Hommage Jacqueline GEORGE Jacquetine George dtait la bont~ personnifi~e. Elle incarnait tout ensemble la gentillesse, la simplicit~ et I'intelligence. Ces qualit~s ~taient refl~t~es par des yeux d'un bleu profond. Voil& le premier sentiment que j'~prouve I'~vocatien de son nom. Ensuite, c'est le fait que, comme bien d'autres, je n'ai plus bdndficid de sa chaleureuse amiti~ depuis bient6t trois ans. Au nora de ses amis et coflagues chercheurs, je voudrais rappeler quelques-uns des traits de sa personnalit~ et ren,dre hommage ~ son travail et son courage devant la maladie. Jacqueline George dtait de famille ouvriare : son pare ~tait chauffeur d'autobus et sa mare femme de service, dans une dcole de la r~gion parisienne. Cependant, les quatre filles, dont Jacqueline ~tait I'a~n~e ont toutes fait des ~tudes universitaires. Deux sont devenues Docteur en M~decine. Comme son pare n'avait que des filles, il voulut faire partager ~ I'atn~e son int~r~t pour la m~canique. Et pour elle, un capot de voiture s'ouvrait sur quelque chose de familier. Jacqueline, dont la silhouette ~tait tras f~minine, avait des mains qui savaient visser des boulons. Une telle ~ducation lui fournit un atout certain dans ce m~tier difficile d'exp~rlmentateur ob la mattrise de la technique est le gage de la r~ussite. Elle ne faisait pas pattie de ces chercheurs aristocrates qui considarent que la gestion de << l'intendance )) dolt ~tre confide ~ des ~( in f~rieurs 7>. Pour Jacquetine, le ta.vage et la st~rilisation de la vaisselle, la fabrication des milieux de culture n'avaient pas de secret. Cet esprit a certainement contribud ~ faire d'elle I'une des plus expertes microbiologistes de notre pays. Jacqueline terminait son Doctorat en Mddecine et un stage d'interne ~ I'lnstitut Gustave
Roussy chez le Pr Tubiana Iorsque je l'ai rencontr~e ~ Saclay lors du Cours de 3 ~ cycle de Radiobiologie organis~ par I'lnstitut National des Sciences et Techniques Nucl~aires. Jacqueline y ~tait ~/~ve et je participais ~ l'enseignement des travaux pratiques. Elle d~sirait rejoindre le laboratoire du Radiocarbone, dirig6 alors par le Pr Coursaget dans lequei nous travaillions Nicole Sicard et moi-m#me. Jacqueline devint bient6t Docteur de 3 e cycle en Racliobiologie et obtint aussi une Maitrise as Sciences Physiques. Lorsqu'elle rejoignit notre laboratoire en 1961, je travaillais sur I'induction indirecte du prophage lambda, ph~nom~ne qui venait d'etre d~couvert par Ernest Borek et Ann Ryan. Notre plan commun ~tait d'analyser ce ph~nom~ne en profondeur. Nous avions un programme ambitieux : comprendre le m~canisme de I'induction lysog~nique de m#me que celui de la conjugalson bact~rienne, de I'apparition des I~sions du DNA et de leur r~paration. Mais notre premiere t~che fut tout simplement de prouver que le ph~nomane d~crit atait r~el, son existence ~tant ni~e par des esprits ~minents. Nous avons alors d~montr~ I'existence de (( I'effet Borek-Ryan )) en caract~risant tous ses paramatres d'obtention. Nous avons aussi d~couvert que publier nos r~sultats en francais, m~me dans une revue de niveau international, ~tait peine perdue. Le travail de Jacqueline George aboutit ensuite ~ la d~monstration que I'induction indirecte du prophage tambda r~sulte du transfert une bact~rie r~ceptrice lysogane d" un r~pl~i,con endommag~ par rultraviolet, ce r~plicon pouvant ~tre celui d'un plasmide F, R ou bien Coll. Le DNA endommag6 d'un Hfr, dans lequel le r~plicon F est int~gr~ au chromosome, n'ind~it pas le prophage.
Durant cette p~riode, afin de mener ~ bien son travail de recherche, elle n'h~sita pas faire un grand sacrifice personnel : rester ~ Gif a/ors que Roger George, son mari physicien, devait partir travailler au CERN ~ Gen~ve. Elle put fort heureusement, I'ann~e suivante, rejoindre son .ma.ri et faire un stage d'un an chez Werner Arber. Nous nous somrnes rdp~t~ so uvent et cel& deux mois encore avant sa mort : comme nous ~tions privil&gi~s aux temps pr&c&dant 1968/ A I'~poque, nous en &tions ~ I'~tape artisanale de la recherche en biologie moldculaire main tenant pass~e au st~de industriel et commercial. Nous n'avions que peu de rapports ~ faire par an, on faisait plus confiance a ux chercheurs : nous a vions la libert~ de nous consacrer ~ des recherches de base sans avoir ~ justifier de leur utilit~ proche. De ce fait, nous avions plus le temps d" aller au fond des choses en ma~trisant les techniques nouvetles. Jacquetine George ne passa pas de Th6se de Sciences. Eu 6gard au travai! scientifique de qualit~ qu'elle avait publi~ dans des revues de haut niveau, je ravais dissuad~e d'accomplir cet exercice qui, dans les ann~es soixante, ~tait de pur style 19" si6cle. Elle termina son travail dans notre laboratoire par !a d~monstration que la r~paration fautive (r~paration SOS) est induite dans une cellule qui regoit du DNA endomma.g~ par /'ultraviolet. Cela prouva le bien-fond~ de la th~orie de Miroslav Radman qui venait de terminer un stage d'un an au laboratoire : les I~sions du DNA d~clenchent elles-m~mes les processus de r~paration. Apr6s sept ans d'apprentissage passes ~ Gif, Jacqueline rejoign,it fin 1968 le groupe de G~n~tique Cellulaire c r ~ par G~rard Buttin rlnstitut de Biologie Mo.l~culaire ~ la Halleaux-Vins. Marc Castellazzi fut son premier ~16ve, suivi par Olivier Huisman et Richard D'A ri.
Le travail effectu~ par Jacqueline ~ I'lnstitut de Biologie Mol~culaire a eu une importance considerable. La mutation tif du g6ne recA, maintenant appel~e recA441, a ~t~ caract~ris~e dans ses effets multiples sur les fonctions cellulaires SOS. Enfin, la d~couverte par Jacqueline des mutants s f i a ouvert une vole nouvelle et f~conde ~ la connaissance du m&canisme de la r~gulation de la division cellulaire chez E. coli,. La d~couverte des mutants sfi a eu, de plus, une consequence importante. Partant des mutants tff sfi, David M o u n t a pu isoler des d~riv&s spr qui ont faoilitd I'obtention de grandes quantit~s de la proteine RecA et cela a rendu rapidement possible la d~monstration par Jeffrey Roberts et ses collaborateurs du clivage du r6presseur du phage lambda par la prot~ine RecA i,n v,iCro. Lorsque Jacqueline d~couvrit qu'elle avait un cancer, e/te me d i t : ~