Douleurs thoraciques et scintigraphie myocardique : à propos de 171 cas

Douleurs thoraciques et scintigraphie myocardique : à propos de 171 cas

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Article original

Douleurs thoraciques et scintigraphie myocardique : à propos de 171 cas Chest pain and myocardial scintigraphy: About 171 cases R. Sfar a,d,*, H. Khlifi d, T. Kamoun d, H. Regaieg d, M. Nouira b,d, M. Ben Fredj b,d, A. Toumi d, N. Ayachi c,d, M. Guezguez b,c, K. Chatti a,d, H. Essabbah a,d a

Faculté de médecine de Monastir, université de Monastir , avenue Avicenne, 5019 Monastir, Tunisie Faculté de médecine de Sousse, université de Sousse , rue Mohamed Karoui, 4002 Sousse, Tunisie c Faculté de pharmacie de Monastir, université de Monastir , rue Ibn Sina, 5000 Monastir, Tunisie d Service de médecine nucléaire, centre hospitalo-universitaire de Sahloul, route de Ceinture, Sahloul 4054 Sousse, Tunisie b

Reçu le 19 juin 2013 ; accepté le 10 septembre 2013 Disponible sur Internet le 16 octobre 2013

Résumé But de l’étude. – Rechercher une corrélation entre les facteurs épidémiologiques, les facteurs de risque et les antécédents et les résultats de la scintigraphie myocardique selon le type de la douleur et discuter la place de la scintigraphie dans l’orientation diagnostique et la prise en charge. Patients et méthodes. – Il s’agit d’une étude rétrospective portant sur 171 patients présentant des douleurs thoraciques typiques (DTT) ou atypiques (DTA), adressés pour scintigraphie myocardique. Résultats. – La moyenne d’âge était de 59 ans avec une nette prédominance féminine. La fréquence des facteurs de risque (tabac, diabète, hypertension artérielle, hyperlipidémie, antécédents cardiaques et hypothyroïdie) était respectivement de 21,6 %, 39,8 %, 73,7 %, 25,1 %, 11,1 % et 6,4 %. La DTA était retrouvée chez 57,9 % des patients, elle était plus fréquente chez les femmes (59,8 %). La scintigraphie myocardique était pathologique chez 36,8 % des patients. Elle était normale dans 59,7 % de cas chez les patients présentant une DTT et dans 65,7 % des cas chez les patients présentant une DTA. Cette différence est non significative. La scintigraphie normale était plus fréquente chez les femmes (67 %) que chez les hommes (55,9 %) et particulièrement fréquente (83,3 %) chez les sujets jeunes ( < 40 ans). Par contre, tous les patients qui avaient une scintigraphie anormale avaient une coronarographie anormale avec une concordance statistiquement significative. Ainsi, la sensibilité de la scintigraphie est de 100 %, sa spécificité de 66,6 %, sa valeur prédictive positive de 57,1 % et sa valeur prédictive négative de 100 %. Conclusion. – La scintigraphie myocardique permet d’offrir une aide précieuse aux cliniciens, permettant de préciser le diagnostic étiologique et d’évaluer le pronostic d’une douleur thoracique. # 2013 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. Mots clés : Douleur thoracique ; Scintigraphie myocardique ; Ischémie ; Maladie coronaire ; Coronarographie

Abstract Study aim. – To find a correlation between epidemiological factors, risk factors and history and the results of myocardial scintigraphy according to the type of pain and discuss the role of scintigraphy in the diagnosis and therapeutic care. Patients and methods. – Our study is retrospective, on 171 patients with typical chest pain (TCP) or atypical (ACP), addressed for myocardial scintigraphy. Results. – Female predominance was clear. Average age was 59 years. Frequency of risk factors: smoking, diabetes, hypertension, hyperlipidemia, history of heart disease and hypothyroidism was respectively 21.6%, 39.8%, 73.7%, 25.1%, 11.1% and 6.4%. ACP was found in 57.9% of patients, it was more common among women (59.8%). Scintigraphy was abnormal in 36.8% of patients. Scintigraphy was normal in 59.7% of patients with TCP. In the case of ACP, scintigraphy was normal in 65.7%. This difference is not significant. All patients having abnormal scintigraphy had abnormal coronary angiography with a statistically significant correlation. Normal scintigraphy was more frequent (83.3%) in young patients

* Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (R. Sfar). 0928-1258/$ – see front matter # 2013 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. http://dx.doi.org/10.1016/j.mednuc.2013.09.019

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( < 40 years) and more common in women (67%) than men (55.9%). The sensitivity of scintigraphy is 100%. Its specificity is 66.6%. Its PPV of 57.1%. Its VPN is 100%. Conclusion. – Myocardial scintigraphy can help clinicians to identify the etiologic diagnosis and assess the prognosis of chest pain. # 2013 Elsevier Masson SAS. All rights reserved. Keywords: Chest pain; Myocardial scintigraphy; Ischemia; Coronary artery disease; Coronary angiography

1. Introduction La douleur thoracique est une cause très fréquente de consultation et correspond à plus de 50 % des motifs d’hospitalisation en cardiologie. Il s’agit d’un symptôme très fréquent qui pose le problème du diagnostic étiologique extrêmement varié, mais qui reste dominé par les causes cardiovasculaires et, en particulier, l’insuffisance coronaire. Les examens cliniques et paracliniques permettent souvent d’orienter le diagnostic. Parmi les moyens d’investigation non invasifs, la scintigraphie myocardique est celui qui présente la plus grande sensibilité pour la détection de l’ischémie. Cet examen permet aussi d’étudier l’extension et la sévérité de l’affection et d’en approcher ainsi le pronostic. La scintigraphie myocardique ne se conçoit pas comme une méthode qui se substituerait à des examens actuellement bien ancrés dans les habitudes du cardiologue, telle que la coronarographie qui reste l’examen de référence dans la maladie coronaire, mais plutôt comme un examen complémentaire dont la nature fonctionnelle de ses résultats lui confère une place de choix dans l’investigation d’une coronaropathie. Les explorations isotopiques en cardiologie ont connu un regain d’intérêt grâce à la synchronisation avec l’électrocardiogramme (Gated SPECT). Dans ce travail, nous nous sommes fixés les objectifs suivants :  rechercher une corrélation entre les facteurs épidémiologiques (âge, sexe), les facteurs de risque et les résultats de la scintigraphie myocardique selon le type de la douleur ;  établir l’influence des antécédents personnels sur les résultats de la scintigraphie ;  relever l’influence des résultats de la scintigraphie myocardique sur la conduite thérapeutique ;  discuter la place de la scintigraphie myocardique devant une douleur thoracique.

2. Patients et méthodes Nous présentons une étude rétrospective sur deux ans allant de janvier 2008 à décembre 2010 et qui a porté sur 171 patients ayant tous bénéficié d’une scintigraphie myocardique au service de médecine nucléaire du CHU de Sahloul où ils ont été adressés pour bénéficier de cette exploration scintigraphique à la suite de douleurs thoraciques. Nous avons inclus dans notre étude les patients qui consultaient pour douleurs thoraciques typiques ou atypiques, quel que soit le sexe. Par

contre, nous avons exclu les patients qui ne présentaient pas de douleur thoracique ou qui étaient adressés à la recherche de viabilité myocardique. Pour chaque patient nous avons relevé :  les données épidémiologiques et démographiques (âge, sexe, origine) ;  les facteurs de risque (tabac, diabète, hypertension artérielle, hyperlipidémie, hérédité familiale, stress) ;  les antécédents (cardiaques, pulmonaires, digestifs, rhumatologiques, artériopathie des membres inférieurs et psychologiques) ;  les caractéristiques de la douleur thoracique (type, siège, irradiation, mode de déclenchement, durée, sensibilité à la trinitrine) ;  les données des examens paracliniques précédant la scintigraphie myocardique (ECG, épreuve d’effort, coronarographie, échographie cardiaque) ;  le déroulement de la tomoscintigraphie myocardique (radiotraceur utilisé, test de stimulation, protocole d’acquisition, synchronisation) ;  les données de la scintigraphie myocardique (perfusion, cinétique et épaississement de la paroi, fraction d’éjection ventriculaire) ;  l’existence ou non d’un contrôle coronarographique ou échographique ;  L’existence ou non d’une ligne thérapeutique (pontage, angioplastie, traitement médical). Les données ont été saisies et analysées au moyen du logiciel SPSS 18.0 pour Windows1. Pour analyser les variables qualitatives, nous avons calculé des fréquences simples et des fréquences relatives (pourcentages). Nous avons, par ailleurs, eu recours au « test t de Khi2 » pour étudier les différentes corrélations. Nous avons fixé une valeur « seuil » de 5 % pour les associations significatives, ce qui correspond à un intervalle de confiance de 95 %. Pour analyser les variables quantitatives, nous avons calculé des moyennes et des écarts-types (déviations standards) et nous avons déterminé les valeurs minimales et maximales. Nous avons également eu recours aux tests de sensibilité, spécificité, valeur prédictive positive (VPP) et valeur prédictive négative (VPN). 3. Résultats Les patients de notre série étaient caractérisés par une prédominance féminine (sexe ratio de 0,53) avec une moyenne d’âge de 59 ans.

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448 Tableau 1 Nombre de patients selon le radiotraceur. Patients number by radiotracer.

MIBI Myoview Thallium Total

Nombre

Pourcentage

2 126 43 171

1,2 73,7 25,1 100

La douleur thoracique atypique (DTA) était retrouvée chez 57,9 % des patients avec une légère prédominance chez les femmes (59,8 %). La douleur thoracique typique (DTT) était plus fréquente chez les patients jeunes (66,7 %) ayant un âge inférieur à 40 ans. Par contre, la DTA était plus fréquente chez les patients âgés de plus de 40 ans (58,8 %). Les fréquences des facteurs de risque (tabac, diabète, hypertension artérielle, hyperlipidémie, antécédents cardiaques et hypothyroïdie) dans notre série étaient, respectivement, de 21,6 %, 39,8 %, 73,7 %, 25,1 %, 11,1 % et 6,4 %. Nous n’avons pas trouvé de corrélation statistiquement significative entre les facteurs épidémiologiques (âge, sexe), les facteurs de risque (tabac, diabète, hypertension artérielle, hyperlipidémie) et le type de douleur thoracique. Par contre, il existe une relation statistiquement significative entre l’hérédité familiale, l’hypothyroïdie et le type de la douleur. Un électrocardiogramme (ECG) a été réalisé chez tous nos patients. Il était anormal dans 38 % des cas. Parmi les 65 patients qui avaient un ECG anormal, 50 avaient un trouble de la repolarisation et 15 avaient un trouble de la conduction. Une épreuve d’effort a été réalisée chez 54 patients. Elle était normale dans 12 cas (7 %), anormale dans 6 cas (3,5 %) et douteuse dans 36 cas (21,1 %). Une échographie cardiaque a été réalisée chez 26 patients. Elle était normale dans 12 cas (7 %) et anormale dans 14 cas (8,2 %). Dans notre série, 13 patients (7,6 %) ont eu une coronarographie avant de faire la scintigraphie myocardique. Elle était normale dans 9 cas (5,3 %) et anormale dans 4 cas (2,3 %). L’IVA était l’artère coronaire la plus atteinte (57,1 % des atteintes). Du point de vue du protocole d’exploration scintigraphique, le Myoview1-99mTc était le radiotraceur le plus utilisé (73,7 %) (Tableau 1). Le stress pharmacologique à la Dipyridamole (Persantine1) a été réalisé chez 151 patients soit 88,3 % des cas, suivi de l’épreuve d’effort menée sur bicyclette ergométrique (11,6 %). La scintigraphie myocardique en mode synchronisé a été pratiquée chez 170 patients. Le mode asynchrone a été réalisé chez un seul patient à cause d’un sévère trouble du rythme. Dans notre population, une scintigraphie était normale chez 108 patients (63,2 %) et pathologique chez 63 patients (36,8 %). Une ischémie myocardique était présente chez 60 patients et une nécrose myocardique était retrouvée chez 3 patients. La scintigraphie était normale dans 59,7 % des cas et anormale dans 40,3 % des cas chez les patients présentant une

Tableau 2 Relation entre le type de douleur thoracique et le résultat de la scintigraphie myocardique. Relationship between chest pain type and myocardial scintigraphy result. Résultats scintigraphie Normale Douleur thoracique Typique Nombre Pourcentage Atypique Nombre Pourcentage Total Nombre Pourcentage

Total

Anormale

43 59,7

29 40,3

72 100

65 65,7

34 34,3

99 100

108 63,2

63 36,8

171 100

DTT. Dans le cas de DTA, la scintigraphie était normale dans 65,7 % et anormale dans 34,3 % des cas (Tableau 2). La scintigraphie normale était plus fréquente (83,3 %) chez les sujets jeunes ( < 40 ans). Elle était plus fréquente chez les femmes (67 %) que chez les hommes (55,9 %). Nous n’avons pas trouvé de corrélation statistiquement significative entre le type de la douleur, les facteurs épidémiologiques (âge, genre), les facteurs de risque (tabac, diabète, hypertension artérielle, hyperlipidémie) et le résultat de la scintigraphie. Par contre, il existe une relation statistiquement significative entre l’hérédité familiale, les antécédents cardiaques et le résultat de la scintigraphie. Une scintigraphie normale était légèrement plus fréquente chez les patients ayant un ECG normal (64,2 %) que ceux ayant un ECG pathologique (61,5 %), sans toutefois de différence statistiquement significative (Tableau 3). Les patients dont l’épreuve d’effort était anormale avaient les mêmes proportions de scintigraphie normale et anormale (Tableau 4). Pour ce qui est des résultats de la coronarographie, de l’échocardiographie et de la scintigraphie myocardique, une corrélation satisfaisante a été retrouvée entre la scintigraphie et l’échocardiographie, d’une part, et entre la coronarographie Tableau 3 Relation entre le résultat de l’électrocardiogramme et le résultat de la scintigraphie. Relationship between ECG result and scintigraphy result. Résultat scintigraphie Normale ECG Normal Nombre Pourcentage Anormal Nombre Pourcentage Total Nombre Pourcentage

Total

Anormale

68 64,2

38 35,8

106 100

40 61,5

25 38,5

65 100

108 63,2

63 36,8

171 100,0

R. Sfar et al. / Médecine Nucléaire 37 (2013) 446–450 Tableau 4 Relation entre le résultat de l’épreuve d’effort et le résultat de la scintigraphie. Relationship between stress test result and scintigraphy result. Résultat scintigraphie

Epreuve d’effort Normale Nombre Pourcentage Anormale Nombre Pourcentage Douteuse Nombre Pourcentage Total Nombre Pourcentage

Total

Normale

Anormale

8 66,7

4 33,3

12 100,0

3 50,0

3 50,0

6 100,0

26 72,2

10 27,8

36 100,0

37 68,5

17 31,5

54 100,0

Tableau 5 Relation entre le résultat de l’échographie cardiaque et le résultat de la scintigraphie. Relationship between echocardiography result and scintigraphy result. Résultat scintigraphie Normale Re´sultat e´chographie cardiaque Normale Nombre 8 66,7 Pourcentage Anormale Nombre 4 Pourcentage 28,6 Total Nombre 12 Pourcentage 46,2

Total

Anormale

4 33,3

12 100

10 71,4

14 100

14 53,8

26 100

et la scintigraphie, d’autre part ; en effet, deux tiers des patients ayant eu une échographie normale avaient aussi une scintigraphie normale (66,7 %), alors que 71,4 % des patients qui ont présenté une échographie antérieure anormale avaient une scintigraphie anormale. Cette corrélation était statistiquement significative p < 0,05 (Tableau 5). De même, deux tiers des patients ayant une scintigraphie normale avaient aussi une coronarographie normale (66,7 %). Par contre, tous les patients qui avaient une scintigraphie anormale avaient une coronarographie anormale avec une corrélation statistiquement significative. Afin d’évaluer les performances de la scintigraphie, nous avons pris la coronographie comme examen de référence, ce qui nous a permis de sortir les résultats suivants :    

la sensibilité de la scintigraphie est de 100 % ; sa spécificité est de 66,6 % ; sa VPP est de 57,1 % ; sa VPN est de 100 %.

4. Discussion La maladie coronarienne est un véritable problème de santé publique dans les pays développés où elle représente la

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principale cause de mortalité et de morbidité. Aux États-Unis d’Amérique, sa prévalence est d’environ 7,3 % et elle représente la première cause de mortalité avant les cancers avec un taux de plus de 50 % [1]. En France, sa prévalence est de 3,9 % et le nombre de décès annuel par maladie coronarienne est estimé à 46 000 [1]. En Tunisie, les cardiopathies ischémiques ont été estimées à 12,5 % chez les hommes et à 20,3 % chez les femmes [2]. Dans notre série, l’âge moyen de nos patients était de 59  10 ans. Les sujets ayant un âge inférieur à 40 ans représentaient 3,5 % de l’ensemble des patients. On sait que les lésions athéromateuses, qui sont plus fréquentes chez les patients âgés, font que la survenue des maladies ischémiques augmente avec l’âge. La plupart des auteurs trouvent une prédominance de la pathologie cardiaque ischémique chez les sujets âgés chez qui les artères périphériques deviennent souvent tortueuses et plus fragiles et, de ce fait, ils présentent une moins bonne tolérance aux actes diagnostiques et thérapeutiques [3]. Nous avons trouvé aussi, dans notre étude, que la DTA était plus fréquente chez les sujets âgés (58,8 %), ceci peut être expliqué par le fait qu’à cet âge la DTA est plus fréquente en raison, en particulier, des pathologies dégénératives et digestives. Pour cette population de personnes âgées, le cardiologue aura tendance à avoir recours à la scintigraphie plus facilement car l’épreuve d’effort physique devient soit non réalisable, soit non interprétable. Dans notre étude, les patients ayant un âge supérieur ou égal à 40 ans (62,4 %) présentaient plus de scintigraphie normale. Ceci peut être expliqué par le fait que la présence de sténoses ou de calcifications à cet âge n’engendre pas toujours un effet sur la perfusion myocardique (sténose non serrée, développement de suppléance par une circulation collatérale). Pour ce qui est du sexe ratio, il y avait une prédominance féminine : 112 femmes (65,5 %) et 59 hommes (34,5 %), mais les femmes présentaient plus de douleurs thoraciques atypiques (59,8 %) et plus de scintigraphies normales (67 %). Ceci est probablement dû à la présence de lésions coronaires moins sévères et moins étendues que chez les hommes [4]. Face à une symptomatologie évocatrice d’un angor, la coronarographie retrouve un réseau coronaire normal ou sans lésion significative chez plus de 50 % des femmes, contre seulement 17 % des hommes [5,6]. Les facteurs de risque (tabagisme, hypertension artérielle, diabète, hypercholestérolémie) sont souvent intriqués. Plus les patients ont des facteurs de risque cardiovasculaires (FDRCV), plus la probabilité de survenue de la maladie coronaire est grande. Dans notre étude, nous n’avons pas retrouvé de relation statistiquement significative, ni entre les facteurs de risque et la douleur thoracique ni entre les facteurs de risque et les données de la scintigraphie myocardique [2]. La proportion de scintigraphies normales et anormales était variable dans ces études puisque la population était non homogène, mais le pourcentage des résultats normaux était toujours supérieur ou égal à 50 %. Ainsi, la plupart des auteurs [7,8] recommandent souvent de pratiquer une scintigraphie myocardique chaque fois qu’il est possible d’éviter aux patients

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Tableau 6 Variation de la proportion de scintigraphies normales et anormales selon les différentes études. Variation in the proportion of normal and abnormal scintigraphy according to different studies.

I. Tahirou et al. [1] Hachamovich et al. [9] DiCarlo LA Jr et al. [8] Notre étude

Scintigraphie normale (%)

Scintigraphie anormale (%)

59,46 74 50 63,2

40,54 26 50 36,8

certaines explorations complémentaires agressives et coûteuses (Tableau 6). Dans notre étude, la sensibilité de la scintigraphie est de 100 %. Sa spécificité est de 66,6 %. Sa VPP est de 57,1 %. Sa VPN est de 100 %. La tomoscintigraphie myocardique a une sensibilité de 85 à 90 % et une spécificité de 70 à 90 %. En complétant l’exploration par une quantitative Gated SPECT (QGS), la sensibilité et la spécificité de la tomoscintigraphie myocardique augmentent et atteignent, respectivement, 91 % et 90 % [1,9,10]. Après la réalisation de la scintigraphie, un traitement médical a été entrepris chez 47 patients (27,5 %), une angioplastie dans 3 cas (1,8 %) et un pontage dans un seul cas (0,6 %). La scintigraphie, en plus de son apport diagnostique, joue un rôle dans la décision thérapeutique. Hachamovitch a établi une relation entre l’étendue de l’ischémie scintigraphique et l’optimisation de la conduite thérapeutique [9]. Le traitement médical est plus performant lorsque l’ischémie scintigraphique préthérapeutique est peu étendue, inférieure à 10 % du myocarde total. Au-delà de cette valeur seuil, le traitement par revascularisation s’avère plus performant [9,10]. 5. Conclusion La scintigraphie myocardique s’est révélée être un moyen non invasif performant pour l’exploration des douleurs

thoraciques afin de préciser le diagnostic étiologique et d’orienter la prise en charge thérapeutique.

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