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une sensation de dents longues. Les paresthésies se sont ensuite étendues progressivement vers la lèvre supérieure, puis les joues. Depuis un an, elle présente également un phénomène de Raynaud des mains, touchant les pouces. Depuis un mois, apparaît progressivement une camptocormie. L’examen clinique retrouve des dysesthésies dans le territoire du trijumeau V2 et V3, ainsi qu’une camptocormie réductible. Le reste de l’examen est sans particularité. On ne retrouve pas de syndrome sec, pas de sclérose cutanée, pas de télangiectasie. Il n’y a pas de troubles de la déglutition. Sur le plan biologique, il existe des CPK augmentés à 250 (N < 170), la fonction rénale et la numération formule sanguine sont normales. Des anticorps anti-nucléaires sont positifs à un titre de 1/5000 avec présence d’anti-Ku. Les autres anti-nucléaires solubles et les anti-DNA sont négatifs. Les anti-Scl70, anti-MDA5, anti-Mi2, anti-TIF1, anti-SRP et anti-PM/Scl sont négatifs. La biopsie des glandes salivaires est normale. L’électromyographie retrouve un tracé myogène des quatre membres et de la face. L’IRM musculaire retrouve une involution graisseuse en paravertébrale, une involution graisseuse des muscles grands fessiers, des ischio-jambiers et des adducteurs. Il existe un hypersignal STIR du muscle vaste latéral droit. L’IRM cérébrale est normale. Une biopsie musculaire paravertébrale permet de montrer une involution adipeuse et surtout, quelques foyers d’infiltrat lymphocytaire en rapport avec une myosite. La biopsie musculaire du vaste externe retrouve une discrète irrégularité de taille des fibres musculaires et une sur-expression de HLA de classe 1 associée à une infiltration par quelques lymphocytes. On observe des fibres Cox négatives. La patiente est traitée par des corticoïdes 1 mg/kg/jour, associés à du méthotrexate et des perfusions mensuelles d’immunoglobulines. Discussion Les anticorps anti-Ku sont rares et peuvent s’observer dans diverses maladies auto-immunes ou dans le cadre d’une myopathie inflammatoire, souvent alors dans le cadre d’un syndrome de chevauchement. La sur-expression de HLA classe 1 était majoritairement retrouvée. Concernant l’atteinte trigéminale, elle est rapportée dans 5 observations avec des anti-Ku positifs mais seulement dans 1 cas de myosite avec anti-Ku. L’atteinte trigéminale a précédé la myosite dans notre cas. Deux cas d’anti-Ku avec atteinte du nerf facial sont retrouvés dans les publications, dont un cas associé avec l’atteinte trigéminale. La camptocormie avec anti-Ku est peu décrite dans la littérature : 5 sur 11 patients dans l’étude Rigoulet et al. ont une atteinte axiale, et 1 cas est rapporté par Zenone et al. Le syndrome de Raynaud est retrouvé dans plus de la moitié des patients ayant des anticorps anti-Ku. Conclusion La myosite à anti-Ku est une entité distincte pouvant se manifester par une atteinte neurologique spécifique : l’atteinte trigéminale, qui peut précéder l’atteinte musculaire. L’atteinte axiale, se manifestant par la camptocormie, parait une atteinte préférentielle de la myosite à anti-Ku. La myosite anti-Ku surexprime HLA de classe 1. Déclaration de liens d’intérêts Les auteurs déclarent ne pas avoir de liens d’intérêts. Pour en savoir plus Rigolet A, Musset L, Dubourg O, Maisonobe T, Grenier P, Charuel JL, et al. Inflammatory myopathies with anti-Ku antibodies: a prognosis dependent on associated lung disease. Medicine (Baltimore) 2012;91(2):95–102. ´ Gryga K, Milewski M, Zółcinski M, Dyczek A, Musiał J. AntiKu autoantibodies: series of 5 cases. Pol Arch Med Wewn 2009;119(1–2):95–7. Zenone T, Streichenberger N, Puget M. Camptocormia as a clinical manifestation of polymyositis/systemic sclerosis overlap myositis associated with anti-Ku. Rheumatol Int 2013;33(9): 2411–5. http://dx.doi.org/10.1016/j.revmed.2016.04.079
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Faut-il lui dire : impossible !
A. Daher ∗ , F. Haddad Médecine interne, Hôtel-Dieu-de-France Hospital, Beirut, Liban ∗ Auteur correspondant. Adresse e-mail :
[email protected] (A. Daher) Introduction La sclérodermie, comme plusieurs autres maladies systémiques, reste l’apanage des femmes avec un sex-ratio autour de 3 pour 1. Malgré l’absence d’une augmentation significative des fausses couches, la grossesse, en soi, chez une patiente augmente le risque de développer une atteinte cardiopulmonaire ou rénale surtout dans les formes diffuses. D’ailleurs, 40 % des patientes sclérodermiques ont une évolution de l’atteinte cutanée au cours de la grossesse et une détérioration notable de l’hypertension pulmonaire si présente. Observation Nous rapportons le cas d’une patiente de 48 ans, primipare, diagnostiquée d’un syndrome de Raynaud depuis presque 10 ans, pour lequel elle rec¸oit des inhibiteurs calciques avec amélioration partielle de ses symptômes. En 2012, elle est hospitalisée pour une dyspnée d’effort majorée depuis quelques mois associée cliniquement à un ulcère digital de l’index droit, une sclérodactylie et une limitation de l’angle d’ouverture de la bouche avec des télangiectasies au niveau des joues. Le bilan auto-immun met en évidence des ANA positifs à 1/1280 et des Ac anti-SCL 70 positifs à 579 UI. L’EFR montre un DLCO à 45 % avec des volumes conservés. Un TDM thoracique à coupes fines met en évidence des bulles d’emphysème diffuses bilatérales surtout basales, avec destruction de plusieurs plages et des réticulations interstitielles basales. L’échographie cardiaque montre une fraction d’éjection conservée avec une pression pulmonaire systolique entre 25 et 30 mmHg. Le cathétérisme droit élimine la suspicion d’hypertension pulmonaire moyenne. La patiente est alors mise sous prostavasine, mycophénolatemofétil, cyclophosphamide, ramipril, pantoprazole, atorvastatine et colchicine. En 2015, la patiente, stable jusqu’alors, décide d’effectuer une fécondation in vitro (FIV) vu la difficulté à concevoir naturellement par insuffisance ovarienne secondaire à l’age ou au cyclophosphamide. Une évaluation clinique effectuée montre des ANA à 1/320, des anticorps anti-SCL 70 à 1,5 UI avec une DLCO toujours à 45 %, une PAPs limite et une tomodensitométrie thoracique comparable à la précédente. Après avis médical, elle arrête toute prise médicamenteuse 6 mois avant la FIV et ne la reprend que 6 mois après l’accouchement pour assurer un allaitement non risqué. Sa grossesse s’est déroulée sans complications ; elle présente quelques épisodes de Raynaud améliorés par le réchauffement des extrémités. La patiente ne se plaint pas d’une dyspnée majorée. Elle accouche une fille à terme en très bonne santé. Actuellement, la patiente est asymptomatique et a repris son traitement antérieur. Discussion La grossesse chez une patiente ayant une sclérodermie est associée à un risque assez élevé d’effets indésirables sur le plan obstétrical comme sur la mère elle-même. Une étude faite en 1984 avait considérée que 40 % des femmes sclérodermiques n’auront aucune complication durant la grossesse, 40 % vont se détériorer et les 20 % restantes vont s’améliorer. Cependant, une étude prospective sur 10 ans, plus récente, a mis en évidence une élévation significative du risque de naissance prématurée à 29 % avec un risque faible de crise rénale mortelle. Ce risque est limité aux cas de sclérodermie diffuse avec atteinte de plusieurs organes. Il suffit alors de classer les femmes en 2 groupes : celles à haut risque déterminé par l’atteinte sévère de plusieurs organes, une sclérodermie systémique diffuse d’installation rapide et une hypertension pulmonaire > 30 mmHg, et celles à risque modéré telles les femmes ayant une activité très faible de la maladie pendant au moins 6 mois avant la conception. De retour à notre patiente, elle rentrait dans le cadre des malades à risque élevé vu l’atteinte pulmonaire assez sévère et l’atteinte cutanée diffuse. Cependant, sa grossesse n’a pas entraîné de détérioration de son état de base
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et aucune complication obstétricale n’a été observée. De même, malgré l’arrêt des médicaments, une crise rénale n’a pas eu lieu ni une progression de son atteinte cutanée. Le fait que sa maladie était stable avant la grossesse est probablement le facteur le plus contributif à l’aboutissement non compliqué de la grossesse. Conclusion La sclérodermie est une connectivite rare qui, malgré sa fréquence plus élevée chez les femmes de plus que 40 ans, demeure une controverse durant la grossesse. Un contrôle et une observation assez rapprochés sont les clefs d’une grossesse réussie ainsi qu’une stabilisation de la maladie dans les 6 mois précédant la grossesse. Déclaration de liens d’intérêts Les auteurs déclarent ne pas avoir de liens d’intérêts. Pour en savoir plus Németh A, Szamosi S, et al. Systemic sclerosis and pregnancy. A review of the current literature. Z Rheumatol 2014;73(2):175–9. Brinckmann A, Broermann L, Heidenreich W. Progressive systemic sclerosis and pregnancy. Zeitschrift fur Geburtshife Neonatalogie 2006;209(6):228–30. Taraborelli M, Ramoni V, Brucato A, et al. Brief report: successful pregnancies but a higher risk of preterm births in patients with systemic sclerosis: an Italian multicenter study. Arthritis Rheum 2012;64:1970–7. http://dx.doi.org/10.1016/j.revmed.2016.04.080 CA068
Atteinte pulmonaire au cours de la sclérodermie systémique. À propos de 54 patients
M. Benasr , F. Jaziri ∗ , W. Skouri , T. Sami , K. Ben Abdelghani , T. Ben Abdallah Médecine interne, faculté de médecine de Tunis, Tunis, Tunisie ∗ Auteur correspondant. Adresse e-mail :
[email protected] (F. Jaziri) Introduction La pneumopathie infiltrante diffuse (PID) est une complication relativement fréquente de la sclérodermie systémique (ScS) et son évolution est très variable et difficile à prévoir. Sa prévalence au cours de la sclérodermie systémique varie de 16 à 100 % des cas en fonction des séries. Cette variabilité est due aux moyens de diagnostic différents (radio-thorax et/ou EFR et/ou TDM thoracique) utilisés pour la mettre en évidence. Elle est le plus souvent asymptomatique. Patients et méthodes Il s’agit d’une étude rétrospective incluant 54 dossiers des patients atteints de sclérodermie systémique et suivis au service, durant une période de 29 ans allant de janvier 1985 au décembre 2013. Le diagnostic de ScS a été retenu selon les critères de l’Association américaine de rhumatologie définis en 1980. Résultats IL s’agissait de 49 hommes et 5 femmes. L’âge moyen de nos patients au début de la maladie était de 39,96 ans ± 14,96 avec des extrêmes allant de 10 à 67 ans. Le délai moyen de diagnostic de la sclérodermie systémique était 26,57 mois ± 21,41 avec des extrêmes allant de 4 mois à 96 mois. L’atteinte pulmonaire était objectivée chez 35 patients (64,81 %) après un délai moyen de 34,20 ± 27,31 mois. Une pneumopathie interstitielle était observée chez 35 patients (64,81 %) dont 20 (37,03 %) étaient au stade de fibrose pulmonaire. L’atteinte pulmonaire était révélée par une dyspnée d’effort dans 20 cas (37,03 %) associée à une toux sèche dans 18 cas (33,33 %). L’examen physique objectivait des râles crépitants dans 15 cas (27,77 %) et des râles bronchiques dans 5 cas (9,25 %). L’atteinte pulmonaire était asymptomatique dans 10 cas (14,41 %). La radiographie thoracique pratiquée chez tous les patients était normale dans 25 cas (46,30 %). Elle montrait des opacités réticulaires chez 9 patients (16,67 %), réticulo-nodulaires dans 15 cas (27,77 %) et des images en rayon de miel dans 5 cas (9,26 %). L’EFR pratiquée chez 52 patients révélait un syndrome restrictif léger dans 8 cas, moyen dans 9 cas et sévère dans 11 cas. Le scanner
thoracique confirmait le diagnostic d’une pneumopathie interstitielle diffuse. Il montrait : un aspect en verre dépoli (n = 8), des images réticulaires intra-lobulaires (n = 12), des images en rayon de miel (n = 9) et des micronodules pulmonaires (n = 6). L’échographie cardiaque pratiquée chez 38 patients, objectivait une HTAP chez 8 patients (14,81 %). Elle était associée à une PID chez 6 patients. Elle était symptomatique dans tous les cas : dyspnée d’effort (n = 8) et douleur thoracique (n = 2). Quinze patients avaient bénéficiés de cures mensuelles de cyclophosphamide. L’évolution était marquée par la stabilisation des lésions dans 15 cas (42,85 %), l’amélioration dans 10 cas (28,57 %) et l’aggravation de l’atteinte pulmonaire chez 10 patients. Conclusion L’atteinte pulmonaire constitue actuellement la principale cause de mortalité au cours de la sclérodermie systémique. Par ailleurs, les différentes études sur l’efficacité du traitement par cyclophosphamide au cours de l’atteinte interstitielle pulmonaire n’ont pu montrer qu’un effet très modeste de ce traitement. Déclaration de liens d’intérêts Les auteurs déclarent ne pas avoir de liens d’intérêts. http://dx.doi.org/10.1016/j.revmed.2016.04.081 CA069
La sclérodermie localisée M. Bennaser 1 , M. Youssef 2 , S. Arfa 3,∗ , L. Ines 2 , M. Kechida 3 , M. Mohamed 2 , Y. Soua 2 , H. Belhadjali 2 , Z. Jameleddine 2 1 Médecine interne, hôpital La Rabta, Tunis, Tunisie 2 Dermatologie, CHU Fatouma-Bourguiba, Monastir, Tunisie 3 Médecine interne, CHU Fatouma Bourguiba, Monastir, Tunisie ∗ Auteur correspondant. Adresse e-mail :
[email protected] (S. Arfa) Introduction Les sclérodermies sont des connectivites rares caractérisées par une fibrose du tissu conjonctif. Elle peut être localisée ou généralisée. La sclérodermie localisée (SL) est la plus fréquente. Elle se manifeste par une atteinte isolée de la peau pouvant s’étendre aux tissus sous-cutanés mais sans atteinte viscérale. Son évolution est imprévisible mais très lente. Des complications esthétiques et/ou fonctionnelles sont possibles et font toute la gravité de la maladie. Notre travail a pour but d’étudier les caractéristiques épidémiocliniques, thérapeutiques et évolutives des sclérodermies localisées. Patients et méthodes Nous avons mené une étude rétrospective portant sur tous les patients présentant une SL, suivis au service de dermatologie sur une période de 15 ans (2000–2015). Le diagnostic de SL a été porté sur l’aspect clinique et le résultat de la biopsie cutanée. Résultats Quarante cas de sclérodermie localisée étaient colligés. Il s’agissait de 39 femmes et un homme. L’âge moyen était de 38,5 ans avec des extrêmes allant de 6 à 73 ans. Le délai moyen de diagnostic était 22,18 mois avec des extrêmes allant de 2 à 120 mois. Un facteur déclenchant ou aggravant potentiel (traumatisme et injection intramusculaire) était retrouvé chez trois patientes (7,5 %). La sclérodermie était de type morphée en plaque dans 26 cas (62,5 %) et en bandes dans 11 cas (27,5 %) dont 6 linéaires et 5 en coup de sabre. Une atrophodermie idiopathique de Pasini-Pierini était observée dans 3 cas (7,5 %). Le nombre de plaques au cours des morphées était variable. Neuf patients présentaient une plaque unique, six avaient deux plaques, 5 patients avaient 3 lésions et six avaient plus de 3 plaques. La taille des lésions variait de 0,5 à 10 cm dans 20 cas et était supérieure à 10 cm dans six cas. Le siège des lésions étaient le tronc, les membres et l’abdomen dans respectivement 23,07 %, 42,30 % et 34,61 % des cas. La sclérodermie linéaire était monomélique, limitée à un seul membre, chez 4 patients et dimélique dans 2 cas. Elle siégeait aux membres inférieurs dans 4 cas et aux membres supérieurs dans 2 cas. La durée moyenne de suivi était 3,5 ans. Tous les patients avaient bénéficié d’un traitement local à base de dermocorticoïdes et calcipotriol.