Faut-il étendre les limites de l’AMP ?

Faut-il étendre les limites de l’AMP ?

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Faut-il étendre les limites de l’AMP ? En France, la loi de bioéthique de 2004 pose des limites à l’assistance médicale à la procréation. Quels arrangements devraient être apportés en 2010 par la révision parlementaire de cette loi pour l’adapter au contexte médical et sociétal actuel ? Quelques avis d’experts.

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ous avons tendance à penser qu’en matière d’assistance médicale à la procréation (AMP), tout est possible, puisque les fonctions parentales peuvent être dissociées : il est ainsi possible d’avoir 3 mères (l’ovocyte, la gestante, la sociale) et 2 pères (biologique, social), sachant que toutes les combinaisons sont envisageables. Aujourd’hui, nous sommes parvenus à des notions de maternité sans ovaires ou sans utérus, de paternité sans spermatozoïdes et de parentalité sans embryon, avec accueil d’embryon.

Les limites françaises : la loi de bioéthique Selon la loi française, l’AMP est permise à un couple, c’està-dire un homme et une femme, vivants, en âge de procréer, mariés ou pouvant justifier d’une vie commune depuis au moins 2 ans, avec une infertilité médicalement constatée. Le don de gamètes est autorisé mais la gestation pour autrui (GPA), interdite, quelle que soit la provenance de l’ovocyte. À l’étranger, tout est possible, ou presque, notamment grâce à internet et si l’on en a les moyens.

L’homoparentalité La loi française interdit aux homosexuels le recours à l’AMP ; les psychologues y sont souvent farouchement opposés. Et pourtant, les Français évoluent, les médecins peut-être moins vite, mais un tiers d’entre eux sont favorables à étendre l’AMP aux couples homosexuels. Ceci est tout de même paradoxal, car la loi française autorise un adulte seul à adopter. À l’étranger, l’adoption pour deux adultes de même sexe est autorisée dans certains pays et l’insémination n’est pas interdite aux femmes seules ou lesbiennes. Pourquoi un tel tabou ? L’impact sur les enfants est souvent mis en avant, en anticipant les conséquences de l’absence d’image paternelle et de l’homosexualité maternelle. Mais dans la littérature, les auteurs sont unanimes : c’est la qualité de la parentalité qui intervient bien plus sur le bien-être de l’enfant que l’orientation sexuelle des parents. Qu’il s’agisse de la relation mère-enfant, du développement psychosocial, du vécu des enfants, ou des orientations sexuelles, aucune étude n’a montré de différence entre les enfants issus de parents homosexuels et les autres enfants. Pourquoi une loi si stricte ? Pour les femmes, il existe tout de même des possibilités : petits “arrangements” entre amis, insémination artificielle avec sperme anonyme ou non. Pour les couples d’hommes, cela est plus compliqué, car il faut l’ovocyte et l’utérus, donc la mère porteuse, ce qui interagit aussi avec

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le débat sur la GPA. Faut-il au nom de l’égalité hommes-femmes interdire la parentalité aux couples de femmes parce que celles d’hommes requièrent des techniques plus lourdes et plus contestables ? Le Lesbian baby boom existe bel et bien ; il faudrait donc étendre la loi aux couples homosexuels.

Mariés ou en couple depuis 2 ans Faut-il vraiment que les couples soient mariés ou fassent la preuve de 2 ans de vie commune ? Nous ne cessons de dire que lorsqu’une femme a plus de 35 ans, il faut, en matière d’AMP, la prendre en charge rapidement. En France, une seule réponse est possible : il faut se marier... ou bien tricher ! Vivants ? La loi n’autorise pas d’insémination de spermatozoïdes d’un homme décédé ou de transfert d’embryon post-mortem. Les situations où le conjoint décède sont certes difficiles, mais le cas par cas pourrait être autorisé. Lorsqu’un homme donne son sperme pour le conserver en vue d’une insémination intra-utérine, parce qu’il est malade et reçoit un traitement stérilisant, il sait ce qu’il fait, et notamment, qu’il risque de décéder. En fécondation in vitro : tout sauf la mère ! Dans le cas où il existe des embryons et que le conjoint décède entre le prélèvement et le transfert, la femme a le droit de donner ses embryons à une autre femme, de les détruire ou de les donner à la science, mais pas de les garder pour elle ! Alors pourquoi pas un système au cas par cas, encadré par un comité d’experts mixtes incluant des médecins et d’autres personnes de la société ? Et surtout, pourquoi ne pas poser la question dès la congélation : « En cas d’accident, que souhaitezvous ? » En âge de procréer Là encore, l’égalité homme-femme n’existe pas : l’homme peut procréer jusqu’à la mort, la femme jusqu’à la ménopause. Différentes techniques permettraient de contourner ce problème, mais pas les risques maternofœtaux des grossesses tardives, bien réels, ni ceux liés à l’âge tardif des pères, qui commencent à être évoqués. Il n’est donc pas sûr qu’il faille étendre et changer cette formulation. L’anonymat Cette solution est sans doute la plus simple, mais elle s’oppose au principe de liberté d’accéder aux origines personnelles. En ce qui concerne les greffes d’organe, il est légal en France

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de recevoir un don d’organe non anonyme d’un sujet vivant. Pourquoi ne pourrait-on l’accepter pour un don d’ovocytes ? L’idéal serait que les donneurs et les receveurs puissent choisir (système du double guichet). L’ennui est que l’enfant n’aura pas le choix, seuls les parents pourront choisir. Là encore, nous pourrions envisager un “cas par cas”, devant un comité d’experts, plutôt qu’une prohibition systématique.

La gratuité du don Certes, il ne doit pas y avoir de paiement pour le don de matériel biologique, mais cela n’exclut pas une raisonnable compensation. L’immense majorité des professionnels y sont favorables.

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La messe est-elle dite ? Non, car l’opinion publique évolue : l’AMP est entrée dans les mœurs pour 78 % des Français et les citoyens font plus confiance, en matière d’AMP, aux scientifiques et à l’Agence de la biomédecine (ABM) qu’à l’État1. La loi a des avantages, mais elle est un frein à la recherche et peut être nocive pour les patientes. Faire des lois qui ne peuvent être respectées conduit immanquablement à une impasse... ou au tourisme procréatif pour ceux qui le peuvent2. Alors faut-il étendre les limites de l’AMP ? Oui, en modifiant la loi peut-être, mais surtout en faisant plus confiance au corps médical et en remplaçant une loi trop restrictive par une loi au cas par cas, encadrée s’il le faut, mais assez souple pour s’adapter aux évolutions scientifiques et sociétales sans qu’il soit nécessaire de la revoir très régulièrement. |

Réponse des états généraux de la bioéthique Les experts réunis lors des états généraux de la bioéthique en juin 2009 ont été favorables à l’ouverture de l’adoption aux couples homosexuels, mais défavorables à l’ouverture de l’AMP aux femmes célibataires ou aux couples homosexuels. Ils sont unanimement contre la GPA, favorables à une levée de l’anonymat, uniquement aux données non identifiables, au principe de la gratuité des dons, et très réservés sur le transfert d’embryon post-mortem.

ESTHER SACOUN Journaliste scientifique, Paris Notes 1. Enquête de l’ABM, janvier 2007. 2. Voir OptionBio. 2009 ; 431 : 8-9. Source Communications de Françoise Merlet, Joëlle Belaïsch-Allart et Israël Nisand, lors des 37es Journées de gynécologie obstétrique et fertilité, Paris, novembre 2009.

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