Hydronéphrose et hypertension artérielle. À propos de quatre observations

Hydronéphrose et hypertension artérielle. À propos de quatre observations

Ann Urol 2002 ; 36 : 157-61  2002 Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés S0003-4401(02)00092-X/FLA Rein Hydronéphro...

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Ann Urol 2002 ; 36 : 157-61  2002 Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés S0003-4401(02)00092-X/FLA

Rein

Hydronéphrose et hypertension artérielle. À propos de quatre observations Ahmed Ameur 1∗ , Jamila Zarzur 2 , Hassan Jira 1 , Driss Touiti 1 , Mohammed El Alami 1 , Mohamed Abbar 1 1 Service d’Urologie, Hôpital Militaire d’Instruction Mohammed V, Rabat, Maroc ; 2 Service de Cardiologie, Hôpital Avicenne

(Pr. M. Arharbi), Rabat, Maroc

RÉSUMÉ L’hypertension artérielle secondaire est due à plusieurs étiologies, entre autres, rénales, en l’occurrence des néphropathies uni ou bilatérales. Les auteurs rapportent quatre observations d’hypertension artérielle secondaire à un syndrome de la jonction pyélo-urétérale. Cette hypertension artérielle serait rénine-dépendante et corrigée après traitement de l’hydronéphrose. À la lumière de quatre observations et d’une revue de la littérature, les auteurs se proposent de discuter les différents aspects pathogéniques de cette HTA.  2002 Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS HTA / hydronéphrose / rénine

ABSTRACT Hydronephrosis and arterial hypertension. Four clinical cases. Four cases of ureteropelvic junction syndrome associated with arterial hypertension were reported. The authors discuss the ethiopathogenic of hypertension, on the basis of these observations and a review of the literature. They conclude that uni ou bilateral hydronephrosis can lead to hypertension and renal failure by both inappropriate production of renin and water chronic retention. The correction of ureteropelvic junction should return blood pressure to normal levels.  2002 Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS arterial hypertension / renin / ureteropelvic junction syndrome

1. INTRODUCTION Il y a longtemps que l’on pense que l’hypertension artérielle (HTA) peut être rattachée à une néphropathie unilatérale et que la néphrectomie amène une guérison durable de l’HTA [1 – 4]. Nous rapportons quatre observations d’HTA sur syndrome de jonction pyélo-urétérale, colligées sur une période de 20 ans représentant 3,3 % de l’ensemble des anomalies de la jonction

2. OBSERVATIONS 2.1. Observation 1 Mme O.S. . . 21 ans, suivie en dermatologie pendant deux ans pour maladie de Von Recklinghausen, admise en 1996 en urologie pour coliques néphrétiques gauches évoluant depuis une année. L’examen clinique note des taches café au lait au niveau du tronc, une hypertension artérielle à 180/110 mmHg et une sensibilité lombaire gauche. Le bilan biologique note un taux d’urée à 0,34 g/l, une créatininémie à 6 mg/l et une kaliémie à 4,8 meq/l. L’échographie rénale objective une importante hydronéphrose gauche avec réduction importante de l’index parenchymateux. L’urographie intraveineuse (UIV) met en évidence un syndrome de jonction pyélo-urétérale gauche avec un rein très dilaté.

∗ Correspondance et tirés à part : Dr Ahmed Ameur, Service d’Urologie, Hôpital Militaire d’Instruction Mohammed V, B.P. : 1018, Rabat, Maroc.

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L’aldostéronémie en orthostatisme est à 119 pg/ml (VN 1 : 31–300 pg/ml). L’acide vanylmandélique est à 4,4 mg/24 h (VN < 7,4 mg/24 h). La métanéphrine urinaire est à 69 mcg/24 h (VN : 88–444/24 h). L’échoDoppler note un bon flux au niveau des artères rénales et l’absence d’anomalies morphologiques de l’aorte abdominale. Le scanner abdominal est normal. La patiente est mise sous inhibiteurs calciques puis une néphrectomie gauche est réalisée. L’histologie conclut à une pyélite avec une néphrite ascendante et une hypoplasie musculaire de la jonction. La tension artérielle s’est normalisée à partir du 3e jour postopératoire. La patiente est revue six mois après avec des chiffres tensionnels normaux.

2.2. Observation 2 Mr. A. Ahmed. . . 57 ans, admis en février 1984 pour lombalgies bilatérales prédominant à droite et évoluant depuis deux ans. L’examen clinique révélait une sensibilité lombaire droite et une HTA à 220/110 mmHg. Les bilans, biologique et lipidique, étaient normaux. L’échographie rénale avait objectivé une hydronéphrose bilatérale plus marquée à droite avec une réduction de l’index parenchymateux du côté droit. L’UIV montrait un rein droit muet et un syndrome de jonction pyélo-urétérale gauche stade II de Cendron (Fig. 1). Le patient a été mis sous diurétiques. La scintigraphie rénale a révélé une fonction rénale droite de 25 %. On a décidé, par conséquent, de conserver le rein droit, de monter deux sondes urétérales “double crosse” bilatérales et de réaliser, dans le même temps opératoire, une plastie de la jonction pyélo-urétérale droite. Le rein gauche a été respecté. L’évolution a été marquée par une normalisation de, la tension artérielle à partir du 4e jour postopératoire.

Figure 1. Urographie intraveineuse (Obs. n◦ 2) montrant un retard de sécrétion à droite et un syndrome de jonction gauche.

L’examen clinique retrouve une sensibilité de la fosse lombaire gauche et une hypertension artérielle à 150/100 mmHg. Le bilan de retentissement de l’HTA s’est révélé normal. Le bilan étiologique a retenu une hydronéphrose unilatérale gauche objectivée à l’échographie et à l’UIV (Fig. 2). Le patient est mis sous inhibiteurs de l’enzyme de conversion. Une plastie chirurgicale de la jonction pyélo-urétérale a été faite et a permis une normalisation de la tension artérielle à partir du 2e jour postopératoire.

2.3. Observation 3 Mr. S. Abdelouahed. . . 44 ans, admis en décembre 2000 pour lombalgies gauches et une hématurie totale. 1 VN = valeur normale.

2.4. Observation 4 M. . . 64 ans, est hospitalisé en mai 2000 pour masse lombaire droite. À l’admission, le patient est en bon état général, apyrétique, sa TA est à 230/130 mmHg. L’examen objective une sensibilité lombaire droite avec une masse rénitente arrivant

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Hydronéphrose et hypertension artérielle Tableau I. HTA secondaires a des affections renales Maladie du parenchyme rénal : – Insuffisance rénale chronique. – Glomérulonéphrite aiguë. – Glomérulonéphrite chronique. – Reins polykystiques. – Petit rein cicatriciel (rein d’ASK-UPMARK). – Dysplasie rénale. – Tuberculose rénale. – Hématomes rénaux sous-capsulaires. – Hydronéphrose. – Syndrome hémolytique et urémique. Uropathies obstructives bilatérales HTA par excès de rénine (réno-vasculaire) : – Sténose de l’artère rénale. – Fistule artério-veineuse. – Anévrysme de l’artère rénale. – Thrombose de l’artère rénale. – Artérite. Tumeurs productrices de rénine. Tumeurs rénales (néphro-blastome). Rétention primaire de sodium (syndrome de Liddle).

3. DISCUSSION

Figure 2. Urographie intraveineuse (Obs. n◦ 3) : hydronéphrose gauche.

jusqu’à l’ombilic. Le toucher rectal montre une hypertrophie prostatique de 50 g. Le taux d’urée est à 21,4 mmol/l, la créatinine est à 345 mmol/l, la kaliémie est à 4,4 mEq/l. L’échographie abdominale montre une énorme hydronéphrose droite mesurant 21,1 cm/15,5 cm de taille, le parenchyme rénal est détruit (Fig. 3). Le rein gauche est le siège d’une petite dilatation calicielle. L’UIV n’a pu être faite. Un scanner abdominal (Fig. 4) montre une hydronéphrose géante droite s’étendant vers l’anneau pelvien. Un traitement anticalcique a été démarré. Une urétéropyélographie rétrograde préopératoire a révélé un syndrome de la jonction droite. Les voies excrétrices gauches sont libres. Dans le même temps opératoire, une néphrectomie droite a été réalisée. La tension artérielle s’est équilibrée sous traitement médical. La fonction rénale s’est légèrement améliorée.

L’hypertension artérielle (HTA) dans le cadre de la neurofibromatose de Von Recklinghausen pourrait être secondaire à un phéochromocytome ou à une sténose de l’artère rénale par fibrose intimale. Cependant, chez notre première patiente, le dosage des dérivés methoxylés et l’échoDoppler des artères rénales sont normaux, faisant retenir l’hydronéphrose pour cause de l’HTA. Ce fait est confirmé par la normalisation de la pression artérielle après néphrectomie. La relation entre une néphropathie unilatérale et l’HTA est actuellement bien établie. Ainsi de nombreuses observations d’hydronéphrose unilatérale et HTA ont été recensées [1, 2, 5, 6] avec guérison de l’HTA après traitement chirurgical de l’hydronéphrose. La survenue d’une HTA au cours de l’évolution de l’hydronéphrose est rare et varie avec l’âge : 0,5 à 2,3 % chez l’enfant [3] et 6 à 20 % chez l’adulte [2, 4]. Kinn [5], a suivi 83 patients d’âge adulte pendant une durée moyenne de 17 ans après le diagnostic d’hydronéphrose. Le choix d’un traitement chirurgical ou de la surveillance a été basée sur la sévérité des signes cliniques, l’urographie intraveineuse, la clairance de la créatinine et la scintigraphie rénale.

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Figure 3. Échographie rénale (Obs. n◦ 4) : rein droit hydronéphrotique.

Figure 4. TDM abdominale (Obs. n◦ 4) : énorme hydronéphrose droite lombo-abdominale.

Quatre patients (4,8 %) ont développé une hypertension artérielle dont deux avaient eu une pyéloplastie. Cette HTA serait rénine dépendante [2 – 4]. Le retour à la normale de cette HTA après plastie de la jonction (2e et 3e observations) ou après néphrectomie (1re et 4e observations) soulève l’hypothèse de l’effet hypertensiogéne de la distension des cavités excrétrices. Cette normalisation se fait en postopératoire précoce. Cette hypothèse a été justifiée par Ezzat [7] sur une étude portant sur 26 cas ayant une hydronéphrose uni- ou bilatérale. L’incidence de l’HTA dans les atteintes unilatérales est de 28,5 %, alors qu’elle est de 50 % dans les atteintes bilatérales. Chez 8 patients sur 9 avec HTA et hydronéphrose, l’auteur retrouve une activité rénine plasmatique élevée associée ou non à une hyperaldostéronémie. Dans le second groupe de patients avec hydronéphrose sans HTA, 12 cas sur 17 ont une activité rénine plasmatique et/ou un taux d’aldostérone élevés. Cette étude

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conclut que la distension des cavités rénales active la sécrétion de rénine [2, 7 – 9]. Wanner [10] a comparé 101 patients porteurs d’une hydronéphrose unilatérale à 101 témoins appariés pour l’âge et le sexe. Il a remarqué que la tension artérielle chez 26 patients opérés, au cours des trois premières semaines postopératoires, se normalise dans 20 cas, s’améliore chez 5 et un échec. Un gradient de rénine supérieur à 1,5 du côté de l’hydronéphrose prédit la guérison [6]. D’autres mécanismes sont possibles, en particulier une rétention hydrosodée [2], une augmentation de la production de la thromboxane A2 et de la prostaglandine PGF2α . Il existerait également un déficit de substances hypotensives produite par la médullaire rénale, laquelle est détruite dans les hydronéphroses avancées.

4. CONCLUSION Le syndrome de la jonction pyélo-uréterale se manifeste le plus souvent par une symptomatologie douloureuse ou infectieuse. Parfois une HTA peut révéler ou accompagner une hydronéphrose uni ou bilatérale. Cette HTA serait due à une hypersécrétion de rénine et à la rétention hydrosodée. Ce type d’HTA est chirurgicalement curable par plastie de la jonction ou par néphrectomie.

RÉFÉRENCES 1 Ambrason M, Jackson B. Hypertension and unilateral hydronephrosis. J Urol 1984 ; 132 : 746-8. 2 Broyt C, Guerin C, Heritier PH. Hypersécretion de rénine secondaire à un sydrome de jonction pyélourétérale– guérison après chirurgie correctrice. Nephrologie 1989 ; 10 : 209-11. 3 Michel A, Monod P, Descotes JL, Rambeaud JJ, Bourdat G, Faure G. Le traitement chirurgical du syndrome de la jonction pyélo-urétérale chez le nourrisson et l’enfant (à propos de 73 observations). Progrès en Urologie 1991 ; 1 : 987-99. 4 Michou J. L’hypertension artérielle dans les néphropathies unilatérales et dans les maladies de l’artère rénale. Rapport présenté au 29ème Congrès Français d’Urologie, 1961. 5 Kinn AC. Ureteropelvic junction obstruction: long-term follow up of adults with and without surgical treatment. J Urol 2000 ; 164 : 652-6. 6 Plouin PF, Azizi M, Battaglia C, Chatellier G. Hypertensions associées aux sténoses de l’artère rénale et aux atteintes rénales parenchymateuses. E.M.C. (Paris, France), Cardiologie–Angiologie, 1993. 7 Ezzat IM. The pattern of plasma renin activity and aldosterone system in patients with substained hydronephrosis. International Urology and Nephrology 1987 ; 19 : 55-63. 8 Fournier A. Hypertensions d’origine rénale curables par revascularisation ou par néphrectomie in hypertension artérielle. Science et pratique médicales. Hermann/Editeurs des Sciences et des arts ; 1992. p. 181-234. 9 Riehle RA, Vaughan ED. Renin participation in hypertension associated with unilateral hydronephrosis. J Urol 1981 ; 126 : 243-6. 10 Warner C, Luscher TF, Schollmeyer P, Vetter W. Unilateral hydronephrosis and hypertension: cause or coincidence? Nephron 1987 ; 45 : 236-41.