Effets comparés de l’étomidate et du propofol pour l’anesthésie lors de l’électroconvulsivothérapie

Effets comparés de l’étomidate et du propofol pour l’anesthésie lors de l’électroconvulsivothérapie

A R T I C L E O R I G I N A L © 2005, Masson, Paris Effets comparés de l’étomidate et du propofol pour l’anesthésie lors de l’électroconvulsivothé...

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© 2005, Masson, Paris

Effets comparés de l’étomidate et du propofol pour l’anesthésie lors de l’électroconvulsivothérapie

1 - Service d’anesthésie réanimation 2 - Service de psychiatrie, Centre hospitalo-universitaire F. Bourguiba, Monastir, Tunisie

Correspondance: Lofti Grati, service d’anesthésieréanimation, Centre hospitalo-universitaire F. Bourguiba, avenue du 1er juin, 5000 Monastir, Tunisie Tél.: (216) 73461144 (216) 98413221 Fax: (216) 73460678 [email protected]

Reçu le 9 juin 2004 Accepté le 13 juillet 2004

Presse Med 2005; 34: 282-4

Lotfi Grati, Moez Louzi Kais Ben Nasr, Najib Zili Leila Mansalli Anouar Mechri Mourad Gahbiche

Summary

Résumé

Compared effects of etomidate and propofol for anaesthesia during electroconvulsive therapy

Objectif L’électroconvulsivothérapie (ECT) nécessite des anesthésies répétitives et de courte durée avec un relâchement musculaire et une narcose profonde qui font appel a plusieurs produits anesthésiques. Le but de ce travail a été d’évaluer la qualité de la technique anesthésique pour ECT en comparant 2 produits: le propofol et l’étomidate. Méthodes C’est une étude prospective randomisée incluant des séances d’ECT. Les malades ont été répartis en 2 groupes. Les malades du groupe 1 ont eu une anesthésie générale par le propofol (1,5 mg.kg-1) et la succinylcholine (0,75 mg.kg-1). Les malades du groupe 2 ont reçu de l’étomidate (0,15 mg.kg-1) et la succinylcholine (0,75 mg.kg-1). Tous les patients inclus n’ont pas de contre indication absolue ou relative à ECT. Résultats Cent quatre séances ont été incluses, avec 52 séances par groupe. Le groupe 1 est composé de 12 malades et le groupe 2 de 13 malades. Les caractéristiques démographiques ainsi que l’indication de l’ECT étaient comparables dans les 2 groupes. Il n’y avait pas de variation hémodynamique (essentiellement une chute tensionnelle) entre les groupes. La durée des convulsions était plus prolongée dans le groupe étomidate (28,76 ± 3,29 s) par rapport au groupe propofol (23,84 ± 7,18 s) avec une différence significative (p = 0,000018). Le réveil était calme dans les 2 groupes. Conclusion Les propriétés pharmacologiques du propofol et de l’étomidate répondent parfaitement aux exigences d’une anesthésie pour ECT. Néanmoins, aucune chute tensionnelle n’a été observée avec une durée des convulsions supérieure dans le groupe étomidate par rapport au groupe propofol.

Objective Electroconvulsive therapy (ECT) requires repeated shortterm anaesthesia with muscle relaxation and deep narcosis and uses several anaesthetic agents. The aim of this study was to assess the quality of the anaesthetic technique applied for ECT by comparing two products: propofol and etomidate. Methods This was a prospective randomised study that included ECT sessions. Patients were distributed into two groups. Patients of Group 1 underwent general anaesthesia with propofol (1.5mg.kg-1) and succinylcholine (0.75mg.kg-1). Patients of Group 2 were administered etomidate (0.15mg.kg-1) and succinylcholine (0.75mg.kg-1). None of the patients included had any absolute or relative contraindication to ECT. Results 104 sessions were included, with 52 sessions per group. Group 1 was composed of 12 patients and Group 2 of 13. The demographical characteristics and indication for ECT were comparable in the two groups. There was no haemodynamic variation (notably drop in blood pressure) between the groups. The duration of seizures was significantly more prolonged in the etomidate group (28.76±3.29 seconds) than in the propofol group (23.84±7.18 seconds), with significant difference (p=0.000018). Awakening was calm in both groups. Conclusion The pharmacological properties of propofol and etomidate reply precisely to the requirements of anaesthesia for ECT. Nevertheless, no drop in blood pressure was observed with the greater prolongation of seizures in the etomidate group compared with the propofol group. L. Grati, M. Louzi, K. Ben Nasr, N. Zili, L. Mansalli, A. Mechri et al. Presse Med 2005; 34: 282-4 © 2005, Masson, Paris

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a sismothérapie ou électroconvulsivothérapie [ECT] (anciennement appelée “électrochoc”) est une technique utilisée dans le traitement des maladies mentales.Elle permet l’amélioration rapide de l’état de santé de certains patients par le recours à l’équivalent d’une crise convulsive artificiellement provoquée en utilisant un courant électrique faible et très bref appliqué à la surface du crâne. La charge électrique utilisée doit dépasser légèrement

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le seuil comitial. Elle nécessite des anesthésies répétitives et de courte durée (10 à 15 séances en moyenne avec une fréquence bi ou trihebdomadaire) avec une narcose profonde et un relâchement musculaire. Plusieurs produits anesthésiques ont été essayés. Le narcotique utilisé doit supprimer la perception désagréable du choc électrique et la myorelaxation, faciliter la ventilation manuelle et éviter les complications ostéo-ligamentaires des manifestations tonico-cloniques. Le but 26 février 2005 • tome 34 • n°4

L. Grati, M. Louzi, K. Ben Nasr, N. Zili, L. Mansalli, A. Mechri et al.

Tableau 1

Étomidate (13 malades)

Propofol (12 malades)

P

par groupe ont été estimés suffisantes.Pour l’étude statistique,nous 2 avons utilisé le test du χ et le test t-Student pour la comparaison des moyennes. Le seuil de signification était fixé à 0,05.

Âge (ans)

49,6 ± 11,9

47,9 ± 12,9

ns

Résultats

Poids (kg)

68,7 ± 12,7

70,0 ± 16,3

ns

Sex ratio

0,73

1,3

ns

ASA I

6

6

ns

ASA II + III

7

6

ns

Tableau 2

Pathologies indiquant l’ECT dans chaque groupe Etomidate

Propofol

P

7

5

ns

Dépression Dépression avec délire

6

5

ns

Troubles bipolaires

0

2

ns

ns: non significatif.

de ce travail a été d’évaluer la qualité de la technique anesthésique pour ECT en comparant le propofol et l’étomidate.

Méthodes Après accord du comité d’éthique et le consentement éclairé des patients ou de leurs tuteurs légaux, une étude prospective incluant des malades ASA I, II et III, ayant des troubles dépressifs majeurs et devant avoir des séances d’ECT programmée a été réalisée. Les critères de non-inclusion ont été: les patients ASA IV et l’existence d’une contre-indication absolue ou relative à l’ECT (lésions expansives intracrâniennes, anévrysmes ou malformations vasculaires, hypertension intracrânienne,épisode d'hémorragie cérébrale,infarctus du myocarde récent, maladie emboligène, décollement de la rétine, phéochromocytome, prise de traitement anticoagulant). Les patients inclus dans l’étude ont été répartis par tirage au sort en 2 groupes.Les malades du groupe 1 ont eu une anesthésie générale -1 -1 par le propofol (1,5 mg.kg ) et la succinylcholine (0,75 mg.kg ).Les -1 malades du groupe 2 ont reçu de l’étomidate (0,15 mg.kg ) et la -1 succinylcholine (0,75 mg.kg ).La liberté des voies aériennes,la prévention de la morsure de la langue et la ventilation ont été assurées par une canule Copa. L’intensité du courant de stimulation était variable entre 50 et 80 joules.Le monitorage peropératoire consistait en une surveillance continue de l’électrocardioscope, de la saturation artérielle en oxygène et de la pression artérielle non invasive toutes les 2 minutes durant la totalité de chaque séance, en plus du monitorage électroencéphalographique. Les critères d’évaluation ont été la durée de la convulsion; la tolérance hémodynamique; les effets indésirables liés aux produits anesthésiques et la qualité du réveil. L’augmentation du temps de convulsion était estimée à 30 % avec un risque “α” à 5 % et une puissance “P” à 80 %. Pour cela 37 séances 26 février 2005 • tome 34 • n°4

Le nombre de séances incluses dans l’étude est de 52 par groupe, avec 12 malades dans le groupe 1 et 13 malades dans le groupe 2. Les 2 groupes étaient comparables du point de vue âge, sexe, poids et du score ASA (tableau 1). Les pathologies indiquant l’ECT figurent dans le tableau 2.Le réveil était calme dans les 2 groupes,il n’y avait pas d’agitation ni de confusion.Aucune différence concernant la pression artérielle n’a été constatée dans les 2 groupes (figure 1). La durée des convulsions était plus prolongée dans le groupe étomidate (28,76 ± 3,29 s) par rapport au groupe propofol (23,84 ± 7,18 s) avec une différence statistiquement significative (p = 0,000018).La figure 1 illustre que les courbes de pressions artérielles moyennes des 2 groupes sont comparables et sont parallèles durant les différents moments de mesure.Concernant les effets indésirables, un seul malade du groupe 2 a eu une bradycardie extrême (inférieure à 40 min) qui a été bien jugulée par l’administration d’atropine et 3 autres du groupe 1 ont eu une douleur au point d’injection du propofol.Les autres effets indésirables étaient les nausées et les vomissements qui ont été constatés chez 3 des malades du groupe étomidate.

Discussion Dans notre étude, la durée des convulsions était plus prolongée avec l’étomidate qu’avec le propofol.Bien que cette différence soit

Pression artérielle moyenne (mmHg)

Caractéristiques démographiques des 25 malades

Figure 1 Variation de la pression artérielle moyenne en fonction du temps. Cette figure montre les chiffres de pression artérielle moyenne en fonction du temps (toutes les 2 minutes) avec le propofol (G1) et l’étomidate (G2). La cinétique des 2 courbes est parallèle durant la totalité de l’anesthésie, ce qui illustre que les 2 produits n’ont pas de retentissement sur la pression artérielle et qu’ils sont bien tolérés sur le plan hémodynamique. T1: pression artérielle moyenne (PAM) au départ ; T2: PAM à 2 min ; T3 : PAM à 4 min ; T4: PAM à 6 min ; T5 : PAM à 8 min. La Presse Médicale - 283

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statistiquement significative en faveur du premier, ces 2 produits anesthésiques sont responsables de crises convulsives assez prolongées pour le traitement efficace des maladies mentales. Aucune chute tensionnelle n’a été observée avec le propofol. Ses propriétés pharmacodynamiques et pharmacocinétiques, et surtout son réveil rapide et ses effets antivomitifs sont en faveur de l’indication de ce dernier pour l’ECT. L’étomidate peut représenter une alternative pour accroître l'efficacité thérapeutique de l'ECT en augmentant le seuil convulsivant et surtout pour les sujets qui ont un score ASA supérieur ou égal à II du fait de son retentissement hémodynamique négligeable. Les critères d’efficacité de l’ECT dans le soulagement de la dépression aiguë sont l’objet de controverse. En effet, la durée de la crise convulsive, qui était longtemps considérée comme un 1 paramètre fondamental , ne semble plus être retenue comme un 2 critère d’efficacité . Ainsi, une durée de 25 à 50 secondes est optimale pour produire une réponse antidépressive. Une crise de durée inférieure à 15 secondes ou supérieure à 120 secondes est 3,4 considérée comme inefficace . Le dilemme dans l’ECT est d’assurer une anesthésie générale de qualité, tout en respectant une durée optimale de crise convulsive35 . Plusieurs drogues anesthésiques ont été employées pour l’ECT. Le propofol est l’un des produits utilisés ; il assure une anesthésie rapide, profonde, de courte durée avec un minimum d’effets indésirables et un réveil précoce et de qualité adapté au contexte 6 -1 ambulatoire . La dose préconisée est de 0,5 à 2,5 mg.kg . Les qua3-5 lités du propofol sont démontrées par de nombreux travaux qui ont conclu qu'il élève le seuil convulsivant et réduit la durée des 7 crises sans diminuer l’efficacité de l’ECT . L’étomidate est un autre produit utilisé. Il assure une bonne stabilité cardiovasculaire avec un réveil légèrement plus tardif que le propofol. Il a l’avantage d’interférer le moins avec le seuil épileptogène. Il augmente la durée des convulsions et pourrait ainsi accroître l'efficacité thérapeutique de l'ECT notamment chez les patients ayant une durée de crise inférieure à 20 s malgré un sti4,8-10 .Il est administré à la dose de 0,15 à mulus électrique maximal -1 0,3 mg.kg . Cet effet prolongé de l’étomidate était considéré par 11 certains auteurs comme intéressant pour le traitement par ECT surtout pour les patients chez lesquels des réponses thérapeu-

Les effets comparés de l’étomidate et du propofol pour l’anesthésie lors de l’électroconvulsivothérapie

CE QUI ÉTAIT CONNU • Lors d’une électroconvulsithérapie, la durée de la crise convulsive est plus courte avec le propofol que l’étomidate et ne semble pas interférer avec son efficacité. • Le propofol atténue la réponse hypertensive lors de l’électroconvulsivothérapie. • La qualité de réveil est bonne avec le propofol et l’étomidate.

CE QU’APPORTE L’ARTICLE • Il n’existait pas de différence entre le propofol et l’étomidate concernant l’efficacité de l’électroconvulsivothérapie. • Le propofol n’a pas entraîné de variation hémodynamique. • Le propofol est indiqué pour le réveil rapide et ses effets antivomitifs. • L’étomidate est indiqué chez les sujets ASA III et IV et en cas de besoin d’augmenter le seuil convulsivant.

tiques suboptimales ont été obtenues avec les autres produits anesthésiques. Concernant les effets hémodynamiques de ces 2 produits, notre travail a montré qu’ils étaient bien tolérés sur le plan hémodynamique et il n’y avait pas de chute tensionnelle plus marquée avec un produit par rapport à l’autre.L’absence de chute tensionnelle avec le propofol, qui est connue par ses effets cardiovasculaires délétères, peut être expliquée par la faible dose utilisée pour induire l’anesthésie. Cependant pour l’étomidate, qui est connu pour son innocuité sur le plan cardiovasculaire, il est préconisé par plusieurs auteurs pour les patients ayant un mauvais sta8 tut cardiaque . Les nausées et les vomissements sont fréquemment rencontrés avec 4 l’étomidate, comme l’ont constaté Zhengnian et White et Bailine 12 et al. , ce qui n’est pas le cas avec le propofol qui est connu pour ses effets antivomitifs et pourrait être une bonne alternative en cas 12 de constatation de ces effets .Les autres effets indésirables sont les douleurs au point d’injection du propofol, que l’on peut prévenir par l’administration préalable d’une petite dose de lidocaïne 6 (10 mg) qui n’interfère pas avec le seuil convulsivant . ■

Références 1 Ramton AJ, Griffin RM, Durcan JJ, Stuart CS. Propofol and electroconvulsive therapy. Lancet 1988; 1: 296-7. 2 Adams CN. Propofol for electroconvulsive therapy. Anesthesia 1989; 44: 168-9. 3 Fredman B, D’Etienne J, Smith I, Husain MM. Anesthesia for electroconvulsive therapy: effects of propofol and methohexital on seizure activity and recovery. Anesth Analg 1994; 79: 75-9. 4 Zhengnian Ding, White PF. Anesthesia for electroconvulsive therapy. Anesth Analg 2002; 94: 1351-64. 5 Gomez F, Afiane H, Usandizaga D, Valat P, Janvier G. Anesthésie pour électroconvulsivothérapie. Conférences d’actualisation SFAR 1999, p. 123-36. Elsevier, Paris, et SFAR. 6 Bonada G. Diprivan® et sismothérapie. Ann Fr Anesth Réanim 1994; 13: 545-8. 7 Saito, Yuji Kadoi, Takeshi Nara. The comparative effects of propofol versus thiopental on 284 - La Presse Médicale

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middle cerebral artery blood flow velocity during electroconvulsive therapy. Anesth Analg 2000; 91: 1531-6. Benbow SM, Shah P, Crentsil J. Anaesthesia for electroconvulsive therapy: a role for etomidate. Psychiatric Bulletin 2002; 26: 351-3. Saffer S, Berk M. Anesthetic induction for ECT with etomidate is associated with longer seizure duration than thiopentone. J ECT 1998; 14: 89-93. Trzepacz PT, Weniger FC, Greenhouse J. Etomidate anesthesia increases seizure duration during ECT. A retrospective study. General Hospital Psychiatry 1993; 15: 115-20. Avramov MN, Husain MM, White PF. The comparative effects of methohexital, propofol and etomidate for electroconvulsive therapy. Anesth Analg 1995; 81: 596-602. Bailine SH, Petrides G, Doft M, Lui G. Indications for the use of propofol in electroconvulsive therapy. J ECT 2003; 19: 129-32. 26 février 2005 • tome 34 • n°4