Médecine et maladies infectieuses 40 (2010) 660–661
Lettre à la rédaction Endométrite à Enterobius vermicularis Enterobius vermicularis endometritis
Mots clés : Endométrite ; Enterobius vermicularis ; Oxyurose Keywords: Endometritis; Enterobius vermicularis; Oxyuriasis
1. Introduction Enterobius vermicularis est un nématode parasitant fréquemment la région coecoappendiculaire. Des localisations ectopiques ont été décrites. La localisation de l’oxyurose au niveau du tractus génital est rare, décrite essentiellement au niveau des annexes et du péritoine pelvi-abdominal [1]. À ces endroits, elle est souvent responsable d’une réaction inflammatoire pseudo tumorale. L’oxyurose utérine est exceptionnelle. 2. Observation Il s’agissait d’une dame âgée de 36 ans, septième geste, troisième pare. Elle était connue porteuse d’une hépatite C virale chronique et asthmatique sous traitement de fond. Elle a été opérée en 2001 pour ligature de trompes. Elle se plaignait de douleurs pelviennes associées à des ménorragies évoluant depuis deux ans. La patiente a été hospitalisée pour curetage biopsique de l’endomètre. L’examen à l’admission a montré une température à 37 ◦ C. Le toucher vaginal a trouvé un utérus augmenté de volume. Le taux de bêta-HCG a été négatif. La numération formule sanguine a montré une hyperleucocytose à 8600 E/mm3 avec 12 % d’éosinophiles. L’échographie endovaginale a objectivé un endomètre épais à 11 mm et une ligne de vacuité épaissie. Un curetage biopsique de l’endomètre a été réalisé. L’étude histologique a mis en évidence un endomètre en phase sécrétoire débutante, siège d’une réaction inflammatoire granulomatose associée à des remaniements nécrotiques entourant quelques oxyures (Fig. 1). L’évolution a été favorable sous albendazole à la dose de 400 mg en prise unique à répéter après deux semaines. 3. Discussion L’entérobiase ou oxyurose est une parasitose cosmopolite causée par un parasite monoxene appartenant à la classe des nématodes, Enterobius vermicularis [1,2]. Elle est fréquente 0399-077X/$ – see front matter © 2010 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. doi:10.1016/j.medmal.2010.03.011
surtout chez l’enfant. Elle se manifeste le plus souvent par un prurit anal, un syndrome pseudo appendiculaire et/ou des douleurs abdominales chroniques [1,2]. Symmers, en 1950, avait rapporté 31 cas d’enterobiase à localisation ectopique extradigestive [1]. Saffos et Rhatignan, en 1977, avaient rapporté une série de 23 cas [3]. Parmi ces cas, la localisation au niveau du tractus génital est rare. En 1991, et à partir d’une étude portant sur 259 cas d’oxyurose, Sinniah avait retrouvé une localisation annexielle dans 4,2 % des cas [4]. À ce niveau, l’oxyurose est responsable dans la majorité des cas d’une réaction inflammatoire granulomateuse pseudotumorale souvent asymptomatique [3]. L’étiopathogénie de cette localisation ectopique rare n’est pas bien établie. Cependant, selon la plupart des auteurs, les oxyures femelles peuvent migrer le long du sillon périnéal, gagner la vulve et remonter le long des organes génitaux féminins [2,3,5]. Les œufs déposés et les vers adultes entraînent alors des lésions d’endométrite ou de salpingite [2]. Pour d’autres auteurs, les oxyures peuvent être libérés dans la cavité péritonéale par contamination iatrogène au cours d’intervention sur une lésion intestinale inflammatoire (appendicite, diverticulite) et pourront par la suite envahir le tractus génital féminin [2,6,7]. La première théorie est la plus admise du fait que les oxyures femelles et les œufs sont le plus souvent retrouvés au niveau des frottis cervicovaginaux et comme étiologie des vulvovaginites [1,2]. Bien que l’Entérobius soit faiblement pathogène au niveau appendiculaire, il pourrait, au niveau extradigestif, être responsable d’un granulome inflammatoire [2]. Chaque granulome inflammatoire est formé de lymphoplasmocytes, de cellules géantes multinucléées de type « à corps étranger » et de nombreux polynucléaires éosinophiles. Il est centré par un foyer de nécrose inflammatoire mêlé à des femelles et des œufs d’oxyures. Le rôle de la transmission sexuelle dans la dissémination d’Enterobius vermicularis n’est pas encore établi, mais il est communément admis de traiter les partenaires sexuels et les membres de la famille quand ce parasite est diagnostiqué [5]. Le traitement préconisé est essentiellement médical à base d’antiparasitaire en prise unique. Il faut pourtant garder à l’esprit qu’il n’est pas actif sur les œufs et que le cycle de l’oxyurose se caractérise par une auto-infestation, il
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[3] Mendoza E, Jorda M, Rafel E, Simon A, Andrada E. Invasion of human embryo by enterobius vermicularis. Arch Pathol Lab Med 1987;111: 761–2. [4] Sinniah B, Leopairut J, Neafie RC, Connor DH, Voge M. Enterobiasis: a histopathological study of 259 patients. Ann Trop Med Parasitol 1991;85:625–35. [5] Porriez J. Oxyures et oxyurose. Encycl Med Chir (Paris-France), maladies infectieuses, 8-515-A-20, 1993, 5 p. [6] Bhambhani S, Milner A, Pant J, Luthra UK. Ova of Taenia and Enterobius vermicularis in cervicovaginal smears. Acta Cytol 1985;29: 913–4. [7] Smolyakov R, Talalay B, Yanai-Ibnar I, Pak I, Alkan M. Enterobius vermicularis infection of female genital tract: a report of three cases and review of literature. Eur J Obstet Gynecol Reprod Biol 2003;107: 220–2.
Fig. 1. Muqueuse endométriale siège d’un granulome inflammatoire polymorphe centré par des œufs d’oxyures (HE×200). Œuf d’Enterobius vermicularis au sein d’un granulome inflammatoire (HE×400). Polymorphic inflammatory granuloma surrounding oxyuriasis eggs in endometrial mucosa (HE×200). Inflammatory granuloma surrounding Enterobius vermicularis (HE×400).
est alors recommandé de retraiter le patient deux à trois semaines après la première prise [5]. Références [1] Khabir A, Makni S, Khmiri H, Gheriani M, Rekik S, Boudawara TS. Entérobiase pelvigénitale à propos de trois cas. J Gynecol Obstet Biol Reprod 2005;34:162–5. [2] Schnell VL, Yandell R, Van Zandt S, Tang V. Enterobius vermicularis salpingitis: a distant episode from precipitating appendicitis. Obstet Gynecol 1992;80:553–5.
S. Jellad I. M’sakni ∗ F. Bougrine B. Laabidi A. Bouziani Laboratoire d’anatomie et de cytologie pathologique, hôpital militaire principal d’instruction de Tunis, Montfleury, 1008 Tunis, Tunisie ∗ Auteur
correspondant. Adresse e-mail :
[email protected] (I. M’sakni). 30 novembre 2009 8 mars 2010 Disponible sur Internet le 20 avril 2010