Médecine et maladies infectieuses 33 (2003) 192–201 www.elsevier.com/locate/medmal
Article original
Impact de recommandations sur la pertinence des prescriptions d’antibiotiques Impact of recommendations on the suitability of antibiotic prescriptions F. David-Ouaknine a,*, J. Kinoo b, Y. Echard e, B. Hacquard d, J.-M. Decazes e a
Service de médecine interne, CH Lagny, 31, avenue du Général-Leclerc, 77405 Lagny, France b Pharmacie, CH Lagny, 31, avenue du Général-Leclerc, 77405 Lagny, France c Service de collecte et d’analyse de l’information médicale (SCAIM), CH Lagny, 31, avenue du Général-Leclerc, 77405 Lagny, France d Laboratoire de biologie, CH Lagny, 31, avenue du Général-Leclerc, 77405 Lagny, France e Clinique des maladies infectieuses et tropicales, CHU Saint-Louis, 1, avenue Claude-Vellefaux, 75010 Paris, France Reçu le 11 juillet 2001 ; accepté le 11 juin 2002
Résumé Objectifs. – Objectif principal : évaluer l’impact de la diffusion de recommandations en antibiothérapie curative sur le taux de prescriptions adaptées à l’indication au centre hospitalier de Lagny-Marne-la-Vallée (CHLMV). Objectifs secondaires : évaluer l’impact de la diffusion de recommandations en antibiothérapie curative sur le taux d’ordonnances adaptées à l’ensemble des critères d’adéquation définis, sur l’écologie bactérienne et les dépenses d’antibiotiques. Estimer le taux d’infections nosocomiales. Matériel et méthodes. – Comparaison des relevés des ordonnances détaillées, effectuées sur une période de trois mois avant et un an après diffusion d’un livret de recommandations en antibiothérapie curative. Les relevés sont effectués dans les mêmes conditions, de manière prospective sur trois mois et analysés par critère d’adaptation. Les critères utilisés sont ceux déterminés pour l’étude effectuée avant la rédaction des recommandations. Résultats. – Augmentation significative du taux d’ordonnances adaptées à l’ensemble des critères d’adéquation mais aucun impact sur le taux d’adaptation à l’indication. Diminution nette des prescriptions inadéquates pour motif économique. Augmentation du taux d’ordonnances inadaptées pour association non prescrite. © 2003 Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés. Abstract Objectives. – Main objective: the authors wanted to evaluate the impact of recommendations for curative antibiotic therapy on the rate of prescriptions adapted to the indication, in the Lagny-Marne-la-Vallée Hospital. Secondary objectives: they also wanted to evaluate: the impact of recommendations for curative antibiotic therapy on the rate of prescriptions adapted to all of the defined suitability criteria, on bacterial ecology, and on the cost of antibiotics ; and the rate of nosocomial infections. Materials et methods. – Detailed prescriptions were compared over 3 month period, before and one year after distribution of recommendations for curative antibiotic therapy. The prescriptions were made under the same conditions, prospectively over 3 months, and analyzed using each suitable criterion. The criteria used were those designed for the study which was made before recommendations were edited. Results. – A significant increase was noted in the number of prescriptions adapted to all of the suitability criteria, but there was no impact on the rate of suitability for the indication. There was a marked reduction in unsuitability due to economic reasons, and an increase in the rate of unsuitable prescriptions due to a non-prescription of association of antibiotics. © 2003 Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS. All rights reserved.
* Auteur correspondant. Adresse e-mail :
[email protected] (F. David-Ouaknine). © 2003 Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés. DOI: 1 0 . 1 0 1 6 / S 0 3 9 9 - 0 7 7 X ( 0 3 ) 0 0 0 0 5 - 2
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Mots clés : Traitement antibiotique ; Audit clinique Keywords: Antibiotic treatment; Medical audit
1. Introduction La bonne utilisation des traitements antibiotiques est un des objectifs prioritaires du comité thérapeutique du centre hospitalier de Lagny (CHLMV) depuis 1996. Le CHLMV est un hôpital général de 714 lits comprenant 315 lits de court séjour, dont 7 lits de réanimation principalement médicale et 16 lits d’oncologie (ne prenant pas en charge les hémopathies malignes), 28 lits de moyen séjour, 170 de long séjour, 111 de psychiatrie et 90 lits d’hospitalisation de jour. Une évaluation des prescriptions d’antibiothérapie curative sur 3 mois a été réalisée en 1997 suivant la méthodologie de l’audit clinique recommandée par l’Anaes [1]. Dans cette étude le diagnostic clinique reporté sur l’ordonnance n’a pas été remis en question. Le comité thérapeutique en association avec le Clin et en accord avec la CME a rédigé en 1999 des recommandations d’antibiothérapie curative. Des représentants de chaque spécialité médicale et chirurgicale du CHLMV ont participé à la rédaction de ces recommandations présentées sous la forme d’un livret de poche. Ces recommandations sont issues des différents documents de références disponibles et sont adaptées aux infections les plus souvent rencontrées au CHLMV. Le livret comportant l’ensemble des données a été distribué à l’ensemble des prescripteurs potentiels de l’hôpital de manière périodique (à chaque changement d’internes) et a été réactualisé une fois par an. L’édition 2000 comporte en plus des recommandations, des indications de posologie standard et de coût journalier par antibiotique. Afin d’évaluer l’impact de ces recommandations, le comité thérapeutique a réeffectué une enquête prospective sur la prescription d’antibiothérapie curative dans les mêmes conditions qu’avant la distribution du livret de recommandations. Nous avons comparé les résultats obtenus avant et après distribution des recommandations. 2. Matériel et méthodes L’enquête est conçue, effectuée et analysée par une équipe multidisciplinaire associant un médecin infectiologue, un pharmacien, deux étudiants en pharmacie, le médecin du service de collecte et d’analyse de l’information médicale (Scaim) et un microbiologiste. L’équipe qui a participé à cette étude est composée des mêmes membres que celle de l’enquête précédente, excepté les étudiants en pharmacie. L’enquête a eu lieu du 7 février au 1er mai 2000, période comparable à celle de 1997 (3 février au 30 avril) en termes de durée, de pathologies saisonnières et d’expérience des médecins non titulaires (internes en fin de stage). Les services participants (tous les services hormis les services de psychiatrie, d’accueil des urgences, les hôpitaux de jour et les
consultations) sont inchangés, tant au point de vue de leur structure que du personnel, par rapport à 1997 et ont donné leur accord pour cette nouvelle enquête. L’ordonnance utilisée est similaire à la précédente (Tableau 1). La seule modification est le rajout sous la rubrique durée prévue de la précision suivante: « la durée prévue à signaler est la durée prévue pour la totalité du traitement ». Le mode de recueil, les critères d’évaluation et l’analyse des ordonnances ainsi que les modalités de dispensation des antibiotiques sont identiques à ceux de l’enquête précédente [2]. La comparaison des résultats est effectuée à l’aide du test v2 pour un risque de 0,05. 3. Résultats 3.1. Taux de réponses Sept cent trente-huit ordonnances ont été recueillies pendant la durée de l’étude, correspondant à 497 patients hospitalisés et traités par antibiotiques à visée curative par voie systémique à comparer à 656 ordonnances pour 498 patients en 1997. L’exhaustivité du recueil des ordonnances a été évalué à deux reprises (par une enquête un jour donné), en vérifiant dans tous les services qu’une ordonnance est bien parvenue pour tous les patients traités. Ce taux est de 97 % et a été considéré comme constant au cours de l’enquête. Le taux d’exhaustivité peut être considéré comme identique dans les deux enquêtes. 3.2. Répartitions des prescripteurs et des prescriptions Pendant la durée de l’étude, 247 prescripteurs potentiels ont été recensés ; 94 ont effectivement signé une ou plusieurs ordonnances. Lors de l’étude précédente 175 prescripteurs potentiels avaient été recensés et 79 d’entre eux avaient prescrit. La répartition des prescripteurs est représentée sur le Tableau 2. Les ordonnances ont été signées en 1997 et en 2000 par respectivement 39 et 27 % des internes, 28 et 33 % des praticiens hospitaliers, 21 et 31 % des attachés, 12 et 5 % des assistants. Les praticiens attachés contractuels ont signé 4 % des ordonnances en 2000 (ces médecins avaient le statut d’attaché en 1997). Le taux de patients sous antibiotique est similaire dans les deux études : 10 % en 2000 versus 11 % en 1997. Les différents taux de patients sous antibiotiques selon les services sont représentés sur le Tableau 3. Les services de réanimation, de pneumologie et de médecine ont les taux les plus importants de patients sous antibiotiques à visée curative (respectivement 33, 28 et 21 %). Ce taux a diminué en gériatrie (31 % en 1997, 19 % en 2000) et a augmenté en
194 Tableau 1 Ordonnance d’antibiotiques Prescription of antibiotics
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Tableau 1 (suite) Codage des infections Coding infections
Tableau 2 Répartition des prescripteurs en 1997 et 2000 Distribution of prescribers according to position, in 1997 and 2000
1. Infections urinaires 1.1 – Infections urinaires basses 1.2 – Infections urinaires hautes 1.3 – Infections urinaires prostatites 2. O.R.L. 2.1 – Angines 2.2 – Sinusites 2.3 – Otites 2.4 – Autres 3. Infections bronchopulmonaires 3.1 – Pneumopathies 3.2 – Bronchites aiguës sujet sain 3.3 – Poussées aiguës de BPC 3.4 – Autres 4. Tuberculose 4.1 – Tuberculose pulmonaire 4.2 – Tuberculose – Autre 5. Infections cutanées 5.1 – Infections cutanées superficielles (impétigo, intertrigo, folliculite) 5.2 – Infections cutanées dermo-épidermiques (Erysipèle) 5.3 – Infections cutanées parties molles 5.4 – Autres 6. Infections digestives 6.1 – Diarrhées aiguës bactériennes 6.2 – Diarrhées aiguës parasitaires 6.3 – Infections des voies biliaires 6.4 – Péritonites 6.5 – Cholecystites 6.6 – Infections du liquide d’ascite 6.7 – Abcès profonds 6.8 – Autres 7. Infections gynécologiques 7.1 – Infections maternofœtales 7.2 – Plaies postopératoires 7.3 – Glandes mammaires 7.4 – Autres 8. Infections opportunistes VIH 9. Paludisme 10. Infections ostéoarticulaires 11. Endocardites 12. Neutropenies fébriles 13. Septicémies 14. Méningites aiguës bactériennes (en dehors de la tuberculose) 15. Autres infections (préciser) 16. Antibioprophylaxie
Prescripteurs Internes Praticiens hospitaliers Assistants Attachés PAC Total
oncologie (6 % en 1997, 22 % en 2000) ainsi qu’en pneumologie (22 % en 1997, 28 % en 2000).
1997 (%) 39 28 12 21 NA* 100
2000 (%) 27 33 5 31 4 100
* : non applicable, étaient pour la plupart attachés
dans les deux enquêtes (1,3 en 1997, 1,5 en 2000). Compte tenu des données disponibles au CHLMV, la gravité des patients ne peut être comparée que pour les patients hospitalisés en réanimation : l’IGS2 moyen était de 34 pendant les deux périodes d’étude. La présence d’une sonde urinaire représentait 20 % des facteurs de risque signalés en 1997 et 2000. La dénutrition, appréciée de façon probablement arbitraire par les cliniciens, représentait 18 % en 1997 et 10 % en 2000, la présence d’un cathéter central 10 % en 1997 et 18 % en 2000, l’intubation 10 % en 1997 et 16 % en 2000. 3.4. Répartition des indications Quatre cent quarante-neuf prescriptions recueillies en 2000 sont des prescriptions probabilistes ; elles représentent 66 % des prescriptions contre 55 % en 1997. Un prélèvement à visée diagnostique a été effectué pour 451 des 738 ordonnances en 2000 et pour 454 des 656 ordonnances en 1997. Une antibiothérapie préalable est signalée sur 74 ordonnances en 1997 et 75 ordonnances en 2000 ; elles correspondent, pour la plupart à la poursuite de l’antibiothérapie mise en route par le service des urgences dans les heures précédant l’hospitalisation. Une allergie à certains antibiotiques a influencé le choix dans 19 cas en 1997 et 20 cas en 2000, ce qui représente dans les deux cas 3 % des facteurs influençant le choix de l’antibiotique. 3.5. Répartition des sites infectieux La répartition des sites infectieux est présentée sur le Tableau 4 ; les sites les plus souvent trouvés sont les infections respiratoires (37 % en 1997, 36 % en 2000) et urinaires (25 % en 1997 et 26 % en 2000) dans les deux études. 3.6. Résultats microbiologiques
3.3. Type de patients Le nombre de patients hospitalisés pendant la période de l’étude est similaire à celle de 1997 (4360 patients en 1997 et 4774 en 2000) de même que le nombre de patients sous antibiothérapie (498 patients en 1997, 497 en 2000). L’âge moyen des patients était de 53 ans en 1997 et 57 en 2000, le sex-ratio est identique dans les deux études (M/F = 0,84). Le nombre d’ordonnances par patient est similaire
Le nombre de germes mis en évidence en 2000 est de 287 alors que 279 germes avaient été mis en évidence en 1997. Lors de la deuxième étude, 138 germes ont été identifiés a posteriori ; les antibiotiques utilisés étaient adaptés aux germes isolés. Au niveau des deux sites les plus fréquents, un prélèvement a été effectué respectivement en 1997 et 2000 dans 96 et 93 % des infections urinaires, 52 et 43 % des infections bronchopulmonaires ; un germe a été mis en évi-
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Tableau 3 Répartition des patients sous antibiothérapie curative par service Distribution of patients undergoing curative antibiotherapy, according to wards
Tableau 4 Répartition des sites infectieux et des infections nosocomiales en 1997 et en 2000 Distribution of infectious localizations and nosocomial infections in 1997 and 2000 Infection Respiratoire Urinaire Digestif Gynécologique Cutané Bactériémie Ostéoarticulaire ORL VIH Méningite Endocardites Autres Total
1997 Nbre (%) 252 (37) 171 (25) 54 (8) 73 (11) 45 (7) 12 (2) 5 (1) 45 (7) ND 2 0 19 (3) 678 (100)
Nosocomial (%) 153 (61) 110 (64) 2 (1) 0 6 (2) 1 1 5 (2) 0 2 (1) 0 286 (42)
dence dans respectivement 84 % des infections urinaires et 33 % des infections respiratoires en 1997, dans 86 % des infections urinaires et 66 % des infections bronchopulmonaires en 2000. Les germes les plus fréquents mis en évidence sont dans les deux études Escherichia coli et Pseudomonas aeruginosa ; le taux d’E. coli résistant à l’ampicilline est de 55 % en 1997 et de 58 % en 2000. Le nombre de patients présentant une infection avec un germe multirésistant était de 6 en 1997 (4 Enterobacter spp. secréteurs de bêtalactamases à spectre étendu et 2 staphylocoques dorés méticilline-résistants) ; 21 patients présentaient une infection à germe multirésistant en 2000 (2 Enterobacter spp. secréteurs de bêtalactamases à spectre élargi, 7 P. aeruginosa résistants à la ticarcilline, à la ceftazidime ou à l’imipenem, un Proteus mirabilis secréteur de bêtalactamases à spectre étendu et 11 staphylocoques
2000 Nbre (%) 286 (36) 207 (26) 78 (10) 47 (6) 45 (5) 32 (4) 33 (4) 22 (3) 5 (1) 4 4 40 (5) 803 (100)
Nosocomial (%) 186 (65) 132 (64) 27 (35) 11 (22) 23 (52) 24 (75) 25 (75) 15 (63) 0 0 2 (50) 15 (38) 460 (57)
dorés méticilline-résistants). De plus, en 2000, un pneumocoque de sensibilité diminuée à la pénicilline a été isolé dans une hémoculture. 3.7. Estimation du taux des patients présentant une infection nosocomiale À partir des données disponibles (date d’entrée au CHLMV et date de première prescription d’antibiotique considérée comme concomitante à l’apparition d’un syndrome infectieux), une infection est considérée comme a priori nosocomiale si la première prescription antibiotique est effectuée après un minimum de 48 h d’hospitalisation au CHLMV. Ce type de recueil ne permet qu’une estimation approximative du nombre et de la répartition des infections nosocomiales.
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À partir de cette estimation, une infection nosocomiale est trouvée chez 190 malades en 1997 et 262 en 2000, soit 4,4 % des patients hospitalisés en 1997 et 5,5 % en 2000. Le taux d’infections nosocomiales représente 42 % des infections répertoriées en 1997 et 57 % de celles répertoriées en 2000. Les infections le plus souvent trouvées sont les infections respiratoires (153 cas en 1997, 185 cas en 2000) et les infections urinaires (110 cas en 1997 et 132 en 2000). 3.8. Répartition des antibiotiques Les antibiotiques disponibles à la pharmacie du CHLMV étaient les mêmes en 1997 et 2000 ; 904 antibiotiques ont été prescrits en 1997 et 1079 en 2000. L’antibiotique le plus prescrit est l’amoxicilline–ac. clavulanique dans les deux études, suivi des fluroquinolones et des céphalosporines. Une augmentation du nombre de journées de traitement par céphalosporines (600 jours en 1997, 1367 en 2000 soit une augmentation de 128 %) et fluoroquinolones (1256 jours en 1997, 1591 en 2000 soit une augmentation de 27 %) est constatée entre les deux périodes. Cette augmentation se traduit par une augmentation globale du coût de 33 % (57 382 euros en 1997, 76 865 euros en 2000) à coût unitaire des antibiotiques constant au CHLMV entre les deux périodes. Les prescriptions d’amikacine (42 ordonnances en 1997, 26 en 2000) ont diminué au profit de la gentamicine (32 ordonnances en 1997, 52 en 2000), ce qui constitue une économie de 4566 euros. La vancomycine reste plus souvent prescrite que la teicoplanine. 3.9. Analyse des critères d’adéquation Les critères d’évaluation utilisés sont les mêmes que ceux définis lors du premier audit (Tableau 5) ; la comparaison des résultats est effectuée à l’aide du test v2 pour un risque de 0,05. Parmi les 738 ordonnances collectées en 2000, 438 (59 %), étaient adaptées alors que 306 (47 %) des 656 ordonnances avaient été considérées adaptées en 1997. Vingt-deux ordonnances ont été considérées en 2000 comme non évaluables faute de renseignements suffisants sur l’ordonnance et sur le dossier du patient. En 2000, 284 critères d’inadéquation ont été mis en évidence pour 278 ordonnances. Le nombre de critères d’inadéquation par ordonnance inadaptée a diminué de 1,5 en 1997 à 1 en 2000. La répartition des critères d’inadéquation est présentée sur le Tableau 6. Les critères d’inadéquation le plus souvent relevés sont l’indication inadéquate de l’antibiotique prescrit (28 %) suivi de la durée trop courte du traitement (24 %). Le taux d’ordonnances inadapté pour motif économique (Tableau 5) est passé de 24 % en 1997 à 6 % en 2000. 4. Discussion 4.1. Taux de réponses Le taux d’exhaustivité important dans les deux études est probablement dû à une excellente participation qui peut s’expliquer par les faits suivants :
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• la coopération des prescripteurs qui ont participé à l’élaboration de l’enquête ; l’adhésion des prescripteurs à la seconde étude a été acquise par la présentation des résultats obtenus lors de la première étude, leur participation à l’élaboration du recueil d’antibiothérapie et de la mise à jour de ce dernier, et l’accord pour le second audit donné par la CME, le comité thérapeutique et le Clin ; • l’aide constante tout au cours de la période de l’audit de deux étudiantes en pharmacie, pour le recueil des données nécessaires et cela pour les deux études ; • le fait que la plupart des antibiotiques étaient déjà en dispensation journalière pharmaceutique sur ordonnance individuelle. 4.2. Répartitions des prescriptions Le nombre de prescripteurs a considérablement augmenté entre 1997 et 2000 : les prescripteurs potentiels ont augmenté de 41 % (175 à 247), les prescripteurs effectifs de 25 % (75 à 94). Le pourcentage d’internes a diminué (39 à 27 %) au profit des praticiens hospitaliers (28 à 33 %) ; cette évolution résulte peut-être d’une prise de conscience de l’importance de la prescription des antibiotiques, dont la responsabilité doit incomber à des praticiens expérimentés. La diffusion des recommandations a été effectuée auprès de l’ensemble des prescripteurs potentiels à deux reprises au cours de l’année 1999. Une explication orale sur l’utilisation des livrets de recommandations a été effectuée à chaque changement d’internes. La diffusion itérative avec encouragement à son utilisation a permis probablement d’augmenter le taux d’ordonnances adéquates malgré l’augmentation du nombre de prescripteurs. 4.3. Type de patients Le nombre de patients et leurs caractéristiques sont semblables dans les deux études : l’âge moyen est de 53 ans en 1997 et de 57 ans en 2000, le sex-ratio M/F est de 0,84. Il existe une augmentation d’activité à l’hôpital : le nombre de points Isa réalisés pendant la première étude était de 4 906 713 et de 5 230 389 pendant la deuxième étude, soit une augmentation de 7 %. De même, il existe une augmentation des entrées de 5 % (4976 en 1997, 5211 en 2000). Cette augmentation d’activité explique en partie l’augmentation des dépenses en antibiothérapie au CHLMV. La gravité des patients hospitalisés en réanimation (selon l’IGS2) n’est pas modifiée entre les deux études. Parmi les patients traités par antibiothérapie curative il existe une tendance à l’augmentation du nombre de malades porteurs de cathéter centraux (43 en 1997, 56 en 2000) et des malades intubés (39 en 1997, 52 en 2000), et à la diminution des patients dénutris (75 en 1997 et 35 en 2000). Le pourcentage de patients traités par antibiotiques en gériatrie a nettement diminué, cela est attribuable à l’impact des recommandations préconisant notamment l’abstention
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Tableau 5 Critères d’évaluation d’adéquation et d’inadéquation des ordonnances Criteria used for the assessment of suitability and unsuitability of prescription Ordonnance adaptée Une ordonnance est considérée adaptée lorsqu’elle est conforme aux documents de référence disponibles. Ordonnance inadaptée pour indication inadéquate Un traitement est considéré comme inadapté si pour l’indication indiquée le traitement proposé n’est pas répertorié dans les documents de référence disponibles. Les associations prescrites inutiles rentrent aussi dans ce critère. Ordonnance inadaptée pour non respect de l’antibiogramme Lorsque la prescription a été faite après les résultats de l’antibiogramme et que le germe retrouvé est cliniquement soit résistant, soit intermédiaire à l’antibiotique prescrit. Un streptocoque est considéré cliniquement sensible aux aminosides en association avec des bêta-lactamines bien qu’intermédiaire sur l’antibiogramme. Un pneumocoque est considéré cliniquement sensible aux pénicillines s’il est intermédiaire sur l’antibiogramme à condition d’être prescrit à une posologie élevée. Ordonnance inadaptée pour motif écologique Seuls les cas suivants ont été pris en considération : • la prescription d’imipéneme-cilastatine en monothérapie sur un Pseudomonas aeruginosa ; • la prescription de fluoroquinolones en monothérapie sur le staphylocoque méticilline sensible dans certains cas (infections ostéoarticulaires par exemple) ; • la prescription de rifampicine, de fosfomycine et d’acide fusidique en monothérapie ; • la prescription de glycopeptides sur un staphylocoque méticilline sensible. Ordonnance inadaptée pour motif économique Un traitement est considéré comme inadapté pour motif économique si : • la prescription est trop longue et/ou ; • la prescription d’un antibiotique est faite par voie IV lorsque la voie orale est possible de manière certaine et à efficacité clinique identique (ex : fluoroquinolones) et/ou ; • l’utilisation de teicoplanine est effectuée lorsque l’indication d’un glycopeptide est justifiée et que le patient est perfusé. Ordonnance inadaptée pour durée trop courte Un traitement est considéré comme inadapté pour durée trop courte si la durée de traitement est inférieure à celle recommandée par les documents de référence disponibles. Ordonnance inadaptée pour durée trop longue Un traitement est considéré comme inadapté pour durée trop longue si la durée de traitement est supérieure à celle recommandée par les documents de référence disponibles. Ordonnance inadaptée pour sous-dosage La posologie est inférieure à celle recommandée par les documents de référence disponibles, compte tenu des données fournies concernant les données du patient. Ordonnance inadaptée pour sur-dosage Un traitement est considéré comme inadapté pour sur-dosage si la posologie est supérieure à celle recommandée par les documents de référence disponibles, compte tenu des données indiquées sur l’ordonnance. Association inadaptée pour motif économique Un ou plusieurs des antibiotiques de l’association prescrite est inutile. Association inadaptée pour non-indication Un ou plusieurs des antibiotiques de l’association prescrite est inutile. Ordonnance inadaptée pour rythme d’administration non-conforme Le rythme d’administration est différent de celui recommandé par les documents de référence disponibles, compte tenu des données indiquées sur l’ordonnance.
d’antibiothérapie dans les bronchites des sujets sains. L’analyse comparative des ordonnances effectuées pour les patients d’oncologie a mis en évidence une augmentation en 2000 du nombre de patients hospitalisés à un stade terminal qui reçoivent un traitement antibiotique pour des infections secondaires à leur néoplasie, entraînant une augmentation d’antibiotiques dans ce service. Il est également mis en évidence une augmentation de consommation d’antibiotiques en pneumologie en 2000 qui est liée à l’augmentation du nombre de patients sous antibiotiques dans ce service pendant cette période ; cette différence est liée à une augmentation parallèle de l’activité du service par rapport à 1997 et à une modification du profil des patients hospitalisés avec un nombre plus important de pneumopathies notamment chez
des patients présentant une décompensation de bronchite chronique obstructive. 4.4. Répartition des indications et des sites infectieux Les indications et les sites infectieux sont similaires dans les deux études. Cela est dû aux types d’activités similaires dans les deux études. Cette répartition est proche de celle trouvée dans d’autres études [3]. 4.5. Résultats microbiologiques Le nombre de germes isolés est similaire dans les deux études (287 en 2000 contre 279 en 1997) ; il existe néan-
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Tableau 6 Répartition des ordonnances en 1997 et 2000 Distribution of prescriptions in 1997 and 2000
Ordonnances : Adéquates Critères d’inadéquation : Indication inadéquate Motif économique Durée trop courte Durée trop longue Rythme d’adm. non conforme Sous-dosage Association non prescrite Surdosage Non respect de l’antibiogramme Motif écologique Autres Total critères d’inadéquation
1997 Nbre et (%)
2000 Nbre et (%)
306 (47 ; IC 95 % = 43–51)
438 (59 ; IC 95 % = 55–63)
p < 0,001
86 (17) 126 (24) 196 (38) 53 (10) 22 (4) 21 (4) 9 (2) 7 (1) 1 (0) 0 (0) 0 521
85 (30) 18 (6) 73 (26) 19 (7) 5 (2) 8 (3) 56 (20) 4 (1) 0 (0) 6 (2) 10 (2) 284
NS p < 0,001 p < 0,001 p < 0,001 p < 0,001 p < 0,001 p < 0,001 non pertinent non pertinent non pertinent non pertinent
moins une augmentation de prélèvements positifs parmi les infections bronchopulmonaires. Cette augmentation est liée à un changement de modalité de prélèvements : moins d’aspirations bronchiques et plus de prélèvements distaux protégés. Le taux d’E. coli résistant à l’ampicilline est stable et le taux de E. coli résistant aux fluoroquinolones est de 7 % ; les recommandations de traitement probabiliste des infections urinaires ne devraient pas changer dans l’immédiat. Il existe une augmentation du nombre de patients infectés par des staphylocoques dorés résistants à la méticilline (Sarm), plus particulièrement en orthopédie. Cette évolution est probablement due à deux raisons : il n’est pas encore prévu de dépistage de porteurs de Sarm en préopératoire dans ce service et l’antibioprophylaxie utilisée est le céfuroxime pour tous les patients. Il serait probablement utile de prévoir au CHLMV un dépistage des patients porteurs de Sarm en préopératoire et de rappeler l’intérêt chez ces patients d’utiliser la vancomycine en prophylaxie. Le critère d’inadaptation pour critère écologique est trouvé sur 6 ordonnances en 2000 alors qu’il était inexistant en 1997, ce critère correspond essentiellement à l’utilisation de l’imipenem en monothérapie. De plus aucun P. aeruginosa intermédiaire ou résistant à la ceftazidime, à l’imipenem et aux fluoroquinolones n’a été isolé en 1997 alors que 7 souches ont été isolées en 2000. Il est donc essentiel d’insister, lorsque l’imipenem doit être prescrit sur la nécessité de l’associer à un autre antibiotique du fait de la sélection rapide de Pseudomonas aeruginosa imipenem résistant en cas de monothérapie. 4.6. Estimation du taux des patients présentant une infection nosocomiale Le taux estimé suivant la méthodologie adoptée est évaluée à 4,4 % des patients hospitalisés en 1997 et 5,5 % en 2000. Il n’a pas été mis en évidence d’explication. Il s’agit
d’une augmentation constatée de manière systématique dans tous les services, malgré les actions renforcées du Clin. 4.7. Répartition des antibiotiques L’augmentation du coût des antibiotiques peut être expliquée par l’augmentation de l’activité de l’hôpital et par l’évolution des résistances bactériennes. Il est à noter qu’au CHLMV les prix des antibiotiques sont restés identiques pendant les deux périodes. Les messages concernant le choix préférentiel d’un antibiotique dans une même classe pour raison économique sont davantage suivis d’effets que ceux concernant le choix de l’antibiotique par rapport à l’indication. Les conseils d’utiliser de façon préférentielle la gentamicine plutôt que l’amiklin ont été bien suivis alors que le changement interclasse n’est pas évident. 4.8. Analyse des critères d’adéquation La mise en place de recommandations, leur distribution régulière à l’ensemble des prescripteurs et le rappel de l’intérêt de leur utilisation à chaque changement d’internes a permis d’observer entre 1997 et 2000 les points suivants : • une augmentation significative du taux d’ordonnances adaptées et une diminution des ordonnances inadaptées pour tous les critères exceptés l’indication inadéquate. Nos résultats sont différents de ceux obtenus par d’autres équipes, cela est en partie due au grand nombre d’indications ciblées dans notre étude versus une seule, par exemple pneumopathie, dans l’étude de Clements et al. et celle de Dobbin et al. [4,7]. Le taux d’ordonnances adaptées pour l’indication doit être amélioré par des mesures complémentaires telles que des entretiens amicaux avec les prescripteurs d’ordonnances inadéquates par exemple [6]. Le nombre de critères d’inadaptation par ordonnance inadéquate diminue de 1,5 en 1997 à 1
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Fig. 1. Chronologie des différentes interventions dans le cadre des audits sur l’utilisation des antibiotiques à visée curative au CHLMLV. Fig. 1. Chronology of the various actions for audits on the use of curative purpose antibiotics at the CHLMLV.
en 2000. Les erreurs trouvées dans les ordonnances inadaptées pour l’indication sont très variables et aucune erreur n’est présente à une fréquence plus élevée que les autres ; elles ne touchent aucune indication ou antibiotique particulier, elles ne sont trouvées dans aucun groupe particulier de prescripteurs ou de patients. Dans la majorité des cas, ces erreurs n’entraînent pas d’échec clinique. En effet l’analyse des comptes-rendus d’hospitalisation des patients (tous accessibles sur informatique depuis janvier 2000) avec ordonnances inadaptées pour l’indication n’a pas mis en évidence d’échec clinique ; • le message économique est bien passé avec une diminution d’utilisation d’amikacine au profit de la gentamicine et une diminution significative du nombre d’ordonnances inadaptées pour motif économique. Ce résultat est en accord avec ceux obtenus dans des études similaires [5,7,8] ; • la diminution du nombre d’ordonnances inadaptées pour durée trop courte est due en partie à la précision apportée sur l’ordonnance concernant la durée prévue à signaler qui doit être la durée prévue pour la totalité du traitement. La comparaison des résultats de cette étude à celles décrites dans d’autres publications n’est pas aisée du fait de l’absence d’homogénéité des paramètres analysés : patients pédiatriques uniquement [4], certaines molécules [9], ou certaines infections ciblées [4,9].
5. Conclusion
• d’obtenir à nouveau l’accord des praticiens aux recommandations actualisées, accord nécessaire à leur utilisation [13] ; • de communiquer à l’ensemble des praticiens les résultats des deux audits et à ceux qui le souhaitent leurs propres résultats [] ; • de mettre à jour annuellement ces recommandations en fonction de l’écologie du CHLMV, des nouvelles recommandations nationales et des nouvelles molécules ; • de rappeler l’existence et l’utilité des recommandations locales de manière régulière avec un minimum de deux fois par an lors du changement des internes et de les diffuser en version papier à chaque prescripteur et par intranet sur le réseau informatique de l’hôpital ; • d’envisager la mise en place de prescriptions médicales informatisées avec un accès facilité aux recommandations locales [6] ; • d’effectuer des formations continues ciblées dans les services avec études de cas cliniques par exemple [6] ; • d’effectuer des audits réguliers avec retour des résultats aux prescripteurs comme cela est suggéré par d’autres auteurs [12–14] (Fig. 1).
Remerciements Remerciements à Gaëlle Jan et Chinary Vilaylack.
Références [1]
Le taux d’ordonnances adaptées a augmenté de manière significative entre les deux audits (47 à 59 %, p < 0,001). Cette amélioration est liée très probablement à la diffusion du livret de recommandations à l’ensemble des prescripteurs. Ce résultat est encourageant mais insuffisant ; en l’absence de mesures complémentaires, les effets positifs des mesures mises en place risquent rapidement de disparaître [10–12]. Dans le cadre d’une amélioration continue de la qualité en pratique clinique nous proposons compte tenu des possibilités du CHLMV :
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Andem. Le bon usage des antibiotiques à l’hôpital. Recommandations pour maîtriser le développement de la résistance bactérienne. Recommandations pour la pratique clinique. Paris: Norbert Attali; 1997. David-Ouaknine F, Kinoo J, Echard Y, Hacquard B, Decazes JM. Évaluation sur trois mois des prescriptions d’antibiothérapies systémiques à visée curative dans un centre hospitalier général de 759 lits. Méd Mal Infect 1999;29:499–507. Raveh D, Levy Y, Schlesinger Y, Greenberg A, Rudensky B, Yinnon AM. Longitudinal surveillance of antibiotic use in the hospital. QJM 2001;9(3):141–52. Clements H, Stephenson T, Gabriel V, Harrison T, Millar M, Smyth A, Tong W, Linton CJ. Rationalised prescribing for community acquired pneumonia: a closed loop audit. Arch Dis Child 2000. 2000;83:320–4.
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