Impact de la contraception estroprogestative et progestative sur la densité minérale osseuse

Impact de la contraception estroprogestative et progestative sur la densité minérale osseuse

Gynécologie Obstétrique & Fertilité 33 (2005) 520–525 http://france.elsevier.com/direct/GYOBFE/ Mise au point Impact de la contraception estroproges...

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Gynécologie Obstétrique & Fertilité 33 (2005) 520–525 http://france.elsevier.com/direct/GYOBFE/

Mise au point

Impact de la contraception estroprogestative et progestative sur la densité minérale osseuse Effect of hormonal contraception on bone mineral density F. Trémollières Centre de ménopause, hôpital Paule-de-Viguier, 330, avenue de Grande-Bretagne, 31059 Toulouse cedex 9, France Reçu le 22 avril 2005 ; accepté le 21 mai 2005 Disponible sur internet le 07 juillet 2005

Résumé La contraception orale estroprogestative (EP) est utilisée par de très nombreuses femmes à la fois de manière prolongée et actuellement de plus en plus précocement au cours de la vie reproductive. Les relations étroites entre les estrogènes et le remodelage osseux soulèvent la question de l’impact osseux potentiel de la contraception orale notamment lorsqu’elle est utilisée à faibles doses et chez les adolescentes. À l’âge adulte, la majorité des études concorde pour montrer que les pilules même faiblement dosées, à 20 µg d’éthinyl-oestradiol, n’ont aucun retentissement, voire un effet bénéfique, sur le remodelage osseux et la densité minérale osseuse. En périménopause, l’utilisation de ce type de contraception minidosée peut permettre une bonne prévention de la perte osseuse sous réserve du respect de ses contre-indications métaboliques et vasculaires. Chez la très jeune fille en revanche, la mise en route d’une contraception EP est susceptible d’interférer avec une acquisition maximale du capital osseux, surtout lorsque celle-ci est débutée dans les premières années de la ménarche. L’impact osseux des autres formes de contraception hormonale semble relié à la survenue d’un hypogonadisme. Il est inexistant pour les progestatifs faiblement dosés par voie orale ou pour les implants progestatifs sous-cutanés. L’administration d’acétate de médroxyprogestérone par voie injectable (sous forme retard) est à l’inverse et de manière constante, associée à une perte osseuse à tous les sites. Cette perte osseuse serait néanmoins transitoire avec une récupération osseuse à l’arrêt de la contraception, notamment chez la jeune femme. L’impact d’une contraception fondée sur les macroprogestatifs par voie orale n’est pas évalué, bien qu’une perte osseuse soit à craindre en cas d’hypoestrogénie prolongée. © 2005 Elsevier SAS. Tous droits réservés. Abstract Oral contraceptives are used by numerous women very often throughout a prolonged period of time and more and more frequently early in life, within the first reproductive years. The close relationship between oestrogen metabolism and bone turnover raises the question of the potential bone impact of oral contraceptives containing low dose of ethinyl-oestradiol and especially in adolescent girls. During adulthood, most studies have reported that oral contraceptive pills, even those containing a low dose of ethinyl-oestradiol (20 µg), had neutral, or possibly beneficial, effect on bone health. Use of oral contraceptives within the perimenopausal years also would allow to preventing bone loss, given that all vascular and metabolic contra-indications are respected. However, the skeletal effects of oral contraceptives are a greater concern for adolescent girls. Some data suggest that the use of 20 µg pills may impede the development of peak bone mass, particularly when started within the teen years. The bone impact of other hormonal contraceptive methods appears correlated with the degree of suppression of oestrogen levels. There is no effect of low dose progestagen-only pills or progestagen implants on bone health. On the other hand, administration of depot medroxyprogesterone acetate is associated with significant bone loss at all skeletal sites. However, the loss of bone mass might be reversed after discontinuation of use, especially in younger women. The bone impact of progestin only pills that have a strong antigonadotrophinic activity is not currently evaluated although there is some concern about increased bone loss in case of oestrogen deficiency period of long duration. © 2005 Elsevier SAS. Tous droits réservés. Mots clés : Contraception ; Ethinyl-oestradiol ; Perte osseuse ; Ostéoporose ; Contraception progestative Keywords: Oral contraceptives; Ethinyl-oestradiol; Bone loss; Osteoporosis; Progestin only contraceptive methods

Adresse e-mail : [email protected] (F. Trémollières). 1297-9589/$ - see front matter © 2005 Elsevier SAS. Tous droits réservés. doi:10.1016/j.gyobfe.2005.05.016

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1. Introduction Les estrogènes sont un des principaux régulateurs du tissu osseux. Ils jouent un rôle majeur et indispensable dans la croissance squelettique et l’acquisition du capital osseux au cours de la période pubertaire dans les deux sexes. Ils assurent dans les conditions physiologiques le maintien du capital osseux pendant la vie adulte et les conséquences osseuses de tous les états d’hypogonadisme, dont le modèle type est représenté par la perte osseuse de la phase postménopausique, ont été largement documentées. Les estrogènes régulent avant tout, la fonction ostéoclastique et leur action d’inhibition de l’hyperostéoclastogenèse induite par la cessation de l’activité ovarienne est à la base de leur efficacité dans la prévention de la perte osseuse postménopausique et de l’ostéoporose. Toutes les molécules d’estrogènes (à l’exception de l’oestriol) sont efficaces qu’il s’agisse de l’estrogène naturel, du 17boestradiol, des estrogènes conjugués ou des estrogènes de synthèse. Au fil des années, l’allongement de la durée de prescription rendue nécessaire pour la prévention des conséquences tissulaires à long terme de la ménopause a cependant conduit à une utilisation préférentielle des estrogènes conjugués tout d’abord, puis surtout du 17b-oestradiol dont la tolérance métabolique et vasculaire est nettement supérieure à celle de l’éthinyl-oestradiol (EE2). En revanche, chez la femme en âge de procréer, l’utilisation des estrogènes répond avant tout à une finalité contraceptive et nécessite de ce fait l’utilisation de molécules suffisamment puissantes pour avoir une action antigonadotrope. De même que pour le THS, l’amélioration des connaissances a conduit progressivement à une diminution des concentrations de l’EE2 de la pilule estroprogestative afin d’en améliorer la tolérance métabolique, les pilules à 50 µg étant progressivement remplacées par des pilules à 30 ou 20 µg d’EE2, voire à 15 µg. De ce fait et compte tenu de la fréquence d’utilisation de ce type de contraception et de sa prescription de plus en plus précoce chez l’adolescente, il est logique de s’interroger sur ses conséquences osseuses potentielles. L’utilisation d’une pilule estroprogestative faiblement dosée est-elle susceptible d’interférer avec les processus d’acquisition du capital osseux ? Que peut apporter au plan osseux une contraception estroprogestative en périménopause : est-elle susceptible de ralentir la perte osseuse qui survient au cours des dernières années précédant l’installation définitive de la ménopause ? Qu’en est-il par ailleurs de la contraception progestative dont on sait qu’elle est susceptible d’avoir un retentissement sur l’activité ovarienne et la production d’oestradiol ?

2. La contraception estroprogestative De manière générale, et même si tous les travaux ne répondent pas aux exigences actuelles de la méthodologie pour apporter un niveau de preuve indiscutable, la quasi-totalité des études témoigne soit d’un effet neutre, soit d’un effet légèrement positif de la contraception estroprogestative (EP) sur

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le contenu minéral osseux. Une revue [1] des études (pour la plupart transversales et/ou cas-contrôle) ayant évalué le retentissement osseux des pilules dosées de 20 à 40 µg d’EE2 ne retrouve aucun effet délétère sur les niveaux de la densité minérale osseuse (DMO) ou les marqueurs du remodelage osseux, même pour les plus faibles posologies de 20 µg/jour. Un suivi longitudinal de trois ans [2] dans une cohorte de 245 femmes âgées de 18 à 39 ans, dont 89 poursuivaient (depuis 3,7 ans en moyenne à l’entrée dans l’étude) une contraception à des doses d’EE2 de 30 à 35 µg/jour n’a montré aucune différence en terme d’évolution de la DMO entre les utilisatrices d’une contraception et les contrôles, quelles que soient les tranches d’âge considérées. De manière concordante, il n’est pas inintéressant de noter qu’une étude randomisée en double insu [3] en prévention de la perte osseuse du début de la phase postménopausique avait permis de montrer qu’un effet préventif de l’EE2 pouvait être obtenu dès une posologie journalière de 10 µg/jour. Ces conclusions semblaient cependant être démenties, et de façon quelque peu surprenante, par la publication il y a quelques années, de deux études réalisées chez plusieurs milliers de femmes [4,5] qui témoignaient d’une augmentation du risque fracturaire chez les anciennes utilisatrices d’une contraception orale. Il faut toutefois rappeler que ces travaux apparaissent grevés de nombreux biais méthodologiques ne prenant pas en compte en particulier des facteurs confondants indiscutables, tels un faible poids et le tabagisme. Plus récemment, une étude cas-contrôle [6] réalisée chez 1327 femmes ayant présenté une fracture du col du fémur et 3312 contrôles retrouvait au contraire une réduction significative de 25 % (RR = 0,75 ; IC 95 % 0,59–0,96) du risque relatif de fracture chez les anciennes utilisatrices d’une contraception estroprogestative. Des résultats similaires ont également été rapportés dans l’étude européenne EVOS [7] pour le risque de déformation vertébrale. 2.1. Contraception chez l’adolescente La question de l’impact osseux de la contraception estroprogestative doit surtout être soulevée chez l’adolescente. Il est en effet logique de penser que les effets osseux potentiels de l’EE2, notamment en terme de doses, puissent être fonction du niveau du remodelage osseux sous-jacent : l’EE2 à faible dose est-il susceptible d’avoir le même effet selon que l’activité du remodelage osseux est équilibrée, comme c’est le cas en période d’activité génitale à l’âge adulte, ou au contraire, élevée lors de l’acquisition du capital osseux au moment de la période péripubertaire. En effet, les stéroïdes sexuels et notamment des estrogènes jouent un rôle majeur dans l’acquisition d’une masse osseuse maximale. Contrairement à ce que l’on pensait, il y a encore une dizaine d’années, les travaux princeps de J.-P. Bonjour [8], qui ont été confirmés ultérieurement par d’autres, ont montré que le capital osseux augmentait de 25 à 40 % au cours de la période pubertaire, mais que plus de 95 % de ce capital osseux du squelette était constitué chez la fille à l’âge de 16 ans. Les

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travaux de Sabatier et al. [9] ont pu établir que la période cruciale de l’acquisition osseuse se situait dans la période d’âge osseux de 12 à 14 ans, c’est-à-dire entre la période des stades 3–4 de Tanner jusqu’à la deuxième année après les premières règles. Il est donc peu probable que la mise en route d’une contraception estroprogestative au-delà de cette période d’acquisition, c’est-à-dire au-delà de l’âge de 16 à 18 ans, soit délétère pour le squelette. En revanche, la question reste posée lorsqu’une contraception minidosée est débutée à un âge plus précoce et nous ne disposons que de très peu d’études chez l’adolescente. Un suivi longitudinal de cinq ans de la densité minérale osseuse (DMO) chez 147 jeunes femmes âgées de 19 à 22 ans dont la moitié recevait en ouvert une pilule à 20 µg d’EE2 a montré la persistance d’une augmentation de la DMO chez les contrôles (+ 7,8 % à cinq ans, p < 0,01), ce qui n’était pas le cas chez les utilisatrices d’une contraception estroprogestative minidosée [10]. Même si ces données peuvent paraître surprenantes compte tenu de ce que nous savons de la cinétique de l’acquisition osseuse chez la jeune femme, elles doivent inciter à une certaine prudence. Plus récemment également, le suivi pendant 12 mois des paramètres biologiques du remodelage osseux chez 165 adolescentes (de 12 à 18 ans) qui débutaient une contraception EP à 20 µg d’EE2 (associé à 100 µg de lévonorgestrel) rapporte une diminution des concentrations de l’ostéocalcine et de l’isoenzyme osseuse des phosphatases alcalines (marqueurs de la formation osseuse), ainsi que de l’élimination urinaire de la déoxypyridinoline (marqueur de la résorption osseuse) par rapport aux contrôles ne bénéficiant pas de contraception [11]. Ces données suggèrent ainsi un ralentissement de l’activité du remodelage osseux chez les utilisatrices de la contraception orale, susceptible d’interférer avec une acquisition optimale du capital minéral osseux (Tableau 1). Le suivi densitométrique, qui a fait l’objet d’un deuxième article [12], serait de nature à confirmer cette hypothèse, avec

un gain osseux qui apparaît significativement moins marqué à la colonne lombaire (+ 2,34 vs + 3,84 %, p = 0,03), ainsi qu’au col fémoral (+ 0,27 vs + 2,28 % ; p = 0,03) chez les utilisatrices de la contraception estroprogestative que chez les contrôles. L’interprétation de ces données doit cependant tenir compte du fait que l’ajustement des valeurs de BMD en fonction de l’augmentation du volume osseux secondaire à la croissance longitudinale pendant les 12 mois du suivi (BMDA) permet de retrouver des différences osseuses moins importantes entre les deux groupes (Tableau 1). De même, les utilisatrices étant discrètement plus âgées que les contrôles (16 vs 14,8 ans, p < 0,001), on ne peut pas complètement éliminer la possibilité que les variations observées soient davantage à rapprocher d’une diminution postpubertaire physiologique de l’activité du remodelage osseux et donc de l’acquisition osseuse, plus marquée dans le groupe traité que chez les contrôles (antériorité des premières règles de quatre ans vs 2,6 ans dans le groupe témoin). Néanmoins, la question doit être posée pour les 61 adolescentes de ce groupe, âgées de 12 à 14 ans, qui ont initié la contraception alors que vraisemblablement la période d’acquisition osseuse n’était pas encore achevée. Nous n’avons malheureusement pas de réponse pour ce sous-groupe et dans l’attente, ce travail doit inciter à une grande prudence chez les toutes jeunes adolescentes qui débuteraient une contraception estroprogestative minidosée au cours de la période pubertaire. 2.2. Contraception orale en périménopause L’existence d’une perte osseuse qui débute dans les deux à trois années précédant l’installation définitive de la ménopause est bien documentée [13]. Elle apparaît cependant très hétérogène, fonction des caractéristiques morphologiques des femmes (rôle protecteur du surpoids et du gain pondéral) et de la régularité des cycles menstruels. Sa physiopathologie fait avant tout intervenir l’hypoestrogénie fréquente en périménopause tardive et peut-être également le déficit en progestérone qui est plus constamment retrouvé. L’utilisation

Tableau 1 Évolution du remodelage osseux et de la DMO à un an entre chez des adolescentes utilisatrices ou non d’une contraception EP minidosée

ˆ ge (ans) A Durée de la vie reproductive (ans) Marqueurs du remodelage osseuxa : - bPAL (UI/l) - DPD (nmol/mmol Cr) BMD à 12 mois (%)b - L1–L4 - FN BMDA à 12 mois (%)b - L1–L4 - FN

Contraception orale (n = 165) 16 (± 1,4) 4 (± 1,6)

Contrôles (n = 152) 14,8 (± 1,5) 2,6 (± 1,6)

p

35,7 (± 1,03) 9 (± 1,03)

40,4 (± 1,03) 9,8 (± 1,03)

0,001 0,08

+2,24 (± 3,8) +0,27 (± 5,1)

+3,84 (± 3,8) +2,28 (± 5,1)

0,03 0,03

+1,42 (± 4,5) +0,63 (± 8,7)

+2,95 (± 4,5) +1,91 (± 8,7)

ns ns

< 0,001 < 0,001

bALP = isoenzyme osseuse des phosphatases alcalines. DPD = déoxypyridinoline urinaire. BMDA : DMO apparente permettant de prendre en compte l’augmentation du volume osseux secondaire à la croissance longitudinale (BMDA L1-L4 = BMC/Ap3/2 et BMDA FN = BMC/Ap2 où BMC = contenu minéral osseux de la pièce osseuse et Ap = surface de la pièce osseuse). a Valeurs ajustées pour l’âge, le poids et la durée du suivi. b A 12 mois : n = 79 dans le groupe contraception et n = 107 dans le groupe témoin.

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d’une contraception estroprogestative utilisant, même des faibles doses d’EE2 de 20 µg, permet de freiner la déperdition osseuse [14] et peut constituer une solution d’attente satisfaisante avant l’installation définitive de la ménopause. Elle impose cependant de ne pouvoir être utilisée que chez la femme à faible risque cardiovasculaire (tabagisme exclu) et la nécessité d’une surveillance clinique régulière.

3. La contraception progestative 3.1. Par voie orale Aucune étude n’est actuellement disponible sur le retentissement osseux de la contraception orale microprogestative. Compte tenu cependant des mécanismes d’action de ce type de contraception, avec une absence de retentissement sur la sécrétion ovarienne estrogénique, il est peu probable qu’un effet osseux soit à craindre. Une pilule microprogestative au désogestrel à 75 µg (Cérazette®) pourrait avoir un effet antigonadotrope plus important que les autres pilules microprogestatives, ce qui permettrait de diminuer les contraintes liées au respect des horaires de prise (avec une tolérance de 12 heures d’oubli possible), mais aucune donnée ne permet actuellement de suspecter un retentissement osseux de ce composé. En ce qui concerne les macroprogestatifs, il est plus difficile d’être totalement rassurant, d’autant que nous ne disposons là non plus d’aucune donnée. Rappelons néanmoins que ce type de contraception, qui n’est pratiquement utilisée que dans notre pays (hors AMM), est souvent à l’origine d’une aménorrhée hypoestrogénique du fait de l’action antigonadotrope puissante des composés utilisés (acétate de nomégestrol, acétate de chlormadinone, promegestone). De fait, et ce d’autant que cette contraception est plus particulièrement utilisée chez des femmes en périménopause et qu’elle n’est pas toujours associée à un apport estrogénique (ou à faibles doses dans le cadre d’un schéma inversé, la prise d’estrogènes étant alors associée au macroprogestatif au cours des huit à douze derniers jours de la séquence progestative), on ne peut pas éliminer la possibilité d’une accélération de la perte osseuse induite par l’hypoestrogénie. La mesure de la DMO par absorptiométrie biphotonique (DXA) peut alors être justifiée surtout si la durée de ce type de contraception est prolongée et, qu’elle s’adresse à des femmes de plus de 40 ans présentant des troubles du cycle (notamment une aménorrhée) ou des signes cliniques d’hypoestrogénie. 3.2. Par voie parentérale Le développement récent de la contraception par implant sous-cutané de progestatif a également conduit à s’interroger sur les conséquences potentielles de ce type de contraception sur le tissu osseux. Plusieurs progestatifs sont utilisés, le lévonorgestrel ou l’étonogestrel (qui est le seul composé disponible en France (Implanon®)). Ils assurent une inhibition com-

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plète de l’ovulation et une freination de l’activité folliculaire qui persiste néanmoins de manière modérée à l’origine d’une sécrétion d’oestradiol comparable à celle du début ou du milieu de la phase folliculaire normale. Une aménorrhée est cependant souvent présente chez environ 20 % des utilisatrices. Plusieurs études récentes évaluant ces deux types de progestatifs apparaissent rassurantes dans la mesure où aucune diminution de la DMO n’a été observée après deux ans d’utilisation et même chez les femmes présentant en cours de traitement une aménorrhée. Dans une première étude [15] ayant évalué les conséquences osseuses d’une utilisation en postpartum précoce de l’implant au lévonorgestrel chez 29 femmes en cours d’allaitement, Diaz et al. n’ont pas retrouvé de variation des paramètres du remodelage osseuse et du niveau de la DMO par rapport à un groupe de femmes contrôles sans contraception. Plus récemment, Berthuizen et al. [16] ont rapporté le suivi densitométrique chez 46 femmes âgées en moyenne de 31 ans qui avaient débuté une contraception par l’implant sous-cutané d’étonogestrel. De nouveau, aucune variation de la DMO lombaire et fémorale n’a été observée après deux ans de contraception par rapport à des femmes utilisant un dispositif intra-utérin pour méthode contraceptive. L’évolution osseuse n’apparaissait pas non plus modifiée chez les femmes présentant une aménorrhée induite par l’implant, même si le suivi à deux ans peut être considéré comme étant un peu court pour être complètement affirmatif sur l’évolution à long terme. 3.3. Par voie injectable Contrairement aux progestatifs par voie sous-cutanée, la contraception par voie injectable utilisant l’acétate de médroxyprogestérone (MPA) a été associée à des conséquences osseuses non négligeables [17]. Au cours des deux à trois dernières années, plus de dix études ont confirmé les effets délétères de ce type de contraception sur le squelette. Selon les travaux, la diminution de la DMO, qui est observée sur tous les sites mesurés, colonne vertébrale, col fémoral ou l’extrémité inférieure du radius, varie de –0,1 à –1 écart-type par rapport aux femmes contrôles de même âge, en fonction de la durée du traitement, de six mois à cinq ans [11,12,18– 22]. En moyenne, la perte osseuse est de l’ordre de –3 % par an, mais peut atteindre dans certaines études –7 à –8 % après deux ans de contraception. L’étude des marqueurs biochimiques du remodelage osseux montre une augmentation de tous les marqueurs et notamment de la résorption osseuse, témoignant de l’hyperremodelage osseux à l’origine de la perte osseuse [19]. Celle-ci est la conséquence directe de l’hypoestrogénie induite par l’action antigonadotrope puissante du MPA qui n’apparaît pas compensée par les effets osseux propres à ce progestatif. Elle apparaît d’autant plus marquée que ce type de contraception est utilisé chez la femme jeune (18– 21 ans) [18]. En revanche, le suivi de l’évolution osseuse à l’arrêt de la contraception par MPA injectable serait plutôt rassurant dans la mesure où il existerait une récupération

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osseuse presque complète du niveau de la DMO, notamment chez les femmes les plus jeunes [23]. Plusieurs essais récents ont également montré que la perte osseuse pouvait être réduite par une add-back therapy fondée sur une supplémentation estrogénique par voie injectable (5 mg/mois de cypionate d’oestradiol) [24] ou par voie orale (0,625 mg/jour d’estrogènes conjugués équins) [25]. Le premier essai réalisé chez 123 adolescentes âgées en moyenne de 15,8 ans a montré un gain osseux de +2,8 % à la colonne vertébrale et de +4,7 % au col du fémur au terme des deux ans de suivi chez les 65 adolescentes qui ont reçu de manière conjointe à la contraception progestative injectable une estrogénothérapie. Ce gain contrastait avec une perte osseuse de –1,8 % à la colonne vertébrale et de –5,1 % au col fémoral chez les adolescentes qui n’avaient pas bénéficié de l’estrogénothérapie. Des résultats préventifs comparables ont été observés chez des femmes plus âgées, en moyenne de 37 ans, qui ont reçu avec la contraception progestative, un apport estrogénique selon des modalités comparables à celles d’un traitement hormonal de la ménopause [25]. Après deux ans de suivi, un gain non significatif de 1 % à la colonne vertébrale était observé chez les femmes supplémentées en comparaison à une perte de –2,6 % chez les femmes ne recevant que la contraception par MPA injectable. Au col fémoral, la différence de DMO apparaissait moins marquée, de 2,7 % entre les deux groupes. La tolérance apparaissait satisfaisante avec le même pourcentage de métrorragies et de mastodynies dans les deux groupes. Une telle perte osseuse n’est pas cependant retrouvée pour la norethistérone (NETA) injectable et les implants utilisant des progestatifs dérivés de la 19-nortestostérone. Ainsi dans une étude longitudinale de six mois, Naessen et al. [26] ont mis en évidence dans un petit groupe de femme un gain osseux au poignet de +2,94 % chez les utilisatrices d’implants au lévonorgestrel contrastant avec une perte osseuse de –0,4 % chez les femmes ayant reçu le MPA injectable (p = 0,023). L’effet anabolique osseux des dérivés de la 19-nortestostérone et plus particulièrement du NETA a déjà été documenté chez la femme ménopausée. Cet effet osseux pourrait résulter d’une conversion périphérique du NETA en éthinyl-oestradiol ou d’un effet propre de ce progestatif sur l’os.

premières années de la ménarche. En ce qui concerne la contraception progestative, nous ne disposons pratiquement d’aucune donnée pour les voies orales. L’impact osseux des microprogestatifs tout comme celui des implants souscutanés apparaît négligeable. À l’inverse, le doute est légitime concernant les macroprogestatifs lorsqu’ils sont à l’origine d’une hypoestrogénie, au même titre que le MPA par voie injectable qui, du fait de sa puissante action antigonadotrope, induit une perte osseuse significative. Une surveillance densitométrique pourrait ainsi être justifiée en cas d’utilisation prolongée de ce type de contraception.

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4. Conclusion L’impact de la contraception orale estroprogestative sur le capital osseux apparaît négligeable chez la femme en âge de procréer, même pour des pilules faiblement dosées inférieures ou égales à 20 µg d’EE2. En périménopause, l’utilisation de ce type de contraception minidosée peut permettre une bonne prévention de la perte osseuse sous réserve du respect de ses contre-indications métaboliques et vasculaires. En revanche, chez l’adolescente, l’utilisation d’une pilule estroprogestative minidosée est susceptible d’interférer avec l’acquisition optimale du capital osseux et la prudence s’impose quant à l’utilisation de ce type de contraception au cours de la période péripubertaire et notamment dans les deux

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