AMCP 193 No. of Pages 4 Arch Mal Coeur Vaiss Prat 2017;xx:1–4
Dossier / Fiche technique
Fin de vie : une nouvelle loi End of life: A new law F. Claudot a,b Y. Juilliere c
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Faculté de médecine, université de Lorraine, EI ETHOS Axe 2 « Éthique et droit de la santé », 9, avenue de la Forêt-de-Haye, 54505 Vandœuvre-lèsNancy, France b Centre hospitalier régional universitaire de Nancy, PARC, UMDS, rue du Morvan, 54500 Vandœuvrelès-Nancy, France c Département de cardiologie, institut lorrain du cœur et des vaisseaux, hôpitaux de Brabois, centre hospitalier régional universitaire de Nancy, rue du Morvan, 54500 Vandœuvre-lès-Nancy, France
F. Claudot
Disponible en ligne sur ScienceDirect le xxx
e 2 février 2016, la loi no 2016-87 créant de nouveaux droits en faveur des malades et des personnes en fin de vie a été promulguée. Cette loi vient réformer la loi dite « Léonetti » du 22 avril 2005 relative aux droits des malades et à la fin de vie dont la méconnaissance avait été soulignée à de nombreuses reprises. Comme son nom l'indique, la loi renforce les droits des personnes en fin de vie et clarifie certains points d'incertitudes qui avaient fait débat lors de la très médiatisée « affaire Vincent Lambert ». Quels sont les points phares de ce nouveau texte ?
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L'INTERDICTION DE L'OBSTINATION DÉRAISONNABLE, L'ARRÊT DE LA NUTRITION ET DE L'HYDRATATION La loi reprend la notion d'obstination déraisonnable. Les actes de « prévention, d'investigation ou de traitement et de soins » ne doivent pas être mis en œuvre ou poursuivis lorsqu'ils résultent d'une obstination déraisonnable. La définition de l'obstination est donnée par l'énoncé de critères non cumulatifs : lorsqu'ils apparaissent inutiles, disproportionnés ou lorsqu'ils n'ont d'autre effet que le seul maintien artificiel de la vie, ils peuvent être suspendus ou ne pas être entrepris, conformément à la volonté du patient. Le nouveau texte précise que la nutrition et l'hydratation artificielles constituent des traitements. À ce titre, ils peuvent être arrêtés.
LE DROIT À LA SÉDATION PROFONDE ET CONTINUE EN PHASE TERMINALE La loi crée un nouveau droit pour le patient qui peut demander et obtenir, afin d'éviter toute souffrance et de ne pas subir d'obstination déraisonnable, une « sédation profonde et continue provoquant une altération de la conscience maintenue jusqu'au décès, associée à une analgésie et à l'arrêt de l'ensemble des traitements de maintien en vie ». La sédation profonde et continue peut être mise en œuvre dans trois situations : lorsque le patient atteint d'une affection grave et incurable et dont le pronostic vital est engagé à court terme présente une souffrance réfractaire au traitement ; lorsque la décision du patient atteint d'une affection grave et incurable d'arrêter un traitement engage son pronostic vital à court terme et est susceptible d'entraîner une souffrance insupportable. lorsque le patient ne peut pas exprimer sa volonté et, au titre du refus de l'obstination déraisonnable, « dans le cas où le médecin arrête le traitement de maintien en vie, celui-ci applique une sédation profonde et continue provoquant une altération de la conscience maintenue jusqu'au décès, associée à une analgésie » (art. L. 1110-52 CSP).
Auteur correspondant : F. Claudot, Faculté de médecine, université de Lorraine, EI ETHOS Axe 2 « Éthique et droit de la santé », 9, avenue de la Forêt-de-Haye, 54505 Vandœuvre-lès-Nancy, France. Adresse e-mail :
[email protected]
http://dx.doi.org/10.1016/j.amcp.2017.02.007 © 2017 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. 1
Pour citer cet article : Claudot F, Juilliere Y. Fin de vie : une nouvelle loi. Arch Mal Coeur Vaiss Prat (2017), http:// dx.doi.org/10.1016/j.amcp.2017.02.007
AMCP 193 No. of Pages 4 F. Claudot, Y. Juilliere
Dossier / Fiche technique Tableau I. Procédure collégiale. Procédure collégiale–art. R. 4127-37-2 Code de la santé publique – Décret no 2016-1066 du 03 août 2016 Définition
La procédure collégiale prend la forme d'une concertation avec les membres présents de l'équipe de soins, si elle existe, et de l'avis motivé d'au moins un médecin, appelé en qualité de consultant Il ne doit pas exister de lien hiérarchique entre le médecin en charge du patient et le consultant L'avis motivé d'un 2e consultant est recueilli par ces médecins si nécessaire
Quand mettre en œuvre la procédure collégiale ?
En cas de limitation ou d'arrêt de traitement d'un patient hors d'état d'exprimer sa volonté et en l'absence de directives anticipées Lorsque le médecin décide de ne pas appliquer les directives anticipées parce qu'elles sont jugées manifestement inappropriées ou non conformes à la situation médicale du patient Dans les procédures de mise en place d'une sédation profonde et continue
Mise en œuvre
À l'initiative du médecin qui prend en charge le patient À la demande de la personne de confiance ou, à défaut, de la famille ou de l'un des proches
Traçabilité
Traçabilité de la procédure et de l'identité des personnes dans le dossier du patient Traçabilité de la décision motivée dans le dossier du patient
Tableau II. Conditions de validité, de conservation et d'application des directives anticipées. Directives anticipées (DA)
Exception
Définition
Les DA expriment la volonté de la personne relative à sa fin de vie en ce qui concerne les conditions de la poursuite, de la limitation, de l'arrêt ou du refus de traitement ou d'actes médicaux
Pourquoi rédiger des directives anticipées ?
Pour le cas où la personne serait un jour hors d'état d'exprimer sa volonté
Qui peut rédiger des directives anticipées ?
Toute personne majeure
Est-il obligatoire de rédiger des directives anticipées ?
Non
Durée de validité des DA
Durée indéterminée Révocables et révisables à tout moment – selon le formalisme de la rédaction initiale
L'application des directives anticipées est-elle obligatoire ?
Les directives anticipées s'imposent au médecin pour toute décision d'investigation, d'intervention ou de traitement SAUF : en cas d'urgence vitale pendant le temps nécessaire à une évaluation complète de la situation ; lorsque les directives anticipées apparaissent manifestement inappropriées ou non conformes à la situation médicale
La décision de refus d'application des directives anticipées, jugées par le médecin manifestement inappropriées ou non conformes à la situation médicale du patient, est prise à l'issue d'une procédure collégiale et est inscrite au dossier médical. Elle est portée à la connaissance de la personne de confiance désignée par le patient ou, à défaut, de la famille ou des proches
Conditions de validité des directives anticipées
Document écrit, daté et signé par leur auteur (personne majeure), identifié par ses nom, prénom, date et lieu de naissance (art. R. 1111-17 CSP) Éléments cumulatifs
Lorsque la personne est dans l'impossibilité d'écrire ou de signer le document, elle peut demander à deux témoins (dont la personne de confiance lorsqu'elle a été désignée) d'attester que le document est bien l'expression de sa volonté libre et éclairée. Les témoins indiquent leurs nom et qualité, leur attestation est jointe aux directives anticipées
Pour les personnes majeures faisant l'objet d'une mesure de tutelle, elle peut rédiger des directives anticipées avec l'autorisation du juge ou du conseil de famille s'il a été constitué. Le tuteur ne peut ni l'assister ni la représenter à cette occasion
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Pour citer cet article : Claudot F, Juilliere Y. Fin de vie : une nouvelle loi. Arch Mal Coeur Vaiss Prat (2017), http:// dx.doi.org/10.1016/j.amcp.2017.02.007
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Dossier / Fiche technique
Fin de vie : une nouvelle loi
Tableau II. Conditions de validité, de conservation et d'application des directives anticipées (suite). Directives anticipées (DA)
Exception
Forme des directives anticipées
Les directives anticipées peuvent être rédigées conformément à un modèle préparé par la Haute Autorité de santé Ce modèle prévoit la situation de la personne qui se sait atteinte d'une affection grave et incurable au moment où elle les rédige et un modèle pour les personnes qui ne se savent pas atteintes d'une telle affection
Conservation des directives anticipées
Elles peuvent être déposées et conservées, sur décision de la personne qui les a rédigées, dans l'espace de son dossier médical partagé (DMP). Ce dépôt vaut inscription des directives dans un registre national prévu à cet effet La personne peut décider de ne pas déposer ses directives anticipées dans son DMP, mais simplement y mentionner l'existence de telles directives ainsi que le lieu où elles se trouvent conservées et les coordonnées de la personne qui en est dépositaire Les directives anticipées peuvent être conservées par le médecin de ville (médecin traitant ou autre médecin), dans le dossier d'hospitalisation, dans le dossier des établissements médico-sociaux Elles peuvent être conservées par leur auteur, ou confiées à la personne de confiance, à un membre de la famille ou à un proche. Dans ce cas, leur lieu de conservation et l'identification de la personne qui en est détentrice peuvent être mentionnés dans le DMP ou dans le dossier du médecin de ville ou dossier hospitalier
LA PRISE EN CHARGE DE LA SOUFFRANCE ET LE « DOUBLE EFFET » Le nouveau texte pose le droit « de recevoir des traitements et des soins visant à soulager sa souffrance ». Le terme « souffrance » se substitue à celui de « douleur » pour une prise en charge plus large incluant notamment la souffrance psychologique. Pour la mise en œuvre de ce nouveau droit et soulager la souffrance réfractaire du malade en phase avancée et terminale, le médecin met en place des traitements analgésiques et sédatifs même s'ils peuvent avoir comme effet d'abréger sa vie. Dans ce cas, le médecin doit en informer le malade, la personne de confiance lorsqu'elle a été désignée, la famille ou, à défaut, des proches du malade. La procédure est inscrite dans le dossier du patient, ce qui a pour but de prévenir d'éventuelles suites judiciaires.
LA LIMITATION ET L'ARRÊT DE TRAITEMENT La loi du 4 mars 2002 relative aux droits des patients avait consacré le droit au refus de soin pour le patient. La nouvelle loi précise que « toute personne a le droit de refuser ou de ne pas recevoir un traitement » et que « le médecin a l'obligation
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de respecter la volonté de la personne après l'avoir informée des conséquences de ses choix et de leur gravité ». Si le médecin a « l'obligation » de respecter la volonté du patient, il n'a plus l'obligation de tout mettre en œuvre pour convaincre le patient d'accepter les soins. Si le refus du patient met sa vie en danger, il doit réitérer sa décision dans un délai raisonnable. Là encore, la procédure est inscrite dans le dossier afin de prévenir les suites contentieuses. Lorsque la personne est hors d'état d'exprimer sa volonté, aucune intervention ou investigation ne peut être réalisée sans que la personne de confiance, ou la famille ou à défaut un des proches du patient n'ait été consulté. Le médecin en charge du patient doit mettre en œuvre une procédure collégiale (synthétisée au Tableau I), consulter les directives anticipées du patient si elles existent et inscrire la procédure et la décision motivée dans le dossier médical.
LES DIRECTIVES ANTICIPÉES Issues de la loi Léonetti 1, les directives anticipées sont un document écrit, daté et signé par leur auteur (personne majeure), identifié par ses nom, prénom, date et lieu de naissance (art. R. 1111-17 CSP) qui expriment la volonté de la personne relative à sa fin de vie en ce qui concerne les conditions de la poursuite de la limitation, de l'arrêt ou du refus de traitement ou d'actes médicaux. Les directives anticipées avaient, dans la loi Léonetti 1, une durée de validité de
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Pour citer cet article : Claudot F, Juilliere Y. Fin de vie : une nouvelle loi. Arch Mal Coeur Vaiss Prat (2017), http:// dx.doi.org/10.1016/j.amcp.2017.02.007
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Dossier / Fiche technique 3 ans. Elles deviennent à durée indéterminée, révisables et révocables à tout moment. Les conditions de validité, de conservation et d'application des directives anticipées sont synthétisées au Tableau II. Les directives anticipées s'imposent au médecin pour toutes les décisions d'investigation, d'intervention ou de traitement sauf dans deux situations : dans les situations d'urgence vitale pendant le temps nécessaire à une évaluation complète de la situation du patient ; lorsque les directives anticipées apparaissent manifestement inappropriées ou non conformes à la situation médicale du patient. Dans ce cas, le médecin réunit une procédure collégiale. L'avis du médecin est motivé et tracé dans le dossier du patient. Une information est faite à la personne de confiance, ou à défaut à la famille ou l'un des proches.
CONCLUSION La loi Léonetti-Claeys n'est pas une recommandation de bonne pratique. Elle dessine un cadre de prise en charge et laisse une marge de manœuvre et d'appréciation importante aux praticiens, tout en insistant sur le respect de la volonté du patient. Gageons qu'elle sera mieux connue et mieux appliquée que sa version initiale.
Déclaration de liens d'intérêts Les auteurs déclarent ne pas avoir de liens d'intérêts.
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Pour citer cet article : Claudot F, Juilliere Y. Fin de vie : une nouvelle loi. Arch Mal Coeur Vaiss Prat (2017), http:// dx.doi.org/10.1016/j.amcp.2017.02.007