Etude des perceptions d’équité des candidats dans une situation de sélection: influence de la justice procédurale et distributive

Etude des perceptions d’équité des candidats dans une situation de sélection: influence de la justice procédurale et distributive

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Etude des perceptions d’équité des candidats dans une situation de sélection: influence de la justice procédurale et distributive. Study of candidates equity perceptions in a situation of selection: influence of procedural justice and distributive justice. Laurence Marzucco* & Isabelle Hansez** Unité de Valorisation des Ressources Humaines, Faculté de Psychologie et des Sciences de l’Education. Université de Liège, Boulevard du Rectorat, 5/Bat. B-32, 4000 Liège, BELGIQUE. *E.Mail : [email protected] - **E.Mail : [email protected]

Résumé Quelles sont les perceptions d’équité des candidats par rapport à une situation de sélection à laquelle ils participent ? L’étude a été menée sur 97 candidats au travers de concours de promotion et de sélection organisés par le Service Public wallon (Belgique). Sur base du modèle de réactions des candidats (Gilliland, 1993), leurs perceptions d’équité ont été évaluées. A cette fin, un questionnaire a été développé sur base de l’échelle SPJS (Bauer & al., 2001). Les résultats montrent que les candidats pour la promotion (sur base d’un entretien situationnel) ont de meilleures perceptions d’équité par rapport à ceux participants à une sélection (sur base d’un entretien structuré classique). Les candidats engagés ont également de meilleures perceptions par rapport à ceux qui ont échoué. Les perceptions d’équité sont plus favorables après réception des résultats qu’à la sortie de l’épreuve. Summary Which are the applicantsfairness perceptions with regard to a situation of selection in which they are involved? The study has been carried out with 97 applicants through promotion and selection examinations set up by the Walloon Public Service (Belgium). Based on the model of reactions of the applicants (Gilliland, 1993), their perceptions of equity have been assessed. To this end, a questionnaire has been set up based on the SPJS scale (Bauer & al., 2001). The results indicate that applicants in a promotional process (based on a situational interview) perceive higher equity than applicants in a selection process (based on a classical structured interview). Recruited applicants also perceive higher equity than the other applicants. Equity perceptions are more favourable after publication of the results than at the end of the examination. Mots-clés: perception d’équité, promotion, justice procédurale, justice distributive. Key-words: equity perception, promotion, procedural justice, distributive justice.

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1. Introduction Au sein d’une organisation, chaque travailleur est concerné par la question de la justice et de l’équité (Greenberg & Cropanzano, 2001). En effet, de nombreuses actions organisationnelles peuvent toucher plus ou moins directement les travailleurs: sélection, promotion, mobilité, rémunération, entretien d’évaluation, licenciement, etc. Le travailleur va alors évaluer et poser un jugement d’équité par rapport à ces évènements organisationnels (Camerman, 2006). Les perceptions de justice sont donc centrales dans le bon fonctionnement d’une organisation. Le terme "justice organisationnelle" a été inventé en 1987 par Greenberg (Byrne & Cropanzano, 2001) et renvoie aux perceptions des gens concernant l’équité dans les organisations (Colquitt, Greenberg & Zapata-Phelan, 2005; Singh, 2006). Cette justice organisationnelle inclut l’équité perçue a) des décisions (justice distributive) b) des règles et procédures utilisées pour prendre ces décisions (justice procédurale) c) de la sensibilité et du respect montrés par les individus (justice interpersonnelle) et d) des explications données aux individus (justice informationnelle)1 (Greenberg, 1993, cité par Hausknecht, Day & Thomas, 2004). La justice distributive et la justice procédurale ont reçu une attention plus importante dans la recherche (Greenberg, 1990): la justice distributive, basée sur la théorie de l’équité d’Adams (1965), correspond à l’équité des résultats des décisions organisationnelles (Folger & Cropanzano, 1998) et renvoie aux règles perçues qui influencent les perceptions d’équité des décisions (Ployhart & Ryan, 1998), tandis que la justice procédurale, ou l’équité des procédures (Lind & Tyler, 1988), qui trouve son origine dans la théorie développée par Thibaut et Walker en 1975, renvoie à une variété de règles perçues qui influencent les perceptions d’équité du processus (Ployhart & Ryan, 1998). Dans cette étude, nous nous intéressons au contexte de la sélection: quelles sont les perceptions des candidats en termes d’équité ou de justice par rapport à une situation de sélection? Dans ce cadre, la théorie de la justice organisationnelle peut être utile pour étudier les perceptions des candidats (Gilliland, 1993). En 1993, Gilliland présente un modèle de justice organisationnelle spécifique au contexte de la sélection (figure 1). C’est précisément sur ce modèle de réactions des candidats que cette étude se base pour étudier les perceptions d’équité.

Les justices interpersonnelle et informationnelle forment ensemble la justice interactionnelle. Notons qu’en 1997, Cropanzano et Greenberg ont suggéré que la justice interactionnelle n’était en fait qu’une sous-composante de la justice procédurale. 1

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FIGURE 1 : Modèle de réactions des candidats aux systèmes de sélection (traduit de Gilliland, 1993) RESULTATS Réactions durant la sélection Décisions de poser sa candidature et d’accepter le job Recommandations de candidature Motivation pour le test Combats légaux

REGLES DE JUSTICE PROCEDURALE

Type de test

Politique RH

Comportement du personnel RH

Décision d’embauche Attentes de performance Prise en compte des besoins spéciaux Discrimination

Caractéristiques formelles Lien avec le travail Opportunité de performance Opportunité de réexamen Consistance dans la passation Explications Feedback Informations de sélection Honnêteté

Equité perçue du processus de sélection

Traitement interpersonnel Efficacité interpersonnelle de l’administrateur du test Communication à deux-voies Bienséance des questions

Equité perçue de la décision de sélection

Règles additionnelles

REGLES DE JUSTICE DISTRIBUTIVE

Modérateurs Expérience antérieure du candidat Etape du processus de sélection

Equité Egalité Besoins

Réactions après la sélection Performance Comportement de citoyenneté organisationnelle Satisfaction par rapport au travail Climat organisationnel

Perceptions de soi Estime de soi Efficacité Intentions futures de recherche d’emploi

Ce modèle propose que les justices procédurale et distributive soient respectivement conceptualisées en termes de règles procédurales et distributives, et qu’une série de caractéristiques (situationnelles, personnelles et de performance) influencent le degré auquel ces règles sont perçues comme respectées ou violées. Les perceptions selon lesquelles chacune de

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ces règles est respectée ou violée sont combinées pour former une évaluation globale de l’équité du processus de sélection d’une part, et de la décision de sélection d’autre part (Gilliland, 1993). En plus de ces effets principaux, le modèle propose une interaction des règles procédurales et distributives dans la formation des perceptions d’équité du processus et de la décision (Ryan & Ployhart, 2000). Ces perceptions mènent à leur tour à des conséquences individuelles et organisationnelles. Ainsi, la violation de ces règles mènerait à des perceptions d’injustice procédurale et distributive et à des réactions négatives de la part des candidats. Gilliland (1993, pp.703-710) définit dix règles procédurales différentes qui influenceraient positivement ou négativement les perceptions des candidats par rapport à la procédure, selon qu’elles sont perçues comme respectées ou violées: « 1. Lien avec le travail: le test de sélection fait référence à un contenu proche de la situation de travail réelle. 2. Opportunité de performance: opportunité pour le candidat de démontrer ses connaissances, savoir-faire et habiletés en situation de testing (Arvey & Sackett, 1993) ou la possibilité d’exercer un contrôle dans une situation de sélection (Schuler, 1993). On appelle cette règle "la voix". 3. Opportunité de réexamen: opportunité pour le candidat de contester ou de modifier le processus d’évaluation ou de prise de décisions. 4. Consistance dans la passation: garantir que les procédures de décisions sont consistantes entre les candidats et à travers le temps. 5. Feedback: fournir un feedback opportun et informatif concernant la performance et la décision (Anderson, Born & Cunningham-Snell, 2001). 6. Informations de sélection: information, communication (Sheppard & Lewicki, 1987) et explications sur la décision (Tyler & Bies, 1990). 7. Honnêteté: honnêteté et véracité lors des communications avec les candidats (Bies &Moag, 1986). 8. Efficacité interpersonnelle de la personne qui administre le test: les candidats sont traités avec chaleur et respect. 9. Communication à deux-voies: les candidats peuvent apporter leur contribution ou garantie que leurs opinions soient prises en compte durant le test et/ou dans le processus de sélection (Tyler & Bies, 1990). 10. Bienséance des questions: décence des questions posées lors du recrutement. Cette règle inclut la présence ou non de questions inappropriées et formulations préjudiciables. » Il cite également deux autres règles procédurales: la facilité à fausser les réponses, ou à quel point les candidats croient qu’une information peut être déformée d’une manière socialement désirable, et le caractère invasif des questions ou l’intrusion dans la vie privée.

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Gilliland (1993, pp.715-720) propose aussi trois règles distributives qui, selon qu’elles sont perçues comme respectées ou violées, influenceront positivement ou négativement les perceptions des candidats concernant la décision: « 1. Equité: est-ce que la décision est méritée sur base du succès passé, de l’expérience et des qualifications. 2. Egalité: si une personne est embauchée sur base de ses capacités, l’égalité est respectée. Par contre, si le genre ou la race biaisent la décision d’embauche, la règle d’égalité est clairement violée. 3. Besoins: cette règle suggère que les récompenses devraient être distribuées sur base des besoins individuels. Par exemple, les programmes de discrimination positive (Hartigan & Wigdor, 1989), ou l’offre d’un compromis raisonnable aux individus porteurs d’un handicap (Arvey & Sackett, 1993). » Le problème est que la satisfaction d’une règle distributive mènera toujours à la violation d’une autre règle. Le modèle de Gilliland (1993) est couramment cité dans la littérature et souvent utilisé conceptuellement; toutefois, il semble avoir été peu testé empiriquement, du moins, selon nous, il n’a été testé qu’en partie. Les auteurs sont donc nombreux à proposer de nouvelles voies de recherche, lesquelles nous ont permis de concevoir et d’élaborer cette étude. Tout d’abord, Truxillo, Bauer et Sanchez (2001) soulignent le fait que la plupart des études n’ont pas évalué de manière systématique les multiples dimensions de l’équité comme le suggérait Gilliland en 1993. A ce propos, Anderson, Born et Cunningham-Snell (2001) recommandent d’accorder plus d’attention aux règles de justice et tester systématiquement les règles de justice proposées par Gilliland, car ces règles ainsi que leurs antécédents ont été peu manipulés jusqu’à présent (Ryan & Ployhart, 2000). Plus précisément, ce sont les règles procédurales qui ont été le plus souvent investiguées, certainement parce que ces règles sont plus facilement manipulables dans un contexte de sélection, et plus facilement observables en cas de transgression. Selon Chan et Schmitt (2004), Ryan et Ployhart (2000) ainsi que la méta-analyse de Hausknecht, Day et Thomas (2004), c’est la dimension procédurale de lien avec le travail (en d’autres termes, la perception de ‘face validity’) qui a été la plus fréquemment étudiée (cette règle correspondrait à un item du type: « Le contenu réel de ce test est clairement en lien avec les tâches exigées par le poste »). En effet, selon le bilan de littérature de Cropanzano et Wright (2003), un nombre considérable de recherches ont démontré que les personnes qui passent un test réagissent plus positivement à un instrument psychologique lorsque sa ‘face validity’ est apparente, et plus négativement lorsqu’ils ne peuvent identifier le rapport entre le test qu’ils ont passé et le travail pour lequel ils postulent (e.g., Bauer, 49

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Maertz, Dolen & Campion, 1998; Chan, Schmitt, DeShon, Clause & Delbridge, 1997; Gilliland, 1994; Rynes & Connerley, 1993; Smither, Reilly, Millsap, Pearlman & Stoffey, 1993; Steiner & Gilliland, 1996). En d’autres termes, pour Truxillo, Steiner et Gilliland (2004), ces études ont montré que les procédures de sélection présentant une ‘face validity’ satisfaisante ont tendance à être perçues comme plus équitables par les candidats. Selon la méta-analyse de Hausknecht et al. (2004), cette règle de lien avec le travail a été abondamment étudiée en se basant sur la prémisse selon laquelle les candidats percevront la sélection comme plus favorable en fonction du degré auquel les techniques sont perçues comme présentant une ‘face-validity’ satisfaisante et sont prédictives de la performance au travail. Les résultats de cette méta-analyse indiquent notamment que la ‘face validity’ présente une corrélation d’en moyenne .50 avec la justice procédurale. En outre, les recherches récentes concernant la règle procédurale d’opportunité de performance, appelée aussi « la voix », indiquent son influence sur les perceptions de justice procédurale. Ces études ont montré qu’avoir l’opportunité de démontrer ses compétences mène à de plus hautes perceptions de justice procédurale (Konovsky, 2000; Steiner, Amoroso & Hafner, 2004). Les recherches sur la justice arrivent à la même conclusion: les perceptions de justice procédurale ont tendance à être meilleures lorsque les travailleurs, les personnes victimes de griefs, les citoyens, les étudiants, ou les participants à une étude ont l’opportunité d’exprimer leurs opinions par rapport à la décision prise par une autorité (Shapiro, 2001). En somme, à travers une série d’études menées aux Etats-Unis, les règles de lien avec le travail et d’opportunité de performance apparaissent être les règles procédurales les plus pertinentes (Gilliland & Steiner, 2001). Pour Chan et Schmitt (2004), l’importance du lien perçu entre procédures de test et poste de travail, la consistance avec laquelle ces procédures sont appliquées par le personnel, et la mise à disposition d’explications appropriées concernant les procédures ont été raisonnablement, et de manière consistante, supportées par la littérature existante. La recherche sur les autres principes de justice procédurale a été conduite moins fréquemment. En fait, il apparait clairement que les aspects structuraux du processus de sélection ou - selon les termes de Gilliland et Chan (2001), les règles formelles (voir figure 1) - ont été plus abondamment étudiés. En effet, puisque la plupart des études sur les perceptions d’équité des candidats en sélection ont été menées dans des contextes de sélection simulés ou sur des populations d’étudiants (nous y reviendrons par la suite), il a certainement été plus aisé pour les chercheurs d’utiliser et d’étudier ces variables formelles, comparé à des variables explicatives ou interpersonnelles plus difficilement simulables. En ce qui concerne les règles distributives d’équité, d’égalité et de besoins, c’est sur la première que s’est centrée la recherche. Certainement parce que 50

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l’équité est pertinente par rapport aux réactions que les candidats peuvent avoir dans un contexte de sélection, puisque cette règle renvoie à l’idée que les candidats devraient recevoir des récompenses (scores à un test, décision d’embauche, etc.) qui coïncident aux efforts qu’ils ont fournis. Toutefois, les deux dernières règles peuvent aussi être pertinentes dans certains contextes de sélection. Ainsi, Chan et Schmitt (2004) proposent que les recherches futures prennent davantage en considération les règles procédurales et distributives qui ont été moins étudiées. En outre, le plus souvent, une seule règle est manipulée. A notre connaissance, seuls quelques chercheurs ont examiné une combinaison de règles procédurales. Gilliland (1994) a manipulé deux dimensions de justice procédurale (le lien avec le travail et les informations de sélection) et a notamment trouvé que c’est le lien avec le travail qui importe le plus pour les candidats qui ont été refusés. Steiner et Gilliland (1996) ont étudié sept règles procédurales et ont démontré que la ‘face validity’ perçue de la procédure de sélection était la plus fortement corrélée aux réactions de favorabilité. Bauer, Maertz, Dolen et Campion (1998) ont testé cinq règles procédurales (les informations de sélection, l’opportunité de performance, l’efficacité interpersonnelle de l’administrateur du test, la consistance dans la passation et le lien avec le travail) et ont montré que les règles de lien avec le travail et de consistance sont liées aux perceptions d’équité du test. Enfin, Truxillo, Bauer et Sanchez (2001) ont exploré huit règles de justice procédurale et ont découvert que les dimensions de lien avec le travail et d’opportunité de s’accomplir sont liées à la justice globale. Chan et Schmitt (2004) recommandent donc d’une part, d’étudier les différents principes de justice conjointement, dans une même étude, pour obtenir davantage de résultats valides; et d’autre part, d’évaluer aussi les perceptions de justice distributive et pas seulement les perceptions de justice procédurale. Dès lors, sur base du modèle de Gilliland, nous postulons que: la justice procédurale explique le sentiment d’équité par rapport au processus (hypothèse 1a) et que la justice distributive explique le sentiment d’équité par rapport à la décision (hypothèse 2a). Nous proposons également deux hypothèses alternatives: la justice distributive, au-delà de la justice procédurale, explique aussi le sentiment d’équité par rapport au processus (hypothèse 1b), et la justice procédurale, au-delà de la justice distributive, explique le sentiment d’équité par rapport à la décision (hypothèse 2b)2.

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Gilliland (1993) propose 12 règles procédurales, cependant nous n’avons pas pris en considération la règle de caractère invasif des questions car elle nous semblait trop proche de la règle de bienséance des questions. L’auteur propose également 3 règles distributives, cependant, nous n’avons pas étudié la règle des besoins car cela nécessitait que certains candidats aient des besoins spéciaux, soient désavantagés, ou en situation de handicap par exemple.

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De plus, comme nous l’avons mentionné, trop d’études sur les perceptions d’équité simulent le contexte de sélection avec des manipulations expérimentales (comme le soulignent Anderson, Born & Cunningham-Snell, 2001; Bauer et al., 1998) –voir par exemple, l’étude de Ployhart et Ryan, 1998 ; ou se basent sur des échantillons d’étudiants (e.g. Chan, Schmitt, DeShon, Clause & Delbridge, 1997; Gilliland, 1994; Steiner & Gilliland, 1996; Rynes & Connerly, 1993). Il serait donc pertinent d’étudier ce contexte de justice organisationnelle avec des candidats qui vivent l’enjeu dans un processus de sélection réel (Ployhart & Ryan, 1997). Ensuite, comme le constatent Bauer et al. (1998), la plupart des recherches n’ont pas été conduites de manière longitudinale. Selon Ployhart et Ryan (1998), nous ne savons pas comment les justices procédurale et distributive influencent les perceptions d’équité (du processus et de la décision) des candidats à travers le temps. Selon Chan et Schmitt (2004), aucune étude publiée n’examine comment les réactions peuvent changer à travers le temps « de façon naturelle », c’est-à-dire sans l’intervention des chercheurs, et en utilisant plus de deux mesures dans le temps. Le modèle de Gilliland suggère d’ailleurs que chaque étape puisse présenter différents types de perceptions et de réactions. Dès lors, bien que les aspects d’impraticabilité et les ressources limitées dont disposent les chercheurs soient certainement les obstacles principaux à la conduite d’études longitudinales avec plus de deux mesures dans le temps (Chan & Schmitt, 2004), ces derniers, ainsi que Ployhart et Ryan (1998) et Ryan et Ployhart (2000) recommandent de privilégier une méthodologie longitudinale et de récolter les données à différentes étapes de la sélection. Ainsi, nous proposons que les perceptions de justice procédurale et distributive diffèrent à chaque étape de la sélection (hypothèse 3). Cependant, nous ne pouvons postuler à quelle moment les perceptions de justice seront plus favorables car, comme détaillé ci-dessus, la littérature ne nous permet pas de nous positionner à ce sujet. En outre, plusieurs auteurs (Hausknecht & al., 2004; Truxillo, Steiner & Gilliland, 2004) recommandent de réaliser l’étude avec des candidats impliqués dans un processus de promotion. En effet, comme le soulignent Hausknecht et al. (2004), la plupart des recherches à ce jour se sont intéressées aux perceptions de candidats externes participant à une sélection, mais les enjeux sont parfois plus importants pour les candidats et l’organisation en contexte de promotion. En effet, l’équité des procédures et de la décision de promotion peut avoir une importance plus grande par rapport à l’équité d’une sélection organisée pour des candidats externes, car

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les perceptions d’injustice d’un employé mécontent, qui travaille déjà dans l’organisation, peuvent avoir un impact direct sur la performance organisationnelle (Truxillo & al., 2004). Dès lors, bien qu’il y ait encore eu peu de recherches empiriques sur l’équité perçue en contexte de promotion, nous pensons que les organisations préparant une sélection de type promotion seront plus soucieuses de l’équité perçue des procédures de sélection qu’elles proposent et des décisions qu’elles prennent. Ainsi, nous postulons que les perceptions de justice sont plus positives chez les candidats participant à une sélection de type promotion que chez les candidats externes participant à une sélection (hypothèse 4). Pour continuer, la recherche a démontré l’impact négatif d’un entretien structuré sur les perceptions d’équité (e.g. Steiner, Amoroso & Hafner, 2004). Bien que les entretiens structurés présentent une meilleure validité (.44) par rapport aux entretiens non-structurés (.33) (McDaniel, Whetzel, Schmidt & Maurer, 1994; voir aussi Huffcut & Arthur, 1994), les entretiens non-structurés, comme l’expliquent Gilliland et Steiner (2001), sont vus comme fournissant une meilleure opportunité de démontrer ses habiletés et sont dès lors perçus comme plus équitables (e.g. Latham & Finnegan, 1993). Puisque les études à ce sujet semblent converger vers les mêmes conclusions, plutôt que de continuer à s’interroger uniquement sur la manière dont est conduit l’entretien (structuré, non-structuré), il nous semble plus opportun de s’intéresser au contenu de l’entretien. Dès lors, il nous parait intéressant d’investiguer quelles perceptions, en terme d’équité, va générer un entretien de sélection structuré, mais présentant une bonne validité incrémentielle (par exemple, une technique de sélection basée sur les mises en situation, comme l’entretien situationnel) par rapport à un entretien structuré classique. Selon la méta-analyse de McDaniel, Whetzel, Schmidt et Maurer (1994), l’entretien situationnel a une validité moyenne plus élevée (.50), que les entretiens en lien avec le travail (.39) et psychologiques (.29). Au vu de la littérature, nous supposons qu’un entretien reconnu pour sa validité, comme l’entretien situationnel, bien qu’il soit structuré, mènera à des perceptions d’équité plus grandes. Nous proposons donc que : les candidats qui passent un entretien structuré situationnel ont des perceptions d’équité plus positives que les candidats qui passent un entretien structuré classique (hypothèse 4bis). Concrètement, l’entretien situationnel consiste à poser des questions hypothétiques orientées sur le futur, lesquelles demandent aux candidats d’imaginer une situation de travail, avec des questions du type «Que feriezvous si… ? » (Gatewood, Field & Barrick, 2008). L’entretien situationnel est un outil reconnu pour sa validité et sa fidélité élevées (voir notamment Latham, Saari, Pursell & Campion, 1980). En effet, ces derniers argumentent l’efficacité de ce type d’entretien. Tout d’abord, la validité de contenu est satisfaisante car les questions d’interview sont dérivées des résultats d’une 53

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analyse de poste systématique. Un échantillon représentatif des situations de travail est incorporé dans les questions de l’entretien. Ensuite, la ‘face validity’ est garantie puisque ne sont posées que des questions relatives à l’emploi. Enfin, l’utilisation des échelles de réponses prédéterminées permet d’augmenter la fidélité inter-juges. En outre, plusieurs recherches révèlent que l’entretien situationnel est un prédicteur extrêmement valide des capacités professionnelles du candidat. Par exemple, ce type d’entretien offre une validité prédictive significative. La méta-analyse de McDaniel et al. (1994) rapporte d’ailleurs une validité moyenne corrigée de .50 qui est supérieure à celle de tous les autres entretiens de type « job-related » (.39). De plus, l’entretien situationnel permet un jugement précis des informations fournies par le candidat. Maurer et Lee (1994, cités par Maurer, 1997) ont notamment trouvé que les interviewers sont extrêmement exacts et ceci de façon consistante dans l‘évaluation de divers candidats qualifiés. Enfin, la recherche fournit des preuves considérables que l’entretien situationnel produit des taux extrêmement élevés d’accords entre les interviewers. Par exemple, Latham, Saari, Pursell et Campion (1980) rapportent une fidélité inter-juges allant de .76 à .87. Enfin, plusieurs études ont démontré que la décision (embauche ou refus) joue un rôle important dans les perceptions de justice. Par exemple, Gilland (1994) a découvert que les personnes sélectionnées ont de meilleures perceptions d’équité du processus et de la décision de sélection que les personnes refusées. Bauer et al. (1998) ont montré que ceux qui réussissent le test évaluent plus positivement celui-ci que ceux qui échouent. Enfin, Ployhart et Ryan (1998) trouvent que les participants sélectionnés perçoivent la décision comme plus équitable que les participants refusés. Ainsi nous postulons que les perceptions de justice sont plus positives chez les candidats qui ont réussi que chez ceux qui ont échoué (hypothèse 5). Sur base de la littérature et de ses recommandations, plusieurs lignes directrices ont ainsi été mises en évidence et nous ont permis de concevoir cette recherche: tester plus systématiquement les règles de justice proposées par Gilliland en 1993, prendre en compte et la justice procédurale et la justice distributive; étudier les perceptions d’équité en situation réelle; à différentes étapes de la sélection, dans un contexte de promotion, et avec un outil de sélection présentant une bonne validité incrémentielle par rapport aux techniques classiques, en l’occurrence, l’entretien situationnel.

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2. Méthodologie 2.1Echantillon Notre étude a été réalisée au sein du Service Public Wallonie en Belgique. D’une part, nous sommes intervenus lors de concours de promotion pour différents niveaux. Les candidats passaient un entretien structuré situationnel. D’autre part, nous sommes intervenus dans d’autres sélections (une sélection pour les fonds structurels européens et une sélection pour l’agence de l’air et du climat) avec des candidats externes qui passaient un entretien structuré classique destiné à vérifier leurs connaissances et aptitudes. Il s’agit là de nos deux premières variables indépendantes: concours de sélection (promotion/sélection) et type d’entretien (entretien structuré situationnel/entretien structuré classique). Pour la promotion, l’échantillon se composait de 37 participants pour le temps 1 et de 35 participants pour le temps 2. Pour la sélection fonds structurels, l’échantillon était composé de 43 participants pour le temps 1 et de 26 participants pour le temps 2. Pour la sélection air et climat, l’échantillon se composait de 17 participants pour le temps 1 et pour une question de planning, nous ne disposons pas des données du temps 2. Au total, 97 participants ont été interrogés au temps 1 et 61 personnes ont participé au temps 2. 2.2 Procédure et matériel Nous avons évalué les perceptions d’équité chez les mêmes participants à deux moments différents de la sélection: le premier questionnaire était proposé sur place, dès que les candidats sortaient de l’épreuve; le second questionnaire était envoyé par courrier ou par mail dès que les candidats recevaient la décision d’embauche (réussite/échec). Il s’agit de deux autres variables indépendantes de notre étude : temps de mesure (temps 1/temps2) et décision d’embauche (réussite/échec). Le questionnaire proposé permettait d’évaluer les règles procédurales et distributives ainsi que le sentiment d’équité par rapport au processus et par rapport à la décision. Règles procédurales: nous avons évalué les règles procédurales en utilisant l’échelle SPJS ou« Selection Procedural Justice Scale » développée et validée par Bauer, Truxillo, Sanchez, Craig, Ferrara et Campion (2001)3. Nous avons traduit ces items, puis les avons reformulés parce qu’ils n’étaient Cette échelle permet d’évaluer chacune des règles procédurales du modèle de Gilliland (1993).

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pas adaptés aux contextes de sélection dans lesquels nous intervenions. Ainsi, nous avons retravaillé les items proposés dans l’échelle SPJS de manière à ce que les termes utilisés soient pertinents selon les types de sélection organisés au sein de notre milieu d’étude (promotion et sélection). Par exemple, un item procédural proposé dans notre questionnaire « promotion » était : "Une personne qui réussit l’épreuve orale finale accomplira avec succès un métier de niveau 1". Pour le questionnaire « sélection », l’item équivalent était: "Une personne qui réussit l’entretien accomplira avec succès le métier pour lequel elle postule". Règles distributives: nous avons créé, sur base des définitions données pour chaque règle par Gilliland (1993), une série d’items pour évaluer les règles distributives puisque, d’une part, les items proposés par Bauer et al. dans leur échelle SPJS portent uniquement sur les règles procédurales, et d’autre part, il n’existe à notre connaissance, aucune échelle spécifiquement destinée à l’évaluation des règles distributives en contexte de sélection. Un item distributif proposé dans notre questionnaire était, par exemple: "Les candidats sont sélectionnés uniquement sur base de leurs qualifications"4. Sentiment d’équité par rapport au processus et par rapport à la décision: pour les mêmes raisons, nous avons également créé des items pour évaluer ces deux sentiments. Par exemple, un item proposé pour le sentiment d’équité par rapport au processus était: "Le personnel du service de sélection de la Région wallonne utilise des outils et des méthodes de sélection équitables", et pour le sentiment d’équité par rapport à la décision: "Je pense que la décision (réussite/échec) que j’ai reçue est méritée"5. Les items proposés dans le questionnaire ont donc été adaptés selon le type de sélection (questionnaires «promotion » et « sélection »). En outre, afin de pouvoir évaluer les perceptions des candidats à la sortie de l’épreuve et après réception des résultats, le questionnaire se déclinait en deux versions (le questionnaire « temps 1 », composé de 38 items, et le questionnaire « temps 2» comprenant 52 items6). Ainsi, quatre versions différentes du questionnaire ont été créées : les questionnaires « temps 1 » et « temps 2 » pour les candidats à la promotion d’une part, et pour les candidats à la sélection d’autre part. Le format de réponses proposé était une échelle

4 Ici, l’item est identique pour le questionnaire « promotion » et « sélection » car aucun terme ne doit être adapté selon le type de sélection. 5 Même remarque. 6 Deux des items de la règle d’équité, les items de la règle opportunité de réexamen, les items de la règle feedback et les items de la dimension sentiment d’équité par rapport à la décision ne peuvent être abordés qu’au moment où les participants reçoivent leurs résultats (c’est-à-dire dans le second questionnaire), puisque ces items concernent les résultats ou le feedback. Le second questionnaire comporte donc davantage d’items (52) que le premier (38).

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d’accord de type Likert en 5 points. Pour exemple, le questionnaire « temps 2 » destiné aux candidats à la promotion est présenté en annexe 1. 3. Analyses statistiques Les items de notre questionnaire ont fait l’objet d’analyses factorielles afin d’étudier dans quelle mesure les règles procédurales permettent de définir le concept de justice procédurale et dans quelle mesure les règles distributives permettent de définir le concept de justice distributive. Nous avons ensuite calculé un score moyen par candidat pour les onze règles/dimensions mises en évidence suite à l’analyse factorielle. Les valeurs manquantes ont été remplacées par la moyenne. Des analyses descriptives sur les données ont ensuite été réalisées. En outre, nous avons effectué une régression hiérarchique des règles de justice sur le sentiment d’équité par rapport au processus ainsi qu’une régression hiérarchique des règles de justice sur le sentiment d’équité par rapport à la décision. Une analyse de variance avec mesures répétées a été réalisée afin de tester l’existence d’une différence significative entre les perceptions de justice aux deux temps. Nous avons ensuite réalisé des tests post-hoc pour identifier comment évoluaient plus précisément dans le temps ces perceptions, dimension par dimension. Enfin, nous avons utilisé le correspondant nonparamétrique du test t de Student, à savoir le test U de Mann-Withney, pour tester l’existence d’une différence significative entre les moyennes des modalités de la variable concours de sélection (promotion/sélection) et de la variable type d’entretien (entretien structuré situationnel/entretien structuré classique) par rapport aux différentes règles de justice aux temps 1 et 2, et pour tester l’existence d’une différence significative entre les moyennes des modalités de la variable décision d’embauche (réussite/échec) par rapport aux différentes règles de justice au temps 2. 4. Résultats Pour le questionnaire « temps 1 », une analyse factorielle exploratoire en composantes principales (rotation Varimax normalisée) a été réalisée sur les dimensions de justice distributive (7 items) et procédurale (28 items). Cette analyse a permis d’identifier d’une part, deux facteurs distincts pour la dimension de justice distributive (JD) : l’équité (3 items ont été gardés; α=.74) et l’égalité (3 items; α=.74). Un item de la règle d’égalité a dû être écarté car il convergeait davantage avec le facteur interprété comme relatif à la règle d’équité. Ces deux facteurs présentent une valeur propre supérieure à 1 (respectivement égale à 2.5 et 1.7) et les coefficients Alpha de Cronbach sont acceptables, les items qui composent chacun de ces facteurs ont donc été conservés. 60.3% de la variance totale est expliquée par ces deux facteurs. D’autre part, neuf facteurs distincts pour la dimension de 57

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justice procédurale (JP) ont été identifiés, mais seuls cinq facteurs ont été conservés: le lien avec l’emploi (2 items; r=.58, p<.05), les informations de sélection (3 items; α=.83), l’opportunité de performance (3 items; α=.80), la consistance dans la passation (2 items; r=.56, p<.05) et la facilité à fausser les réponses (3 items; α=.69). Ces cinq facteurs présentent tous une valeur propre supérieure à 1 (respectivement égale à 1.37, 2.3, 6.4, 1.86 et 2.23) et les coefficients Alpha de Cronbach ou corrélations sont acceptables, les items qui composent chacun de ces facteurs ont donc été conservés. 50.9% de la variance totale est expliquée par ces cinq facteurs. Bien que les quatre autres facteurs présentaient une valeur propre supérieure à 1 (1.1 pour le facteur interprété comme relatif à la règle de lien avec l’emploi, 1.06 pour celui relatif à la règle d’honnêteté, 1.7 pour celui relatif à la règle d’efficacité interpersonnelle, et 1.3 pour celui relatif à la règle de bienséance des questions), nous avons décidé de les écarter car chacun de ces facteurs n’était composé que d’un seul item qui convergeait suffisamment; ce que nous jugions insuffisant pour évaluer une dimension. Tous les autres items procéduraux ont dû être éliminés soit en raison de leur trop faible saturation, soit parce qu’ils convergeaient simultanément sur plusieurs facteurs différents. Une analyse factorielle sans rotation a été réalisée sur les 3 items de la dimension d’équité par rapport au processus (EP) et a permis d’identifier un facteur: le sentiment d’équité par rapport au processus (3 items ont été gardés; α=.78). Tous les items ont été conservés. Ce facteur présente une valeur propre supérieure à 1 (égale à 2.1) et le coefficient Alpha de Cronbach est acceptable. Le facteur explique 70.7% de la variance totale. Pour le questionnaire « temps 2 », une analyse factorielle exploratoire en composantes principales (rotation Varimax normalisée) a été réalisée sur les dimensions de justice distributive (9 items) et procédurale (35 items), ce qui a permis d’identifier d’une part, trois facteurs distincts pour la dimension de justice distributive (JD): l’équité (3 items ont été gardés; α=.79), l’égalité (3 items; α=.85) et enfin, deux items (r=.72, p<.05) saturent sur un troisième facteur que nous avons appelé cohérence7. Ces trois facteurs présentent chacun une valeur propre supérieure à 1 (égale respectivement à 1.3, 1.2 et 3.7) et les coefficients Alpha de Cronbach sont acceptables, les items qui composent chacun de ces facteurs ont donc été conservés. 78.8% de la variance totale est expliquée par ces trois facteurs. D’autre part, six facteurs distincts pour la dimension de justice procédurale (JP) ont été identifiés: le lien avec l’emploi (2 items; r=.80, p<.05), les

Ces deux items, créés au départ pour la règle d’équité, étaient « Mes résultats sont cohérents par rapport à mon ressenti juste après l’épreuve » et « Mes résultats sont surprenants par rapport à mon ressenti juste après l’épreuve ». Ils concernent en fait davantage la cohérence entre les résultats reçus et le ressenti des candidats à la sortie de l’épreuve.

7

58

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informations de sélection (3 items; α=.85), l’opportunité de performance (3 items; α=.88), le feedback (3 items; α=.77), la consistance dans la passation (2 items; r=.85, p<.05) et la facilité à fausser les réponses (3 items; α=.82). Quatre autres items ont dû être éliminés en raison de leur trop faible saturation. Ces six facteurs présentent une valeur propre supérieure à 1 (respectivement égale à 1.3, 2, 6.1, 1.7, 1.1 et 2.6) et les coefficients Alpha de Cronbach sont acceptables, les items qui composent chacun de ces facteurs ont donc été conservés. 74.8% de la variance totale est expliquée par ces six facteurs. Une analyse factorielle sans rotation a été réalisée sur les dimensions d’équité par rapport au processus (3 items) et à la décision (5 items), ce qui a permis d’identifier d’une part, un facteur pour l’équité par rapport au processus (EP): le sentiment d’équité par rapport au processus (3 items : ont été gardés; α=.88). Tous les items ont été conservés. Ce facteur présente une valeur propre supérieure à 1 (égale à 2.4) et le coefficient Alpha de Cronbach est acceptable. 80.9% de la variance totale est expliquée par le facteur. D’autre part, un facteur pour l’équité par rapport à la décision (ED) a également été identifié: le sentiment d’équité par rapport à la décision8 (5 items; α=.84). Tous les items ont été conservés. Ce facteur présente une valeur propre supérieure à 1 (égale à 3.1) et le coefficient Alpha de Cronbach est acceptable. 62.1% de la variance totale est expliquée par le facteur. L’analyse factorielle exploratoire nous a donc permis d’identifier les règles procédurales de lien avec l’emploi, informations de sélection, opportunité de performance, feedback, consistance dans la passation et facilité à fausser les réponses dans la définition du concept de justice procédurale. L’analyse factorielle exploratoire a également mis en évidence trois règles pour la justice distributive: l’équité, l’égalité et celle que nous avons appelée cohérence. Ces trois règles permettent donc de définir le concept de justice distributive. Nous avons ainsi identifié une nouvelle règle par rapport à celles proposées par Gilliland pour la justice distributive. Enfin, cette analyse nous a permis d’identifier les règles de sentiment d’équité par rapport au processus et de sentiment d’équité par rapport à la décision pour définir respectivement les concepts d’équité par rapport au processus et d’équité par rapport à la décision. Ces règles identifiées grâce à l’analyse factorielle exploratoire constituent l’ensemble des variables dépendantes de cette étude, avec lesquelles les analyses présentées ci-dessous ont été réalisées. 8 Précisons que les dimensions de cohérence, de feedback et de sentiment d’équité par rapport à la décision sont nouvelles par rapport au temps 1.

59

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Les analyses descriptives se trouvent dans le tableau 1. Ces moyennes nous donnent des indications pour déterminer dans quelle mesure l’équité de chacune des règles est perçue comme respectée ou violée par les candidats. La règle d’égalité est perçue comme la plus équitable, à la fois à la sortie de l’épreuve et après réception des résultats. Il semble donc que les participants ne pensent pas que la sélection soit réalisée sur base du sexe, de la nationalité ou des opinions politiques des candidats. Par ailleurs, la règle de facilité à fausser les réponses présente la moyenne la plus basse à la sortie de l’épreuve, ce qui indique que les participants pensent qu’il n’est pas possible de fausser certaines réponses sans que le jury s’en aperçoive, de cacher les choses dont on n’a pas envie de parler pendant l’épreuve, ni de tromper le jury et tourner les réponses à son avantage. Après réception des résultats, c’est la règle de feedback qui présente la moyenne la plus faible, ce qui signifie que les participants se considèrent peu satisfaits du temps total consacré au feedback sur leurs résultats, les informations qu’ils reçoivent lors de ce feedback ne semblent pas suffisamment détaillées et instructives, et ne permettent pas d’améliorer leurs points faibles. Ensuite, nous avons testé si les règles de justice procédurale expliquent le sentiment d’équité par rapport au processus (hypothèse 1a) et si les règles de justice distributive expliquent le sentiment d’équité par rapport à la décision (hypothèse 2a). Nous avons également envisagé leurs hypothèses alternatives, c’est-à-dire, voir si la justice distributive intervient dans l’explication du sentiment d’équité par rapport au processus (hypothèse 1b), et si la justice procédurale intervient dans l’explication du sentiment d’équité par rapport à la décision (hypothèse 2b). La régression hiérarchique des règles de justice sur le sentiment d’équité par rapport au processus (F (3, 86) = 7,86 ; p = 0,00 ; R² = 0,25) est significative au niveau d’incertitude 5%. Les règles procédurales expliquent 25% de la variance totale, et ce sont les règles de lien avec le travail (bêta de 0,22 ; p = 0,02), de feedback (bêta de 0,28 ; p = 0,00) et de consistance dans la passation (bêta de 0,20 ; p = 0,04) qui expliquent de manière significative le sentiment d’équité par rapport au processus. L’ajout des règles distributives permet d’expliquer 41% de la variance totale (R² = 0,16), et ce sont les règles de lien avec le travail (bêta de 0,20 ; p = 0,04), d’information de sélection (bêta de -0,18 ; p = 0,04), de feedback (bêta de 0,23 ; p = 0,01) et de cohérence (bêta de 0,39 ; p = 0,00) qui expliquent significativement le sentiment d’équité par rapport au processus. Toutefois, c’est la règle de cohérence qui a la contribution la plus importante dans la prédiction du critère. Ces résultats permettent de confirmer partiellement l’hypothèse 1a et l’hypothèse alternative 1b.

60

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Tableau 1 : Analyse descriptive Moyennes (M) et écarts-types (ET) Règles/dimensions

M (ET) Temps 1

M (ET) Temps 2

Equité

3.54 (.64)

3.57 (.68)

Egalité

4.12 (.81)

4.00 (.80)

/

3.55 (.63)

Lien avec le travail

3.07 (.77)

2.95 (.74)

Informations de sélection

2.96 (.93)

2.96 (.79)

Opportunité de performance

3.17 (.85)

2.86 (.78)

/

2.64 (.74)

Consistance dans la passation

3.75 (.76)

3.56 (.81)

Facilité à fausser les réponses

2.50 (.69)

2.66 (.64)

Equité processus

3.69 (.59)

3.43 (.76)

Equité décision

/

3.60 (.70)

Cohérence

Feedback

La régression hiérarchique des règles de justice sur le sentiment d’équité par rapport à la décision (F (6, 86) = 2,25 ; p = 0,04 ; R² = 0,42) est également significative au niveau d’incertitude 5%. Les règles distributives expliquent 42% de la variance totale et ce sont les règles d’égalité (bêta de 0,22 ; p = 0,01) et de cohérence (bêta de 0,54 ; p = 0,00) qui expliquent de manière significative le sentiment d’équité par rapport à la décision. L’ajout des règles procédurales permet d’expliquer 50% de la variance totale (R² = 0,08) et ce sont les règles d’égalité (bêta de 0,18 ; p = 0,03), de cohérence (bêta de 0,53 ; p = 0,00) et de feedback (bêta de 0,26 ; p = 0,00) qui expliquent significativement le sentiment d’équité par rapport à la décision. C’est à nouveau la règle de cohérence qui a la contribution la plus importante dans la prédiction du critère. Ces résultats permettent de confirmer l’hypothèse 2a et partiellement l’hypothèse alternative 2b. Nous avons utilisé une analyse de variance avec mesures répétées pour voir si les perceptions de justice sont différentes entre les deux temps (hypothèse 3). L’analyse nous indique qu’il n’y a pas de différence significative entre le temps 1 et le temps 2 indépendamment des différentes dimensions (F (1,79) = 3,5 ; p = 0,06). Par contre, les résultats montrent d’une part, un effet principal significatif pour les dimensions (F (7, 553) = 61,73 ; p = 0,00), ce qui signifie que les perceptions sont différentes selon les dimensions, indépendamment du moment (temps 1 ou 2) où ces perceptions 61

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ont été recueillies; et d’autre part, ce qui nous intéresse davantage ici, un effet d’interaction temps*dimensions significatif (F (7, 553) = 3,25 ; p = 0,00); c'est-à-dire que l’évolution dans le temps des perceptions n’est pas la même selon la dimension. Ce dernier résultat montre bien une évolution dans le temps des perceptions, mais qui diffère selon la dimension. Nous avons donc réalisé des tests post-hoc pour identifier comment évoluent dans le temps ces perceptions, dimension par dimension. Nous constatons que pour six des huit dimensions considérées aux deux temps, les perceptions d’équité sont significativement meilleures après réception des résultats qu’à la sortie de l’épreuve. Plus précisément, une fois les résultats reçus, les candidats ont un meilleur sentiment d’équité par rapport au processus (p = 0,00) et une perception plus positive des règles d’équité (p = 0,00), de lien avec le travail (p = 0,00), d’informations de sélection (p = 0,00), d’opportunité de s’accomplir (p = 0,00) et de facilité à fausser les réponses (p = 0,00). Ceci confirme l’hypothèse 3, et nous pouvons maintenant préciser que les perceptions sont meilleures au temps 2 qu’au temps 1. En outre, nous avons vérifié si les perceptions de justice sont plus positives chez les candidats participant à une sélection de type promotion que chez les candidats externes participant à une sélection (hypothèse 4) et par là même, vérifié si les candidats qui passent un entretien structuré situationnel ont de perceptions d’équité plus positives que les candidats qui passent un entretien structuré classique (hypothèse 4bis). Pour cette variable concours de sélection ne présentant que deux modalités (promotion/sélection), ainsi que pour la variable type d’entretien (structuré situationnel/structuré classique), nous avons utilisé le test U de MannWithney (voir tableau 2). A la sortie de l’épreuve, les règles d’égalité et d’informations de sélection sont mieux perçues par les candidats pour la promotion, et ceux-ci trouvent plus difficile de déformer leurs réponses de manière socialement désirable, par rapport aux candidats de la sélection classique. Ces résultats indiquent de la même manière des perceptions plus favorables concernant tous ces mêmes critères chez les candidats ayant passé un entretien structuré situationnel, par rapport à ceux soumis à un entretien structuré classique Une fois les résultats reçus, ces candidats pour la promotion ont un sentiment d’équité par rapport à la décision plus élevé que les autres candidats; et ont une perception plus positive des règles d’équité, d’égalité, de lien avec le travail, et de feedback. A nouveau, ces résultats indiquent également des perceptions plus favorables pour ces mêmes critères chez les candidats ayant passé un entretien structuré situationnel par rapport à ceux soumis à un entretien structuré classique. Ainsi, ce sont les candidats participant à une sélection de type promotion qui présentent les perceptions de justice les plus positives par rapport à plusieurs critères, et ceci à la fois à la sortie de l’épreuve et après réception des résultats. Mais ces résultats peuvent également être vus selon un autre angle de vue: celui du type 62

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d’entretien passé. En effet, le fait que les candidats à la promotion aient passé un entretien structuré situationnel plutôt qu’un entretien structuré classique peut expliquer pourquoi leurs perceptions de justice concernant ces différents critères sont plus positives. Ainsi, l’entretien structuré situationnel engendre aussi des perceptions d’équité plus favorables par rapport à un entretien structuré classique. De manière générale, nos hypothèses 4 et 4bis peuvent être confirmées. Tableau 2 : Tests U de Mann-Withney promotion/sélection et entretien structuré situationnel/entretien structuré classique. Temps 1

Temps 2

Règles/dimensions

P ESS

S ESC

U

p ex

P ESS

S ESC

U

p ex

1. Equité processus

3.68

3.67

1078.00

.81

3.51

3.36

718.00

.46

/

/

/

/

3.80

3.32

472.50

.00

3. Equité

3.58

3.50

1066.00

.75

3.80

3.37

498.50

.00

4. Egalité

4.43

3.91

723.50

.00

4.24

3.80

544.00

.01

/

/

/

/

3.64

3.47

674.00

.24

6. Lien avec travail

3.26

2.94

909.50

.14

3.05

2.86

555.50

.02

7. Informations

3.28

2.77

693.00

.00

2.87

3.04

770.50

.81

8. Opportunité

3.12

3.20

1054.00

.68

2.87

2.85

715.50

.44

/

/

/

/

2.81

2.48

536.00

.01

10. Consistance

3.85

3.68

952.50

.24

3.70

3.44

710.00

.41

11. Facilité à fausser

2.28

2.65

805.00

.02

2.50

2.80

690.50

.31

2. Equité décision

5. Cohérence

9. Feedback

Moyennes (M), statistiques de Mann-Withney (U) et probabilités de dépassement exactes pour de petits échantillons (p ex) des variables étudiées (N=97). Note : P=promotion et S=sélection, ESS=entretien structuré situationnel et ESC=entretien structuré classique. Les probabilités de dépassement (p ex) significatives au niveau .05 apparaissent en gras dans le tableau.

Enfin, nous avons testé si les perceptions de justice sont plus positives chez les candidats qui ont réussi que chez ceux qui ont échoué (hypothèse 5). Pour cette variable décision d’embauche ne présentant que deux modalités (réussite/échec), nous avons également utilisé le test U de 63

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Mann-Withney au temps 2 (voir tableau 3). Les candidats qui ont réussi ont un sentiment d’équité par rapport au processus et par rapport à la décision plus élevé que les candidats qui ont échoué; et perçoivent plus positivement les règles d’égalité, d’équité, de cohérence, de lien avec le travail, d’opportunité de performance, de feedback et de consistance dans la passation. Ces résultats permettent de confirmer l’hypothèse 5. Tableau 3 : Tests U de Mann-Withney réussite/échec Moyennes (M), statistiques de Mann-Withney (U) et probabilités de dépassement exactes pour de petits échantillons (p ex) des variables étudiées (N=80). Note : R=réussite et E=échec. Les probabilités de dépassement (p ex) significatives au niveau .05 apparaissent en gras dans le tableau. Règles/dimensions

R

E

U

p ex

1. Equité processus

3.70

2.88

184.00

.00

2. Equité décision

3.96

2.85

58.50

.00

3. Equité

3.85

2.98

147.00

.00

4. Egalité

4.25

3.50

231.50

.00

5. Cohérence

3.72

3.20

267.00

.03

6. Lien avec travail

3.11

2.62

273.50

.03

7. Informations

3.03

2.82

347.50

.34

8. Opportunité

3.03

2.50

270.50

.03

9. Feedback

3.83

2.23

241.00

.01

10. Consistance

3.71

3.25

282.00

.04

11. Facilité à fausser

2.60

2.80

264.50

.49

4. Discussion Tout d’abord, nous avons étudié les principes de justice à la fois procédurale et distributive conjointement, dans une même étude. Cette recherche a montré que plusieurs règles procédurales (le lien avec le travail, le feedback et la consistance dans la passation) expliquent le sentiment d’équité par rapport au processus, et les règles distributives d’égalité et de cohérence expliquent en majeure partie le sentiment d’équité par rapport à la décision. Ces résultats montrent donc que les règles procédurales et

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distributives expliquent respectivement, le sentiment d’équité par rapport au processus et par rapport à la décision; ce qui confirme bien les relations proposées dans le modèle de Gilliland en 1993. En outre, ces résultats rejoignent notamment ceux de Bauer et al. (1998), qui avaient également montré que le lien avec le travail et la consistance dans la passation sont liés aux perceptions d’équité procédurale. Et de manière plus générale, nos résultats témoignent, à l’instar de nombreuses études (e.g. Chan & al., 1997; Cropanzano & Wright, 2003; Gilliland, 1994; Hausknecht & al., 2004; Rynes & Connerley, 1993; Smither, Reilly, Millsap, Pearlman & Stoffey, 1993; Steiner & Gilliland, 1996; Truxillo & al., 2004), de l’importance que le lien perçu entre le test que les candidats passent et le poste pour lequel ils postulent a sur l’équité perçue du processus de sélection. Par contre, à l’inverse de la plupart des études dans le domaine, cette recherche n’a pas montré d’influence de la règle procédurale d’opportunité de performance sur les perceptions de justice procédurale. Toutefois, ces relations entre règles de justice et perceptions d’équité sont plus complexes puisque l’ajout des règles distributives est significatif dans l’explication du sentiment d’équité par rapport au processus, où c’est la règle distributive de cohérence qui est significative. En d’autres termes, une cohérence entre d’une part, les résultats reçus par le candidat et d’autre part, son ressenti au moment où il est sorti de l’épreuve, joue un rôle dans le sentiment d’équité par rapport au processus. Et l’ajout des règles procédurales est significatif dans l’explication du sentiment d’équité par rapport à la décision. Plus précisément, la règle procédurale de satisfaction par rapport au feedback reçu est significative dans l’explication de ce sentiment. Ployhart, Ryan et Bennett (1999) avaient déjà montré qu’une lettre personnelle fournissant au candidat une explication sur la décision de sélection qui a été prise (embauche ou refus), en d’autres termes un feedback sur la décision prise, améliorait l’équité perçue. De même, dans la recherche de Bauer et al. (1998), le feedback apparaissait être le plus important déterminant du résultat d’équité. On perçoit donc toute l’importance que peut avoir la communication d’un feedback sur les perceptions d’équité des candidats concernant la décision prise. Ceci peut d’ailleurs être mis en lien avec les résultats de nos analyses descriptives, où les candidats, après réception de leurs résultats, se jugeaient peu satisfaits du feedback reçu. La confirmation partielle de nos hypothèses alternatives nous fournit donc des éléments supplémentaires dans la compréhension des relations entre règles procédurales et distributives et sentiments d’équité par rapport au processus et à la décision. Ceci nous pousse à croire que des études complémentaires sont nécessaires pour confirmer les résultats rapportés dans cette étude. Ensuite, nous avons évalué les perceptions de justice selon un design longitudinal en deux temps, et comme le suggérait Gilliland (1993) dans son 65

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modèle, les perceptions diffèrent selon les étapes du processus de sélection. Dans cette recherche, les perceptions de justice sont majoritairement plus favorables après que les candidats aient reçu leurs résultats qu’à leur sortie de l’épreuve. En fait, il y a une évolution dans le temps des perceptions, mais qui diffère selon les dimensions. Plus précisément, après réception des résultats, les candidats perçoivent le processus comme plus équitable, ont une perception plus positive de l’équité des critères sur base desquels la décision a été prise, du lien entre le test qu’ils ont passé et l’emploi pour lequel ils postulaient, et des informations qui leur ont été données. Ils perçoivent avoir eu davantage l’opportunité de démontrer leurs compétences, et les réponses qu’ils ont données lors de l’épreuve leur semblaient difficiles à modifier de manière socialement désirable. Pour aller plus loin, puisqu’aucun chercheur ne semble avoir étudié la manière dont les perceptions changent en situation réelle de sélection (Chan & Schmitt, 2004), nous suggérons tout de même de répliquer ce type de design longitudinal en récoltant cette fois les données à trois moments de la procédure, puisqu’il s’agit d’une recommandation qui apparait de manière récurrente dans la littérature. En outre, nous avons étudié les perceptions de justice lors de concours de promotion et de sélection, et avec un outil présentant une bonne validité incrémentielle: l’entretien situationnel. Les résultats les plus importants de cette recherche sont les suivants. D’une part, cette recherche montre que les candidats pour la promotion ont des perceptions d’équité plus positives que les candidats externes participant à une sélection. Ce résultat peut selon nous, être interprété de deux façons. D’une part, au vu de l’impact organisationnel que peuvent avoir les perceptions d’injustice d’un employé travaillant déjà dans une organisation, en l’occurrence un candidat participant à un concours de type promotion, les organisations préparant ce type de sélection mettent certainement tout en œuvre pour proposer des procédures et prendre des décisions équitables; ce qui expliquerait les perceptions plus favorables chez les candidats faisant déjà partie de l’organisation. D’autre part, nous pouvons supposer que les candidats impliqués dans un processus de promotion, et qui dès lors font déjà partie de la l’organisation, auront plus de difficultés à considérer des problèmes d’équité dans leur propre organisation, justement parce qu’ils appartiennent déjà à celle-ci. Nous pensons que cette différence de perceptions peut aussi s’expliquer par la nature de l’épreuve passée par ces candidats. En effet, les candidats pour la promotion ont passé un entretien structuré situationnel tandis qu’un entretien structuré classique de connaissances a été proposé aux autres. Ainsi, l’entretien structuré situationnel, reconnu scientifiquement comme étant un outil de sélection valide, engendrerait des perceptions plus 66

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favorables par rapport à un entretien structuré classique. Au vu de ces résultats, l’entretien situationnel pourrait être privilégié étant donné sa validité largement prouvée et les perceptions favorables qu’il occasionne. Ces résultats peuvent également être mis en parallèle avec l’idée selon laquelle les candidats qualifiés pour un job ont tendance à voir l’entretien situationnel comme une méthode juste et objective (Maurer, 1997). Toutefois, nous ne sommes pas en mesure de déterminer quel facteur engendre véritablement de meilleures perceptions d’équité: le type de concours auquel le candidat a participé, et par là même, le fait d’appartenir déjà à l’organisation ou non, ou le type d’entretien en lui-même ? Nous devons donc rester prudents dans nos interprétations. D’autre part, cette recherche montre que les candidats qui ont réussi (et qui sont donc engagés) ont des perceptions d’équité plus favorables que ceux qui ont échoué. Ainsi, comme on pouvait le supposer, les personnes qui sont engagées perçoivent la procédure de sélection et la décision qui en découle comme plus équitables. Ce résultat concorde avec ceux de plusieurs études (Gilliland, 1994; Ployhart & Ryan, 1998; Bauer & al., 1998). 5. Conclusion En ce qui concerne les limites de notre étude, nous soulignons, d’un point de vue méthodologique, qu’un nombre plus élevé de candidats aurait permis davantage de robustesse au niveau de nos analyses et résultats. En dépit de cette limite majeure, cette étude a des implications intéressantes. D’un point de vue empirique, elle a permis d’une part, d’évaluer plus systématiquement le modèle de Gilliland; et d’autre part, d’identifier de perceptions d’équité plus favorables chez les candidats pour la promotion (qui peuvent s’expliquer aussi par la nature de l’épreuve passée) ainsi que chez les personnes engagées. L’étude a donné des résultats intéressants, ce qui nous amène à penser que des recherches supplémentaires pourraient être utiles pour répliquer nos résultats. D’un point de vue pratique, ce genre d’étude pourrait être utile pour un service RH dans l’élaboration d’épreuves de sélection et d’accession. 6. Références Adams, J. S. (1965). Inequity in social exchange. In L. Berkowitz (Ed.), Advances in experimental social psychology: Vol. 2 (pp. 267-299). New York: Academic Press. Anderson, N., Born, M., & Cunningham-Snell, N. (2001). Recruitment and selection: Applicant perspectives and outcomes. In N. Anderson, D.S. Ones, H. Kepir Sinangil, & C. Viswesvaran (Eds.), Handbook of industrial, work and organizational psychology: Vol. 1. Personnel psychology (chap. 10, pp. 200218). London: Sage.

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