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Neurochirurgie 54 (2008) 750–756
Article original
Implications pronostiques de différents marqueurs biologiques dans les méningiomes intracrâniens : à propos de 120 cas Prognostic implications of biologic markers in intracranial meningiomas: 120 cases P. Metellus a,∗ , I. Nanni b , C. Dussert c , M. Trinkhaus e , S. Fuentes a , O. Chinot b , L.H. Ouafik c , F. Fina b , H. Dufour a , D. Figarella-Branger d , F. Grisoli a , T.T. Lah e , P.-M. Martin b a
Service de neurochirurgie, département de neurochirurgie, hôpital de la Timone, 264, rue Saint-Pierre, 13385 Marseille cedex 05, France b Laboratoire de transfert d’oncologie biologique, faculté de médecine Nord, Marseille, France c Laboratoire de cancérologie expérimentale, faculté de médecine Nord, Marseille, France d Département de neuropathologie, hôpital de la Timone, Marseille, France e Département de toxicologie génétique et de biologie du cancer, institut national de biologie, Ljubljana, Slovénie Rec¸u le 13 juillet 2007 ; accepté le 11 f´evrier 2008 Disponible sur Internet le 28 aoˆut 2008
Abstract The recurrence and progression of treated intracranial meningiomas highlights the problem of the type of follow-up that should be used and whether early complementary treatment is indicated. The aim of this study was to evaluate different biochemical markers involved in cell proliferation and transformation to identify new prognostic factors in intracranial meningiomas. Between 1989 and 2003, 120 intracranial meningiomas were studied biochemically. The levels of estrogen receptors (RE), progesterone receptors (RP), cathepsin B (CB), cathepsin L (CL), stefin A (ATA), stefin B (STB), cystatin C (CYSC), urokinase (u-PA), type 1 plasminogen activator inhibitors (PAI-1), cathepsin D (CD) and thymidine kinase activity (TK) were measured in tumor extracts using biochemical assays. Results. – Out of 120 meningiomas, 73 were grade I, 39 grade II and eight grade III according to the WHO classification. Of these patients, 17 showed recurrence. The mean follow-up was 47 months. Monofactorial analysis showed that expression of progesterone receptors (RP) had an inverse correlation with recurrence (p = 0.0025 %) and that thymidine kinase activity (TK), cathepsin L (CL), the WHO grade and the degree of tumor resection correlated with recurrence (p < 0.05). Principal component analysis and linear discriminant analysis confirmed these results. The results of this study confirm the importance of biological parameters (PR, CL, TK) as prognostic factors for the risk of recurrence in intracranial meningiomas. © 2008 Publi´e par Elsevier Masson SAS. Résumé Le type de suivi et de l’indication d’un traitement complémentaire dans les méningiomes intracrâniens traités est intimement lié au risque de récidive ou de reprise évolutive. Le but de cette étude est d’identifier différents marqueurs biologiques impliqués dans la prolifération et la transformation cellulaire afin d’évaluer une nouvelle approche pronostique dans les méningiomes intracrâniens. Entre 1989 et 2003, 120 méningiomes intracrâniens ont été étudiés biologiquement. Les taux des récepteurs aux estrogènes (RE), des récepteurs à la progestérone (RP), de cathepsine B (CB), de cathepsine L (CL), de stéfine A (STA), de stéfine B (STB), de cystatine C (CYSC), d’urokinase (u-PA), d’inhibiteur des activateurs du plasminogène de type 1 (PAI-1), de cathepsine D (CD) et l’activité thymidine kinase (TK) ont été mesurés dans les tumeurs par techniques biochimiques. Parmi les 120 méningiomes, 73 étaient de grade I, 39 de grade II et 8 de grade III dans la classification WHO. Sur l’ensemble de la population, 17 méningiomes ont récidivé. Le suivi moyen était de 47 mois. En analyse monofactorielle, les taux de RP étaient anticorrélé à la récidive (p = 0,0025 %), l’activité TK, la CL, le grade WHO et le degré de résection tumorale étaient corrélés à la récidive (p < 0,05). L’étude multifactorielle réalisée par analyse en composante principale et analyse discriminant linéaire a confirmé ces corrélations de manière
∗
Auteur correspondant. Adresse e-mail :
[email protected] (P. Metellus).
0028-3770/$ – see front matter © 2008 Publi´e par Elsevier Masson SAS. doi:10.1016/j.neuchi.2008.07.005
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pondérée. Les résultats de ce travail permettent de souligner l’importance de la valeur pronostique en terme de risque de récidive de certains paramètres biologiques (CL, PR, TK). © 2008 Publi´e par Elsevier Masson SAS. Keywords: Meningiomas; Prognostic; Recurrence; Biologic markers; Hormonal receptors; Invasion Mots clés : Meningiomes ; Pronostic ; Récidive ; Marqueurs biologiques ; Récepteurs hormonaux ; Invasion
1. Introduction Les méningiomes sont des tumeurs bénignes qui représentent environ 13 à 19 % des tumeurs primitives intracrâniennes (Fewings et al., 2000 ; Helseth et al., 1989 ; May et al., 1989 ; Preston-Martin et al., 1989 ; Rohringer et al., 1989 ; Staneczek et Janisch, 1992 ; Strojnik et al., 2001). L’incidence de ces tumeurs est estimée à quatre à cinq pour 100 000 habitants par an (EliaPasquet et al., 2004). Cette tumeur atteint essentiellement la femme dans une proportion généralement admise de 2/1. Quelles que soient les classifications utilisées, les méningiomes sont des tumeurs histologiquement bénignes dans plus de 90 % des cas (Jaaskelainen, 1986 ; Kallio et al., 1992 ; Melamed et al., 1979). Les méningiomes anaplasiques ou malins ne représentent que de 1,4 à 11,1 % des méningiomes selon les séries (Helseth et al., 1989 ; Rohringer et al., 1989 ; Staneczek et Janisch, 1992). La récidive ou la reprise évolutive des méningiomes intracrâniens traités soulève la question des modalités du suivi et celle de l’indication d’un traitement complémentaire à la phase initiale de la prise en charge. Si le caractère atypique, anaplasique (grade I et II, WHO) ou le caractère incomplet de la résection sont autant d’éléments qui incitent le clinicien à une surveillance plus rigoureuse et, dans certains cas, à décider d’un traitement complémentaire initial, il en est rarement de même pour les méningiomes de grade I considérés comme strictement bénins et ce, quel qu’en soit le degré de résection. Cependant, il est établi qu’approximativement 10 % des méningiomes de grade I évoluent vers une forme plus agressive (grade II et III) (Jaaskelainen, 1986 ; Kallio et al., 1992). Cette hétérogénéité phénotypique des méningiomes de grade I qu’aucun critère clinique, radiologique ou histologique ne permet de détecter met l’accent sur le problème de la stratégie optimale de suivi à adopter dans cette population. Enfin, l’attitude thérapeutique vis-à-vis des méningiomes de grade II dont l’exérèse est incomplète reste encore source de controverse. Les seuls critères anatomopathologiques et d’évaluation de la résection chirurgicale ne permettent pas, à l’heure actuelle, de répondre à ces interrogations. Le but de cette étude est donc d’évaluer différents marqueurs biologiques impliqués dans la prolifération et la transformation cellulaire afin d’identifier de nouveaux facteurs pronostiques potentiellement utilisables en pratique clinique dans les méningiomes intracrâniens.
de la Timone, Marseille, ont été sélectionnés pour cette étude. Pour l’ensemble de ces patients, l’âge, le sexe, la localisation de la tumeur, la qualité d’exérèse, le grade ainsi que le suivi étaient renseignés. 2.2. Préparation des tissus Les fragments tumoraux (50 à 200 mg) ont été broyés dans l’azote liquide à l’aide d’un microdismembrateur, puis la poudre congelée a été homogénéisée dans un tampon pH 7,4 contenant 10 mM Tris-HCl, 1,5 mM EDTA, 10 mM Na2 MoO4 , 0,5 mM DTT, 10 % glycérol (concentrations finales). L’homogénat a été centrifugé une heure à 4 ◦ C à 105 000 g. Le surnageant ou cytosol a été récupéré et conservé dans l’azote liquide jusqu’à utilisation. Les dosages protéiques ont été effectués sur cette fraction cytosolique. 2.3. Analyse biochimique Les protéines cytosoliques ont été dosées par la méthode de Pierce, les résultats étant exprimés en milligrammes par millilitre. Les récepteurs des estrogènes (RE) et de la progestérone (RP) ont été dosés par méthode immunoenzymatique, utilisant des anticorps monoclonaux suivant les recommandations du kit (Abbott Laboratories, Diagnostic Division, Chicago, IL), les taux étant exprimés en fentomoles par milligramme de protéines. La cathepsine B (CB), la cathepsine L (CL), la stéfine A (STA), la stéfine B (STB) et la cystatine C (CYSC) ont été mesurées par méthode immunoenzymatique (KRKA, d.d., Ljubljana, Slovenia) et sont exprimées en nanogrammes par milligramme de protéines. L’urokinase (u-PA) et son inhibiteur (PAI-1) ont été dosés par méthode immunoenzymatique avec la trousse American Diagnostica (Immubind u-PA Elisa, référence 899 et Immubind PAI1 Elisa, référence 821). Les résultats sont exprimés en nanogrammes par milligramme de protéines. Les taux de cathépsines D, exprimés en picomoles par milligramme de protéines, ont été mesurés par méthode immunoradiométrique en phase solide à l’aide d’anticorps monoclonaux (trousse ELSACATH-D, Cis-Bio International). L’activité enzymatique de la thymidine (TK) a été évaluée par méthode radioenzymatique avec la trousse TK-REA (Sangtec Medical, Bromma, Sweden) et exprimée en milli-unités par milligramme de protéines.
2. Matériel et méthodes
2.4. Analyse statistique
2.1. Population
Les relations entre les paramètres deux à deux ont été analysées à l’aide du logiciel StatView 5,0 (Abacus Concept Inc., Berkeley, États-Unis). L’étude de la relation entre deux variables nominales (récidive, grade WHO, type de résection) a
Cent vingt patients opérés entre 1989 et 2003 d’un méningiome intracrânien dans le service de neurochirurgie du CHU
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été réalisée au moyen d’un test du Khi2. Entre variable nominale et variable continue, nous avons utilisé une analyse de variance (Anova) avec un test t. Une valeur de p < 0,05 était considérée comme statistiquement significative. Les données ont fait l’objet d’une analyse en composantes principales (ACP), en utilisant le logiciel StatView 5,0 (Abacus Concept Inc., Berkeley, ÉtatsUnis). L’ACP est une méthode d’analyse factorielle multivariée qui conduit à une représentation des données originelles dans un nouveau système de variables, appelées composantes principales (CP). Chaque CP a la propriété d’expliquer le plus possible, la variance contenue dans les données d’origine. Les CP, qui sont des combinaisons linéaires des variables d’origine, sont orthogonales entre elles et, donc, non corrélées. Il y a autant de CP que de variables originelles, mais les quelques (deux ou trois) premières suffisent à expliquer la plus grand partie de la variance et permettent donc de représenter l’ensemble de données dans un espace de dimensions réduites. Les données ont ensuite fait l’objet d’une ACP discriminante (ACPD), en utilisant le logiciel SPSS Base 10,0 (SPSS Inc., Chicago, États-Unis). L’ACPD est basé sur l’hypothèse que les échantillons d’un même groupe sont plus similaires entre eux qu’avec ceux d’un autre groupe. Le but de l’ACPD est de trouver et d’identifier des structures dans les données d’origine qui donnent lieu à des grandes différences dans les moyennes des deux groupes. Cette méthode implique la connaissance a priori du groupe d’appartenance de certains échantillons ; c’est pourquoi elle est dite supervisée. Les premières CP sont alors des combinaisons linéaires des variables d’origine qui permettent d’expliquer au mieux les différences entre les groupes. D’autres échantillons, dont l’appartenance à l’un ou l’autre groupe est, a priori, inconnue, peuvent alors être représentés dans cet espace principal et leur distance aux groupes préétablis est utilisée pour les classer dans l’un ou l’autre, à l’aide de la fonction discriminante linéaire de Fisher.
Tableau 1 Caractéristiques des patients (n = 120) Patient characteristics (n = 120)
3. Résultats
3.3. Analyse multiparamétrique
3.1. Caractéristiques de la population
L’analyse en composante principale a permis d’identifier deux groupes de patients fortement anticorrélés à la récidive et qui correspondait aux patients dont le taux de RP était haut et aux patients dont l’exérèse avait été radicale (Fig. 1). Il existait deux autres groupes qui étaient positivement corrélés à la récidive et qui correspondaient aux patients dont le taux de CL était élevé et dont le grade histologique était élevé (grade I versus II et III). Enfin, deux autres groupes correspondant aux patients dont l’activité TK et le taux de PAI-1 étaient élevés se rapprochaient du groupe des patients récidivants (Fig. 1). L’analyse discriminante nous a permis de séparer la population en deux sous-groupes en se basant sur les paramètres biologiques du groupe des 17 méningiomes récidivants et sur ceux d’un groupe de méningiomes considérés comme non récidivants, car ayant un suivi clinique et radiologique supérieur à huit ans sans récidive (Fig. 2). Ensuite, un test monoparamétrique a été effectué sur la population des méningiomes récidivants (17 patients) et sur la population des méningiomes considérés non récidivants (quatre patients dont le suivi était supérieur à huit ans). Ce test a montré que les RP était signi-
Parmi les 120 patients opérés d’un méningiome intracrânien, il y avait 80 femmes (66,7 %) et 40 hommes (33,3 %). L’âge des patients variait de 21 à 88 ans avec une médiane à 62 ans. Soixante-dix-huit patients étaient atteints d’un méningiome de grade I (65 %), 39 patients d’un méningiome de grade II (32,5 %) et trois patients d’un méningiome de grade III (2,5 %). La résection était complète (Simpson 1 ou 2) dans 98 cas (81,6 %) (Tableau 1). La distribution des différents marqueurs dosés dans les 120 méningiomes est résumée dans le Tableau 2. 3.2. Analyse monoparamétrique En analyse monoparamétrique, trois paramètres biologiques étaient corrélés significativement à la récidive. Il s’agissait, dans l’ordre de significativité, des RP qui étaient anticorrélés à la récidive (p = 0,002), de la CL (p = 0,0307) et de l’activité TK (p = 0,0416) qui étaient corrélées positivement à la récidive.
Sexe Femmes Hommes
80 (66,7 %) 40 (33,3 %)
Âge Moyenne Extrêmes
54 ± 6,8 SD 21–88
Localisation Convexité Parasagittal/Faux Étage antérieur Sinus caverneux/fosse temporale Fosse postérieure
47 33 15 18 12
Chirurgie Exérèse complète Grade I Grade II Grade III Exérèse incomplète Grade I Grade II Grade III
98 (81,6 %) 62 (63,3 %) 33 (33,7 %) 3 (3,1 %) 22 (18,4 %) 16 (72,7 %) 6 (27,3 %) 0 (0 %)
Histologie (grade OMS) Grade I Grade II Grade III
78 (65 %) 39 (32,5 %) 3 (2,5 %)
Suivi (mois) Moyenne Extrêmes
47,1 23–201
Par ailleurs, il existait également une corrélation entre le grade WHO (II et III versus I) et la récidive (p = 0,003) ainsi qu’entre degré de résection tumorale et la récidive (p = 0,0192).
13,52 1466,34 227,28 2,15 56,05 11,42
6,00 286,76 21,16
STB ng/mg prot
5,36 1172,11 44,20 19,81 1443,15 134,78 0,00 28,77 1,29 8,65 418,41 78,95 Minimum Maximum Médiane
0,00 44,31 2,00
0,61 909,10 78,36
0,00 75,29 23,11
0,00 0,17 0,01
CATB ng/mg prot u-PA ng/mg prot TK mU/mg prot CATD pmol/mg prot RP fmol/mg prot RE fmol/mg prot
Tableau 2 Distribution des marqueurs biologiques dans la population des 120 meningiomes Biologic marker distribution in meningioma population (n = 120)
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Fig. 1. Analyse en composantes principales des facteurs pronostiques. Principal component analysis of prognostic factors.
PAI1 ng/mg prot
CATL ng/mg prot
STA ng/mg prot
CYSC ng/mg prot
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Fig. 2. Analyse discriminante des facteurs pronostiques basée sur 4 cas de méningiomes non récidivants à 8 ans et 17 méningiomes récidivants. Discriminant analysis of prognostic factors based on four nonrecurrent meningiomas at 4 years and 17 recurrent meningiomas.
ficativement plus élevés dans le groupe des méningiomes non récidivants (p = 0,0219). Enfin, le même test monoparamétrique a été effectué dans la population des méningiomes classés comme récidivants et ceux classés comme non récidivant par notre analyse discriminante. Ce test a également mis en évidence une différence significative de la valeur des RP entre ces deux groupes (p < 0,0001). 4. Discussion Depuis le classique rapport de Cushing et Eisenhardt, de nombreuses séries ont établi l’intérêt majeur et le rôle curatif de la chirurgie dans la prise en charge thérapeutique des méningiomes, faisant de l’exérèse chirurgicale le traitement de référence. Cependant, la récidive de méningiomes après chirurgie n’est pas un phénomène rare. En 1957, Simpson fût le premier à s’attaquer véritablement au problème des récidives de manière systématique. Il conclut, à cette époque, que l’élément le plus important et véritablement déterminant dans l’apparition d’une récidive ou, plus exactement, d’une progression tumorale après chirurgie était le degré d’exérèse tumorale, lui-même corrélé à la localisation tumorale. Au cours de ces deux dernières
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décennies, de nombreuses études se sont attachées à évaluer méthodiquement les facteurs affectant la survenue des récidives dans les méningiomes intracrâniens. Ces récidives surviennent dans un délai moyen de sept à huit ans et peuvent survenir jusqu’à 25 ans après la chirurgie, même lorsque celle-ci était considérée comme complète (Jaaskelainen, 1986 ; Kallio et al., 1992). Kallio et al. ont démontré sur une population de 935 méningiomes tout types histologiques confondus, que les trois facteurs influenc¸ant la récidive étaient le caractère radical de la résection, l’invasion osseuse et les critères histologiques d’anaplasie. Cette étude a également démontré que le taux de récidive n’était pas lié au degré de la résection tumorale mais au caractère radical de cette dernière incluant au minimum la coagulation de la dure-mère au niveau de l’insertion (grade 1 et 2 de Simpson) ; aucune différence statistiquement significative n’était retrouvée entre les grade 3, 4 et 5. L’importance des données histologiques résident dans leur valeur potentielle à définir un pronostic pour un patient donné (Kepes, 1986). Cependant, des méningiomes avec des critères histologiques atypiques peuvent avoir une évolution clinique bénigne et à l’opposé, des méningiomes sans aspect histologique de malignité peuvent néanmoins récidiver et donner des métastases (Kepes, 1986). Les efforts développés pour identifier des facteurs pronostiques dans les méningiomes intracrâniens se sont longtemps focalisés sur des critères cliniques, histologiques et d’indices de proliférations. Dans cette étude, nous avons voulu, en tenant compte des facteurs pronostiques identifiés jusqu’ici, analyser le comportement de différents marqueurs biologiques au sein des méningiomes intracrâniens afin d’établir une nouvelle approche pronostique qui se base sur l’ensemble des données biologiques collectées. Nous avons démontré, au cours de cette étude que l’expression des récepteurs à la progestérone était anticorrélée de manière significative à la récidive, à la fois, en analyse monoparamétrique mais également en analyse multivariée. De nombreuses études sur l’association entre méningiomes et récepteurs hormonaux ont été réalisées depuis les années 1980 (Fewings et al., 2000 ; Maiuri et al., 2007 ; Omulecka et al., 2006 ; Pravdenkova et al., 2006 ; Roser et al., 2004 ; Roser et al., 2005 ; Wolfsberger et al., 2004). Nos résultats sont en parfait accord avec ceux de Hsu et al. qui ont démontré en analyse uniet multivariée que l’absence de RP était corrélée positivement à la récidive. Fewings et al. (2000) dans une étude sur 53 patients porteurs de 62 méningiomes ont également démontré que la positivité des RP (> 10 fmol/mg) était corrélée à un meilleur pronostic. Le mécanisme par lequel la positivité des RP est associée à un meilleur pronostic n’est pas encore élucidé. Le fait que les méningiomes classiquement ne soient pas influencés par la phase proliférative du cycle menstruel pendant laquelle le taux d’estrogènes est élevé alors qu’ils le sont lors de la phase lutéale ou pendant la grossesse suggère que la croissance de ces tumeurs est influencée par la présence de la progestérone et non des estrogènes. Le faible taux des RE dans les méningiomes et le fait que la proportion de patients ayant des RP élevés soit supérieure chez les femmes sont compatibles avec ces théories. Il apparaît donc paradoxal qu’un taux de RP bas soit associé à un mauvais pronostic. Une explication pourrait être que la croissance progestérone-
dépendante observée soit un mécanisme qui n’intéresse que les méningiomes strictement bénins alors que, pour les méningiomes atypiques ou anaplasiques, la croissance serait influencée par des facteurs indépendant de la progestérone (Fewings et al., 2000). Récemment, certains auteurs ont démontré que l’activité de la thrombospondin-1, inhibiteur de l’angiogenèse, était régulée par la progestérone dans l’endomètre humain (Iruela-Arispe et al., 1996). Le PAI-1, présent dans les vaisseaux sanguins en prolifération, est plus fortement exprimée dans les méningiomes agressifs histologiquement comme nous l’avons montré ainsi que d’autres auteurs (Arai et al., 1998 ; Sawaya et al., 1995). L’angiogenèse étant connue pour jouer un rôle important dans la tumorigenèse, le mécanisme par lequel la positivité des RP est corrélée à un meilleur pronostic pourrait se faire par la médiation d’inhibiteurs de l’angiogenèse. Parallèlement, la régulation des RP dans les méningiomes n’est pas encore clairement élucidée. En effet, on sait que la positivité des RE dans les méningiomes est de 10 à 15 % (Fewings et al., 2000). Or la positivité des RP est retrouvée dans 70 % des méningiomes. Il est donc peu probable que la régulation des RP se fasse par les estrogènes et les RE comme cela est le cas dans le sein ou l’utérus. Cette hypothèse d’expression des RP indépendante des estrogènes et des RE est également confortée par l’absence d’influence des périodes estrogéniques sur les méningiomes comme cela a été évoqué plus haut. Certains auteurs ont tenté de démontrer qu’il existait des RE mutants ayant perdu leur capacité à fixer la protéine mais qui gardait la capacité de se fixer sur l’élément de réponse aux estrogènes situé dans la région promotrice des RP (Blankenstein et al., 1984 ; Blankenstein et al., 2000). Cependant, aucune des études conduites n’a permis de prouver ce mécanisme. Cela est lié en grande partie aux difficultés rencontrées lors d’études in vitro, car les cellules méningiomateuses ont tendance à perdre l’expression des RP en culture cellulaire, même lorsque des sphéroïdes tridimensionnelles sont utilisées. Il existe maintenant, un niveau d’évidence substantiel concernant l’importance du statut des RP dans le pronostic des méningiomes (Fewings et al., 2000 ; Hsu et al., 1997 ; Maiuri et al., 2007 ; Pravdenkova et al., 2006). Cependant, le statut des RP seul n’est pas assez spécifique pour pouvoir s’en servir comme une véritable aide à la décision en pratique clinique. Les modifications de l’expression de certaines protéases et de leurs inhibiteurs jouent un rôle fonctionnel important dans la locomotion cellulaire tumorale et la survenue de métastases (Egeblad et Werb, 2002 ; Overall et Kleifeld, 2006 ; Rao, 2003). Parmi ces protéases, il existe des protéases lysosomales cystéiniques dont notamment les CB, CD et CL ainsi que leurs inhibiteurs les stéfines A, B et la CYSC. Strojnik et al., dans une étude sur 88 méningiomes, ont démontré que le taux de CB et CL était supérieur dans les méningiomes de phénotype invasif et élevé dans trois de leurs méningiomes qui étaient récidivants. En revanche, aucune différence n’était retrouvée entre l’expression des inhibiteurs de ces protéases dans le groupe des méningiomes invasifs et non invasifs de même qu’entre les méningiomes récidivants et non récidivants. Dans notre étude, il a également été montré que le taux de CL semblait corrélé à la récidive et à un moindre degré le taux des CB et CD. Le taux des
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inhibiteurs de ces cathepsines, comme l’avait montré Strojnik et al., n’était pas corrélé à la récidive dans notre population. Ces résultats confirment la probable implication de l’expression des cathepsines dans l’agressivité des méningiomes. D’autres protéases, comme les activateurs du plasminogène, sont impliquées dans plusieurs aspects du phénotype agressif ou malin de certaines tumeurs cérébrales incluant la tumorigenèse, l’invasion et le potentiel métastatique (Duffy, 1990 ; Ramshaw et al., 1986). Dans une étude récente sur l’expression de l’u-PA et de PAI-1 dans les tumeurs cérébrales, Arai et al. ont démontré une augmentation significative de ces deux marqueurs dans les tumeurs malignes comparées aux tumeurs bénignes. Aucune étude n’avait été menée jusqu’ici visant à évaluer l’impact de l’expression de l’u-PA et du PAI-1 sur une série homogène de méningiomes. Nos résultats montrent que les taux d’u-PA ne sont pas corrélés à la récidive alors que l’élévation des taux de PAI-1 semble à la fois en analyse monovariée et multivariée correspondre à une population de méningiomes récidivants. Si l’antigène Ki-67 est un marqueur de référence dans l’évaluation de la prolifération cellulaire tumorale, plusieurs auteurs ont tenté d’approcher cette donnée biologique par d’autres marqueurs comme l’activité TK. En 1986, Persson et al. retrouvaient déjà des taux de TK très élevés dans les méningiomes agressifs et des taux supérieurs dans les méningiomes récidivants comparés aux méningiomes « primaires ». En 2002, Spyratos et al. retrouvaient une très forte corrélation entre l’activité TK et le MIB-1 dans le cancer du sein. L’analyse de l’activité TK n’avait jamais été réalisée sur une large population de méningiomes auparavant. Nos résultats tendent à confirmer la valeur pronostique de l’activité TK dans les méningiomes intracrâniens en ce sens qu’une augmentation de cette activité semble corrélée à la survenue d’une récidive. 5. Conclusion Les résultats de cette étude ont permis de confirmer sur un nombre important et une population homogène de méningiomes qu’une valeur élevée des RP était corrélée à un bon pronostic. Par ailleurs, d’autres facteurs biologiques comme la CL, la TK et le PAI-1 sont également corrélés à la récidive de manière significative en analyse uni- et multivariée. Dans cette étude, nous avons développé un modèle qui prend en compte plusieurs marqueurs d’intérêt pronostique potentiel afin d’identifier une nouvelle entité biologique pronostique multiparamétrique. Un profil biologique prenant en compte ces différents paramètres nous a permis de classer notre population en méningiomes potentiellement récidivants ou non récidivants. Cette approche a été secondairement validée par une analyse monoparamétrique utilisant un facteur pronostique largement reconnu, le niveau d’expression des RP. Ainsi, une évaluation pronostique basée sur un profil biologique multiparamétrique nous paraît donc représenter une approche intéressante dans les méningiomes intracrâniens. Références Arai, Y., Kubota, T., Nakagawa, T., Kabuto, M., Sato, K., Kobayashi, H., 1998. Production of urokinase-type plasminogen activator (u-PA) and plasminogen
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