Journal de thérapie comportementale et cognitive (2009) 19, 4—29
ARTICLE ORIGINAL
Effets du taï-chi-chuan sur la santé psychique et physique : une revue systématique de question The effects of tai chi chuan on physical and mental health: A systematic review of the question Claude Berghmans ∗, Marina Kretsch , Stéphanie Branchi , Lionel Strub , Cyril Tarquinio UFR SHA, équipe psychologie de la santé, laboratoire lorrain de psychologie, université de Metz, Île-du-Saulcy, 57000 Metz, France
MOTS CLÉS Taï-chi-chuan ; Médecine complémentaire et alternative ; Méditation
KEYWORDS Tai chi chuan; Literature review; Complementary and alternative medicine; Meditation
Résumé L’objectif de cette étude est de proposer une revue de littérature des travaux scientifiques qui portent sur la pratique du taï-chi-chuan et de son effet sur la santé psychique et physique, publiés entre 1966 et 2007. Le taï chi est un art martial d’origine chinoise, qui connaît de plus en plus de succès en Occident depuis plusieurs années. En lien avec l’approche comportementale et cognitive, de nombreuses études, majoritairement aux États-Unis et en Chine, se sont intéressées aux effets sur la santé physique et psychologique de cette pratique. Dans cette recherche, 47 études empiriques ont été prises en compte, sur la base de plusieurs critères. Elles démontrent un effet thérapeutique positif de la méthode sur les fonctions cardiovasculaires, les maladies chroniques, les domaines psychologiques, physiologiques et immunitaires. Il est cependant nécessaire de continuer les recherches, afin de confirmer ses effets, d’affiner la méthodologie (notamment en ce qui concerne l’hétérogénéité du public pris en charge) et de mettre en lumière ses mécanismes d’action. © 2009 Association franc ¸aise de thérapie comportementale et cognitive. Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. Summary The aim of this study was a literature review of research on tai chi chuan and its effects on psychological and physical health, published between 1966 and 2007. Tai chi is a form of martial art, which has known growing interest in western countries. Linked to behavioural and cognitive approaches, many studies, especially in China and the United States, have concerned tai chi and physical and psychological health. In this research, 47 empirical studies met criteria to be included in this review. Acceptable studies covered a wide spectrum of disorders, such as cardiovascular function, chronic illness, and psychological, physiological and immune diseases. It is now necessary to continue the research in this area, to confirm the effects, improve the
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Auteur correspondant. Adresses e-mail :
[email protected] (C. Berghmans),
[email protected] (M. Kretsch),
[email protected] (L. Strub),
[email protected] (C. Tarquinio). 1155-1704/$ – see front matter © 2009 Association franc ¸aise de thérapie comportementale et cognitive. Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
doi:10.1016/j.jtcc.2009.04.008
Effets du taï-chi-chuan sur la santé psychique et physique
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methodology (in particular the heterogeneity of the population) and to investigate questions concerning the mecanisms of action of tai chi chuan. © 2009 Association franc ¸aise de thérapie comportementale et cognitive. Published by Elsevier Masson SAS. All rights reserved.
Introduction À l’heure actuelle, on constate que de plus en plus de personnes se consacrent à des styles de gymnastique d’origine chinoise appelés « taï-chi-chuan » et « qi gong » qui sont pratiqués en Orient (Chine, Japon) depuis des décennies. Devant l’engouement de ces centaines de personnes, il est important de s’interroger sur les bienfaits de ces expériences en termes de santé. Face à l’évolution des facteurs liés à la santé, tels que le stress et différentes pathologies, il est nécessaire de trouver d’autres moyens thérapeutiques et non pharmacologiques pour améliorer le bien-être des individus et cela d’une manière préventive. Dans le cadre des alternatives thérapeutiques, le taï-chi-chuan a fait l’objet de nombreuses études dans des revues spécialisées (American Journal of Medecine, Psychosomatic Medecine) qui mettent en lumière l’intérêt de ces approches sur la santé physique et psychique. Faisant partie intégrante de la médecine chinoise, ces approches s’intègrent dans le champ de la prévention et du développement personnel en termes de bien-être et se placent à la frontière des alternatives psychothérapeutiques. En effet, de par un travail corporel important et une inscription psychologique certaine, ces pratiques attirent l’attention de la recherche en psychologie de la santé sous l’éclairage des prises en charge thérapeutiques. À cet égard, de nombreuses études se sont intéressées aux bénéfices induits par la pratique de cette discipline sur l’apaisement du corps et de l’esprit. De ce fait, elles ont soulevé un débat sur leur efficacité thérapeutique dans les domaines tels que les maladies chroniques, la gestion de la douleur, la régulation du stress ainsi que l’immunologie. L’objectif de cet article est d’effectuer une revue de la littérature sur ce domaine. Ainsi, nous mettrons en lumière l’intérêt d’approfondir ce champ de recherche, et ce sous l’égide de critères méthodologiques rigoureux. Par conséquent, après avoir situé cet objet de recherche en termes culturel et théorique, nous commenterons la revue de littérature à proprement parler afin d’en dégager les limites et de mettre en évidence des pistes de recherches futures.
Encadrement théorique La définition et l’étude du taï-chi-chuan peuvent se faire selon deux grandes perspectives : traditionnelle et scientifique. D’une part, sous l’angle scientifique en lien avec une technique de travail psychocorporelle de bien-être et, d’autre part, sous l’angle traditionnel en se référant à un paradigme médical différent de la médecine classique et qui met en exergue la notion de circulation d’énergie dans le corps appelée qi que l’on retrouve dans la médecine chinoise. Nous n’allons pas dans cette recherche discourir sur l’existence ou la pertinence de cette forme énergétique, nous soulignons uniquement la prise en compte très sérieuse
de ce concept dans la tradition culturelle et médicale chinoises. Par conséquent, les définitions que nous mettrons en valeur seront liées à ces deux approches afin de ne pas isoler ces notions de leur fondement culturel, mais nous les étudierons dans une perspective scientifique en se basant sur les effets physiques et principalement psychologiques de ces approches. L’histoire du taï-chi-chuan remonte à environ 5000 ans. Étymologiquement, ce terme se compose de trois sinogrammes : « taï » qui signifie « grand, suprême, extrême », « chi » qui signifie « poutre faîtière, faîte d’une maison », et « chuan » qui veux dire « poing, serrer, boxer », et qui comprend la dimension des arts martiaux. En termes de traduction franc ¸aise, cela donne littéralement : « boxe du grand faîte ou boxe de la polarité suprême »1 . On trouve dans l’art du taï chi une infinité de liens avec l’histoire et la tradition chinoise, y compris les autres arts martiaux chinois et la médecine traditionnelle chinoise. Son histoire repose sur la philosophie taoïste et ses principes fondamentaux, comme le yin et le yang. Ce concept met en relief la dualité qui intervient dans le taï chi, sous la forme de mouvements représentant un combat fictif contre un adversaire. Le taï-chi-chuan est un art martial dont la réalisation pleine et entière est obtenue par ses diverses techniques. Il représente à la fois un entraînement au combat par l’utilisation de pratiques d’autodéfense, la force de l’adversaire étant utilisée afin de le maîtriser et une pratique médicale de prévention. En termes de définition, on peut considérer le taï-chichuan comme une discipline corporelle d’origine chinoise comportant un ensemble de mouvements continus et circulaires, exécutés avec lenteur et précision dans un ordre préétabli. De manière générale, le taï chi est considéré comme un art martial « basé sur une philosophie nécessitant l’équilibre de l’énergie par le biais de sa circulation dans le corps » et consiste en une série de mouvements lents et continus [1]. De nos jours, il est plutôt considéré par les Occidentaux comme une sorte de « gymnastique énergétique de santé ». Néanmoins, sa pratique actuelle s’inspire tout de même de mouvements d’arts martiaux, tels que les parades et les esquives. En outre, certains de ses enchaînements s’effectuent à deux et ressemblent à des combats. Le taï chi est reconnu comme « un exercice physique d’intensité modéré » [2] construit sur l’association de la théorie du Tao et de la pratique de la boxe « chuan », c’est une activité qui insiste sur l’équilibre, par le déplacement du poids, la lenteur des actions, l’alignement du tronc, la rondeur, la souplesse des mouvements et une synchronisation multisegmentaire avec la ventilation [3]. Faisant le lien entre l’action et la cognition, le taï chi est vu comme « une forme de méditation en mouvements
1 Instituts Ricci (1999), Dictionnaire de caractère chinois. Éditions Desclée De Brouwer.
6 qui est composée de gestes lents, souples et continus, qui fortifient le corps et rend l’esprit serein » [4]. En effet, comme dans la méditation, il s’agit pour l’individu de focaliser toute son attention sur un point précis, d’ « entraîner » son esprit à travers la concentration sur l’instant présent, afin d’entrer dans un état à la fois « alerte et tranquille ». De même, l’accent est porté de manière particulière sur la respiration et sur les sensations corporelles. En revanche, le taï chi s’éloigne en certains points de la méditation. En effet, la centration sur les pensées, les émotions et la mise en avant de certaines attitudes telles que l’acceptation et le non jugement ne sont pas des éléments centraux de cet enseignement. Dans une optique plus spiritualiste, il se base sur la « fluidité et la souplesse afin de favoriser la bonne circulation de l’énergie vitale dans le corps ». L’apprentissage des techniques, pratiquées lentement et en harmonie avec la respiration, favorise une prise de conscience de soi et de son environnement. Il permet une amélioration de la souplesse, de la coordination, de la concentration et une prise de conscience de son espace. La maîtrise de la technique justifie une amélioration de la circulation sanguine et des postures corporelles. En termes de pratiques, les principes élémentaires de la pratique du taï chi sont un ensemble de mouvements lents et constants, ainsi qu’une grande concentration sur le moment présent. Ils sont à l’origine de « l’orientation des mouvements de flux de l’organisme ». Considérée comme une forme de méditation en mouvement, sa pratique dans le temps et le perfectionnement des exercices permettent une prise de conscience corporelle en relation avec la respiration. Néanmoins, des techniques différentes sont utilisées dont la principale est la « respiration naturelle ». Elle consiste en des exercices d’inspiration et d’expiration, les yeux et la bouche fermés, la pointe de la langue faisant pression contre le palais. Comme l’air provient de la partie basse de l’abdomen, les poumons se remplissent de manière adéquate et l’abdomen se contracte. Ainsi, le souffle est constant et continu. De plus, la respiration étant liée aux mouvements, elle est sous contrôle, c’est-à-dire que le sujet inspire lorsqu’il est en mouvement vers le haut, ou vers l’extérieur, et expire lorsqu’il est en mouvement vers le bas [4]. Le taï chi permet un « apaisement du psychisme ainsi qu’une amélioration de la concentration, de la vivacité d’esprit et de la mémoire. Il favorise la posture, la flexibilité, la relaxation, le bienêtre et la concentration. S’adonner au taï chi encourage à l’autonomie en raison du fait que l’on peut le pratiquer seul ou en groupe. Il est néanmoins conseillé de s’y consacrer quotidiennement afin d’en absorber tous les bénéfices. Généralement personnalisé, le taï chi est accessible à tous et à tous les âges. Au fil des années, les techniques du taï chi ont évolué par le biais des différents maîtres, ce qui a engendré la création de styles divers, composés eux-mêmes de plusieurs variations dans les mouvements. Dans la pratique du taï chi, chaque style met en œuvre des techniques différentes. Les positions par rapport au centre de gravité, l’apparition des formes, le rythme et le niveau de difficulté peuvent différer d’une école à une autre. Toutefois, elles se rejoignent dans l’esprit de la pratique, ayant toutes pour but la relaxation, la méditation et la coordination des mouvements.
C. Berghmans et al. Un enchaînement complet est constitué de 24 à 48 mouvements, et peut même aller jusqu’à 108 mouvements, et correspond à la forme originelle. Il existe plusieurs fac ¸ons de classifier les mouvements en séquences. Pour certains, le fait d’effectuer le même mouvement, mais exécuté à gauche ou à droite, revient à faire une seule séquence (les deux actions ne formant que les composantes d’un seul et même mouvement précédant l’exécution directive). Tandis que pour d’autres, le fait d’indiquer une direction revient à exécuter un nouveau mouvement, étant donné qu’il est distinct de celui précédemment exécuté. De ce fait, un même style pourra compter un nombre d’enchaînements différents. De générations en générations, la pratique du taï chi a évolué et de nouvelles techniques voient le jour encore aujourd’hui. Le taï chi est communément constitué de cinq styles : le taï-chi-chuan style Chen, le taï-chi-chuan style Yang, le taï-chi-chuan style Wu (divisé en deux grandes écoles : le style Wu Wu Yu et le style Chien), le taï-chi-chuan style Sun et le taï-chi-chuan de style Lee.
Méthode L’objectif de notre démarche est d’effectuer une recension des études scientifiques de 1966 à 2007 concernant les effets du taï chi sur la santé physique et psychique et de discuter son intérêt en tant qu’approche thérapeutique en lien avec la santé. Nous avons fait le choix de présenter une revue des principales études sur ce sujet répertoriées dans les bases de données (MEDLINE, PsyINFO, PsyLIT, InterScience, Highwire Press, Science Direct, SpringerLinks Kluever) afin de mettre en évidence l’intérêt naissant de cet objet de recherche. Nous avons également croisé cette recherche avec celle effectuée par Ospina et al. [4] sur 15 bases de données sur la méditation. Trois critères ont orienté le choix de notre étude : • que les études soient publiées dans des revues à comité de lecture ; • que la procédure expérimentale évalue les mesures effectuées avant/après intervention et compare le programme d’intervention ciblé à un groupe témoin et/ou à une autre procédure thérapeutique ; • que la répartition des sujets dans les groupes soit randomisée. Ces critères nous sont apparus comme indispensables car beaucoup de recherches sur le taï-chi-chuan ont mis en lumière des biais méthodologiques certains que nous développerons dans notre discussion et qui souvent mettent en doute la pertinence des résultats et le bien fondé de ces démarches. Nous sommes conscients que ces critères restrictifs, mais scientifiquement pertinents, peuvent laisser de côté des recherches intéressantes. Après avoir croisé les mots clés suivants (Tableau 1) « tai chi », « tai chi and meditation », « tai chi and adjustment », « taijiquan » et « tai chi and pain », cela afin de restreindre la recherche, nous avons comptabilisé 140 études répondant à ces critères (Tableau 2). Après recoupement, 77 études apparaissent. Pour des raisons pratiques (utilisation de plusieurs bases de données), nous n’avons pu recueillir que 47
Effets du taï-chi-chuan sur la santé psychique et physique Tableau 1
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Résultats des recherches effectuées sur les bases de données.
Base de données
Highwire Press Interscience Medline-PubMed Psycharticles PsycINFO Science Direct SpringerLink-Kluwer
Tai chi
Tai chi and meditation
Tai chi and ajustment
Tajiquan
Tai chi and pain
R.
RCT
R.
RCT
R.
RCT
R.
RCT
R.
RCT
3347 263 334 214 767 97 1261
14 2 48 34 23 13 3
231 0 29 340 61 1 3
3 0 1 22 1 0 0
0 0 9 214 3 0 17
0 0 2 33 0 0 1
12 1 221 2 15 0 5
1 0 39 0 0 0 0
641 0 36 18 57 1 23
8 0 8 4 7 1 0
R. : résultats obtenus ; RCT : randomized controlled trials.
Tableau 2 données.
Résultats randomisés et triés par base de
Bases de données
RCT
Highwire Press InterScience MEDLINE-PubMed PsychARTICLES PsycINFO Science Direct SpinkerLink-Kluwer
14 2 54 28 26 13 3
Total
140
RCT : randomized controlled trials.
articles et 29 abstracts. Nous avons fait le choix de baser cette recherche sur 47 études (Tableau 3).
Pratique du taï chi dans le cas de maladies chroniques
Résultats cliniques Nous avons fait ressortir cinq catégories en termes d’effets thérapeutiques du taï chi qui regroupent les 47 études sélectionnées.
Pratique du taï chi sur la tension artérielle et les fonctions cardiovasculaires Six études ont été identifiées [5—10], lesquelles rassemblent un nombre total de 859 sujets ayant participé à ces recherches. Les formations de taï chi ont été programmées pour une durée variant entre cinq semaines, 12 semaines et 12 mois. Trois études reconnaissent un effet positif de la pratique du taï chi sur la fréquence cardiaque et la tension artérielle [6,7,9]. Les réponses cardiovasculaires [7], la capacité d’exercice et le niveau de pression de remplissage du cœur [10] ont également été améliorés. En outre, une Tableau 3 Résultats randomisés et triés, toutes bases de données confondues. Articles RCT triés Bases de données Tableau analytique RCT : randomized controlled trials.
amélioration de certaines variables psychologiques telles que les symptômes dépressifs [5], le niveau d’anxiété [9] et la qualité de la vie [10] a été démontrée. En revanche, l’étude réalisée par Thomas et al. [8], ayant trait à la pratique du taï chi sur une période d’un an, ne révèle aucune amélioration de la tension artérielle et de la fréquence cardiaque. Enfin, la recherche de Channer et al. [6] se heurte à des limites méthodologiques du fait de l’absence de comparaison du groupe témoin avec le groupe expérimental, en raison de sa taille réduite. Toutes ces données font apparaître une vision nuancée de l’efficacité du taï chi sur les paramètres étudiés. Il est difficile de dire d’une manière systématique que le taï chi influe sur les fonctions cardiovasculaires et artérielles. On ne peut toutefois pas remettre en cause un effet de ces pratiques. Il faudra d’autres recherches contrôlées, voire une méta-analyse sur ce domaine, pour conclure à son efficacité.
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Douze études ont été sélectionnées dans cette catégorie qui traitent de la douleur due à l’arthrite [11—14], de la dépression [15] de l’arthrose [16], de la maladie de Parkinson [17], de l’ostéoporose [18,19], du cancer [20], du diabète [21] et de la maladie chronique en général [22]. Six de ces études ont souligné une amélioration du fonctionnement physique dans le cas de maladies chroniques, suite à la pratique régulière du taï chi [13,14,17,18,21,22]. D’autres études ont démontré des progrès sur l’intensité de la douleur chez des patients atteints d’ostéoporose et d’arthrite [11,16,19]. De plus, une amélioration des paramètres psychologiques a été relevée, en l’occurrence au niveau des symptômes dépressifs [12,15], de la qualité de la vie et de l’estime de soi [20]. Enfin, Mustian et al. rendent compte d’un effet positif du taï chi sur l’autogestion de la maladie résultant de six semaines de pratique. Toutefois, les travaux de Orr et al. [21] n’ont pas rapporté de changement suite à la pratique du taï chi. Trois des études réalisées traitant l’arthrite rhumatoïde font ressortir des résultats contraires. En effet, deux d’entre elles [11,14] ont reconnu une amélioration des mesures évaluées, c’est-àdire du fonctionnement physique et psychologique (estime de soi, dépression, santé). L’étude de Mustian et al. [20], ayant trait à des survivantes à un cancer du sein, fait observer des améliorations de la qualité de la vie et de l’estime
8 de soi, suite à la pratique du taï chi. Sont également démontrés les bienfaits de cette discipline sur le fonctionnement psychologique, par le biais de la réduction des symptômes dépressifs. Cependant, ces études se heurtent à de nombreuses limitations méthodologiques. En effet, dix d’entre elles ont un échantillon constitué entre 15 et 43 sujets. Par conséquent, certaines de ces recherches ne sont pas généralisables. Même si certains résultats sont nuancés, la pratique du taï chi démontre un impact sur la douleur physique, ainsi que sur certaines variables psychologiques.
Pratique du taï chi sur le fonctionnement physique Treize études ont observé des améliorations au niveau du fonctionnement physique à des degrés différents. Trois études [23—25] ont relevé que la pratique du taï chi permet de retrouver une posture physique active ; d’autres [26,27] ont admis une amélioration du fonctionnement physique s’agissant de l’endurance, de l’équilibre, de la force et de la mobilité. Ces résultats peuvent être liés à une plus grande confiance dans les mouvements et à l’efficacité perc ¸ue [28,29]. L’étude de Frye et al. [30] fait apparaître, quant à elle, un bien-être physique (endurance, équilibre) et psychologique (anxiété et dépression). La pratique du taï chi s’est également révélée efficace dans le cas de la démarche et des fonctions musculaires [31], de même que dans l’équilibre et la force et cela jusqu’à six mois de pratique [32]. Enfin, l’étude de Yang et al. [33] révèle une amélioration du système vestibulaire, qui est un mécanisme actif de l’équilibre. Enfin, deux recherches [34,35] suggèrent une amélioration de la densité minérale osseuse suite à une période d’une année de pratique du taï chi. Encore une fois, ces travaux souffrent de limites méthodologiques, mais peuvent servir de base à des études ultérieures.
Pratique du taï chi dans la prévention des chutes chez les personnes âgées
C. Berghmans et al. pratique du taï chi révèle un effet positif sur le sommeil et favorise la réduction des troubles qui y sont liés. Trois de ces études ont également démontré que la pratique régulière du taï chi entraîne une meilleure qualité de la vie [46,45] et un meilleur fonctionnement psychosocial [47]. L’étude de Dechamps et al. [48], quant à elle, a mis en relief que la pratique régulière du taï chi reconnaît un ascendant positif sur les troubles émotionnels, par le biais de l’amélioration de l’humeur et une baisse de l’anxiété. Elle renforcerait, de plus, le sentiment d’efficacité personnelle. L’étude de Abbott et al. [49] admet également une réduction du stress, dans le cas de céphalées de tension (fatigue, anxiété), suite à 15 semaines de taï chi. Aux vues de ce qui précède, la pratique régulière du taï chi semble être adaptée comme moyen thérapeutique dans le cas de perturbations psychologiques. En termes d’immunologie, deux recherches ont été identifiées [50,51]. Elles ont mis en exergue une amélioration immunologique dans le cas de la varicelle zona et de la douleur physique qui lui est liée. En effet, la pratique du taï chi, pendant 25 semaines et combinée au vaccin, engendre un effet bénéfique plus large. Il ressort également de ces études que le fonctionnement général de la santé est meilleur. Néanmoins, ces études se heurtent à de nombreux biais au niveau de leur méthodologie, de par la composition réduite de l’échantillon (n = 36 ; n = 102), par la durée de leur programme et dans le choix de la population évaluée. Il convient donc de rester prudent sur ce domaine d’action, qui doit être complété par des recherches additionnelles. De fac ¸on générale, la pratique du taï chi est susceptible d’être utilisée comme un moyen thérapeutique pour traiter le fonctionnement physique et psychologique, comme c’est le cas en Chine depuis près de 4000 ans. Il est vrai que certaines études ne vont pas dans ce sens et nombre d’entre elles souffrent de limites méthodologiques. C’est la raison pour laquelle il est nécessaire d’entreprendre des recherches afin de confirmer les résultats démontrant un effet positif de la pratique du taï chi sur la santé en général.
Limites et discussion
Pratique du taï chi sur les variables psychologiques et le fonctionnement immunologique
Les recherches sur les effets physiques et psychologiques du taï-chi-chuan en France sont très récentes dans le domaine de la psychologie de la santé. L’apport des activités physique sur la santé en général n’est plus à prouver comme le souligne d’ailleurs une expertise de l’Inserm (2007)2 . La plupart des études proposées dans notre revue ont fait l’objet de recherches pratiquées aux États-Unis ou en Chine. Seul un article fait référence à une population franc ¸aise. Ce domaine de recherche est donc en train d’éclore. On constate un encadrement théorique très faible et le propos de notre recherche est de montrer les effets sur la santé physique et psychique. Il s’agira ensuite de mettre en lumière les soubassements théoriques et les mécanismes d’action qui expliquent ces effets. En effet, plusieurs questions se posent au sein de cette discipline, tant sur le plan théorique que pratique. Tout d’abord se pose la question de l’observance thérapeutique. Les études prises en compte
L’amélioration des variables psychologiques est engendrée par la pratique du taï chi. Six études ont été identifiées, dont deux ont trait au contexte du sommeil [44,45]. En effet, la
2 http://ist.inserm.fr/basisrapports/activite-physique/activitephysique synthese.pdf.
Dans ce domaine, nous avons réuni huit recherches. Trois d’entre elles [36—38] ont démontré que la pratique régulière du taï chi permet une réduction des chutes par le biais d’une meilleure posture des participants. Un bienfait de l’équilibre a également été mis en relief dans une autre étude [39] ainsi qu’une réduction de la crainte de tomber [40,41]. Cependant, deux de ces études n’ont pas accusé de changement par rapport au risque de chutes [42,43], mais elles disposaient d’échantillons réduits. La pratique du taï chi permettrait donc aux personnes âgées de prendre de l’assurance et aurait un impact sur la prévention des chutes. Des recherches additionnelles s’avèrent nécessaires pour valider ce propos.
Effets du taï-chi-chuan sur la santé psychique et physique dans cette revue de littérature connaissent globalement un taux élevé d’abandon durant la pratique. En effet, les protocoles sont souvent lourds et nécessitent une implication de la part du participant, notamment sur le plan de la pratique (avec un investissement entre les séances). Ici, se pose également la question de l’adhésion « psychologique » à ce type de pratique. Est-il réellement nécessaire d’adhérer au champ conceptuel et théorique de cette discipline pour en sentir les effets sur la santé ? Une manière de répondre à cette question serait de mettre en lumière les mécanismes actifs au sein de cette pratique. Pour cela, il semble essentiel d’approfondir la méthodologie actuelle concernant l’évaluation de ce type d’approche thérapeutique, notamment en empruntant des outils aux méthodes qualitatives. En effet, l’élargissement des recherches vers le domaine de la perception subjective qu’à le participant face à cette discipline et sa pratique, à travers des entretiens exploratoires ou semi-structurés, permettrait de mettre en lumière les croyances, représentations et interprétations des participants face à la technique et ce qui l’entoure (bénéfices, effets sur la santé, contraintes. . .). De plus, il semble important de questionner l’homogénéité des pratiques, pas seulement d’un style de taï chi à un autre, mais également entre les praticiens. En effet, chaque praticien aura sa manière d’enseigner le taï chi, et ce en fonction de différents facteurs (personnalité, croyances spirituelles, appartenances théoriques. . .). Il semble donc essentiel de se questionner à propos de l’effet de cette hétérogénéité des pratiques sur les résultats thérapeutiques. Enfin, au regard des travaux de Audette et al.[27], Novalk et al. (2003) et Channer et al. [6], sur la comparaison du taï chi avec la marche et l’aérobic, on ne détecte pas de manière précise une meilleur efficacité du taï chi via ces autres approches physique favorisant le bien-être. Il semblerait que le taï chi agisse plus au niveau du bien-être psychique, sans résultats plus pertinents au niveau d’une amélioration de la santé physique au regard d’autres approches. La question de l’importance du lâcher prise thérapeutique via la mise en forme des mouvements du taï chi mériterait d’être approfondie. Des études précises de comparaisons s’avèrent nécessaires. En termes de limites méthodologiques, et bien que les recherches citées suivent des critères stricts de contrôle, beaucoup d’entres elles comportent des limites. En effet, ces recherches connaissent globalement un taux élevé d’abandon durant la pratique, réduisant ainsi la force de la puissance statistique, ce qui remet en question la généralisation des résultats. Peu d’articles mettent en relief des sujets jeunes, la plupart des études se basant sur un échantillon de personnes âgées. Du fait du nombre peu élevé d’articles nous n’avons pu opérer une comparaison de l’utilisation du taï chi selon l’âge, pour en démontrer les bienfaits. Ces recherches ont utilisé différents styles de taï chi. Il y aurait eu un intérêt à comparer les bienfaits sur la santé résultant des méthodes d’intervention utilisées. Cependant, la majorité de nos études ont été basées sur le style Yang sachant qu’une minorité de recherches utilise les styles Chen, Sun et Wu. Le style Lee, quant à lui, n’a pas fait l’objet d’interventions. Cela peut s’expliquer par le fait que le style Yang, de par son évolution historique, est le plus répandu et le plus pratiqué dans le monde. Pour ces raisons, nous n’avons pas pu opérer de comparaison sur les bienfaits
9 de chaque style, ni en évaluer la portée sur chaque domaine thérapeutique. Enfin, il s’avère important d’essayer de voir en quoi cette pratique pourrait s’articuler avec les thérapies comportementales et cognitives et comment les praticiens pourraient s’en servir en termes thérapeutiques. Dans le cadre des TCC, et en termes de dimensions comportementales, il est important d’impliquer le patient dans une dynamique de vie nouvelle qui l’invite à changer de perspectives afin de s’armer contre les difficultés de l’existence. Cette action comportementale doit s’accompagner d’un travail intellectuel comme le souligne Elis [52] dans sa « thérapie comportementale rationnelle émotive ». Les processus cognitifs automatiques qui correspondent aux schémas et aboutissent aux pensées automatiques ou à des formes de ruminations mentales qui sont des interprétations personnelles de la réalité, influent sur les stratégies individuelles d’adaptation. Ils entraînent des distorsions cognitives sur lesquelles le thérapeute essaie d’agir. La pratique du taï chi considérée comme une forme de méditation en mouvement souligne au même titre que la méditation de pleine conscience, l’importance du processus attentionnel et de non-jugement. L’individu s’encre dans l’instant présent et perc ¸oit la réalité moment après moment, au même titre que la méditation de pleine conscience qui se focalise sur le souffle en termes d’ancrage face aux pensées intrusives. Le fait de se positionner dans l’instant, en essayant de se déconnecter de pensées intrusives, par l’intermédiaire d’une focalisation sur des mouvements précis, qui entraîne une certaine forme de ritualité, au même titre que certaines danses thérapeutiques, peut être une aide pour le patient et pour le thérapeute. Le patient s’inscrit dans un rythme de vie nouveau où ses activités cognitives de jugement, de discrimination et d’élaboration mentales sont, au fur et à mesure d’une pratique, désactivées. Il apprend à relativiser. Il serait bon de coupler des mesures sur la rumination mentales notamment à l’aide de l’échelle « Rumination Reflection Questionnaire » de Trapnell et Campbell [53] et de pleine conscience via la PHLMS de Cardaciotto [54], à des pratiques de taï chi. Dans tous les cas, le lien avec les TCC gagnerait à être approfondi. En conclusion, notre étude a permis de démontrer qu’un réel potentiel du taï chi existe dans le domaine de la santé tant physique que comportementale. En effet, celleci révèle, par le biais d’une revue systématique constituée de 47 études randomisées, des bénéfices dans plusieurs domaines de la santé, tels que les fonctions cardiovasculaires, les maladies chroniques, les domaines psychologique, physiologique et immunologique. À ce stade de notre réflexion, il y a lieu de reconnaître les effets bénéfiques du taï chi sur la santé qui pourraient être, de surcroît, utilisés comme un moyen thérapeutique. Il serait nécessaire maintenant que des recherches futures soient entreprises pour pouvoir constater et confirmer les effets thérapeutiques de cette démarche. Pour cela, il est essentiel que ces études utilisent des moyens méthodologiques plus rigoureux. Afin d’opérer une comparaison pertinente, elles devront être plus homogènes dans leur conception et leur méthodologie. Cela permettrait d’appuyer les résultats de manière plus stricte et permettre ainsi une évolution thérapeutique au niveau de la santé, ainsi qu’une mise en lumière des mécanismes d’action de cette méthode.
C. Berghmans et al.
Annexe A.
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