État des lieux de l’utilisation de l’analgésie intrathécale en situation palliative en France en 2016

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MEDPAL-621; No. of Pages 7

Médecine palliative — Soins de support — Accompagnement — Éthique (2017) xxx, xxx—xxx

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ÉTUDE ORIGINALE

État des lieux de l’utilisation de l’analgésie intrathécale en situation palliative en France en 2016 Current state of intrathecal analgesia in palliative care practices in France in 2016 Virginie Guastella a,∗, Isabelle Genaud a, Bruno Pereira b a

Centre de soins palliatifs, hôpital Nord, CHU de Clermont-Ferrand, route de Châteaugay, 63118 Cébazat, France b Délégation recherche clinique et innovation méthodologie-biostatistique-data-management, CHU de Clermont-Ferrand, 58, rue Montalembert, 63003 Clermont-Ferrand cedex, France

Virginie Guastella

MOTS CLÉS Soins palliatifs ; Technique ; Analgésie ; Interventionnel ; Douleur ; Réfractaire ; Intrathécal ; Cancer



Rec ¸u le 9 octobre 2016 ; rec ¸u sous la forme révisée le 24 janvier 2017 ; accepté le 15 f´ evrier 2017

Résumé Introduction. — L’analgésie intrathécale est une technique analgésique interventionnelle spécifique, indiquée pour les douleurs réfractaires. C’est une autre voie d’administration des antalgiques dans l’espace spinal. Les molécules se fixent directement sur les récepteurs avec une meilleure efficacité et des effets indésirables moindres. Parce qu’une des questions essentielles de la démarche palliative est « avons-nous mis en œuvre tous les moyens pour soulager ? », il est intéressant de voir si ce type d’analgésie est connu des thérapeutes qui prennent en charge des patients en situation palliative, dans quelle proportion cela est réalisé, et quelles sont les limites rencontrées. Matériel et méthodes. — Il s’agit d’une étude exploratoire transversale. Un questionnaire en six parties a été élaboré avec le biostatisticien de la délégation à la recherche clinique et à l’innovation du centre hospitalier universitaire de Clermont-Ferrand. Cent-trente questionnaires ont été envoyés aux médecins de trois structures : unité de soins palliatifs, équipe mobile de soins palliatifs et service de médecine des centres de lutte contre le cancer. Cinquantequatre d’entre eux ont été renvoyés.

Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (V. Guastella).

http://dx.doi.org/10.1016/j.medpal.2017.02.004 1636-6522/© 2017 Elsevier Masson SAS. Tous droits r´ eserv´ es.

Pour citer cet article : Guastella V, et al. État des lieux de l’utilisation de l’analgésie intrathécale en situation palliative en France en 2016. Médecine palliative — Soins de support — Accompagnement — Éthique (2017), http://dx.doi.org/10.1016/j.medpal.2017.02.004

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V. Guastella et al. Résultats. — Soixante-trois pour cent ont dit pratiquer l’analgésie intrathécale, mais moins de cinq fois par an. Une étude détaillée des résultats prouve que cette technique n’est pas aisée à mettre en pratique. Il y a de nombreux freins dans la réalisation : lourdeurs organisationnelles, chronologie, le manque de connaissances et les procédures institutionnelles, etc. Conclusion. — L’analgésie intrathécale devrait être plus souvent proposée et plus tôt dans l’histoire de la maladie des patients, face à des douleurs réfractaires, pour améliorer la qualité de vie par une meilleur gestion des symptômes d’inconfort. © 2017 Elsevier Masson SAS. Tous droits r´ eserv´ es.

KEYWORDS Palliative care; Interventional; Pain; Technique; Refractory; Intrathecal; Analgesia; Cancer

Summary Background. — Intrathecal analgesia is a specific interventional technique that is indicated for the treatment of refractory pains. It is a different way of administrating drugs, which are injected in the spinal area. Analgesics go directly on to receptors, so the efficiency is higher and side effects are less important compared to systemic administration. Because one of the most important questions in palliative medicine is ‘‘have you done everything possible to alleviate pain?’’, it seemed interesting to determine if this kind of analgesia is well known by physicians who look after patients in palliative situation, in which proportion this technique is done and also if there are any limitations. Methods. — Exploratory transversal study. A six-part questionnaire was elaborated in collaboration with biostatisticians of the university hospital. A hundred and thirty questionnaires were emailed to the practitioner of three types of structures: palliative care units, mobile palliative teams and centres for cancer treatment. Eventually, 54 questionnaires were collected. Results. — Sixty-three percent answered that they use intrathecal analgesia but less than five times a year. A detailed analysis of the results proves that this technique is not easy to perform. There are many boundaries linked to the heavy process, the timing, the lack of knowledge and institutional procedures, etc. Conclusion. — Intrathecal analgesia should be performed more often and needs to be prescribed earlier in the disease when patients suffer from a refractory pain. We have to perform this sort of pain management to improve patients’ quality of life. © 2017 Elsevier Masson SAS. All rights reserved.

Introduction À un stade avancé de la maladie cancéreuse, 75 % des patients souffrent de douleur, dont 25 à 30 % la décrivant comme très intense [1—4]. Les douleurs réfractaires représentent 14 % des douleurs cancéreuses. En pratique courante, la voie d’administration orale est prioritaire pour les thérapeutiques médicamenteuses, mais il existe d’autres techniques d’analgésie : neurochirurgicales, radiothérapie, chirurgie intrathécale et épidurale. Parce que la question « A-t-on mis en œuvre tous les moyens pour soulager la douleur ? » est au cœur du débat législatif sur la fin de vie en France, ainsi qu’une priorité des « palliatologues », il était intéressant d’interroger les praticiens sur les différentes techniques analgésiques utilisées sur le symptôme douleur. Indiquée dans le traitement des douleurs réfractaires de patients en situation palliative, l’analgésie intrathécale présente a priori, plusieurs atouts : meilleur soulagement, meilleure tolérance, épargne en opioïdes, diminution de la durée de séjour à l’hôpital (bénéfice médicoéconomique) [5,6]. Le retard dans la pratique de l’analgésie

intrathécale en France est réel, même si certains centres de lutte contre le cancer utilisent fréquemment cette technique [7]. Une grande hétérogénéité dans les pratiques analgésiques semble exister sur notre territoire franc ¸ais. C’est pourquoi nous avons décidé de faire un état des lieux de l’existant, en questionnant la connaissance de cette technique, ses indications habituelles et sa fréquence. Cet état des lieux permet de mettre en exergue les freins et limites à l’utilisation de cette technique analgésique [8].

Méthode Conception de l’étude Il s’agit d’une étude transversale observationnelle avec un questionnaire multidisciplinaire, dont le but était de proposer un état des lieux de la pratique de l’analgésie intrathécale en France et de mieux comprendre les disparités en explorant, dans la mesure du possible, les profils de recours à cette pratique.

Pour citer cet article : Guastella V, et al. État des lieux de l’utilisation de l’analgésie intrathécale en situation palliative en France en 2016. Médecine palliative — Soins de support — Accompagnement — Éthique (2017), http://dx.doi.org/10.1016/j.medpal.2017.02.004

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Utilisation de l’analgésie intrathécale en situation palliative L’étude s’est déroulée sur 3 mois, de novembre 2015 à février 2016. Cent-trente questionnaires ont été envoyés aux médecins de trois types de structure : unité de soins palliatifs, équipe mobile de soins palliatifs et centre de lutte contre le cancer. L’identification et le choix des investigateurs se sont fait de manière empirique et reposaient sur la volonté de solliciter des praticiens côtoyant des situations palliatives pouvant relever de ce type de prise en charge antalgique. Toutes les unités et équipes mobiles de soins palliatifs n’ont pu être interrogées, car il n’existe pas à notre connaissance de liste exhaustive de ces contacts. Des messages électroniques de rappels ont été adressés tous les mois pendant 3 mois pour obtenir le plus de réponses.

Questionnaires Le questionnaire a été rédigé en collaboration avec la cellule biostatistique du CHU de Clermont-Ferrand (délégation à la recherche clinique et l’innovation) et les praticiens du centre de soins palliatifs, avec une relecture par une personne extérieure pour s’assurer de la bonne compréhension et l’accessibilité des questions. Ce questionnaire a été fait pour interroger la pratique de l’analgésie intrathécale par les palliatologues franc ¸ais. Le questionnaire était en six parties avec des questions fermées (Annexe 1). Sa construction est née progressivement au regard de la bibliographe et des questions qui survenaient en pratique quotidienne, mais aussi face aux difficultés institutionnelles, la complexité à faire valider la technique, la mise en place et le suivi d’une analgésie intrathécale chez un patient. Avant d’utiliser le questionnaire auprès des collègues franc ¸ais, il était nécessaire de vérifier sa validité. L’évaluation notamment de l’accessibilité du questionnaire a été réalisée par des avis extérieurs auprès de cinq confrères d’autres structures qui se sont prêtés à une phase de test. Le lieu d’exercice est interrogé : unité ou équipe mobile de soins palliatifs, ou service d’oncologie médicale ainsi que le type d’établissement (centre hospitalier universitaire, centre hospitalier ou centre de lutte contre le cancer). Il était demandé aux praticiens s’ils possèdent un diplôme d’évaluation et traitement de la douleur. Lorsque la réponse était affirmative à la question : « est-ce que vos patients bénéficient d’analgésie intrathécale ? » la, les pathologies et le nombre de patients concernés étaient à préciser, ainsi que le mode d’administration (pompe intrathécale ou cathéter) et les services spécialisés partenaires pour la mise en place. La procédure institutionnelle a également été questionnée, ainsi que la perception par les praticiens d’éventuels freins et limites. Enfin, il était demandé aux praticiens s’ils pensent que d’autres patients présentant des douleurs réfractaires du cancer auraient pu bénéficier d’analgésie intrathécale. Dans l’affirmatif, il/elle renseignait le type de douleur et les localisations.

Analyse statistique Les analyses statistiques ont été réalisées avec le logiciel Stata (version 13, StataCorp, College Station, Texas, États-Unis). Une différence a été considérée comme

3 statistiquement significative quand le degré de signification (p) était inférieur à 0,05 (risque ␣=5 %). Toutes les variables à l’étude étant de nature catégorielle, elles sont présentées par des effectifs et pourcentages associés. Les comparaisons entre groupes ont été réalisées par le test du Chi2 ou par le test exact de Fisher (si conditions du Chi2 non respectées), suivis le cas échéant (omnibus p < 0,05) par une procédure de Marascuilo pour comparaisons multiples (correction du risque d’erreur ␣).

Résultats Nous avons rec ¸u 54 réponses. Un quart des questionnaires étaient initialement mal adressées. Nous pouvons donc dire que nous avons obtenu la moitié des réponses. Vingt-sept CHU sur 32 ont répondu et cinq centres de lutte contre le cancer sur 20. Les résultats peuvent être considérés comme plus représentatifs des pratiques en CHU en France (p = 0,04).

Analgésie intrathécale et diplôme sanctionnant une formation à la prise en charge de la douleur Soixante-trois pour cent des praticiens interrogés ont répondu qu’ils prescrivaient de l’analgésie intrathécale et 70 % d’entre eux avaient un diplôme d’évaluation et traitement de la douleur. Les praticiens ayant été formés à la prise en charge de la douleur réalisaient plus d’analgésie intrathécale (Fig. 1). Cependant, le résultat est à pondérer, car 75 % la prescrivaient moins de cinq fois par an et 25 % entre cinq et dix fois par an.

Analgésie intrathécale et lieu d’exercice Parmi les praticiens des 17 équipes mobiles de soins palliatifs qui ont participé à l’étude, huit ont répondu avoir déjà utilisé l’analgésie intrathécale pour leurs patients et 12 parmi

100% 80% 60% 40% 20% 0% pas diplômé douleur

diplômé douleur

Figure 1. Étude sur l’utilisation de l’analgésie intrathécale par les praticiens en médecine palliative en France : réalisation d’analgésie intrathécale par les médecins selon qu’ils sont ou non : proportion de médecins qui n’utilisent pas diplômés douleur. la technique ; : proportion de médecins qui utilisent l’analgésie intrathécale. Study on the use of intrathecal analgesia by French physicians: results according to the diploma.

Pour citer cet article : Guastella V, et al. État des lieux de l’utilisation de l’analgésie intrathécale en situation palliative en France en 2016. Médecine palliative — Soins de support — Accompagnement — Éthique (2017), http://dx.doi.org/10.1016/j.medpal.2017.02.004

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les praticiens des 14 unités de soins palliatifs (p = 0,05). Les praticiens des unités de soins palliatifs utilisaient presque deux fois plus l’analgésie intrathécale que les praticiens des équipes mobiles.

30 25 20

Type de matériel implanté Parmi les praticiens prescripteurs, 12 % implantaient un cathéter intrathécal, 18 % une pompe et 30 % les deux. Cela dépendait principalement de l’évaluation de l’espérance de vie.

15 10 5 0 autres

Motifs de non-réalisation de l’analgésie intrathécale 37 % des praticiens ne réalisaient pas ce type d’analgésie pour des motifs variables (Fig. 2). Pour plus de la moitié d’entre eux, il n’y avait pas de suivi possible des patients et pas d’expert médical référent dans l’hôpital. Les autres raisons évoquées par les praticiens pour expliquer ce faible pourcentage étaient : • pour 39 %, une indication de l’analgésie intrathécale posée trop tardivement dans l’évolution de la maladie ; • pour 10,5 %, les praticiens n’y pensaient pas du tout ; • pour 11 %, ils ne connaissaient pas cette technique. Il n’y avait pas de refus des patients. Les anesthésistes, les neurochirurgiens et les médecins de centres d’étude et de traitement de la douleur étaient fréquemment sollicités pour aider à la mise en place de la technique par leurs collègues. Même si 63 % des praticiens pratiquaient l’analgésie intrathécale, 68 % d’entre eux admettaient ne pas avoir mis en place de procédure institutionnelle par manque de communication entre les différentes services. Ils invoquaient les lourdeurs administratives et organisationnelles que cela engendre et l’absence de référent médical. Dans les CHU, des procédures institutionnelles étaient réalisées dix fois sur 27. Comparativement, cela est faisait

CH

CHU

CLCC

Figure 3. Pratique de l’analgésie intrathécale par les praticiens : en médecine palliative en France, selon le lieu d’exercice. : médecins qui médecins qui utilisent l’analgésie intrathécale ; n’utilisent pas la technique ; CH : centre hospitalier ; CHU : centre hospitalier universitaire ; CLCC : centre de lutte contre le cancer. Intrathecal analgesia use by French physicians according to the place of practice (general hospital, university hospital, comprehensive cancer centre, etc.).

trois fois sur cinq en centre de lutte contre le cancer et cela n’existait pas pour les centres hospitaliers (p = 0,04 ; Fig. 3). Les centre de lutte contre le cancer semblaient plus sensibilisés et mieux organisés à cette opportunité analgésique. À la question « pensez-vous que certaines douleurs auraient pu bénéficier de l’analgésie intrathécale », 97 % des praticiens ont répondu « oui », mais la moitié précisait que la technique était peu utilisée, tandis que 42 % ont expliqué qu’elle aurait pu être utilisée plus souvent (Fig. 4).

1 2

100 80

22

60

27

40 20 0

non

Figure 2. Étude sur l’utilisation de l’analgésie intrathécale par les praticiens en médecine palliative en France : cause(s) responsable(s) de la non-réalisation de l’analgésie intrathécale. Study on the use of intrathecal analgesia by French physicians: reasons for not using intrathecal analgesia.

rarement

souvent

très souvent

Figure 4. Étude sur l’utilisation de l’analgésie intrathécale par les praticiens en médecine palliative en France : répartitions des situations de douleurs réfractaires qui auraient pu bénéficier intrathécale et avec quelle fréquence. Study on the use of intrathecal analgesia by French physicians: frequency of situations that could have benefited from intrathecal analgesia.

Pour citer cet article : Guastella V, et al. État des lieux de l’utilisation de l’analgésie intrathécale en situation palliative en France en 2016. Médecine palliative — Soins de support — Accompagnement — Éthique (2017), http://dx.doi.org/10.1016/j.medpal.2017.02.004

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100

86 %

majorité des médecins ne l’utilisent que moins de cinq fois. Seuls huit praticiens comptabilisent entre cinq et dix patients par an. En fait, peu de patients en bénéficient ; la plupart du temps, de nombreuses limites sont évoquées.

86 %

80 60 40

5

56 % 32 %

Lourdeur de la procédure 24 %

20 0

Figure 5. Étude sur l’utilisation de l’analgésie intrathécale par les praticiens en médecine palliative en France : localisations douloureuses pour lesquelles l’analgésie intrathécale est la plus indiquée. Study on the use of intrathecal analgesia by French physicians: clinical situations for which intrathecal analgesia is indicated.

Situations cliniques Les localisations douloureuses prises en charge principalement sont présentées Fig. 5 : région abdominopelvienne, plexus lombaire, plexus brachial, plexus solaire et scapulaire avec le syndrome de Pancoast-Tobias. Ces topographies douloureuses sont souvent complexes et difficiles à soulager efficacement. Elles sont alors qualifiées de douleurs réfractaires car toutes les alternatives analgésiques jusqu’alors utilisées n’ont pas fait la preuve de leur efficacité ou les doses élevées ont généré des effets secondaires.

Discussion Cinquante-quatre réponses ont été obtenues suite à l’envoi des 130 questionnaires. A posteriori, il a été mis en évidence que 25 % étaient mal adressés. Il est difficile d’avoir une Mailing-List exhaustive des praticiens à qui adresser les questionnaires, mais aussi de savoir si les praticiens choisis « sont ceux qui sont le plus en mesure de répondre ». Ce qui peut laisser un doute quant à un éventuel biais de sélection. Sur les trente-deux CHU, vingt-sept ont répondu. Les résultats sont donc plus représentatifs de ce qu’il se passe dans les CHU que les CH et les CLCC. Nous aurions donc pu appeler cet article « État des lieux de la pratique de l’analgésie intrathécale par les médecins palliatologues des CHU en France en 2016 ». Les unités de soins palliatifs sont plus largement représentées que les équipes mobiles. Est-ce parce que les praticiens des unités de soins palliatifs sont prescripteurs, tandis que dans les équipes mobiles, ils donnent des conseils thérapeutiques pour aider à une meilleure prise en soin des patients (soulagement de la douleur), mais ne sont pas autorisés à prescrire ? Soixante-trois pour cent de réponses positives ont été obtenues à la question « vos patients bénéficient-ils d’une analgésie intrathécale ? Ce résultat ne signifie pas que sa pratique est largement répandue en France puisque la

Nos résultats ont montré que seulement un quart des praticiens de l’étude ont accompli une procédure institutionnelle dans leur hôpital. L’absence fréquente de procédure institutionnelle fragilise la mise en œuvre et accroît les réticences des prescripteurs. En outre, sa réalisation peu fréquente génère un manque d’expérience qui nuit à l’assurance de sa bonne réalisation. La pratique de l’analgésie intrathécale semble ainsi nécessiter une organisation solide et coordonnée des différents acteurs en charge des patients : des référents compétents pour valider l’indication, réaliser l’acte et en assurer le suivi. Décider la mise en place d’une pompe intrathécale exige plusieurs étapes à sa bonne réalisation. En premier, il faut s’assurer que le choix de la technique est le bon. Le dossier doit être présenté en réunion multidisciplinaire composé d’oncologues, palliatologues, radiothérapeutes, algologues, anesthésistes, mais aussi psychologues et travailleurs sociaux pour une évaluation et prise de décision optimale. Ensuite, tous les acteurs de la prise en charge doivent se coordonner. Le plus difficile et contraignant demeure le suivi du patient. Pour cela, il faut des thérapeutes qui puissent évaluer rapidement si le patient est soulagé, déterminer les doses et les combinaisons d’analgésiques appropriées et s’il y a nécessité à modifier les posologies ou les molécules. Enfin, un système d’astreinte médicale doit être clairement défini en cas de problème urgent tel qu’un dysfonctionnement de la pompe, voire une migration du cathéter, etc. Même si certains praticiens pensent à la mise en œuvre de cette technique pour soulager leur patient, la lourdeur de ces étapes les freine. Pour exemple, l’équipe de Denis Dupoiron dans le centre de lutte contre le cancer d’Angers pratique l’analgésie intrathécale grâce à une équipe formée et exclusivement dédiée à cette pratique analgésique. Quand les tâches sont clairement définies et les rôles distribués, les praticiens sont plus en confiance avec cette pratique. Ils prescrivent sans inquiétude quant à la bonne continuité des soins. Des moyens matériels et humains sont cependant nécessaires.

Temporalité Très souvent, l’indication d’analgésie intrathécale est posée trop tardivement dans l’évolution de la maladie. Quand le pronostic est défavorable, avec une espérance de vie inférieure à 3 mois, l’indication est de poser un cathéter intrathécal plutôt qu’une pompe [9]. Cependant, l’état général du patient ne permet pas toujours la réalisation globale de la procédure avec les différents examens du fait de son asthénie et son inconfort global. Cela demande préalablement, une réflexion éthique pour savoir s’il est ou non raisonnable de mettre œuvre une telle procédure compte tenu de l’état du patient [10]. La

Pour citer cet article : Guastella V, et al. État des lieux de l’utilisation de l’analgésie intrathécale en situation palliative en France en 2016. Médecine palliative — Soins de support — Accompagnement — Éthique (2017), http://dx.doi.org/10.1016/j.medpal.2017.02.004

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question du bon moment devient essentielle. Cette technique n’est pas recommandée trop tôt sans avoir essayé d’autres moyens pour soulager mais pas trop tard non plus quand on commence à discuter la proportionnalité de l’acte entrepris par rapport au confort du patient. Une possibilité serait peut-être de permettre aux patients d’indiquer leur préférence.

Méconnaissance des soins de support Les équipes médicales et paramédicales doivent prendre conscience de la nécessité d’améliorer le contrôle de la douleur. Cela semble paradoxalement avoir encore plus de sens lorsque le pronostic est engagé, avec une qualité de vie qui prime alors sur la quantité de vie. Les praticiens doivent être informés de l’existence de cette approche analgésique, non pas comme la solution à toutes les douleurs, mais comme une technique parmi les autres à connaître et surtout à quelle(s) structure(s) ils peuvent s’adresser pour solliciter un avis spécialisé. Les soins de support sont un ensemble de compétences coordonnées nécessaires à une bonne prise en charge du malade tout au long de la maladie, mais aussi pour anticiper les problèmes liés à l’évolutivité et l’agressivité des traitements. Il existe cependant des disparités dans la mise en œuvre des soins de support dans les établissements de santé. Les formations sur les soins de support doivent être largement diffusées. Très souvent à la question « connaissez-vous les soins de support ? », les personnels médicaux et paramédicaux répondent que cette notion demeure floue [11,12].

risques infectieux moindres en comparaison de la pose de cathéters [23—25]. Le coût initial est important mais utilisée dans de bonnes indications, les retombées médicoéconomiques sont très claires : la douleur est mieux et plus vite soulagée, le patient est à la maison avec moins de médicaments, moins d’effets secondaires et plus d’autonomie. Cette notion de l’efficacité est essentielle.

Conclusion L’analgésie intrathécale est peu utilisée par les praticiens en France. Il ne s’agit pas d’en faire le plaidoyer. De nombreux freins existent. Sa méconnaissance est réelle. La prescription trop tardive est souvent évoquée. L’analgésie intrathécale n’est pas non plus la panacée mais celle-ci devrait pouvoir être utilisée quand certaines douleurs identifiées comme réfractaires le nécessitent. À la question « Avons-nous mis tout en œuvre pour soulager la douleur ? », la réponse était négative. Le développement de la formation, mais aussi la coordination des différentes compétences comme le proposent les soins de support, sont des pistes d’amélioration pour optimiser l’évaluation et le traitement de la douleur afin de finalement préserver l’autonomie et la qualité de vie des patients en situation palliative, en institution ou à domicile.

Déclaration de liens d’intérêts Les auteurs déclarent ne pas avoir de liens d’intérêts.

Qualité de vie La douleur est un des symptômes les plus fréquents dans les maladies cancéreuses (50 %) et encore plus en phase avancée (75 %). Elle entrave considérablement la qualité de vie [13—16]. Améliorer la douleur d’un patient signifie être capable de préserver son autonomie et son état de conscience. Grâce à l’analgésie intrathécale, de faibles doses d’analgésiques sont utilisées : les doses en équivalant morphine orale d’opioïdes sont divisées par 300 [17—19]. Cela devrait améliorer la tolérance du patient aux thérapeutiques et limite les effets secondaires. La confusion est un symptôme fréquent de la fin de vie (85 %) [20,21]. C’est un frein important aux relations et aux échanges avec l’entourage. Le patient ainsi que les proches, la famille et les soignants en souffrent. Cela peut d’ailleurs générer des deuils difficiles, voire pathologiques. L’autre problématique majeure est que le patient confus n’est plus en capacité d’exprimer ses choix quant à sa fin de vie ni de participer aux décisions qui le concerne.

Bénéfice médicoéconomique Certaines douleurs par leur localisation sont connues pour être d’emblée difficile à soulager. Il serait souhaitable d’anticiper leur survenue pour rapidement donner la possibilité au patient de réfléchir à l’intérêt d’une pompe intrathécale [22]. L’indication de l’analgésie intrathécale doit en effet être rapidement posée avant que l’état général du patient ne s’altère et empêche sa réalisation. Sa réalisation est compatible avec un retour à domicile avec des

Annexe 1. Matériel complémentaire Le questionnaire accompagnant la version en ligne de cet article est disponible sur http://www.sciencedirect.com et http://doi:10.1016/j.medpal.2017.02.004.

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Pour citer cet article : Guastella V, et al. État des lieux de l’utilisation de l’analgésie intrathécale en situation palliative en France en 2016. Médecine palliative — Soins de support — Accompagnement — Éthique (2017), http://dx.doi.org/10.1016/j.medpal.2017.02.004

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Pour citer cet article : Guastella V, et al. État des lieux de l’utilisation de l’analgésie intrathécale en situation palliative en France en 2016. Médecine palliative — Soins de support — Accompagnement — Éthique (2017), http://dx.doi.org/10.1016/j.medpal.2017.02.004