Dyslexie-dysorthographie de l'enfant

Dyslexie-dysorthographie de l'enfant

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PSYCHIATRIE ET P S Y C H O L O G I E

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A notion de dyslexie-dysorthographie est devenue si famili~re ~t tous qu'il suffit de parcourir des lignes c o m m e celles-ci pour penser que leur auteur a des probl~mes avec la langue &rite: Malgr~ cette apparente facilitY, la dyslexie reste une question complexe ; elle est l'objet de nombreuses recherches, rant sur le terrain qu'en laboratoire, qui en font un sujet mouvant. L'approche que nous en avons &olue, mais les difficult& de l'enfant sont toujours semblables. L'apprentissage de la lecture implique le fonctionnement de nombreux processus, d'ordre divers, qui sont &udi& dans diff&entes branches des sciences humaines. La lecture et 1 ecnture se trouvent ainsi, au m i m e titre que le langage, un carrefour interdisciplinaire. Avant de s'interroger sur la dyslexie, il faut s'int&esser ~ la question : qu'est-ce que lire ? (encadr~ n ~ 1). A. MORGON, Professeur, H6pital Edouard-Herriot, Lyon. P. AIMARD. Journal de PI~DIATRIE et de PUI~RICULTURE n ~ 5 - 1 9 8 9

Dans la majorit~ des cas, on ne peut se tromper : l'enfant n arnve pas ~t lire. Mais ce constat souleve un r&eau de questions sur les m&anismes dont le fonctionnement est n&essaire pour qu'un enfant apprenne fi lire. Pour chaque enfant, ce sont les memes questions : -- Pourquoi cet &hec et ce terrain du la lecture ? Certaines explications sont d'ordre m~dical, d'autres non. -- Quelle mosa'ique s~m~iologique gravite autour de cette incapacit~ ~t lire ? - Dans quelle mesure les difficult& de l'enfant mettent-elles en question des ph~nom~nes d'ordre g~n&al comme les particularit& de la langue &rite ? En premier lieu, que signifie : apprendre ~t lire ? (encadr~ n ~ 2). -- L'avenir scolaire de l'enfant est en jeu et avec lui son adaptation psychologique et sociale. Comment &iter le glissement vers une situation d'&hec qui est si fr~quente ? 279

PSYCHIATRIE ET PSYCHOLOGIE

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qu'est-ce

que

lire ?

Prenons les diff~rentes entr~es du m o t ~ lire ~ dans un dictionnaire, le Petit R o b e r t : ~ Sul~re des y e u x les c a r a c t ~ r e s d ' u n e ~ c r i t u r e et pouvoir les identifier, conna~tre les s o n s a u x q u e l s ils c o r r e s p o n d e n t . ~ Prendre c o n n a i s s a n c e du sens, du contenu d'un

texte ou d ' u n f r a g m e n t de t e x t e ~crit en le lisant. ~ Lire p o u r s ' i n s t r u i r e , se d i s t r a i r e . . , lire des livres, des ouvrages... ~ Prononcer, ~noncer & h a u t e v o i x un t e x t e ~crit ; faire conna~tre le contenu ~ d ' a u t r e s par la parole. ~ Au figur~ : d~chiffrer, c o m p r e n d r e ~. Plusieurs points sont au centre de notre sujet : ~ s u i v r e des y e u x ~... oui, une bonne coordination oculo-motrice est n~cessaire, mais en cas de d~ficience visuelle, le message peut ~tre re.cu par un autre canal sensoriel (le Braille). 9 ~ les c a r a c t ~ r e s d ' u n e ~ c r i t u r e ~... il s'agit bieR de I'~criture qui, depuis pros de 5 0 0 0 ans, dans sa mat~rialit~ donne une f o r m e durable et transmissible ~ la parole humaine. Des caract~res de I'~criture et ieurs variantes : une fois q u ' o n sait lire, on peut lire les diff~rents t y p e s de caract~res d'une langue (majuscules, minuscules, italiques, imprim~manuscrit). Les enfants savent bien qu'ils peuvent ~crire en script ou en ~ attach~ ~ ! Apprendre un alphabet, un jeu de f o r m e s graphiques qui signifient quelque chose. 9 ~ c o n n a i t r e les s o n s ~, I'enfant doit poss~der le r6pertoire phon~tique de sa langue. On ne peut lire une langue q u ' o n ne conna~t pas. 9 ~ a u x q u e l s ils c o r r e s p o n d e n t ~. Dans les toutes premieres d~marches de la lecture, il s ' a g i t de saisir la correspondance : graphie/phon~me ou groupe de phonemes. T o u t e activit~ de lecture s'inscrit autant dans la tradition ~crite que dans le langage. 9 ~ p r e n d r e c o n n a i s s a n c e du sens ~. La connaissance d'un sens est I'une des raisons d'etre de la lecture, mais en se situant au m o m e n t de I'apprentissage, il est difficile de faire passer le sens en premier, c o m m e le veulent des m d t h o d e s de lecture. II est vrai que I'enfant est plus enclin ~ lire s'il sait qu'il y a quelque chose ~ comprendre, mais ce sens ne lui est accessible que s'il r~ussit le d~chiffrement. Forme et sens f o r m e n t un b l o c ; I'enfant ne peut avoir I'un sans I'autre. 9 ~ p o u r s ' i n s t r u i r e , se distraire ~, il est vrai que, Iorsque I ' e n v i r o n n e m e n t I'y prepare, I'enfant c o m prend tr~s vite que la lecture n'est pas u n i q u e m e n t une discipline scolaire mais lui ouvre bien d'autres portes. 9 ~ ~ h a u t e v o i x ~ (Cf. encadr~). II intervient encore, darts la lecture, un ~ tour de main ~, sans lequel ces explications o n t une port~e limit~e. Pour un individu qui sait lire, il est ~vident que tous ces crit~res fonctionnent en ms temps, mais, ~ I'~ge de I'apprentissage, il ne s u f f i t pas de les agencer de favoR adequate pour qu'un enfant lise. Comparez la situation ~ celle de I'enfant qui apprend nager (nager est bien moins c o m p l e x e que lire). L ' e n f a n t peut aimer I'eau, savoir faire ses m o u v e ments, contrSler sa respiration.., vous lui m e t t e z la main sous le mentoR, mais on Re peut savoir ~ quel m o m e n t tous ces facteurs v o n t se m e t t r e ~ fonctionner efficacement ni pourquoi certains enfants v o n t r~ussir plus vite que d'autres. 280

comment ddfinir la d y s l e x i e ?

Le terme ,, dyslexie ~, est apparent~ fi deux notions de la pathologie. Le pr~fixe ,~ dys ~, est celui des dysfonctionnements qui entravent le d~veloppement de certains enfants, telles les dysphasies, les dysharmonies, dysgraphies et autres g~nes qui se combinent souvent entre elles. Chez un enfant dyslexique, les m~canismes de la lecture fonctionnent ,, de travers ~. I1 y a bien l~l quelque discordance: ~chouer en lecture alors que l'intelligence est normale pour d'autres t~ches. Autre association : ~, dyslexie ~ est construit comme alexie, ce qui souligne les analogies qui peuvent exister entre les troubles d'apprentissage de l'enfant et la d~sorganisation de la lecture qui survient chez l'adulte, ~l la suite de l~sions c~r~brales situ~es le plus souvent dans la partie post~rieure de l'h~misph~re dominant. C'est ainsi que les premieres ~tudes sur la dyslexie de l'enfant, telle que nous l'entendons aujourd'hui -- cela se situait apr~s la Seconde Guerre mondiale -- ont emprunt~ la tevminologie de la pathologie d~ficitaire de l'adulte (Ombredane, puis C. Launay, J. de Ajuriaguerra, S. Borel-Maisonny). Or celle-ci n'aide que tr~s partiellement ~l comprendre les troubles de lecture de l'enfant. Trop de facteurs interviennent dans la lecture pour qu'une d~finition simple puisse ~tre admise par tous; il suffit de comparer ces d~finitions, toutes classiques, de la dyslexie: -- ~, inaptitude congdnitale ~ la lecture ,, (C. Launay, XII e Congr~s des p~diatres de langue fran~aise, 1949) ; -- ,, une difficultd particuli~re ~ identifier, comprendre et reproduire les s3~rnboles dcrits qui a pour cons~quence de troubler profond~ment l'apprentissage de la lecture et de l'orthographe ~, S. BorelMaisonny ; -- ~ une perturbation dans la relation du Moi et de l'univers, perturbation qui a envahie de mani~re

s~lective les domaines de l'expression et de la communication. La relation du Moi fi son univers s'est construite sur le mode de l'ambigu~t~ et de l'instabilit~, ce qui bloque le passage ~t l'intelligence analytique et par-l~l au symbolisme~, R. Mucchielli. U n e approche clinique peut proposer: Est dyslexique, l'enfant qui est incapable d'apprendre ~t lire et ~crire (orthographe) ~ l'~ge normal, alors qu'il a une intelligence suffisante et se trouve dans des conditions d'apprentissage convenables. A l'int~rieur du groupe, le terme de dyslexie sp~cifique est r~serv~ aux cas dans lesquels pr~dominent Journal de PEDIATRiE et de PUI~RICULTURE n ~ 5-1989

PSYCHIATRIE ET PSYCHOLOGIE

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apprendre

& lire

L'enfant n'acquiert pas la lecture naturellement, comme il construit le langage, par simple exposition un bain de langage. La lecture r6sulte d'un apprentissage. II s'agit m~me du premier apprentissage complexe pr~sent~ ~ I'enfant. Le r~sultat d6pend de deux groupes de facteurs : des capacit~s de I'enfant et des moyens qu'utilise I'adulte pour lui pr6senter la lecture sous une forme assimilable, c'est-&-dire des m6thodes de lecture.

Les c a p a c i t d s

de I'enfant

Diverses fonctions mentales et sensori-motrices doivent ~tre op~rationnelles, avec une maturit~ suffisante, pour que I'enfant comprenne la lecture et devienne capable d'en maitriser les m~canismes. Entre cinq et six ans, la conjonction de plusieurs progrOs fait que I'enfant poss~de ~ peu pros ce qu'il faut pour que les diff6rentes t~ches de la lecture lui soient accessibles. Les capacit~s requises pour que la lecture fonctionne -- on parle des (~ pr~-requis ~) de la lecture -- sont de plusieurs ordres. L'enfant dolt avoir une intelligence suffisante, une maturit~ affective et une envie d'aller de I'avant, d'apprendre. II dolt 6tre suffisamment introduit dans le monde de I'~crit (voir : initiation pr~coce). Rien ne suscite I'envie de lire Iorsqu'il existe une insuffisance socioculturelle majeure. II doit ~tre ~ I'aise darts le langage tant au niveau du syst~me phon~tique que dans la structuration du lexique, des formes grammatico-syntaxiques que pour la conduite du rdcit ou du dialogue. L'6valuation des prd-requis de la lecture est depuis fort Iongtemps une prdoccupation des p~dagogues (en langue fran.caise. A. Inizian, 1964). Mais il est difficile de trouver une formule assez complete et de passation aisle. Les orthophonistes, dans leur bilan, utilisent soit I'~preuve de M. de Maistre (1978), soit le C.A.L.E. (Contr61e des Aptitudes ~ la Lecture et & I'Ecriture, mis au point par A. Girolami-Boulinier & partir des ~preuves de S. BoreI-Maisonny, 1982). Ces tests portent sur le langage, le syst~me phondtique, le graphisme et I'orientation spatiale ainsi que le schema corporel. Plusieurs cliniciens estiment que ces batteries pr(}dictives n'ont qu'une s~gnification statistique et doivent ~tre compldt~es par une dvaluation individuelle d~s qu'il existe un doute (C. Chiland, 1976, P. Aimard, 1982). Journal de PI~DIATRIE

et de PUt~RICULTURE n ~ 5 - 1 9 8 9

Les m 6 t h o d e s

d'enseignement

II existe un mouvement de va-et-vient entre les m~thodes traditionnelles et le besoin de renouvellement qui entraine les enseignants & suivre des modes novatrices en apparence mais dont les rdsultats ne peuvent ~tre v~rifi6s qu'& terme. Ces m~thodes sont apparentdes ~ quelques modb, les : 9 une m6thode synth6tique qui part de la plus petite unit~, de la correspondance graphie-son pour construire, de proche en proche, des syllabes, puis des mots et des phrases. C'est le B.A.BA traditionnel, la m6thode syllabique qui propose en premier lieu I'acquisition du code. Reproche frequent : elle ne tient pas suffisamment compte du sens, du plaisir de lire, de la d~couverte et de la signification. 9 une m6thode globale qui part de phrases enti~res dont I'enfant percoit le sens, qu'U m6morise globalement, pour passer ensuite au d~coupage en syllabes et mots. Le sens passe avant le code. Depuis Decroly (m~thodes id~o-visuelle, 1907) et Freinet (m~thode de lecture naturelle, 1925), ces m~thodes donnent la priorit~ aux textes produits par les enfants plut6t qu'& la progression des livres de lecture. Elles comptent sur le sens de I'observation de I'enfant, sa curiosit6, le plaisir d'apprendre et de comprendre ce qu'il lit. Reproche : le flou qui r~gne initialement sur les structures de 1'6crit favorise particuli~rement la dyslexie: I'enfant croit lire mais it ne comprend pas comment fonctionne la lecture. L'~chec porte autant sur le code que sur la signification. 9 une m6thode mixte qui combine qualit~s ou d~fauts des deux pr~c6dentes, ce qui explique combien de variantes peuvent r propos~es & I'enfant. N~gligeant patrols tout manuel, c'est le maitre qui compose des fiches dont la progression 6chappe souvent aux parents qui seraient soucieux de suivre et de favoriser les acquisitions de leur enfant. On parle aussi de m~thode semi-globale Iorsqu'on tente de concilier les qualit6s des vieux syllabaires et I'esprit d'une p6dagogie active. D'autres m~thodes sont construites ~ partir de diff6rentes th(}ories psycholinguistiques ou psychologiques qui suivent les courants de mode : certaines donnent la priorit6 ~ la comp6tence linguistique, d'autres aux strat6gies d'apprentissage, ou ~ la pragmatique de la communication. Ces modules ne sont pas encore r6ellement syst~matis~s et appartiennent plut6t au domaine de la recherche. 281

PSYCHIATRIE ET P S Y C H O L O G I E 9

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9

Ces distinctions sont exactes, mais nullement caract&istiques : la sdm~iologie ne diff~re pas, on peut trouver chez un m~me enfant : un d4ficit linguistique (groupe I), des arguments en faveur de l'organicitd (groupe II) et la notion d'h&~ditd (groupe III). Comment cerner mieux la dyslexie ; il ne s'agit pas d'une maladie ; dans les formes sdv~res, cependant, les explications sont intriqu&s et les retomb&s tr~s globales. On en parle souvent comme d'un sympt6me dans le sens off, en psychopathologie, tout ce qui survient est bien un sympt6me qui signifie quelque chose dans l'&onomie personnelle. I1 s'agit plut& d'un syndrome, avec, autour des difficult& de lecture, une constellation sdm~iologique propre ~ chacun. Le m~decin qui signe une prescription de r~ducation en a r&lis~ la synth~se avant de proposer une orientation th&apeutique. Ces distinctions ne cherchent pas ~ m~dicaliser systdmatiquement toutes les formes de dyslexie. Celle-ci, dans son expression habituelle, est en premier lieu un probl~me pddagogique, scolaire. C'est ~t l'&ole qu'il appartient d'enseigner la lecture et c'est en ce lieu que l'enfant va vivre son &hec. Elle est ~galement un probl~me social en plusieurs points de sa trajectoire : on salt au ddpart le poids du milieu socio-culturel sur l'app&ence de l'enfant pour la lecture, on conna~t ~galement les r~percussions de l'&hec scolaire sur l'int~gration ult&ieure de l'enfant dans la vie socio-professionnelle, et aussi la place exceptionnelle de la lecture dans 9 les socrates contemporaines et 1 mfirmlte qu'y constitue l'analphab&isme. Chaque enfant est dyslexique ~ sa fagon. I1 est unique, avec ses aptitudes personnelles, son histoire, son environnement.., et sa dyslexie. 9 i

282

I

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9

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comment la d 6 c r i r e

,

des erreurs conslderees comme caracterlstlques : des confusions de sons ou des inversions de lettres. Ces d&ails sont les mieux connus et les plus faciles reconnaitre. Mais il existe bien des fagons de ne pas lire, ce qui n'est pas pour surprendre lorsqu'on salt la diversitd des t~ches imbriqu&s. Classer les dyslexies cr& souvent des distinctions artificielles en opposant par exemple: - - dyslexie prirnaire (on ne trouve pas d'explication) ~ dyslexie secondaire (l'enfant a des troubles du langage, est gaucher, etc.); -- dyslexie au sens restreint (~quivalent de dyslexie sp&ifique ou de dyslexie d'&olution) fi dyslexie au sens large (le fait de ne pas savoir lire); - - ou, pour les anglo-saxons (Bannatine) : dyslexie primaire (primary emotional communicative dyslexia) par manque de stimulation verbale au cours de la petite enfance, avec troubles articulatoires (groupe I), dystexie secondaire, par trouble neurologique (minimal neurological dysfonction dyslexia) (groupe II), dyslexie g~n&ique : l'enfant n'a pas h&itd d'aptitudes permettant l'acquisition de la lecture (groupe II_I).

?

La lecture r&ultant d'un apprentissage, la s~m~iologie va &re tr~s diff&ente selon que l'on se situe au moment off l'enfant commence ~t apprendre lire, ou lorsqu'il se trouve en &hec apr~s un an d'efforts, p&iode qui est suffisante pour que les enfants lecteurs normaux comprennent la lecture. Elle va &oluer encore, plus tard, chez l'enfant plus ~g~, ou l'aduhe, qui peut rester handicap~ par les d~fauts de lecture et d'orthographe qu'il n'a pu surmonter. Nous prenons les deux situations les plus courantes:

L'enfant

de

7 ans

I1 termine le cours pr~paratoire -- la premiere annee de scolarlte elementalre -- et ne salt pas lire. M~me constat parfois ~i 8 ans, alors qu'il vient de redoubler la classe. Lu est total ou larva. Les moins handicap& r&ssissent ~ lire un petit texte, ~ haute voix (encadr~ n ~ 3), mais d&hiffrent lentement, continuent ~ d&acher les syllabes (une ,, lecture syllabique >,), pi&inent devant chaque mot difficile, h&itent, se reprennent, font des erreurs en lisant globalement des roots courants (avait devient avec), sautent des roots, se trompent de lettre, sautent des lignes. Ils s'aident en suivant avec le doigt... De toute fa~on, le comportement de l'enfant en train de lire n'est pas celui d'un lecteur courant et surtout: /

9

p

/

!

9

I1 est rare qu'il comprenne le sens du texte, toute son attention &ant mobilis& par l'effort de d&hiffrement.

La dict& dolt souvent se limiter ~ des lettres isol&s: l'enfant connalt g&&alement les voyelles et quelques consonnes qu'il a l'habitude d'associer des roots familiers : le p de papa, le b de bLbL... Lorsqu'il arrive ~t &rire des roots, son effort est entrav~ par toutes les difficult& que l'on va d&rire chez des enfants plus ~g&. I1 a tellement conscience de son insuffisance, se sent si real fi l'aise, qu'il abandonne parfois. I1 se retranche derriere ~j'sais pas ,, ou pr&end que tel mot, il ne l'a jamais entendu. Pour certains, le monde de la lecture est totalement inaccessible. Ils n'ont pas compris comment fonctionne la lecture. Ils ne saisissent pas automatiquement qu'une forme &rite correspond ~ un son, que deux formes qui se suivent doivent &re lues ,, accroch&s >>(les syllabes), que diff&entes formes donnent le m~me son: o-au-eau-haut-oh ! Journal

de

PEDIATRIE

et

de

PUI~RICULTURE

n ~

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PSYCHIATRIE ET PSYCHOLOGIE L'enfant

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life b h a u t e

voix

Pour appr~cier la lecture de I'enfant, on lui propose de lire & haute voix, ce qui est toujours, en soit, une ~preuve. M e t t e z - v o u s b sa place : il n'arrive pas lire ou c o m m e n c e juste & connaftre quelques lettres, et, meme. s'il a compris le principe de la lecture, il va mobilier t o u t e son a t t e n t i o n sur le d~chiffrement. Au point que si vous lui demandez, ~ la fin, de raconter ce qu'il vient de lire, vous n ' o b t i e n d r e z que des bribes ou quelques mots qui ont ~merg~. Paradoxe : on ne lit ~ haute voix qu'~ I'&ge o0 I'on ne salt pas encore bien lire, or il s ' a g i t d'une t~che qui mobilise plus de facteurs encore que la lecture silencieuse : intonation, production orale precise alors que les mots ne sont pas tous connus de I'enfant, contr61e du rythme, de la r~gularit~ du d6bit alors que les h6sitations de d ~ c h i f f r e m e n t font patrols pi~tiner. II s'y ajoute I'~motion : I'enfant est en pr6sence d'un adulte qui v a l e reprendre s'il se t r o m p e , car il est r a r e m e n t admis que I'enfant ait le droit de se t r o m p e r Iorsqu'il lit. L'adulte qui doit lire un t e x t e & haute v o i x s'arrange gdn~ralement pour le parcourir avant, pour avoir une saisie g~n~rale du sens, s'assurer des roots difficiles et... se rassurer. Car lire p u b l i q u e m e n t est ~prouvant ~ m o t i o n n e l l e m e n t pour la plupart des adultes qui n'en ont pas I'habitude. On peut imaginer le malaise qu'~prouve un enfant dyslexique, ce que nous ~prouverions & peu pros si on nous d e m a n d a i t de chanter en public, en nous d o n n a n t une partition d o n t nous ne savons pas life les n o t e s { Et cependant life ~ haute v o i x contribue ~ I'apprentissage : I'enfant prononce les sons qu'il lit, il s'entend les dire, ce qui cr(~e, puis consolide, une boucle vision-audition-phonation. Certains enfants qui ont lu d i f f i c i l e m e n t au d~but gardent I'habitude de subvocaliser. Nous-m0mes, Iorsque nous lisons un t e x t e difficile, ou des noms propres peu familiers, nous nous surprenons ~ bouger les I~vres, c o m m e si ce reliquat d'oralisation facilitait la saisie et la comprehension.

Journal

de

PI~DIATRIE

et

de

PUI~RICULTURE

n~

5-1989

de

8 ans

et

plus

En cours de scolarit~ primaire ou secondaire, s'il est arrive ~i ce niveau, il est han&cape pour la lecture et pour l'orthographe. Ceux dont la dyslexie n'est pas trop severe arrivent ~i lire un peu, mais ne lisent pas vite, progressent irr~guli~rement, en sautant parfois !une ligne, ^ ,* ! 9 sans paraltre affectEs par 1 incoherence semantlque qui en r~sulte. Devant certains roots, ils Msitent, se trompent, se bloquent, recommencent, sans reussir ~ se corriger. Certains termes sont m~connaissables, d'autres sont omis. L'intonation est uniforme ou tombe ~ contre-temps. Lorsqu'ils doivent raconter ce qu'ils viennent de lire.., il ne reste que des bribes, quelques mots (parfois erron~s).., une histoire floue ou parfois ! totalement remventee '" Les plus dyslexiques sont incapables de 1ire ou tentent de <~faire semblant ,,, en s'accrochant, ici ou 1~, ~ un mot connu, appris globalement. Ils ne sentent certainement pas en quoi leur attitude devant un texte diff~re totalement de celle d'un lecteur qui ma~trise le procddd. L'enfant tombe dans toutes sortes de pi~ges qu'il est facile de repdrer aussi lorsqu'il dcrit. 9

t

t

La d y s o r t h o g r a p h i e est la consdquence indvitable de la dyslexie bien que, dans de rares cas, la corrElation entre les deux ne soit pas absolue. II existe le plus souvent des confusions, des omissions ou des aiouts de lettres. I1 s'agit des unitds les plus petites du syst~me de la lecture, des unitds double face -- la forme graphique et la forme phon&ique qui lui correspond. , Lire oralement, c'est, devant un signe Ecrit, retrouver sa sonorisation porteuse de sens ,, (S. Borel-Maisonny). Les confusions sont ainsi liEes ~ la forme que l'enfant voit (confusion morphologique) ou fi la forme sonore qu'il entend (confusion phon&ique). I1 confond : - - d e s lettres dont le trace dcrit diff~re p e u :

La plupart se lancent dans le ddchiffrement avec des strategies' " floues ", ils n ' o n t rien systematsse' "' dans l'abord d'un texte Ecrit. Si, dans un effort d'attention, ils ddcodent correctement : la petite maison.., quelques instant apr~s, sans percevoir les Ecarts, ils relisent: le petit macon... Ils lisent un mot p o u r ! un autre sans para~tre perce~. / 9 voir 1 incoherence semannque qui en rEsulte *.

* I1 semble parfois utopique d'attribuer, comme le propose B. Bettelheim, dans La lecture et l'enfant (Paris, Laffont, 1983), une signification inconsciente aux fautes de lecture de l'enrant: ,, Que se passerait-il si nous considdrions leurs fautes de lecture comme significatives ? ,,. Les fautes de lecture deviennent alors l'dquivalent des lapsus, des, associations libres par lesquels l'inconscient fair surface. Par teur intermddiaire, l'enrant peut s'affirmer, exprimer ce qu'il ne peut dire autrement. En confondant par exemple ~, jump ,, (sauter) et ,< dump ,, (d@otoir), l'enfant exprimerait simplement qu'il a envie de mettre fi la poubelle ce livre de lecture qui ne l'intdresse pas et qu'il trouve stupide! (op. citE, p. 86).

dyslexique

-- celles qui ont des formes sym&riques, en miroir : b-d, p-q des lettres qui different peu phon&iquement, les voyelles orales/nasales : a-an, o-on, les consonnes: t-d, c-g, s-z, ch-j, v-f. -

-

Les omissions peuvent affecter n'importe quelle pattie du m o t ou du texte, l'oubli porte sur un mot entier ou, le plus souvent: sur une syllabe (dans l'exemple prEsent~, il manque le ,, co ,, de crocodile), surtout en fin de mot (comme ,~ te ,, de verte), ce qui rappelle la chute de la syllabe finale dans les troubles de parole orale ; sur l'une des consonnes dans les groupes diconsonnantiques, n o t a m m e n t le ~, r,, ou le , l,, de fr, fl, cr, p r et autres, ce qui ressemble ~galement -

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283

PSYCHIATRIE ET PSYCHOLOGIE

de lettr.es qui pr.~sententune ~

(Essai..........

,

~/

N. . . . quisitiondef . . . . . . . . pl. . . . :~] 0uille ~ille

L~l aussi, l'erreur est fr~quente ~ l'oral comme : brourette pour: brouette. Dans le texte ~crit, il s'y ajoute des lettres, ~bauches ou gribouillis qui sont des essais, retouches, abandonn~s que l'enfant a parfois eu le temps de rayer (ils sont nombreux dans l'exemple ci-contre). Ces diff~rentes ,, fautes ,, montrent que l'enfant n'a pas une saisie nette et precise des formes ~crites, ni des formes sonores. I1 ~choue dans l'analyse phon~tique du syst~me de sa langue ou ne se repere pas bien dans cette forme de representation de sa langue qui n'a, il est vrai, gu~re d'analogie avec les mots qu'il a l'habitude de dire. D'autres probl~mes surgissent d~s qu'il est question de combinatoire. Des difficult~s d'assemblage, dans l'acquisition des sons complexes : oi, ou, on, in, etc. L'enfant arrive difficilement ~ automatiser la saisie globale de ces structures qui restent l'objet de confusions et aussi d'inversions comme nous allons le voir. Difficult~s croissantes lorsqu'il s'agit de groupes plus complexes, comme eil, aille, ille, ouille qui, pour certains, restent longtemps ind~chiffrables. Dans l'exemple, l'enfant confond : ille

J

(Omission de lett ..... g|labes, ) de

rnorceau 9

roots

i

,, i

r

Pers~.v~rationd'unelettre ou ,ici, d'unesyllabe : gro est r~p~t& par erreur , 6 la placede dro dans dromadaire ,alors qu'il ~taSt d~j6~crit fautivement par confusionr , aud~butde :

-

crov0dile.

Des inversions : les structures complexes qui doi! 9 vent ~tre emlses globalement sont souvent ~ l'origine d'inversions (ien-ein ou oin-ion), mais c'est le cas aussi de groupes de trois ou quatre lettres ou de petits mots c o m m e : fil (lu: fli), porte (lu: prote), car (lu: cra). Des pers~v6rations ~voquent ~galement l'oral. Dans l'exemple, on peut, malgr~ les fautes, reconnattre que le dernier m o t : dromadaire (omission de: daire) est ~crit : gra- ou gro-, r~p~tant le gro-~crit juste au-dessus, par erreur aussi, pour crocodile (il manque la syllabe m~diane: co). En parcourant les exemples, il est clair que, pour p 9 A l'enfant, les structures ecrltes sont extremement impr~cises. A force de confusions, d'oublis, d'ajouts.., on ne reconnait plus le texte. La plupart des enfants ne peuvent absolument pas relire ni comprendre ce qu'ils viennent d'~crire. Tout reste flou, approximatif, ce qui est incompatible avec

Chez un enfant de 8 ans: les fautes les plus habituelles.

une v alis e une g r e n o u i l l e

verte.

un c r o c o d i l e dromadaire.

et un

un d~faut courant ~l l'oral:

la gande pote pour: la grande porte des feurs p o u r : des fleurs. Les adjonctions sont parfois des lettres superflues ou des structures inutilement compliqu~es qui viennent surcharger le m o t : radillece pour : radio les ploils pour: polls.

;

ouille.

/ i

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I Apr~'s6 ans de r~:ducation1 I derriere hautes ~'i ell ille n~ais rnots courants,sont remplac~ ,soit par un autre sont acquis . mot familier ( haute - autre ),soit par une creation inutilement oomplJqu~=e(d'~.ihier)

Le soleil brille derriere les hautes herbes. 284

Journal de PEDIATRIE et de PUERICULTURE n ~ 5-1989

PSYCHIATRIE ET PSYCHOLOGIE les exigences de la langue dcrite. L'enfant ne peut se raccrocher ~t rien : les strategies qu'il est arrive ~t dlaborer sont ddborddes. Un enfant dyslexique de 10 ou 12 ans qui fait une dictEe en classe arrive rarement ~t amdliorer ses fautes lors de la relecture. Le texte est dmailld de surcharges. Lorsqu'il doit dcrire un mot inhabituel, l'enfant s'affole, essaie des modifications, comme ce garqon qui doit dcrire: en rn~tal premiere version: en rnettan, puis il corrige: en rn~tan, surcharge: rnr hdsite et raye le e final, enfin, n'ayant plus de place, griffonne dans la marge : mdtail. Pire encore lorsqu'il s'agit de noms propres. Le m~me enfant se heurte au nom de Gutenberg qui devient : gunkrn~re, puis gute'mbre, corrlge : Gutenere, pros finalement, apr~s explication du maitre: Gutenber. I1 s'y ajoute souvent un mauvais d~coupage du texte auquel s'associe d'inutiles complications, comme jecr~ae pour: j ecrzs, papa rn'a de au n~e pour: papa rn'a donn~, le veu rnorguarnise'ee pour: je veux rn'organiser. Ces fausses coupes font apparaitre la saisie floue des formes grammaticales (les pronoms collEs au verbe, par exemple, ici). Depuis les fautes les plus simples jusqu'~ celles-ci qui portent sur les structures complexes, il est Evident que tout un groupe de difficultds des dyslexiques traduit simplement ~t l'dcrit des troubles qui affectent globalement les structures du langage (le syst~me phondtique, la forme des mots, des structures grammaticales).

Troubles de l'&rit et de l'oral sont, le plus souvent, absolument corral,s au point que les difficultgs de langage sont habituellement au centre de la rggducation qui est proposge aux dyslexiques.

Ils ne sont cependant pas seuls en cause, nous allons le voir; nous avons ~voqu~ au tout d~but de cette description les difficult~s dans la saisie des formes (la forme des lettres et leur orientation dans l'espace graphique), le mauvais balayage visuel (Etude des asynchronies visuelles ou des particularites des d@lacements et fixations visuelles devant une page Ecrite)... On ne peut traiter isolEment le probl~me de la dyslexie. L'attention portEe l'analyse des details d@asse le diagnostic descriptif et d~voile la toile de fond qui est le decor habituel des dyslexies. Journal de PI~DIATRIE et de PUC_RICULTURE n ~ 5 - 1 9 8 9

comment situer la d y s l e x i e : u n e mosa'i'que s6m6iologique Quel que soit l'~ge de l'enfant, le clinicien rEunit des informations qui lui permettent d'~valuer ce qui sous-tend les difficult~s de lecture. L'entretien avec les parents permet de noter les incidents somatiques et psychologiques qui ~maillent l'histoire de l'enfant. I1 se dessine pour chacun une sdm~iologie qu'il s'agit de bien rechercher, car c'est sur les groupements sdm~iologiques que s'appuie la comprehension de chaque cas. I1 faut toujours penser

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* la notion d'Mr~dit~ : il est tr~s frequent que les parents, fr~res ou sceurs aient prdsentd des troubles analogues ou des difficultds qui se situent dans le mime champ: b~gaiement, troubles du langage, de la latdralisation, du rep~rage temporospdcial. * au langage: un enfant dyslexique a prdsentd ou prdsente, dans la majoritd des cas, des troubles du langage et de la parole. Soit un retard important qui a dEj~ fait l'objet d'une aide spdcialisde, soit des troubles plus discrets dont il est fondamental de bien ~valuer la structure et le fonctionnement. On comprend aisdment que les confusions ou imprdcisions phonEtiques se retrouvent l'dcrit, on comprend aussi que le flou des structures linguistiques affecte de faqon Equivalente l'oral et l'dcrit. Mais ce qui compte le plus est que l'enrant poss~de un langage suffisamment organisd pour ~tre capable de se raconter les choses mentalement. La succession des gestes ou des actions de la vie quotidienne est sous-tendue par la raise en r~cit que l'enfant peut en faire, dans sa pensde, une condition psycho-linguistique qui constitue comme une ,, prd-forme ,7 dans laquelle le sens de la lecture v a s e glisser. * ~l l'audition: il convient de toujours v~rifier l'audition et de prdciser la frdquence d'@isodes rhino-pharyngds qui peuvent avoir entraInE des p&iodes d'hypoacousie plus ou moins prolongde l'age de l'acquisition du langage. Lorsque l'audition tonale est normale, il existe frEquemment des troubles d'intdgration auditive qui expliquent la confusion de formes phon&iques peu diffdrentes ou le flou dans la saisie de la configuration phondtique des roots. Le bilan auditif est compl&d par le Test d'Ecoute Dichotique. * fi la vue qui est toujours ~l v~rifier ~galement, l'acuitd visuelle, mais aussi les strategies de dEplacement du regard qui, ~ en croire les moyens d'investigation les plus rdcents, se montrent non m&hodiques d~s la toute petite enfance, avant m~me l'~ge de la lecture. * aux troubles de lat~ralisation relevEs, depuis les d~buts, dans la dyslexie. Les vrais gauchers 285

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ne sont gu~re plus affectEs que les droitiers, mais ce sont les enfants mal lat&alisEs ou lat&alisEs tardivement que l'on retrouve avec le plus de fiEquence dans le lot des dyslexiques. Ces enfants reconnaissent difficilement leur droite et leur gauche, ils s'orientent mal dans l'espace. Au debut des apprentissages, ils ont tendance fi tracer les lettres, parfois les mots et les chiffres, en miroir. Certains continuent ~l Ecrire de droite fi gauche ou ne savent pas s'ils doivent commencer leur cahier par le debut ou la fin. 9 aux troubles de rep~rage dans le temps et l'espace qui ne sont pas spEcifiques, mais frequents chez les mal-lat&alisEs et les enfants qui ont des troubles du langage ou de la lecture. I1 en est de m~me des difficultEs motrices qui vont d'un simple retard -- l'enfant est pataud, les acquisitions motrices un peu retardEes -- ~ une g~ne majeure de type dyspraxique. 9 fi Hntelligence qui est, thEoriquement, normale. Les capacitEs intellectuelles sont potentiellement normales, mais au fil du temps l'enfant ne progresse pas vraiment comme les autres, en raison de l'insuffisance linguistique et aussi parce que tout un pan du savoir va lui ~tre inaccessible. Les tests psychomEtriques, comme le WISC, montrent habituellement, comme chez les enfants dysphasiques, un Ecart entre les Epreuves verbales et performance au bEnEfice de ces derni~res (les 286

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moins bons rEsultats sont obtenus aux Epreuves : information, series de chiffres et arithmEtique. L. Moor le notait dEjfi en 1955). Mais le plus caracterlstlque est 1 heterogenelte des resultats : certains enfants reusslssent alsement des tflches manipulatoires alors que d'autres sont en difficultE d~s qu'interviennent des notions visuo-constructives et spatiales. I1 est vrai que ces enfants surprennent souvent leur entourage par des contrastes : ils ne comprennent pas une consigne relativement simple ~ partir d'un texte Ecrit alors qu'ils sont les meilleurs pour des jeux informatiques par exemple. Dans les dyslexies les plus sEv~res, il arrive que des fonctionnements intellectuels soient Electivement en cause. L'attention portEe aux taches e' c r l "tes, par exemple, peut ~tre si labile que l'enfant est incapable de mEmoriser la moindre r~gle. I1 vient juste d'apprendre que i + n = i n , et quelques instants plus tard se remet ~t dire : i, n. Les acquisitions qui concernent l'Ecrit s'effacent ~ mesure, comme sur une ardoise magique. Un m~me dysfonctionnement Electif peut apparattre lorsqu'il s'agit de saisir, d'apprendre et de gEnEraliser une r~gle : par exemple, ajouter - e n t au verbe ~ la troisi~me personne du pluriel. L'enfant semble comprendre la r~gle, mais il ne la comprend pas avec rigueur et ne l'applique pas systEmatiquement ; il en rEsulte que - e n t est souvent remplacE par -s (il marque le pluriel, mais oublie qu'il s'agit d'un verbe, avec i

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PSYCHIATRIE ET PSYCHOLOGIE ses r~gles propres) ou que l'enfant peut l'utiliser pour marquer le pluriel d'un nom. Une r~gle n'est pas aussi precise, fixe et syst~matique que pour un enfant qui organise des strategies d'apprentissage efficaces. Patrols encore, c'est tout l'univers de la representation qui reste ~trang~re ~l l'enfant. I1 volt les lettres, peut m~me en reproduire les formes, mais il ne saisit pas que ces formes ,, reprEsentent >> des ElEments de la langue, et constituent, en se combinant, des mots qu'il connait sous une autre presentation, lorsqu'il les entend. I1 s'agit alors de difficult~s de symbolisation, particuli~rement difficiles fi rEEduquer, dans le d~terminisme desquelles facteurs cognitifs et psychodynamiques sont mmques. Du fait des associations sEm~iologiques, les enfants dyslexiques sont souvent dysgraphiques (notamment lorsqu'il existe des troubles moteurs, troubles de lat~ralisation ou instabilitY) et dyscalculiques (encadr~ n ~ 4). Deux entraves supplEmentaires ~ la r~ussite scolaire. Les facteurs psychodynamiques sont courants, mais non pathognomoniques. I1 faut appr~cier, en tout premier lieu, la maturit~ de l'enfant. I1 arrive qu'un enfant normalement intelligent demeure longtemps tr~s infantile, qu'il reste fixE ~l un niveau archa'ique, avec des comportements ,< agis >,, incapable de la distanciation qu'implique la lecture. Souvent, et patrols pour les m~mes, la persistance d%tats fusionnels qui ne permettent pas fi l'enfant de construire son identitY, de se situer comme individu distinct et autonome, de prendre de la distance par rapport au v~cu imm~diat. Or, pour ~couter ou lire une histoire, profiter d'un r~cit, il faut pouvoir d~coller du reel, vivre un instant sur deux plans -- le reel et l'imaginaire --, se mettre ~ la place de, s'identifier au heros. Celui qui prend du plaisir ~l lire fait abstraction de la situation prEsente, il se retire, dans une d~marche autocentrEe, qui n'est pas concevable sans une maturite et une autonomie suffisantes : l'enfant se suffit lui-m~me et se passe d'autrui volontairement, sans ressentir d'angoisse ou de frustration. Certains enfants, suffisamment autonomes et structures, compensent m~me positivement les frustrations ou les contradictions de leur environnement, en trouvant, dans la lecture, un refuge... Ils sont ~l l'opposE de~ dyslexiques. I1 peut exister aussi des inhibitions ou des blocages devant cet apprentissage qui est parfois porteur de sens multiples dans l'histoire des relations de l'enfant avec ses proches et avec le monde des adultes en g~n~ral. Pour certains, ,, lire >>est porteur d'angoisse, ,, ne pas lire ,> peut ~tre exploit~ comme une arme pour s'opposer au dEsir de l'adulte ou ruiner ses attentes quant au devenir de l'enfant. Journal de PI-DIATRIE et de PUERICULTURE n ~ 5 - 1 9 8 9

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dyscalculies

Les enfants dyslexiques ont parfois la chance de bien r~ussir en m a t h ~ m a t i q u e s , ce qui rassure I'entourage quant ~ leur intelligence et leur devenir et att~nue le s e n t i m e n t d'6chec scolaire. Tel n'est pas toujours le cas, car les troubles qui sous-tendent la dyslexie entravent bien s o u v e n t ~galement I'apprentissage des m a t h ~ m a t i q u e s . On le constate d~s les d~buts et ~ diff~rents niveaux car chaque nouvelle acquisition n6cessite que soient soild e m e n t automatis6es les donn~es pr6c6dentes, ce que I'enfant dyslexique ne r6ussit pas toujours. Ouelles sont ses difficult~s ? -- Iorsqu'il apprend les chiffres, I'enfant les 6crit en miroir, c o m m e il le fait pour les lettres, pour 6, pour 4. II arrive aussi qu'il inverse I'ordre des chiff r e s : 14 pour 41 par e x e m p l e . -- il automatise difficilement la succession des nombres, confond 15 et 50 ou 16 et 60 et ne saisit pas la signification du z6ro. Vous dictez : 104, il 6crit 100 4, c o m m e il I'entend : cent quatre. -- il c o m p r e n d d i f f i c i l e m e n t (et les c o n f o n d encore 10 ans ou apr~s) le sens des operations et les d6tails de leurs r~gles, n o t a m m e n t celles qui concernent la dispositions spatiale (les chiffres en colonne, les unit~s sous les unitds, les d~cimales, la place de la virgule) ou I'orientation de I'op6ration (on commence ~ droite, lui ~ gauche, ou encore h~site sans fin). -- il c o m p r e n d real et applique d i f f i c i l e m e n t le vocabulaire courant du calcul : soustraire, additionner, 6t~ de, moins, plus, je pose et je retiens, plusieurs, chacun, etc. -- ces handicaps convergent Iorsque I'enfant aborde les probl~mes. Car, avant de se lancer dans les calculs, il faut c o m p r e n d r e I'~nonc~, formule particuli~r e m e n t concise (chaque m o t c o m p t e , pas de r~p~tition) qui d e m a n d e aussi & I'enfant de sortir du r~el, d ' i m a g i n e r une situation qui ne pr6sente g~n~ralem e n t pour lui aucun int6r~t. Au bout du c o m p t e , le dyslexique se heurte bien souvent ~ des difficult6s d'ordre linguistique, temporospatial, conceptuel, Iogique dans lesquelles se trouv e n t impliqu6es t o u t e s les entraves qui interviennent ~galement dans I'apprentissage de la lecture.

Des d~fenses d~pressives figent certains enfants dans l%chec comme s'ils s'interdisaient de grandir. I1 arrive encore que la dynamique familiale soit d~s~quilibr~e par des tabous, des secrets (quant au pass~ des parents, quant ~ la filiation ou autres th~mes habituels en psychopathologie infantile) qui entretiennent des plages d'ombre, de non-dit, d'inexprimable, bloquant les progr~s de l'enfant, tant pour parler que pour life. Le groupe familial est parfois si mal structur~ ou si incoherent qu'il n'apporte qu'entraves ~i l'dpanouissement des comp~tences de l'enfant. Celui-ci grandit alors comme un pseudo-ddbile, comme s'il ne s'autorisait pas ~ ~voluer en enfant intelligent dont routes les capacit~s fonctionnent bien. I1 est relativement alse devaluer ces malajustements psychodynamiques lorsque la dyslexie est abordde t6t, alors que les retomb~es de l%chec ne sont pas venues compliquer les relations. D~s 287

PSYCHIATRIE ET PSYCHOLOGIE que la situation d'6chec est install6e, aux probl~mes initiaux se superposent des troubles r6actionnels qui p~sent ~ leur tour sur l'6volution de l'enfant. M~me dans les meilleurs cas, pour l'enfant dyslexique, les activit6s scolaires et le monde de l'6crit baignent dans le flou et l'ennui. I1 se trouve engag6 dans un jeu dont on ne lui a pas donn6 la cl6; il ne comprend m6me pas parfois qu'il a des cl6s et se d6bat dans un monde qui doit ~ui sembler bien absurde. Un malaise profond, pour la plupart. Dans l'6ventail des r6actions, la plus constante ,"

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est le sentiment d'6chec et d lnferlorlte que l'en-

tourage se charge bien souvent de renforcer. Que disent en effet les adultes ~ un enfant qui semble intelligent et ne suit pas comme les autres ? <,I1 le fait expr~s ! il est paresseux ] il se moque de son travail ou des adultes I il compromet son avenir ! il sera un rat6 ! ,,. Les adultes sont si maladroits.., et souvent si anxieux, car eux aussi sont bless6s. Leur enfant ne brille pas ] l'6cole, il risque de redoubler, de rater sa scolarit6. Les parents inquiets sont souvent d6sarm6s pour soutenir cet enfant qui reqoit avec anxi6t6, culpabilit6 ou indiff6rence les tristes pr6dictions port6es sur son avenir. I1 arrive que les adultes n'y comprennent rien. Ceux pour qui la lecture va de sol imaginent difficilement cette forme de pens6e et ces entraves la lecture. I1 faut arriver fi convaincre cet adulte, malgr6 ses incompr6hensions et ses inqui6tudes pour qu'il arrive fi aider l'enfant dyslexique qui, de toute fa~on, doit vivre et trouver sa place dans notre civilisation de l'6criture. Ainsi les malajustements peuvent &re internes (Fenfant en conflit avec lui-m~me, avec des d6sirs contradictoires), intrafamiliaux (les relations avec les proches), ils peuvent &re 6galement socio-culturels et interviennent alors de diverses mani~res. L'environnement socio-culturel est parfois tr~s pauvre, tant par le niveau du langage que l'attention des adultes ~t l'6ducation et ~t l'6panouissement de l'enfant ou encore par le niveau d'instruction des parents. Une enqu&e de A. Malmquist (Stockholm, 1958) &ablit une relation entre le nombre de livres que poss~dent les parents (certains foyers n'en poss~dent pas) et la qualit6 de l'apprentissage de l'enfant en ce qui concerne la lecture et les premieres notions scolaires. Des facteurs multiples expliquent cette r6p&ition de lu L'h6r6dit6, notamment pour le langage. De plus, les parents ne lisent pas, ne fournissent pas ~t l'enfant un module de lecteur qui a du plaisir ~t lire. Cette hypoth~se doit &re nuanc6e. I1 est en effet tout fi fait diff6rent d'&re analphab~te dans notre soc]ete avancee et dans d'autres cultu9 !

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res. Certains adultes immigr6s analphab~tes n'ont pas &6 scolaris6s dans leur pays d'origine, et appartiennent, chez nous, aux classes sociales les plus d6favoris6es. Pour leurs enfants, le handicap est ~i la fois linguistique, 6ducatif et aussi cultural. En effet, les immigr6s vivent souvent mal leur d6racinement culturel. Incapables d'int6grer -- d~s la premiere g~n~ration en tous cas -- les particularit& culturelles du pays d'accueil, ils sont 6galement coup6s de leurs racines et ne peuvent entretenir la richesse culturelle de leur propre civilisation. Dans leur pays d'origine, il se transmet un r6pertoire de tradition orale qui est leur capital commun et un objet culturel sp6cifique. Mais d6plac&, confront& fi des probl~mes multiples, cherchant ~t s'int6grer dans les structures nouvelles -- notamment pour l'avenir de leurs enfants -- ils perdent la sp6cificit6 de leur culture et leurs enfants se trouvent, pour la plupart, d6munis devant les modalit6s scolaires qui leur sont propos6es. Les enfants socio-culturellement d6favoris& ou handicap6s, que leur langue maternelle soit le fran~ais ou une autre langue, devraient retenir l'attention des p6dagogues d~s leur toute petite enfance. I1 faudrait, pour eux, prendre les devants, ne pas attendre qu'ils soient en situation du scolaire pour compenser leurs carences linguistiques (an tenant compte des differences de structure des langues) ou culturelles. La s6m6iologie d6crite n'est jamais au complet. Le clinicien s'efforce dYvaluer pour chaque enfant ce qui est entrav6 et ce qui fonctionne bien. Certains enfants pr~sentent plut6t des signes de dysmaturit6, un ensemble s6m6iologique neurologique, alors que pour d'autres des facteurs psychodynamiques ou socio-cuhurels ont pu &re d&erminants. L'6valution ne peut &re qu'individuelle. De nombreux enfants dyslexiques sont en effet psychiquement normaux ou subnormaux ; leur groupe familial n'est pas discordant, les 6v6nements de leur vie sont ceux du quotidien habituel. I1 sera plus facile de les aider, ~t la condition cependant que la r66ducation ne soit pas une simple correction de leurs fautes, mais offre une prise en charge personnalis6e de leurs difficult6s d'apprentissage, des 6checs qu'elles ont entrain& -- pour la lecture et dans d'autres domaines -- et des retomb6es narcissiques in6vitables. Pour d'autres enfants, l'inaptitude ~t la lecture est -- avec d'autres sympt6mes parfois -- l'expression de troubles de la personnalit6 qu'il faut situer dans la dynamique familiale. Cette dimension ne dispense pas de traiter la dyslexie, car elle est g6n6ralement sous-tendue par des facteurs structuraux qui expliquent que les probl~mes s'expriment sur ce terrain. La suite de cet article : C o m m e n t expliquer la dyslexie et c o m m e n t aider un enfant dyslexique ? paraFtra dans le n ~ 6. Journal de P#DIATRIE at de PUI~RICULTURE n ~ 5-1989