Rev M6d Interne 2004 ; 25 Suppl 2 : $263-$264 © 2004 Elsevier sAs. Tous droits r6serv6s
Et 1... et 2... et 3 laparotomies exploratrices... L. B o u i l l e t 1, M . P e o c h 2, C. M a s s o t 1 ~Service de m~decine interne, ddpartement pluridisciplinaire de mddecine, CHU de Grenoble, 38043 Grenoble cedex 9, France 2Service d'anatomie pathoIogique, CHU de Grenoble, 38043 Grenoble cedex 9, France
LES FAITS CLINIQUES I1 s'agit d'un homme de 37 ans adress6 pour un bilan d'addnopathies m6sent6riques. Darts ses ant6c6dents, on note une tuberculose chez sa m~re, et un paludisme en 1983 Djibouti. Le patient a 6t6 coop6rant militaire de 1983 1987 e t a voyag6 en Afrique, au Liban, en Yougoslavie et en Guyane. I1 a un tabagisme ~ 20 paquets-ann6e, est mari6, a deux enfants. Son histoire remonte fi 1987 o~ il est hospitalis6 pour un brian d'alt6ration de l'6tat g6ndral, avec fibvre et douleurs abdominales. L'examen clinique d6couvrait une spl6nomdgalie et des ad6nopathies cervicales. I1 existait un syndrome inflammatoire, une h6patite cytolytique et cholestatique, et une 6osinophilie sanguine. Une laparotomie exploratrice rut faite : l'examen extemporan6 d'une addnopathie faisait 6voquer une maladie de Hodgkin ; - le geste chirurgical fut compl6t6 par une spldnectomie, une biopsie h6patique, et une biopsie ostdom6dullaire. Les biopsies ost6om6dullaires et hdpatiques 6taient normales ; la spldnectomie r6vdlait une rdaction inflammatoire 6phitdlioide et gigantocellulaire avec ndcrose fibrinoi'de. De 1987 ~ 1999, le patient a fair plusieurs 6pisodes de douleurs abdominales fdbriles cddant spontan6ment. En 1999, il fut hospitalis6 en gastro-entdrologie pour une alt6ration franche de l'6tat g6ndral, et des douleurs abdominales tr~s intenses. Le bilan retrouvait des addnopathies dans la loge de Baridty et une gastrite exulc6rde dont les biopsies faisaient 6voquer un lymphome de MALT. La biopsie ostdom6dullaire et le my61ogramme 6taient normaux. Une gastrectomie totale fut r6alisde en mars 2000 : un lymphome de MALT de bas grade de type B envahissant la muqueuse et la sous-muqueuse fur diagnostiqu6 ; il existait un infiltrat lymphocytaire CD20+. Les suites opdratoires se sont compliqudes de fistules et st6noses digestives associ6es ~ un syndrome de malabsorption s6v~re avec amaigrissement, hypoalbumindmie, carence en vitamine Bt2 et B 9 et carence martiale. Le patient devait recevoir une nutrition parent6rale pour maintenir son poids stable. Le scanner abdominal retrouvait des ad6nopathies m6sentdriques en chapelet : une biopsie ganglionnaire rdalis6e en septembre 2000 retrouvait une hyperplasie folliculaire bdnigne. Devant la persistance des douleurs abdominales, de l'alt6ration de l'6tat g6ndral et de nombreuses formations ganglionnaires en chapelet int6ressant le m6sent~re et le carrefour inter-aortico-cave (dont les plus volumineuses mesuraient jusqu'~ 15 m m de diam,-
tre) (Fig. 1 et 2), une nouvelle laparotomie fut r6alis6e avec biopsie h6patique et ganglionnaire : une inflammation granulomateuse rut retrouv6e uniquement darts les addnopathies. Le patient fut confi6 alors aux internistes. Le patient 6tait amaigri de 10 kg (en nutrition parent6rale nocturne permanente), apyrdtique. I1 se plaignait de douleurs abdominales paroxystiques avec parfois des 6pisodes d'invagination aigus spontan6ment r6solutifs. I1 d6crivait des pouss6es ganglionnaires cervicales, une diarrh6e collante, et un syndrome sec oculaire et buccal.
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Fig. 1.
Fig. 2.
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L. Bouillet et al.
Le bilan biologique ne montrait pas de syndrome inflammatoire (VS g 14 ; CRP ~t 4) ; l'dlectrophorbse des protdines s6riques mettait en 6vidence une baisse de la fraction c~l (d6ficit en ~l-antitrypsine), une augmentation de la zone ? avec 616vation polyclonale des lgA ; la NFS mettait en 6vidence une an6mie normocytaire, une lymphocytose sanguine (dont le typage ne retrouvait pas de clone circulant) ; le dosage de la ~2-microglobuline 6tait un peu 61ev6 (2,4 pour des N < 2,2) ; le bilan hdpatique et les L D H 6taient normaux ; le dosage de l'enzyme de conversion de l'angiotensine 6tait normal ainsi que la calcdmie. Le my61ogramme retrouvait un infiltrat lymphocytaire sans clone (24 %). Le scanner thoracique, l'6chographie cardiaque et la fibroscopie bronchique (LBA et biopsies transbronchiques) 6taient normaux. La recherche de BK 6tait ndgative (sur le mydlogramme, et darts les tubages gastriques) ; I ' I D R ~t la tuberculine 6tait positive. Les sdrologies EBV, CMV, rickettsies, brucellose, PasteureIla, Lyme, Bartonella, histoplasmose et trypanosomes 6taient ndgatives. La biopsie d'une glande salivaire retrouvait une discrete sialad6nite lymphocytaire locale de stade I.
DI~MARCHE DIAGNOSTIQUE Trois diagnostics furent 6voqu6s : - un lymphome de bas grade, - une maladie de Whipple, - une sarco~'dose digestive. La PCR Whipple a 6t6 demand6e sur les biopsies mais elle n ' a pu ~tre faite ; l'aspect histologique n'dtait pas en faveur ; un traitement de trois mois par Bactrim ® a 6t6 inefficace. Une relecture des lames a 6t6 demand6e 5 notre sp6cialiste des pathologies granulomateuses : il a relu les lames de 1987 et les plus r6centes et conclu que t o u s l e s pr61Ovements, y compris les tissus gastriques, faisaient 6voquer une sarco]'dose. Le diagnostic de sarcoYdose digestive a 6t6 retenu. Le patient a requ une corticothdrapie qui a permis une amdlioration spectaculaire de l'6tat en seulement deux tools, avec prise de poids (61 kg) et sevrage de la nutrition parent6rale, disparition des diarrh6es, des douleurs abdominales et des poussdes d'invagination aiguE.
Le scanner r6alis6 trois mois aprbs le d6but du traitement met en 6vidence une diminution des ad6nopathies. Le probl~me principal qu'a pos6 par la suite le patient est une corticod6pendance 61ev6e avec reprise du tableau digestif dos que la dose de Cortancyl ® descendait en dessous de 20 mg/j, et reprise des pouss6es ganglionnaires. La raise en route d'un traitement par mdthotrexate a 6t6 r6cus6e car on ne pouvait r6futer totalement le diagnostic de lymphome de MALT. Finalement, un traitement par Rituximab ® a 6t6 rdalis6 (375 mg/mZ/s pendant 4 semaines). Trois mois apr~s la derni6re perfusion, le patient ne prend plus que 10 mg/j de Cortancyl ® et n ' a fait aucune nouvelle pouss6e, et les ad6nopathies abdominales sont de taille infracentrim6trique.
DISCUSSION Les localisations digestives de la sarcoidose sont rares ; l'atteinte gastrique est la plus fr6quente et se traduit le plus souvent par des douleurs de type ulc6reux. I1 peut y avoir une atteinte duod6nale et il6ale, plus rarement colique [1]. Les patients peuvent se pr6senter alors avec des tableaux de douleurs digestives chroniques, syndrome de malabsorption et diarrh6e ; r6cemment dans La Revue de m~decine interne a 6t6 ddcrit le cas d'une sarco'idose digestive diagnostiqu6e suite ~ u n 6pisode d'invagination intestinale aigu6 [2] : le diagnostic histologique est souvent difficile ~t obtenir et il est souvent n6cessaire de disposer de prdl~vements extradigestifs. Les principaux diagnostics diff6rentiels sont les lymphomes digestifs (parfois il y a une coexistence), la maladie de Whipple, la maladie de Crohn (coexistence 6galement possible). La prise en charge th6rapeutique est real connue ; il semblerait qu'il y ait souvent une corticod6pendance.
RI~FI~RENCES [1] Chemlal K, Fantin B, Seux-Levieil ML, Beimatoug N, Carbon C. Gastrointestinal localizations revealing sarcoidosis, Ann Med Intern 1996 ; 147 : 103-106. [2] Doudier B, Schleinitz N, Hardwigssen J, Saisse J, Veit V, Bernit E, et al. Atteinte digestive de la sarcoidose : 5 propos d'une observation rdv~16e par une invagirlation intestinale aigufi. Rev Med Interne 2003 ; 24 : 700-2.