revue neurologique 165 (2009) 125–126
Hommage
Francis Rohmer (1915–2008)
Devant la Socie´te´ franc¸aise de Neurologie, Maurice Collard a rendu hommage a` celui qui fut son pre´de´cesseur a` la pre´sidence de la Socie´te´ comme a` la chaire de Neurologie de Strasbourg (Re´fe´rence au texte publie´ dans la vie de la Socie´te´). Le Comite´ de direction de la Revue neurologique tient a` s’associer a` cet hommage. C’est au titre de son appartenance a` ce Comite´ que le nom de Francis Rohmer a figure´ pendant pre`s de quarante ans sur la couverture, puis sur la page de garde de notre Revue (Fig. 1). Cette e´tonnante longe´vite´ appelle quelques e´claircissements. Quand elle fut cre´e´e en 1893 par Pierre Marie, Brissaud et quelques-uns de leurs e´le`ves, les membres fondateurs de la Revue neurologique en e´taient les actionnaires a` part e´gale avec l’E´diteur. Lors de la disparition de l’un d’entre eux, les survivants lui choisissaient un successeur qui acce´dait a` la proprie´te´ de la Revue et e´tait promu « directeur » pour le reste de sa vie. Quand l’E´diteur reprit les parts des actionnaires, ceux-ci furent pe´rennise´s dans leur statut, alors que les membres coopte´s par la suite virent leurs fonctions limite´es a` cinq ans. Les conditions qui ont pre´side´ a` la naissance de la Revue et les modalite´s initiales de sa cogestion font que son Comite´ de direction est reste´ longtemps le pre´ carre´ d’un ce´nacle de neurologues parisiens. Lorsque, en 1970, Francis Rohmer fut choisi pour reprendre les parts de Pierre Be´hague, la re´forme n’avait pas eu lieu : il devint, a` l’aˆge de 55 ans, un des membres inamovibles du Comite´ directeur. Il fut ainsi le premier repre´sentant d’une E´cole neurologique provinciale a` acce´der a` la direction de la Revue neurologique. 0035-3787/$ – see front matter doi:10.1016/j.neurol.2009.01.001
Il est vrai que l’heure e´tait venue d’une ouverture : cre´e´e en 1899 par les e´le`ves de Charcot, la tre`s parisienne Socie´te´ de Neurologie dont la Revue constituait l’organe officiel s’e´tait transforme´e depuis peu en « Socie´te´ franc¸aise de Neurologie ». Membre associe´ de cette Socie´te´ depuis 1951, e´lu membre titulaire en 1957, le neurologue alsacien participait fide`lement aux re´unions mensuelles qui, rue de Seine, puis a` l’amphithe´aˆtre Charcot, consacraient le triomphe de la me´thode anatomo-clinique. Tout en confrontant les E´coles, ces rencontres re´gulie`res des responsables nationaux avec leur prolongement convivial, ont fonde´, durant les anne´es soixante, l’unite´ de la neurologie en France. En 1940, le militaire en stage a` Paris avait e´te´ se´duit par la personnalite´ de The´ophile Alajouanine. E´lu Pre´sident de la Socie´te´ franc¸aise de neurologie, il rendra hommage a` celui qui « me fit l’honneur de me conside´rer comme un de ses e´le`ves adoptifs ». Peu apre`s cette rencontre, re´fugie´ a` Clermont-Ferrand avec la Faculte´ de Me´decine de Strasbourg, il de´couvrit Paul Castaigne Ce fut le de´but d’une relation fraternelle « parce que c’e´tait lui,
Fig. 1.
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parce que c’e´tait moi » dont l’auteur de ces lignes a ve´cu au fil des ans d’innombrables te´moignages. Au-dela` du soutien inconditionnel de ses amis, le neurologue alsacien dut la conqueˆte de ses colle`gues parisiens a` son charisme que Franc¸ois Lhermitte de´finira en ces termes : « La finesse de sa sensibilite´, l’ouverture de son esprit, son de´vouement a` la neurologie, mais aussi son courage en maintes circonstances. . . enfoui en lui, masque´ aux autres par un devoir de re´serve ». De toute e´vidence, en de´pit d’une pudeur sur ce sujet qui allait bien audela` d’une discre´tion naturelle, sa conduite dans la Re´sistance, sa survie au Train de la Mort et a` la de´portation lui valaient une aura a` laquelle personne ne restait insensible. Durant plus de 12 ans, la Revue be´ne´ficia de la compe´tence d’un praticien rompu a` l’e´coute du patient, d’un chercheur, promoteur de l’e´lectrophysiologie clinique, d’un enseignant payant de sa personne, tout en veillant a` l’organisation. Elle a tire´ parti des relations privile´gie´es que le titulaire de la
chaire de Strasbourg entretenait aux confins de la spe´cialite´ : en premier lieu, la Socie´te´ d’e´lectroence´phalographie et de neurophysiologie clinique dont la Revue neurologique e´tait e´galement l’organe officiel, mais aussi neurochirurgie, oto-neuro-ophtalmologie. Il en fut de meˆme pour les responsabilite´s qu’il assumait au Colle`ge des enseignants de Neurologie. Par son calme, sa ponde´ration, son de´sinte´ressement et son esprit de justice, il s’e´tait comporte´ en mode´rateur au sein d’une instance ou` les de´bats avaient pris en quelques circonstances un tour assez vif. Ce fut au grand regret de ses colle`gues du Comite´ que Francis Rohmer cessa de participer a` la direction de la Revue au terme de ses fonctions universitaires. J. Cambier Paris Adresse e-mail :
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