refuse la chirurgie en raison de sa maladie. La microbiopsie sous stéréotaxie montre des lésions de nécrose adipeuse. Un antécédent traumatique est retrouvé à posteriori et l’image reste stable avec 5 ans de recul. 41 years old woman with a multiple sclerosis. Discovery of an architectural disorganisation on mammography with normal clinical examination and normal sonography. left cranio caudal view, left medio lateral view. Because of her illness, surgery is refused by patient. stereotaxic guided core biopsy is performed and fat necrosis is found. Then this woman remembers a traumatism. Five years later, no change has occured.

graphie faite en général 3 à 6 mois après la fin du traitement servira de référence pour le suivi ultérieur. Elle a pour but de vérifier l’absence de lésion résiduelle et surtout d’apprécier les modifications post-thérapeutiques permettant ainsi le suivi évolutif des images cicatricielles, grâce à la comparaison des clichés successifs (fig. 3). Les images post-thérapeutiques se présentent sous divers aspects. Lorsqu’elles se manifestent par une désorganisation architecturale, cela peut aller de la simple désorganisation des travées fibreuses à l’image stellaire. Les anomalies seront d’autant plus importantes que la chirurgie aura été large avec de grands décollements glandulaires. La cicatrice peut prendre un aspect inquiétant sous forme d’opacité à contour spiculé difficile à différencier d’une image maligne. On notera en faveur de l’origine cicatricielle le centre peu dense et la variabilité de l’aspect selon l’incidence. La cicatrice « s’étale », perdant son caractère nodulaire. L’échographie est souvent peu informative, retrouvant dans le site opératoire une zone mal limitée très hypoéchogène avec atténuation postérieure du faisceau ultrasonore. Cet aspect se modifie suivant le plan de la sonde, souvent linéaire dans un sens et nodulaire dans le plan orthogonal. La nécrose adipeuse ou cytostéatonécrose, liée à la saponification des graisses après un traumatisme est fréquente en cas d’hématome post-opératoire et de radiothérapie complémentaire. Elle

peut aussi se produire après un traumatisme parfois passé inaperçu (fig. 4). L’aspect mammographique est variable (15). Si l’aspect typique est représenté par une image claire, ronde ou ovale, finement cerclée, elle peut aussi paraître plus suspecte avec un aspect de convergence à centre clair. Une augmentation de taille, une majoration de la densité optique de cette cicatrice fibreuse ou une majoration progressive de la distorsion dans le site opératoire doit être suspecte de récidive locale et entraîner la réalisation de clichés complémentaires, échographies, prélèvements guidés. L’IRM reste l’exploration de choix en cas de modification du site de tumorectomie (23). Dans ce contexte, la sensibilité et la spécificité sont excellentes. Cet examen est donc déterminant pour faire le diagnostic différentiel entre fibrose post-thérapeutique et rechute locale. Selon les séries, la sensibilité varie entre 75 % et 100 % et la spécificité entre 85 % et 100 % (4). Il faut connaître l’existence de faux positif sur des lésions de cytostéatonécrose (39).

Conclusion Les images de distorsion architecturale sont classiques mais représentent moins de 10 % des images suspectes. La valeur diagnostique des anomalies est très variable selon les séries qui ne J Radiol 2004;85

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sont homogènes, ni dans la sélection de la population étudiée, ni dans la définition des images retenues, ni dans les procédures diagnostiques utilisées. Dès lors que l’on peut éliminer avec certitude une image construite, Il appartient au sénologue de tout mettre en œuvre pour obtenir un diagnostic histologique fiable. Les séries récentes s’appuient sur des recommandations de surveillance d’anomalie à faible probabilité de malignité. D’autres bénéficient de prise en charge plus invasive, facilitée par le développement des techniques de mammographie interventionelle. Les risques de sous-estimation diagnostique sont encore mal évalués et l’exérèse chirurgicale reste la règle devant une image pseudo stellaire. Les images cicatricielles sont rassurantes mais il faut savoir repérer des modifications même minimes. Elles sont d’autant plus suspectes qu’elles surviennent chez une femme présentant des antécédents carcinologiques. Elles nécessitent alors une conduite à tenir adaptée au contexte. Même pour un radiologue sénologue expérimenté, les images de distorsion restent une source d’erreur et d’errance diagnostique nécessitant une stratégie maîtrisée.

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