Science & Sports 18 (2003) 141–149 www.elsevier.com/locate/scispo
Article original
Dynamique de la locomotion en fauteuil roulant manuel : influences de la masse totale et de sa répartition antéropostérieure sur la résultante des forces de freinage Dynamics of manual wheelchair locomotion: influences of the level and the fore-and-aft distribution of the total mass on the resultant braking force N. de Saint Rémy *, P. Vaslin, M. Dabonneville, L. Martel, A. Gavand Laboratoire d’informatique, de modélisation et d’optimisation des systèmes (Limos-UMR 6158 du CNRS), université Blaise-Pascal, Clermont-Ferrand II, bâtiment ISIMA, campus des Cézeaux, BP 125, 63173 Aubière cedex, France Reçu le 5 janvier 2001 ; accepté le 8 juillet 2002
Résumé Objectif. – Cette étude présente une nouvelle méthode de détermination de la résultante des forces de freinage lors du déplacement en fauteuil roulant et analyse les influences respectives de la masse du système et de sa répartition. Méthode et résultats. – La décélération du système masse-fauteuil est mesurée par un accéléromètre tridimensionnel fixé sous le siège du fauteuil. Trois masses (50, 70 et 90 kg) sont placées sur un support de façon à obtenir 3 répartitions de la masse du système sur les roues avant (10, 40 et 70 %). Pour chacune des 9 combinaisons, une série de 15 essais est réalisée. Les résultats statistiques montrent que la décélération du système est expliquée à 92 % par la répartition sur les roues avant, contre 8 % par la masse totale du système. Conclusion. – Compte tenu des mouvements antéropostérieurs du centre de masse du sujet lors de la locomotion en fauteuil roulant, les résultats de cette étude laissent supposer que la résultante des forces de freinage n’est pas constante au cours du cycle de propulsion. La méthode proposée pourrait également être utilisée pour étudier l’influence des caractéristiques du fauteuil et du sol sur la résultante des forces de freinage. © 2003 Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés. Abstract Purpose. – This study presents a new method for determining the resultant braking force during wheelchair displacement and investigates the respective effects of the level and the distribution of the system’s mass. Method and results. – A three-dimensional accelerometer was fixed directly under the seat of wheelchair and was used to measure the deceleration of the mass-and-wheelchair’s system. Three masses (50, 70 and 90 kg) were laid on a support in 3 positions corresponding to three distributions (10, 40 and 70%) of the system’s total mass upon the front casters. A series of 15 deceleration trials was performed for each of the 9 combinations. Statistical results showed that the system’s deceleration was mainly explained by the mass distribution upon the front casters (92%) and in the least by the system’s total mass (8%). Conclusion. – Considering the fore-and-aft movements of the subject’s centre of mass during wheelchair locomotion, the results of this study let us assume that the resultant braking force does not remain constant along the propulsion cycle. Moreover, the present method could be used to investigate the influence of wheelchair’s adjustments and floor’s characteristics on the resultant braking force. © 2003 Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS. All rights reserved. Mots clés : Accéléromètre ; Fauteuil roulant ; Forces de freinage Keywords: Accelerometer; Wheelchair; Braking forces
* Auteur correspondant. Adresse e-mail :
[email protected] (N. de Saint Rémy). © 2003 Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés. DOI: 10.1016/S0765-1597(03)00076-5
142
N. de Saint Rémy et al. / Science & Sports 18 (2003) 141–149
1. Introduction À partir du début des années 1970 et dans le but d’améliorer les connaissances concernant les déplacements en fauteuil roulant, des chercheurs ont mis au point des appareils de laboratoire pour mesurer ou calculer facilement différents paramètres physiologiques ou biomécaniques tels que la dépense énergétique, la puissance mécanique exercée par le sujet ou encore le rendement mécanique de la propulsion [2,11]. La description de ces systèmes ainsi que le bilan de l’ensemble de la recherche effectuée au cours de cette décennie sont regroupés dans une revue de littérature très complète [9]. Depuis cette époque, plusieurs équipes de recherche ont conçu et réalisé différents types d’ergomètres aux caractéristiques très variables [12,17–19]. La diversité de ces appareils pose un problème récurrent qui limite souvent la comparaison des résultats entre les différentes études, à savoir la détermination de la résultante des forces de résistance à º l’avancement 共 F ra 兲 contre laquelle le sujet doit lutter en permanence lorsqu’il se déplace. Or, la plupart des auteurs reconnaît que cette résultante est un élément essentiel à prendre en compte pour calculer la puissance mécanique développée par le sujet [1,5,21,27]. Une des premières méthodes de référence pour la détermis nation de Fra a été mise en œuvre en laboratoire en 1986 [4,21] : un sujet se tenait immobile dans un fauteuil placé sur s un tapis roulant et Fra était mesurée directement à l’aide d’un capteur de force fixé sur un système rigide qui maintenait le fauteuil (méthode du drag-test). Cette méthode précise est particulièrement adaptée aux études sur tapis roulant, mais ses résultats sont difficilement transposables aux conditions réelles de déplacement en dehors du laboratoire. Il en est de même pour une autre méthode de type cinétique qui consiste à calculer le coefficient de frottement de roulement des roues avant et des roues arrière du fauteuil en utilisant une plateforme de forces [14]. Afin de contourner cette limite, d’autres auteurs ont utilisé des méthodes cinématiques [3,5,27] pour calculer la décélération moyenne du fauteuil au cours d’une phase de roue libre sur le terrain. Connaissant la masse du système et en appliquant la 2e loi de Newton, ils ont s ensuite pu estimer Fra La principale limite de ces dernières méthodes tient dans leur faible précision car elles reposent sur la mesure des intervalles de temps mis par le fauteuil soit pour parcourir un tour de roue, c’est à dire deux mètres environ dans l’étude de Coutts [5], soit pour couvrir des distances de six et dix mètres dans les études de Bougenot et al. [3] et Vinet et al. [27], respectivement. De plus, les décélérations calculées dans ces études sont supposées constantes et sont obtenues par dérivation de vitesses moyennes, méthode qui peut être elle-même source d’incertitude. Auparavant, plusieurs études ont montré que la force de s freinage Fra pouvait être directement influencée par divers paramètres tels que la vitesse de déplacement du fauteuil [4,5,21] ou encore la masse du sujet [5,6,27]. Certains auteurs ont suggéré que les mouvements du buste du sujet
s provoqueraient une modification de Fra due à la variation de la répartition de la masse du sujet sur les roues avant [14,19,26,27]. Jusqu’à présent, une seule étude exploratoire [15] a montré que les forces de freinage étaient différentes lorsque le sujet était appuyé contre le dossier du fauteuil ou penché en avant. Cependant, cette étude est restée très globale et ne précise ni les valeurs de répartition de la masse totale étudiée, ni les valeurs de décélération ou de force de freinage obtenue. Les conclusions de cette analyse des travaux relatifs aux forces de freinage agissant sur le fauteuil montrent la nécess sité de développer une méthode précise pour déterminer Fra sur le lieu même de l’expérimentation, mais également pour étudier l’influence de divers paramètres (masse du sujet, réglages du fauteuil) sur les forces de résistance à l’avancement rencontrées lors des déplacements en fauteuil roulant. Bien qu’elle soit relativement peu utilisée en biomécanique [13,16,20], l’accélérométrie nous a semblé convenir parfaitement à la mesure directe et en continu de la décélération du système sujet-fauteuil due aux forces de résistance à l’avancement lors de tests réalisés sur le terrain. En effet, cette technique prend en compte globalement et simultanément les caractéristiques de la liaison mécanique entre les roues et la surface sur laquelle se déplace le fauteuil et la résistance aérodynamique du système. La présente étude a donc pour objectifs : (a) de proposer une nouvelle méthode de détermis nation de Fra en utilisant un accéléromètre tri-axial et (b) d’évaluer les influences respectives de la masse totale du système et de sa répartition entre les roues avant et arrière sur la résultante des forces de freinage. 2. Matériel et méthodes La deuxième loi de Newton établissant la relation directe entre l’accélération résultante d’un système et la résultante des forces appliquées sur ce système, il est apparu évident de chercher à quantifier les forces de freinage à partir de la mesure des décélérations du système sujet-fauteuil. Un accéléromètre tri-axial (Analog Devices, ADXL05EM-3, ± 5 g) a donc été fixé sous le siège du fauteuil, sur un support rigide solidaire du châssis. L’accéléromètre était relié directement à la chaîne d’acquisition par un câble blindé d’une dizaine de mètres de longueur. Les signaux étaient enregistrés sur un micro-ordinateur (type PC, 200 MHz) via une carte d’acquisition et de conversion analogique/numérique (National Instruments AT-MOI-64E-3) à une fréquence de 100 Hz. 2.1. Définition du modèle mécanique et des référentiels utilisés Par définition, le système sujet-fauteuil est composé de deux entités : le sujet, dont la masse ms est supposée concentrée en son centre de gravité Gs et le fauteuil, de masse mf et de centre de gravité Gf. Le centre de gravité du système sujet-fauteuil est défini par le point G, affecté de la masse
N. de Saint Rémy et al. / Science & Sports 18 (2003) 141–149
143
s • où : X représente le vecteur taux de rotation instantanée de RA par rapport à R ; s dX ` s AG représente l’accélération tangentielle du dt point G par rapport à A ; s s s X ` 共 X ` AG 兲 représente l’accélération centripète de G par rapport à A. L’accélération relative est la conséquence des mouvements de G par rapport au référentiel mobile lié au fauteuil. En faisant intervenir l’origine A du référentiel mobile RA dans la définition du centre de gravité du système sujetfauteuil, l’équation no 1 devient : Fig. 1. Représentation schématique des référentiels absolu R (O, X, Y, Z) et mobile (A, XA, YA, ZA) lié au fauteuil, et du centre de masse du système sujet–fauteuil (G).
totale (ms + mf) et barycentre des positions relatives de Gs et de Gf par rapport à G, pondérées par leurs masses respectives (ms et mf) : s s s ms . GG s + mf . GG f = 0
(1)
Les déplacements du système sujet-fauteuil sont généralement étudiés dans un référentiel terrestre, R (O, X, Y, Z), supposé galiléen (Fig. 1). Cependant, pour étudier les translations et les rotations du système dans R, il est indispensable d’utiliser un second référentiel, RA (A, XA, YA, ZA), lié au fauteuil. Dans cette étude, par commodité, l’origine A et les axes XA, YA et ZA de ce référentiel correspondaient à ceux de l’accéléromètre tri-axial fixé sur le fauteuil. Au début de chaque enregistrement, l’origine A du référentiel relatif RA était confondue avec l’origine O du référentiel absolu R ; en revanche, les axes de RA étaient orientés de manière quelconque par rapport à ceux de R. 2.2. Expression des accélérations du centre de gravité du système sujet-fauteuil Les lois de composition des mouvements d’un référentiel mobile (RA) par rapport à un référentiel absolu (R) démontrent que l’accélération absolue de G dans R 关 as 共 G/R 兲 兴 est égale à la somme de l’accélération d’entraînement de RA dans R 关 as 共 RA/R 兲 兴 de l’accélération relative de G dans s s RA 关 a 共 G/RA 兲 兴 et de l’accélération de Coriolis 共 a c 兲 : as 共 G/R 兲 = as 共 RA/R 兲 + as 共 G/RA 兲 + as c
(2)
In extenso, l’accélération d’entraînement correspond à la somme de l’accélération linéaire de l’origine A du référentiel s RA dans R 关 a 共 A/R 兲 兴 et des accélérations tangentielle et centripète générées par les éventuelles rotations du référentiel mobile RA par rapport à R : s s s s s as 共 RA/R 兲 = as 共 A/R 兲 + dX ` AG + X ` 共 X ` AG 兲 dt
(3)
s AG =
ms mf s s . AG s + . AG f ms + mf ms + mf
(4)
s s s • où : AG , AG s et AG f représentent respectivement les vecteurs positions des points G, Gs et Gf dans le référentiel mobile RA. Par conséquent, la dérivée seconde de l’équation no 4 donne l’expression de l’accélération relative de G en fonction des accélérations de Gs et de Gf dans le référentiel mobile RA : ms mf s . as 共 Gs/RA 兲 + . as 共 Gf/RA 兲 (5) a 共 G/RA 兲 = ms + mf ms + mf Enfin, l’accélération de Coriolis est généralement exprimée par le produit vectoriel du vecteur taux de rotation s instantanée 共 X 兲 et de la vitesse relative de G dans s RA 关 v 共 G/RA 兲 兴 : s s as c = 2 .X ` v 共 G/RA 兲
(6)
En remplaçant les équations no 3, 5 et 6 dans l’équation n° 2, l’accélération de G dans le référentiel absolu R s’exprime de manière générale par la relation suivante : s s s s s s s dX ` AG + X ` 共 X ` AG 兲 a 共 G/R 兲 = a 共 A/R 兲 + dt ms mf + . as 共 Gs/RA 兲 + . as 共 Gf/RA 兲 ms + mf ms + mf s + 2 . X ` vs 共 G/RA 兲 (7) Au-delà de son aspect théorique, l’équation no 7 montre que l’accélération du centre de masse du système sujetfauteuil dépend de plusieurs paramètres dont le vecteur taux de rotation instantanée du référentiel mobile RA par rapport s au référentiel fixe R共 X 兲 ou encore les accélérations relatives des centres de gravité du sujet et du fauteuil dans le référentiel RA. Dans le cas général, ces paramètres doivent être mesurés ou calculés afin de déterminer l’accélération absolue de G. Cependant, cela n’est pas nécessaire si le déplacement du fauteuil est étudié dans des conditions particulières qui permettent de simplifier l’équation no 7.
144
N. de Saint Rémy et al. / Science & Sports 18 (2003) 141–149
2.3. Étude d’un cas particulier : le test de décélération Le test de décélération proposé dans cette étude est réalisé en ligne droite sur un sol plat et horizontal, ce qui induit une première simplification par annulation des rotations du système par rapport aux axes du référentiel R (Fig. 1). En conséquence, toutes les composantes du vecteur taux de s s rotation instantanée sont nulles 共 X = 0 兲. De plus, en admettant que le fauteuil est constitué d’éléments rigides indéformables, son centre de gravité reste fixe par rapport au châssis, donc l’accélération relative de Gf est également nulle s s 关 a 共 Gf/RA 兲 = 0 兴 . En appliquant ces simplifications à l’équation n° 7, l’expression de l’accélération de G dans le référentiel absolu devient : s as 共 G/R 兲 = a 共 A/R 兲 +
ms s . a 共 Gs/RA 兲 ms + mf
(8)
À partir de cette équation, il est possible d’exprimer de manière simple l’accélération linéaire du fauteuil mesurée par l’accéléromètre, as 共 A/R 兲 en fonction de l’accélération absolue de G dans R et de l’accélération relative du centre de s gravité du sujet, a 共 Gs/RA 兲 : s as 共 A/R 兲 = a 共 G/R 兲 −
ms . as 共 Gs/RA 兲 ms + mf
(9)
L’objet de cette étude étant centré sur la détermination de la résultante des forces de freinage en fonction de la masse totale du système sujet-fauteuil et de sa répartition entre les roues avant et arrière, il était indispensable que les mesures ne soient pas perturbées par les mouvements du sujet. Celui-ci a donc été remplacé par des masses inertes de façon s à annuler le terme a 共 Gs/RA 兲 afin que l’accélération du centre de gravité du système puisse être directement mesurée par l’accéléromètre : s as 共 A/R 兲 = a 共 G/R 兲
(10)
2.4. Calcul de la résultante des forces de résistance à º l’avancement 共 F ra 兲 Lors du test de décélération, 3 forces externes s’applis quent sur le système masse-fauteuil : le poids P la réaction s normale du sol sur le système R N et la résultante des forces de s résistance à l’avancement Fra (Fig. 2). Cette dernière est composée de plusieurs forces qui s’opposent au mouvement : la résistance aérodynamique et les forces de frottement de roulement qui s’exercent aux points de contact entre les roues et le sol et au niveau des axes des roues. Par conséquent, la 2e loi de Newton permet d’écrire : s s º P +º RN + F ra = 共 ms + mf 兲 . a 共 A/R 兲
(11)
Fig. 2. Bilan des forces qui s’exercent sur le système sujet–fauteuil. La s réaction normale se décompose en deux parties R N1 la réaction normale qui s s’applique sur les roues avant et R N2 qui s’applique sur les roues arrière. Par s s s suite : R N = R N1 + R N2.
s Comme le test est réalisé sur le plat, R N est d’égale s intensité et de sens opposé à P . La somme vectorielle de ces deux forces étant nulle, l’équation no 11 se réduit à : s º F ra = 共 ms + mf 兲 . a 共 A/R 兲
(12)
Bien que cette expression fasse apparaître la relation directe entre la masse totale du système et la résultante des forces de résistance à l’avancement, il est important de noter que toutes les composantes de celle-ci ne dépendent pas nécessairement de la masse (ex : résistance aérodynamique). L’équation no 12 permet donc d’étudier l’influence de la masse totale du système masse-fauteuil et de sa répartition antéropostérieure sur la décélération due à la résultante des forces de freinage. 2.5. Aménagement du fauteuil Le fauteuil utilisé était un modèle standard de basket-ball (marque Poirier) et possédait des grandes roues équipées de pneus à l’arrière (61 cm de diamètre) et des petites roues en plastique rigide à l’avant (13 cm de diamètre). Un support en bois était fixé sur le siège de façon à disposer des disques d’haltérophilie (10 g, 15 g et 20 kg) simulant la masse du sujet. Ceux-ci ont été pesés avec une précision de 10–2 kg et combinés pour composer 3 masses différentes (50 g, 70 g et 90 kg) correspondant aux caractéristiques pondérales de la majeure partie de la population adulte concernée par la locomotion en fauteuil roulant. Chacune des 3 masses a été placée successivement sur le support en 3 positions distinctes suivant l’axe antéropostérieur du fauteuil, de façon à obtenir 3 répartitions différentes de la masse totale du système sur les roues avant (Fig. 3a) : • répartition R10 : la masse totale était répartie à 10 % sur les roues avant et 90 % sur les roues arrière. Cette répartition extrême a été choisie car elle était proche de la position adoptée par les utilisateurs expérimentés pour franchir certains obstacles (exemple : bordures de trottoir) en se déplaçant sur les roues arrière (wheeling) ; • répartition R40 : la masse totale était répartie à 40 % sur les roues avant, ce qui correspond au réglage courant de la plupart des fauteuils roulants [1] ;
N. de Saint Rémy et al. / Science & Sports 18 (2003) 141–149
145
Fig. 3. a) Aménagement du fauteuil pour le test : la position de l’accéléromètre est repérée par le cercle sous le siège, les trois positions correspondant aux trois répartitions pour la masse de 90 kg sont schématisées par les cercles blancs. b) Un exemple de chargement : 90 kg sont placés de façon à répartir 70 % de la masse totale du système sur les roues avant.
• répartition R70 : la masse était répartie à 70 % sur les roues avant, ce qui correspond à la situation extrême où le sujet est complètement penché vers l’avant (Fig. 3b). De par la définition du centre de gravité du système sujetfauteuil (équation no 4), toute augmentation de la masse du sujet sur une position donnée du support produit une translation de G du côté de la masse additionnelle. Il a donc été nécessaire d’utiliser une plateforme de forces (T.S.R., 33Mérignac, France : 800 × 600 mm ; étendue de mesure : 5 kN ; sensibilité : 20 mV N) pour calculer la répartition de la masse du fauteuil à vide (15,4 kg) entre les roues avant (25 %) et les roues arrière (75 %), puis pour déterminer précisément sur le support la position de chacune des masses additionnelles correspondant à chacune des répartitions souhaitées. Ainsi, une même répartition de la masse totale sur les roues avant se traduisait par 3 positions sur le support, différentes pour chacune des 3 masses utilisées. 2.6. Déroulement du test Les essais en situation se sont déroulés dans la salle de sport du centre hospitalier Etienne Clémentel (63-Enval). La pression des pneus arrière (4,5 bars) était vérifiée au début de chaque série de tests. Un assistant placé derrière le fauteuil lui appliquait une poussée sur 1 à 2 m environ, puis le lâchait et le suivait tout en veillant à ce que le câble connecté à l’accéléromètre ne ralentisse pas le système. La poussée était effectuée de façon à ce que le fauteuil se déplace suivant une ligne droite matérialisée sur le sol et qu’il s’arrête de luimême au bout d’une dizaine de mètres. La distance réelle parcourue par le fauteuil ainsi que la déviation latérale par rapport à la ligne sur le sol ont été relevées à chaque essai, avec une précision de 10–2 m. Chaque fois qu’un essai présentait une déviation latérale supérieure à 0,5 m ou que les
roues avant décollaient du sol lors de la poussée, l’essai était annulé et recommencé. Quinze essais répondant aux critères précédents ont été retenus pour chacune des 9 combinaisons de masses et de répartitions, soit un total de 135 essais. 2.7. Traitement des résultats De par son principe de fonctionnement, un accéléromètre mesure les accélérations sur un, deux voire trois axes [13]. Dans le cas particulier de cette étude, la mesure selon 3 axes s’est révélée très utile puisque les coordonnées polaires de l’accélération de la pesanteur 共 gs 兲 dans le référentiel RA (Fig. 4) ont permis de corriger, par calcul, l’orientation des axes de ce référentiel de telle sorte que l’axe YA devienne parallèle à l’axe vertical du référentiel absolu R et mesure l’intégralité de gs Cette correction a été effectuée à partir des données enregistrées au cours de la phase statique précédant chaque essai [24]. La décélération du fauteuil a ensuite été calculée en effectuant la moyenne des valeurs brutes de l’accélération horizontale mesurée par l’accéléromètre au cours des cinq premières secondes de la phase de roue libre. Les données ainsi obtenues ont fait l’objet d’un traitement statistique à l’aide d’une analyse de variance à 2 facteurs avec interaction. Un test de Schéffé a été effectué afin d’identifier les différences éventuelles entre les valeurs d’un même facteur pour les différentes modalités. 3. Résultats 3.1. Description du mouvement Dans un but uniquement descriptif, un filtre passe-bas (fréquence de coupure : 5 Hz) a été appliqué sur le signal
146
N. de Saint Rémy et al. / Science & Sports 18 (2003) 141–149
d’accélération horizontale afin de mettre en évidence les 2 phases caractéristiques du mouvement (Fig. 5). La période où l’accélération était positive correspondait à la phase de poussée au cours de laquelle l’assistant placé derrière le fauteuil imprimait une vitesse initiale au système. Durant cette phase, la vitesse augmentait jusqu’à atteindre une valeur maximale comprise entre 1,04 ± 0,08 m s–1 et 1,71 ± 0,14 m s–1 sur l’ensemble des 9 séries d’essais (Tableau 1). Ensuite, la période où l’accélération était négative correspondait à la phase de roue libre au cours de laquelle le fauteuil ralentissait sous la seule action des forces de freinage, jusqu’à immobilisation complète. Pour l’ensemble des séries, la distance totale parcourue par le fauteuil variait de 9,4 ± 1,2 m à 10,7 ± 1,4 m et le décalage latéral par rapport à la direction rectiligne était compris entre –3,1 ± 11,9 cm et 29,7 ± 17,3 cm (Tableau 1). 3.2. Valeurs des décélérations et des forces de résistance à l’avancement
Fig. 4. Représentation de l’accélération de la pesanteur gs . et de ses composantes (en pointillés) sur chacun des axes du référentiel RA. Les angles a et b sont utilisés pour corriger l’orientation des axes du référentiel RA par rapport au référentiel terrestre [23].
Pour chacune des 3 masses, les décélérations moyennes (Tableau 2) obtenues avec la répartition R10 (de 0,058 ± 0,014 m s–2 à 0,062 ± 0,009 m s–2) sont significativement inférieures (p < 0,005) à celles de la répartition R40 (de 0,097 ± 0,010 m s–2 à 0,103 ± 0,013 m s–2) et de la répartition R70 (de 0,152 ± 0,017 m s–2 à 0,167 ± 0,011 m s–2). En outre, les décélérations moyennes obtenues avec la répartition R40 sont significativement inférieures (p < 0,005) à celles de la répartition R70. Parallèlement, les valeurs de la force de résistance à l’avancement (Tableau 2) obtenues avec la répartition R10 (de 3,8 ± 0,9 N à 6,5 ± 0,9 N) sont nettement inférieures à celles obtenues avec la répartition R40 (de 6,3 ± 0,7 N à 10,9 ± 1,4 N) et R70 (de 9,9 ± 1,1 N à 17,6 ± 1,2 N). Enfin, les forces de résistance à l’avancement obtenues avec la répartition R40 sont également inférieures à celles de la répartition R70. 3.3. Analyse statistique
Fig. 5. Accélération (filtrée) et vitesse horizontales obtenues lors d’un essai avec une masse additionnelle de 70 kg et une répartition R70.
L’analyse de variance réalisée sur les décélérations moyennes des 9 séries d’essais n’a fait apparaître aucune interaction entre les facteurs « masse » et « répartition ». En
Tableau 1 Moyennes et écarts type pour chacune des neuf séries de la distance totale parcourue par le système masse-fauteuil, phase de poussée incluse ; de la déviation latérale mesurée sur l’axe (Oz) du référentiel absolu ; et de la vitesse initiale atteinte par le système à la fin de la poussée calculée à partir des accélérations horizontales
Répartition
10 %
40 %
70 %
Distance (m) Déviation latérale (cm) Vitesse initiale (m.s–1) Distance (m) Déviation latérale (cm) Vitesse initiale (m.s–1) Distance (m) Déviation latérale (cm) Vitesse initiale (m.s–1 )
Masse additionnelle 50 kg 10,71 (± 1,38) 16,5 (± 16,4) 1,10 (± 0,07) 9,69 (± 0,85) 23,4 (± 12,5) 1,26 (± 0,11) 9,36 (± 1,15) 4,9 (± 25,9) 1,55 (± 0,15)
70 kg 10,00 (± 0,73) –2,0 (± 15,0) 1,04 (± 0,11) 10,31 (± 0,42) 29,7 (± 17,3) 1,32 (± 0,12) 9,88 (± 0,71) 17,9 (± 8,4) 1,68 (± 0,14)
90 kg 10,33 (± 0,59) –3,1 (± 11,9) 1,04 (± 0,08) 10,49 (± 0,99) 27,5 (± 13,3) 1,38 (± 0,13) 9,96 (± 0,98) 13,5 (± 10,1) 1,71 (± 0,12)
N. de Saint Rémy et al. / Science & Sports 18 (2003) 141–149
147
Tableau 2 Moyennes et écarts type des décélérations et des forces de résistances à l’avancement (Fra) obtenus pour l’ensemble des neuf séries de tests
Répartition
10 % 40 % 70 %
Décélération (m.s–2) Fra (N) Décélération (m.s–2) Fra (N) Décélération (m.s–2) Fra (N)
Masse additionnelle 50 kg 0,058 (± 0,014) 3,8 (± 0,9) 0,097 (± 0,010) 6,3 (± 0,7) 0,152 (± 0,017) 9,9 (± 1,1)
revanche, elle a mis en évidence l’influence significative (p < 0,005) du facteur « répartition » sur la décélération du système : plus la masse du système portait sur les roues avant, plus la décélération était importante. Le facteur « masse » présentait également une influence significative (p < 0,005) sur la décélération : celle-ci était d’autant plus importante que la masse totale était élevée. Cependant, le facteur « répartition » explique à lui seul la presque totalité de la variation de la décélération (92 %), alors que le facteur « masse » a une influence relative nettement plus faible (8 %) sur le freinage du système masse-fauteuil.
4. Discussion 4.1. Intérêts de la méthode À l’instar du drag-test [4,21], la méthode de détermination de la résultante des forces de résistance à l’avancement du fauteuil roulant présentée ici prend en compte de manière globale les caractéristiques de la liaison mécanique entre les roues du fauteuil et la surface sur laquelle il se déplace. En outre, elle intègre simultanément l’influence de la résistance aérodynamique, qui n’est pas prise en compte dans les mesures sur tapis roulant. Cependant, il est vraisemblable que cette composante de la résultante des forces de freinage n’ait pas eu une grande incidence sur les résultats de la présente étude du fait que la vitesse initiale au moment du lâcher restait toujours inférieure à 2 m s–1. Comme les méthodes cinématiques antérieures, la méthode proposée dans cet article est mise en œuvre directement sur le terrain et permet donc d’effectuer des mesures sur les lieux mêmes fréquentés par les utilisateurs de fauteuils roulants (domicile, trajets, lieu de travail, salles de sport). De plus, la mesure en continu de la décélération du système sujet–fauteuil à l’aide d’un accéléromètre triaxial fournit des résultats plus précis que les méthodes précédentes. Cette nouvelle méthode présente donc des caractéristiques intéressantes pour étudier l’influence de la masse totale et de sa répartition antéropostérieure, sur la résultante des forces de freinage appliquées sur le système sujet–fauteuil. 4.2. Comparaison avec les études antérieures Les décélérations et les forces de freinage obtenues avec les répartitions R10 et R70 ne peuvent être comparées avec
70 kg 0,060 (± 0,011) 5,1 (± 0,9) 0,104 (± 0,010) 8,9 (± 0,9) 0,158 (± 0,010) 13,5 (± 0,9)
90 kg 0,062 (± 0,009) 6,5 (± 0,9) 0,103 (± 0,013) 10,9 (± 1,4) 0,167 (± 0,011) 17,6 (± 1,2)
aucune donnée antérieure car, jusqu’à présent, aucune étude n’a pris en compte de manière précise la répartition de la masse totale du système entre les roues avant et arrière du fauteuil. En revanche, les résultats concernant la répartition intermédiaire R40, qui correspond au réglage standard de la plupart des fauteuils, sont tout à fait comparables avec ceux de plusieurs études antérieures. Ainsi, les décélérations obtenues dans cette étude (de 0,097 ± 0,010 m s–2 à 0,103 ± 0,013 m s–2) sont du même ordre de grandeur que celles rapportées par Coutts dans une première étude [5] portant sur 6 essais réalisés par un sujet de 76 kg (moyenne = 0,095 m s–2), puis dans une étude ultérieure [6] concernant 4 sujets de masses comprises entre 41 et 79 kg (0,108 à 0,127 m s–2). De même, les forces de freinage calculées avec la répartition R40 (de 6,3 ± 0,7 N à 10,9 ± 1,4 N) se situent dans l’intervalle des valeurs rapportées par la plupart des auteurs : Coutts mentionne des forces de 2,8 à 10,9 N pour 17 sujets [7] et de 5,6 à 9,5 N pour 4 sujets [6], Brubaker et al. ont obtenu des valeurs de 6,6 et 8,0 N pour 2 fauteuils différents [4] et Van Der Woude et al. ont mesuré une force de freinage d’environ 11 N pour un fauteuil standard [21]. Seuls Vinet et al. [27] rapportent des valeurs de force de résistance à l’avancement (9,8 et 22,6 N) supérieures à celles obtenues ici et dans les études précédentes. Les causes de cet écart ne peuvent malheureusement pas être analysées ici, puisque ces auteurs reconnaissent ne pas avoir contrôlé la position antéropostérieure du centre de gravité du système sujet–fauteuil et que l’influence de ce paramètre fait justement l’objet de la présente étude. 4.3. Influence de la répartition Les résultats concernant la répartition de la masse du système masse-fauteuil sur les roues avant montrent clairement que le fauteuil est d’autant plus freiné que la masse totale est située plus en avant sur le siège et que ce facteur explique 92 % de la variation de la décélération du fauteuil observées dans cette étude. En cela, ils confirment l’hypothèse déjà émise par certains auteurs [14,19,24] et partiellement vérifiée par d’autres dans une étude exploratoire [15]. Au niveau mécanique, ce phénomène pourrait s’expliquer en partie par le diamètre des roues avant très inférieur à celui des roues arrière, impliquant des forces de résistance au roulement supérieures au niveau des roues avant par rapport aux roues arrière [14]. Cette hypothèse pourrait également justi-
148
N. de Saint Rémy et al. / Science & Sports 18 (2003) 141–149
fier, a posteriori, la géométrie des fauteuils de course possédant une seule roue avant de grand diamètre (environ 50 cm contre 7 à 13 cm pour un fauteuil standard), déportée très en avant grâce à un allongement du châssis (l’entraxe est souvent supérieur à un mètre contre 45 cm en moyenne pour un fauteuil standard). En effet, cette géométrie permettrait de réduire les forces de freinage générées par la forte inclinaison du passager vers l’avant, en agissant à la fois sur la résistance au roulement de la roue avant et sur la répartition antéropostérieure de la masse totale du système sujet–fauteuil. La méthode de détermination des forces de freinage présentée ici devrait permettre de vérifier cette analyse lors d’une étude ultérieure portant sur plusieurs types de fauteuils (standards, de course, de basket ou de tennis) équipés avec des roues avant de diamètres différents. 4.4. Influence de la masse totale Certains auteurs [5,6,25] ont suggéré que la masse du sujet pouvait influencer l’intensité des forces de freinage agissant sur le fauteuil roulant, mais jusqu’à présent cette hypothèse n’avait jamais été démontrée expérimentalement. La méthode utilisée dans cette étude et les résultats obtenus ont mis en évidence que plus la masse du système sujet–fauteuil est élevée, plus celui-ci est freiné et inversement. L’influence de ce paramètre doit, toutefois, être relativisée car il apparaît que la masse totale n’explique que 8 % de la variation de la décélération due aux forces de résistance à l’avancement. Cette faible influence de la masse pourrait provenir des différences entre les caractéristiques des roues avant et arrière. En effet, la mécanique du roulement montre que la force de freinage générée par ce mouvement dépend à la fois du diamètre de la roue et de son coefficient de frottement de roulement et que ce dernier dépend également de la surface de contact de la roue avec le sol [10,14]. Par conséquent, pour une même répartition antéropostérieure, l’augmentation de la masse totale aurait provoqué un accroissement des forces de frottement de roulement relativement plus important au niveau des roues arrière, du fait de l’écrasement des pneus, qu’au niveau des roues avant. Bien que cette analyse semble confirmée par l’absence d’interaction entre les facteurs « masse » et « répartition », elle devra être vérifiée par une étude ultérieure fondée sur un modèle mécanique plus complet que celui utilisé ici. D’une manière générale, la méthode de détermination de la résultante des forces de freinage présentée ici pourra donc être utilisée soit pour quantifier chacun des nombreux paramètres influençant cette force (diamètre des roues avant et arrière, pression des pneus, type de revêtement du sol), soit, plus simplement, pour la mesurer directement sur le lieu de l’expérimentation. 4.5. Incidences sur la propulsion en fauteuil roulant Au-delà de son intérêt méthodologique, cette étude a des répercussions concrètes sur la compréhension des phénomènes mis en jeu lors de la locomotion en fauteuil roulant. En
effet, puisque les mouvements antéropostérieurs du sujet modifient la répartition de la masse totale du système sur les roues avant [22], il est possible d’émettre l’hypothèse que la force de freinage agissant sur le fauteuil n’est pas constante au cours du cycle de propulsion : • lors de la phase de poussée, le sujet déplace son centre de gravité vers l’avant et cette accélération se retranche de l’accélération du fauteuil mesurée par l’accéléromètre (équation no 9). De plus, au cours de ce mouvement, une part croissante de la masse totale se reporte sur les roues avant, augmentant ainsi la force de freinage appliquée sur le système sujet–fauteuil ; • lors de phase de roue libre, le sujet déplace son centre de gravité vers l’arrière en se redressant et ce mouvement génère une augmentation de l’accélération du fauteuil mesurée par l’accéléromètre. De plus, au cours de ce mouvement, les roues avant supportent une part progressivement décroissante de la masse totale du système, ce qui réduit les forces de freinage et favorise le roulement du fauteuil sur le sol. En conséquence, la propulsion en fauteuil roulant apparaît comme un mouvement paradoxal dont la phase efficace (poussée) serait réalisée lorsque la force de freinage est maximale et que le fauteuil est ralenti par les mouvements du sujet. Inversement, le retour du buste vers l’arrière (roue libre) provoquerait une accélération du fauteuil vers l’avant tout en diminuant les forces de freinage par une moindre répartition de la masse totale du système sur les roues avant. Cette analyse technique devra cependant être complétée pour prendre en compte l’allègement de l’avant du fauteuil observé chez certains sujets lorsqu’ils appliquent leur effort sur les mains courantes [22]. Elle pourra néanmoins être vérifiée grâce à la mesure en continu des accélérations du fauteuil et du centre de gravité du sujet lors de déplacements en ligne droite réalisés par différents utilisateurs de fauteuils roulants. 5. Conclusion La méthode de détermination de la résultante des forces de résistance à l’avancement agissant sur le système massefauteuil présentée dans cette étude est fondée sur la mesure directe et en continu de la décélération du système par un accéléromètre tri-axial. Outre sa précision, cette méthode offre la possibilité de calculer les forces de freinage en situation réelle sur le terrain en prenant en compte de manière globale non seulement les caractéristiques de la liaison mécanique entre les roues et le sol sur lequel le fauteuil se déplace, mais aussi la résistance aérodynamique du système. L’analyse des tests de décélération réalisés dans cette étude a notamment mis en évidence l’augmentation des forces de freinage avec l’accroissement de la masse totale du système, mais surtout avec le déplacement du centre de gravité du système vers l’avant du fauteuil et inversement. Ces résultats tendraient à démontrer que la résistance à l’avancement du fauteuil roulant n’est pas constante au cours du cycle de propulsion. Si elle est vérifiée, cette hypothèse devrait avoir
N. de Saint Rémy et al. / Science & Sports 18 (2003) 141–149
une incidence sur les futures études physiologiques et biomécaniques centrées sur la détermination des paramètres énergétiques et cinétiques de ce mode de locomotion. En effet, connaissant l’évolution de la résultante des forces de résistance à l’avancement au cours du cycle de propulsion, il devrait être possible, par exemple, de calculer le travail et la puissance mécaniques réellement développés par le sujet [24]. En outre, les applications de cette méthode sont multiples dans les domaines de l’ergonomie et de l’aménagement de l’environnement des personnes confinées en fauteuil roulant. Elles pourraient concerner, par exemple, l’optimisation des réglages de son fauteuil par l’utilisateur, en fonction de ses aptitudes physiques et de ses activités : géométrie du châssis, réglages du siège (hauteur, inclinaison et avancée) et des roues (diamètre, type de pneus, angles de pincement et de carrossage). Cette méthode pourra aussi être utilisée pour quantifier les forces de freinage générées par différents types de sol ou de revêtement et ainsi contribuer à l’amélioration de l’accessibilité des différents lieux publics ou privés. Au cours des vingt dernières années, les travaux de plusieurs équipes de recherche de par le monde, ont considérablement fait progresser les connaissances sur la locomotion en fauteuil roulant grâce à de nombreuses études réalisées en laboratoire sur divers ergomètres. La méthode et les résultats présentés dans cette étude, ainsi que la possibilité de transmettre les signaux en provenance des capteurs fixés sur le fauteuil par une liaison sans fil [8,25], laissent entrevoir la possibilité de poursuivre désormais la recherche sur ce mode de locomotion non plus uniquement en laboratoire, mais également dans les conditions réelles de la vie quotidienne, professionnelle ou sportive des personnes handicapées confinées en fauteuil roulant.
[8]
[9] [10] [11]
[12]
[13] [14]
[15]
[16] [17]
[18]
[19]
[20] [21]
[22]
Références [23] [1] [2]
[3]
[4]
[5] [6] [7]
Bernard PL. Ergonomie du déplacement en fauteuil roulant chez le traumatisé médullaire. STAPS 1994;35:77–83. Brattgard SO, Grimby G, Hook O. Energy expenditure and heart rate in driving a wheelchair ergometer. Scand J Rehabil Med 1970;2: 143–8. Bougenot MP, Tordi N, Grappe F, Rouillon JD, Belli A. Détermination sur le terrain des résistances à l’avancement en fauteuil roulant. Actes du 8e congrès de l’ACAPS Macolin : Suisse. 1999. p. 285–6. Brubaker CE, Colin A, McLaurin ScD, Irene S, McClay MS. Effects of side slope on wheelchair performance. J Rehabil Res Dev 1986; 23(2):55–7. Coutts KD. Dynamic characteristics of a sport wheelchair. J Rehabil Res Dev 1991;28(3):45–50. Coutts KD. Dynamics of basketball. Med Sci Sports Exerc 1992; 24(2):231–4. Coutts KD. Drag and sprint performance of wheelchair basketball players. J Rehabil Res Dev. 1994;31(2):138–43.
[24]
[25]
[26]
[27]
149
Dabonneville M, Vaslin P. Wireless network applied to a selfcontained wheelchair ergometer for real life measurements. XXe Congrès National de la Société Française de Médecine du Sport. Paris: Maison de l’Unesco; 6–8 dec. 2000. Dreisinger TE, Londeree ED. Wheelchair exercise: a review. Paraplegia 1982;20:20–34. Grossetête C, Olive P. Mécanique des systèmes et du solide. Paris: Ellipses; 1999. Hildebrandt MD, Voigt ED, Bahn D, Berendes B, Kröger J. Energy cost of propelling wheelchair at various speed: cardiac response and effect on steering accuracy. Arch Phys Med Rehabil 1970;51:131–6. Jarvis S, Rolfe H. The use of an inertial dynamometer to explore the design of children’s wheelchairs. Scand J Rehabil Med 1982;14: 167–76. Ladin Z, Wu G. Combining position and acceleration measurements for joint force estimation. J Biomech 1991;24(12):1173–87. Lemaire ED, Lamontagne M, Barclay HW, John T, Martel G. A technique for the determination of centre of gravity and rolling resistance for tilt-seat wheelchairs. J Rehabil Res Dev 1991;28(3):51–8. Martin X, Casse G, Bougenot MP. Evolution des paramètres de résistance au roulement et résistance aérodynamique mesurés chez des personnes en fauteuil roulant selon différentes positions. Science & Sports. XXe Congrès National de la Société Française de Médecine du Sport. Paris: Elsevier; 2000. p. 368. Morris JRW. Accelerometry, a technique for the measurement of human body movements. J Biomech 1973;6:729–36. Niesing R, Eijskoot F, Kranse R, den Ouden AH, Storm J, Veeger HEJ, et al. Computer-controlled wheelchair ergometer. Med Biol Eng Comput 1990;28:329–38. Samuelson K, Larsson H, Tropp H. A wheelchair ergometer with a device for isokinetic torque measurement. Scand J Rehabil Med 1989;21:205–8. Theisen D, Francaux M, Fayt A, Sturbois X. A new procedure to determine external power output during handrim wheelchair propulsion on a roller ergometer. Int J Sports Med 1996;17(8):564–71. Van den Bogert AJ, Read L, Nigg M. A method for inverse dynamic analysis using accelerometry. J Biomech 1996;29:949–54. van der Woude LHV, De Groot G, Hollander AP, van Ingen Shenau GJ, Rozendal R. Wheelchair ergonomics and physiological testing of prototypes. Ergonomics 1986;29(12):1561–73. Vanlandewijck Y, Spaepen A, Lyses R. Wheelchair propulsion efficiency : movement pattern adaptations to speed changes. Med Sci Sports Exerc 1994;26(11):1373–81. Vaslin P, Dabonneville M, de Saint Remy N. Estimation of power output in wheelchair propulsion with a 3D accelerometer. Proceedings of 12th Conference of the European Society of Biomechanics. Dublin, Ireland: Trinity College; 2000. p. 78. Vaslin P, Dabonneville M. Use of a 3D accelerometer for kinetic analysis of wheelchair propulsion. Proceedings of 12th Conference of the European Society of Biomechanics. Dublin, Ireland: Trinity College; 2000. p. 345. Vaslin P, Dabonneville M, de Saint Remy N. Determination of mechanical work with a wireless self-contained wheelchair ergometer. XXe Congrès National de la Société Française de Médecine du Sport (Paris). Maison de l’Unesco; 6–8 dec. 2000. Veeger HEJ, van der Woude LHV, Rozendal RH. Within-cycle characteristics of the wheelchair push in sprinting on a wheelchair ergometer. Med Sci Sports Exerc 1991;23:1201–9. Vinet A, Bernard PL, Ducomps C, Selchow O, Le Gallais D, Micallef JP. A field deceleration test to assess total wheelchair resistance. Int J Rehabil Res 1998;21:397–401.