Évaluation des risques d’échauffement et de déplacement des appareils orthodontiques en imagerie par résonance magnétique

Évaluation des risques d’échauffement et de déplacement des appareils orthodontiques en imagerie par résonance magnétique

J Radiol 2007;88:263-8 © Éditions Françaises de Radiologie, Paris, 2007 Édité par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés article original Technol...

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J Radiol 2007;88:263-8 © Éditions Françaises de Radiologie, Paris, 2007 Édité par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés

article original

Technologie

Évaluation des risques d’échauffement et de déplacement des appareils orthodontiques en imagerie par résonance magnétique K Yassi (1), F Ziane (1), E Bardinet (1), M Moinard (2), B Veyret (3) et JF Chateil (2)

Abstract

Résumé

Evaluation of the risk of overheating and displacement of orthodontic devices in magnetic resonance imaging J Radiol 2007;88:263-8

L’utilisation de l’Imagerie par Résonance Magnétique (IRM) dans l’exploration de la région oro-faciale chez les patients porteurs de matériel d’orthodontie peut être perturbée par des artéfacts, avec un risque théorique de déplacement et d’échauffement des différents matériaux utilisés en odontologie. Le but de notre étude est d’apprécier les effets thermiques et les risques de déplacement induit par l’IRM sur certains dispositifs métalliques utilisés en orthodontie. Les résultats montrent une augmentation très modérée de température des matériaux lors de l’exposition IRM, inférieure a 1 °C, en particulier au niveau du fil métallique reliant les brackets. Les forces maximales observées sont de l’ordre de 0,27 N. Le risque de décollement et de déplacement paraît nul à 1,5 Tesla lorsque les recommandations usuelles sont respectées. La dépose temporaire du fil et la vérification des collages sont recommandées. La priorité doit cependant être donnée à l’utilisation de matériel non magnétique ou faiblement magnétique pour limiter au maximum les artéfacts dans le cadre des explorations de la région céphalique.

The use of magnetic resonance imaging (MRI) in the exploration of the orofacial region of patients who have orthodontic appliances can be disturbed by artifacts, with a theoretical risk of displacement and overheating of the different materials used in odontology. The purpose of this study was to evaluate the thermal effects and the risk of displacement induced by MRI on certain metallic devices used in orthodontics. The results show a very moderate increase in temperature of the materials during MRI exposure, less than 1°C, in particular in the metal wire linking the brackets. The maximal forces observed were on the order of 0.27 N. The risk of detachment and displacement seems to be nonexistent at 1.5 Tesla when the usual recommendations are respected. Temporary removal of the wire and verification of the adhesive is recommended. However, priority should be given to nonmagnetic or slightly magnetic material to limit artifacts as much as possible when exploring the head region. Key words: MRI. Overheating. Displacement. Orthodontic device.

imagerie par Résonance Magnétique (IRM) est recommandée dans de multiples indications, en particulier chez l’enfant, compte tenu de son caractère non irradiant (Guide du bon usage des examens d’imagerie médicale, www.sfrnet.org). Par ailleurs, dans la tranche d’âge 9-15 ans, les traitements orthodontiques sont souvent proposés, faisant appel dans de nombreux cas à un matériel prothétique mis en place à demeure pendant une durée allant de quelques mois à plusieurs années. Il est de ce fait fréquent d’être confronté à la réalisation d’une IRM chez un patient porteur d’un tel dispositif, ce qui pose la question de sa compatibilité avec l’appareillage IRM (1).

L’

(1) UFR d’odontologie, Université de Bordeaux 2, 146 rue Léo Saignat, 33076 Bordeaux Cedex. (2) Unité Radiopédiatrie, Service d’imagerie anténatale, de l’enfant et de la femme, Hôpital Pellegrin, Place Amélie Raba-Léon, 33076 Bordeaux cedex 1. (3) Laboratoire PIOM, ENSCPB, EPHE, Université bordeaux 1, 33607 Pessac cedex. Correspondance : JF Chateil E-mail : [email protected]

Mots-clés : IRM. Echauffement. Déplacement. Appareil orthodontique.

Les inconvénients en rapport avec le matériel d’orthodontie sont de plusieurs ordres, liés à l’utilisation de composants métalliques : risque théorique de déplacement, d’échauffement, et pour toutes les explorations de l’extrémité céphalique, artéfacts gênant la réalisation et la lecture des images (fig. 1). Les interactions entre dispositifs métalliques orthodontiques et l’IRM suscitent des interrogations. Nous avons réalisé une enquête régionale par courrier montrant des attitudes très diverses chez les radiologues : refus de l’examen, dépose du matériel, réalisation de l’examen sans autre précaution. Des demandes écrites ont été adressées à cinq fabricants de matériels d’orthodontie (3M-Unitek® Dentaurum®, GAC®, Ormodent® et RMO®) pour connaître leurs recommandations. Seule la société Dentaurum nous a assuré par écrit de la compatibilité de son matériel. De ce fait, la dépose de l’arsenal orthodontique des patients avant examen IRM est souvent demandée. Cette procé-

dure est lourde, elle est préjudiciable à la bonne conduite du traitement orthondontique. Ce travail se propose d’évaluer les élévations de température et les risques de déplacement des structures métalliques orthodontiques au cours de l’examen par IRM.

Fig. 1 :

Artéfacts au niveau du massif facial créé par un appareillage d’orthodontie.

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Évaluation des risques d’échauffement et de déplacement des appareils orthodontiques en IRM

Matériels et méthodologie

Matériel orthodontique Les brackets, bagues et fils en acier inoxydable et titane obtenus auprès de cinq fournisseurs différents (3M-Unitek® Dentaurum®, GAC®, Ormodent® et RMO®) ont été testés, leurs compositions métallurgiques ayant été communiquées par les fabricants. Pour la seconde partie de l’étude (forces induites), les échantillons ont été répartis en 2 groupes, selon la complexité et la combinaison des différents composants : – Le premier groupe était constitué de 5 marques de bagues et de 6 marques de brackets dont un en titane (Dentaurum®). – Le deuxième groupe était constitué par un quad-hélix, un arc lingual, un disjoncteur et 2 arcs composites complets (l’un réalisé avec des bagues et brackets en acier sur un arc en NiTi, l’autre avec des brackets en titane et des bagues en acier sur un arc en NiTi) (fig. 2).

Étude du risque d’échauffement Appareil de mesure de température Le thermomètre Fluoroptique Luxtron® modèle 790 est un thermomètre multicanal précis et fiable, conçu pour des environnements ou des températures extrêmes ou lorsque les approches conventionnelles de mesure sont imprécises voire totalement inutilisables. Son intérêt réside dans l’uti-

lisation de phosphore luminescent et de fibres optiques, non sensibles au champ magnétique. Cette technologie est basée sur la propriété de thermo-sensibilité du phosphore qui est apposé à l’extrémité d’une fibre optique de Quartz, elle-même reliée à l’instrument. Des pulsations lumineuses, d’un bleu violet, sont envoyées à l’extrémité de la fibre faisant rougeoyer le phosphore. L’affaiblissement de la fluorescence après chaque impulsion change lors des modifications de température, permettant la mesure précise de la température à la sonde, jusqu’à une précision de +/– 0,1 °C.

Méthodologie Quatre-vingt-seize dents indemnes de lésions carieuses, extraites dans le cadre de différentes indications (orthodontiques et parodontales essentiellement) sans dyschromie ni reconstitution au composite ou à l’amalgame d’argent, ont été conservées préalablement dans du sérum physiologique, renouvelé toutes les semaines. La disposition des dents in vivo a été simulée par leur mise en place en arcade, les racines étant plongées dans une silicone lourde. Cinq arcades ont ainsi été constituées et destinées à l’expérimentation. Les brackets étaient collés au composite autopolymérisable et les bagues scellées au ciment verre ionomère. Un fil rectangulaire en acier inoxydable de 1,7 × 2,2 mm était ligaturé aux brackets et aux bagues à l’aide de ligatures métalliques. Une barre

K Yassi et al.

métallique de 0,9 mm de diamètre a été rajoutée sur une des arcades dentaires, reliant les deux premières molaires et simulant ainsi une barre palatine sur l’arcade maxillaire. Les sondes à fibres optiques du Luxtron® étaient placées au contact des parties métalliques, sans interférence, par l’intermédiaire de tubes en plastique fixés aux fils, aux brackets et aux bagues à l’aide de résine (fig. 3). Un récipient polyester de forme rectangulaire (récipient A) a été choisi pour contenir un deuxième récipient plastique de forme ronde (récipient B) représentant les cavités aériennes, fermé hermétiquement, et lui-même surmonté d’un dernier récipient (récipient C), également de forme ronde, contenant l’arcade dentaire soumise à l’examen IRM (fig. 4). La position du modèle d’arcade dans ce récipient simulait celle du patient en décubitus dorsal lors de l’examen IRM. Le récipient rectangulaire était rempli de 3 litres de sérum physiologique (Na Cl 0,9 %), volume représentant les tissus endocrâniens. Les sondes à fibres optiques étaient maintenues à l’aide d’une pâte à fixer.

Exposition des échantillons à l’IRM Un seul appareil d’IRM a été utilisé pour l’étude de l’échauffement (Gyroscan® T10 NT, 1 T, gradients de type Powertrak 3000 (Philips®). Le récipient rectangulaire était centré dans l’antenne « tête », elle-même à l’isocentre de l’aimant. Il était ensuite soumis aux séquences IRM et la température régulièrement relevée. Deux séquences connues pour leurs effets thermiques importants ont été utilisées (2). Leurs caractéristiques figurent dans le tableau I. L’épaisseur des coupes transversales pas-

Fig. 3 : Fig. 2 :

Échantillons de matériel orthodontique du groupe B.

Modèle d’arcade dentaire avec disposition des sondes thermiques. J Radiol 2007;88

K Yassi et al.

Fig. 4 :

Évaluation des risques d’échauffement et de déplacement des appareils orthodontiques en IRM

Disposition des différentes boîtes et du modèle d’arcade afin de simuler les mêmes paramètres qu’un patient pendant un examen d’IRM : – Récipient A (sérum) – Récipient B (air) – Récipient C (sérum)

sant par le centre des différents échantillons métalliques était fixée à 6 mm.

Étude du risque de déplacement Méthodologie Nous avons repris le protocole expérimental décrit initialement par New et coll. en 1983 et qui est toujours utilisé dans de telles études (3). Un rapporteur avec des graduations de 1° (incertitude estimée à 0,5°) était collé sur un tableau en carton. L’échantillon à tester était accroché à un fil de suture fin de masse négligeable (fil de marque Ethicon®, Johnson & Johnson®, en soie noire 5/0). Il pendait 1 cm en avant du tableau pour éviter les frictions contre celui-ci (fig. 5). Les échantillons ont été soumis à 2 intensités de champs magnétiques, 1 et 1.5 T, respectivement sur les appareils suivants : – Gyroscan® T10-NT, gradients de type Powertrak 3000 (Philips®) ;

– Gyroscan® ACS-NT, gradients de type Powertrak 6000 (Philips®). Le dispositif était placé d’abord à l’entrée du tunnel de l’appareil IRM de manière à ce que l’échantillon soit au centre de celle-ci, puis déplacé lorsque le mouvement observé était faible. (Les gradients les plus importants sont à l’entrée du tunnel de l’IRM, même si la position des maxima peut varier selon la configuration de l’aimant). Nous avons eu recours à l’utilisation de contrepoids (en pâte à modeler) afin d’apprécier le déplacement des échantillons qui étaient attirés par le champ magnétique à plus de 90°. Deux observateurs se sont relayés pour noter l’angle de déflection par rapport à la verticale. Lorsque les observations étaient différentes, la moyenne des deux était retenue.

Calcul des forces Les échantillons et contrepoids ont été pesés à l’aide d’une balance de précision

Tableau I Caractéristiques des séquences utilisées pour la mesure de l’élévation de température.

Fig. 5 :

265

Disposition du pendule à l’entrée de l’aimant.

Neppler® Toledo AG245 (précision de 1/10e mg). À partir des angles mesurés, la force délivrée par le champ magnétique a été déduite selon la formule suivante (3) : F = m.g.tan(θ) F : force en dynes (cm g/sec2) ; 1 dyne = 10-5 Newton m : masse de l’objet (en g) g : accélération gravitationnelle (0,98 m/ sec2) tan(θ) : tangente de l’angle de déviation par rapport à la verticale.

Résultats

Étude de l’échauffement Les résultats des différentes mesures sont reportés dans le tableau II. L’observation des valeurs enregistrées montre une augmentation maximale de température de 0,5 °C. Durant la séquence HASTE, le changement de température le plus faible est observé sur le matériel GAC® (bagues, brackets, fil). La plus forte augmentation de température concerne le fil. Les élévations de température sont plus faibles au niveau des brackets, à l’exception des brackets Ormodent® qui enregistrent une augmentation de température de 0,4 °C.

Temps de répétition TR

Temps écho TE

Specific Absorption Rate (SAR)

Angle de bascule

Nombre d’acquisitions

Durée de l’acquisition

Séquence T2 Turbo spin écho

3806 ms

100 ms

1.5 W/Kg

90°

15

10’ et 31’’

Étude du déplacement

Séquence HASTE

6739 ms

68 ms

3.0 W/Kg

90°

32

3’ et 35’’

Les résultats de nos mesures figurent dans les tableaux III et IV. L’utilisation de contrepoids non standardisés pourrait in-

J Radiol 2007;88

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Évaluation des risques d’échauffement et de déplacement des appareils orthodontiques en IRM

K Yassi et al.

Tableau II Elévations de température (degré Celsius) enregistrées durant les séquences T2 et HASTE. RMO®

Ormodent®

Ormoden® + barre palatine

GAC®

3M®

Séquence

T2

HASTE

T2

HASTE

T2

T2

HASTE

T2

HASTE

Bracket

0,2

0,1

0,4

0,4

0,3

0,2

0,1

0,2

0,1

Fil

0,5

0,5

0,4

0,3

0,4

0,2

0,1

0,5

0,4

Bague

0,2

0,2

0,3

0,1

0,3

0,3

0,2

0,3

0,3

Tableau III Forces induites par les champs magnétiques sur les bagues et brackets. Force magnétique (N)

3M-Unitek®

Dentaurum®

1T

1,5 T

Bracket

9,63 . 10-3

14,5 . 10-3

Bague

4,48 . 10-3

6,27 . 10-3

Bracket

0,02 . 10-3

0,06 . 10-3

Bracket en titane

Ormodent®

0

0

Bague

0,56 . 10-3

0,96 . 10-3

Bracket

4,58 . 10-3

10,8 . 10-3

7,93 .

10-3

10,6 . 10-3

0,19 .

10-3

0,347 . 10-3

0,34 .

10-3

0,80 . 10-3

Bague RMO®

Bracket Bague

Tableau IV Forces induites par les pièces composées du second groupe. Force magnétique (N) 1T

1,5 T

10-3

268 . 10-3

-3

1,29 . 10-3

Arc lingual

-3

8,85 . 10

18,6 . 10-3

Quad-Hélix

38,7 . 10-3

60,9 . 10-3

Disjoncteur

-3

68,7 . 10-3

Arc A Arc B

177 .

0,43 . 10

42,6 . 10

duire un certains biais à nos mesures. Les alliages à base de fer entrant dans la composition des matériaux d’orthodontie testés sont, pour la majorité, responsables d’une force magnétique. Par contre, comme cela était attendu, les fils en alliage à base de titane ainsi que le bracket en titane n’ont montré aucun déplacement lors de notre expérience. L’intensité des forces observées est très variable, avec une force maximale de 0,0145 N pour les bagues et brackets, et de 0,268 N pour un système complet.

Discussion Les artéfacts en rapport avec le matériel d’orthodontie sont bien connus (4-6). L’appréciation des risques physiques en

rapport avec ce matériel reste diversement appréciée, et concerne essentiellement l’échauffement potentiel et le déplacement par attraction magnétique. L’ouvrage de Shellock (7), ainsi que le site Internet dédié à la sécurité de l’usage de l’IRM, créé et maintenu par cet auteur (http://www.MRIsafety.com), sont régulièrement mis à jour et constituent une référence pour juger de la compatibilité et de l’innocuité de chaque matériel, mais il peut être difficile de bien individualiser les matériaux utilisés en orthodontie car tous les dispositifs ne sont pas référencés. Le risque de brûlure en rapport avec l’échauffement d’implants métalliques doit toujours être apprécié avant tout examen IRM (8, 9). Nos résultats montrent que la plus « forte » augmentation de température concerne le fil métallique ;

ceci confirme les sensations d’échauffement ressenties par les patients davantage au niveau du fil que des bagues et des brackets (observation personnelle). Une augmentation de température n’étant vraiment significative qu’à partir de 1 °C (10), il est difficile d’affirmer qu’une élévation de température de l’ordre de 0,5 °C puisse correspondre à la sensation d’échauffement ressentie et décrite par certains patients. On peut également se demander si le stress engendré par l’examen IRM accentue la sensibilité du patient et donc la sensation de chaleur. Il faut souligner certaines limites dans notre étude. Seuls des arcs rectangulaires plats en acier inoxydable sans aucune déformation ont été utilisés pour cette expérimentation. Il serait intéressant d’étudier le comportement de certains types d’arcs à boucles, ces dernières pouvant, par l’intermédiaire d’un courant conducteur induit, provoquer une augmentation de température supérieure à celle enregistrée sur les arcs rectangulaires (11, 12). Enfin, certains accessoires orthodontiques type quad-helix sont également, par leur section (poids, charge…) et leur forme (boucle…), susceptibles de provoquer une élévation de température, celle-ci étant proportionnelle au rayon de la boucle formée. De même, nous n’avons pas réalisé de mesures en éloignant le matériel du centre de l’aimant, les variations de gradient pouvant être plus importantes en périphérie du champ. En résumé, la simple dépose du fil orthodontique, donc du fil conducteur, peut réduire le risque calorifique. Des lésions de l’émail dentaire en rapport avec l’IRM paraissent improbables, sachant que, d’une part, l’émail peut résister sans altération à une température supérieure à 1 650 °C et que, d’autre part, les brackets orthodontiques sont isolés de l’émail par une couche de composite ou de verre ionomère. L’attraction par l’aimant de tout matériel ferromagnétique constitue un risque parfaitement connu, mais diversement apprécié pour le matériel d’orthodontie (3, 13), certaines auteurs conseillant la dépose du matériel (14). Les fils en alliage à base de titane ainsi que le bracket en titane n’ont montré aucun déplacement lors de notre expérience. Ceci est en accord avec les résultats de nombreuses études concernant des prothèses, stents ou clips en titane. Ce matériau est particulièrement compatible avec l’environnement d’IRM d’autant plus qu’il n’engendre que peu, J Radiol 2007;88

K Yassi et al.

voire pas du tout, d’artéfact (14). Les attaches en acier de deux fabricants (Dentorum® et RMO®) se sont révélées compatibles avec l’IRM jusqu’à 1,5 Tesla. Ces éléments, à base d’acier inoxydable 316L, sont faiblement ferromagnétiques. En effet, une concentration en nickel de 10 à 14 % fait que lors du processus de fabrication, le fer est stabilisé dans un état austénitique (procédé augmentant la stabilité de l’alliage). Le ferromagnétisme de l’alliage en est considérablement réduit. Seuls les artefacts sont susceptibles de poser un problème (3, 15, 16). Malgré cela, les conditions de fabrication (pièce usinée ou brasée) risquent de modifier cet état. Une variation minime des proportions des différents constituants peut modifier la susceptibilité magnétique. Les alliages ou les méthodes de fabrication utilisés par les autres firmes donnent des pièces aux propriétés magnétiques évidentes (attirés à 90°). Les alliages à base de NickelChrome (arc lingual, quad-hélix et disjoncteur) sont, en général, faiblement ferromagnétiques (7, 17). Dans notre cas, associés à des éléments différents (bagues Ormodent®), l’ensemble montre des propriétés ferromagnétiques, mais les forces subies sont peu importantes (de 8,9 à 68,7 mN). Globalement, on peut penser qu’il s’agit là de forces induites principalement en raison de la présence de bagues ferromagnétiques. Les autres attaches ont été soumises à des forces allant de 4,48 mN (bague 3M-Unitek) à 65 mN (bague SOF-GAC). Ces forces sont plus faibles au niveau des brackets qu’au niveau des bagues, du fait de leur masse et des différences de compositions entre bagues et brackets chez un même fabricant. Selon Shellock, un angle de déflection inférieur à 45° signifie que les forces magnétiques induites sont plus faibles que la force de pesanteur et globalement pas plus importantes que celles produites par une activité normale (accélération ou freinage brusque d’un véhicule, parc d’attraction…) (7). La force maximale induite par le champ magnétique relevée dans notre étude est de l’ordre de 0,27 N. La surface de contact entre le bracket et le composite est généralement de plus de 5 mm2, cela fait donc une traction de 0,054 Mpa. Cette force est tout à fait inapte à décoller un bracket ou une bague. Les brackets orthodontiques sont collés à la surface amélaire par l’intermédiaire d’une résine composite qui peut être chémopolymérisable ou photopolymérisable. Les auteurs s’accorJ Radiol 2007;88

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dent à dire que l’interface émail/composite est plus résistante que l’interface composite/attache, le risque de rupture étant plus élevé à ce niveau (18). Le système composite/attache métallique, le plus faible, résiste jusqu’à une traction de 4,96 Mpa avec une limite de fatigue en traction de 4,33 Mpa (19). Dans l’ensemble, les forces observées dans notre étude sont largement en dessous de celles subies par ces attaches lors du traitement orthodontique ou orthopédique (forces directionnelles, forces extra-orales, tractions intermaxillaires, chaînettes élastiques, ressorts…) ou lors des efforts masticatoires (jusqu’à 50 N). Notre étude a toutefois été réalisée avec un champ maximal de 1,5 T, et l’arrivée de machines avec des champs plus puissants pose de nouveau la question des effets secondaires induits (20). La masse influant sur la réponse magnétique, le fait de retirer le fil orthodontique, qui solidarise l’ensemble, contribue également à diminuer le risque d’attraction. Le caractère ferromagnétique de ces alliages ne nous a pas permis d’étudier les éventuels mouvements de torsion. Ce mouvement de torsion est maximal à l’isocentre de l’aimant. Son amplitude, qui dépend de la position de l’objet, est maximale lorsque son axe principal est perpendiculaire au champ magnétique. Elle tend à le rendre parallèle au champ magnétique. Ceci souligne l’intérêt d’enlever le fil de manière à disperser les forces induites par le champ magnétique. Les fabricants devraient prendre en considération cet aspect de la sécurité d’utilisation qui risque de se poser avec les avancées technologiques en IRM et l’introduction de champs magnétiques de plus en plus intenses ainsi que le recours à des gradients et des RF de plus en plus forts et de plus en plus rapides. Nous déplorons le manque de clarté de la part de certains fabricants de produits orthodontiques qui ne mentionnent pas la composition métallurgique et la susceptibilité magnétique de leurs articles. Cela est prévu par la directive européenne 93/ 42/CEE (14 juin 1993) relative aux dispositifs médicaux, qui inclut un chapitre concernant la « Protection contre les risques mécaniques et thermiques » où certaines recommandations sont données pour la conception et la fabrication des matériaux susceptibles d’être soumis à des conditions d’environnement particulier tel que le champ magnétique.

267

En résumé, nous proposons l’attitude suivante. L’avis et la consultation de l’orthodontiste est conseillée avant la réalisation de l’IRM pour vérifier la bonne tenue du matériel, quelle que soit la région explorée. La dépose du matériel orthodontique amovible (quadhelix, double arc, bielles de Herbst…) permet de limiter les interactions avec le champ magnétique, de réduire la masse métallique, le risque calorifique, les artefacts et évite de potentialiser les forces qui s’exercent individuellement sur chaque élément. Il est possible de solidariser les brackets de façon temporaire avec un fil inerte, une chaînette inactive ou par la réalisation d’une gouttière, en particulier pour les examens céphaliques. La mise en place de brackets en titane, en céramiques ou en matériaux composites doit être favorisée chez les patients susceptibles de subir régulièrement des IRM de contrôle. Concernant les artéfacts qui affectent la qualité de l’image, la dépose de la masse métallique orthodontique s’avère souvent nécessaire lors d’examens concernant la sphère cranio-oro-faciale (21). Ceci est d’autant plus vrai que le matériel orthodontique est ferromagnétique. Une plus grande transparence et une information de la part des fournisseurs pourraient permettre de prévoir le risque d’artéfact, pour faciliter le dialogue entre orthodontistes et radiologues. Lorsque le matériel est faiblement ou non ferromagnétique, compte tenu de l’absence de risque significatif d’échauffement et de déplacement jusqu’à une intensité de champ de 1,5 T, la réalisation de l’examen peut être proposée si la zone à explorer n’est pas au contact direct du matériel, et en privilégiant les séquences moins sensibles aux artéfacts métalliques (écho de spin par exemple, large bande passante) (22, 23).

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