Infections à Helicobacter pylori et lymphome gastrique du MALT

Infections à Helicobacter pylori et lymphome gastrique du MALT

Pathologie infectieuse Infections à Helicobacter pylori et lymphome gastrique du MALT P. Lehours, F. Mégraud Laboratoire de Bactériologie, CHU Pelleg...

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Pathologie infectieuse

Infections à Helicobacter pylori et lymphome gastrique du MALT P. Lehours, F. Mégraud Laboratoire de Bactériologie, CHU Pellegrin, CNR des campylobacters et hélicobacters, Place Amélie Raba Léon, 33076 Bordeaux cedex. Correspondance : P. LEHOURS, voir adresse ci-dessus. e-mail : [email protected]

Résumé/Abstract ■■ ■■■■■■■■■■■■■■■■■■■■■■■■■■■■■■■■■■■■■■■■■■■■ Infections à Helicobacter pylori et lymphome gastrique du MALT P. Lehours, F. Mégraud L’infection à Helicobacter pylori est impliquée dans le développement de deux cancers gastriques différents : l’adénocarcinome gastrique et le lymphome gastrique du MALT. L’association en particulier avec le lymphome gastrique du MALT est forte et causale. C’est actuellement le seul cancer pouvant être traité par un simple traitement antibiotique. Cependant l’évolution de l’infection à H. pylori vers le lymphome est exceptionnelle. Les facteurs de susceptibilité de l’hôte, et les facteurs d’environnement prédisposant au lymphome restent à découvrir. Les facteurs bactériens commencent à être appréhendés. Mots-clés : lymphome, MALT, H. pylori.

Infection with Helicobacter pylori and gastric lymphoma of MALT-type P. Lehours, F. Mégraud The infection with H. pylori is implicated in the development of two different gastric cancers: the gastric adenocarcinoma and gastric lymphoma of MALT-type. Association in particular with the gastric lymphoma of MALT is strong and causal. It is currently the only cancer which can be treated by a simple antibiotic treatment. However the evolution of the infection with H. pylori towards the lymphoma is exceptional. Factors of susceptibility of the host, and the environmental factors predisposing to the lymphoma remain to be discovered. The bacterial factors start to be apprehended. Key words: lymphoma, MALT, H. pylori. Antibiotiques 2005 ; 7 : 97-105

© Masson, Paris, 2005

Introduction Vingt ans se sont écoulés depuis que deux chercheurs australiens réussirent, pour la première fois, à cultiver Helicobacter pylori [1, 2]. Cette bactérie strictement adaptée à l’homme possède des propriétés originales. Tout d’abord on considère qu’elle infecte environ la moitié de la population mondiale. Elle est, de plus, adaptée à la muqueuse gastrique en particulier grâce à la production d’une grande quantité d’uréase qui, en neutralisant l’acidité gastrique, permet sa survie. Dix à 20 % seulement des sujets infectés développent des maladies gastro-duodénales de spectre très hétérogène : la gastrite, l’ulcère, l’adénocarcinome gastrique ou le lymphome gastrique du MALT (Tissu Lymphoïde Associé aux Muqueuses). L’infection à H. pylori est donc une infection potentiellement carcinogène et à ce titre a été reconnue comme carcinogène de type I (niveau maximum) par le Centre International de Recherche sur le Cancer [3]. La découverte de cette bactérie a révolu-

Abréviations :

MALT : JHP

Tissu lymphoïde associé aux muqueuses

: Helicobacter pylori strain J99 open reading frame region

IPSID : Immuno Proliferative Small Intestinal Disease LNH

: Lymphome non Hodgkinien

LPGI

: Lymphomes primitifs gastrointestinaux

ORF

: Open reading frame region

PCR

:

Polymerase chain reaction

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Infections à Helicobacter pylori et lymphome gastrique du MALT

tionné l’un des domaines importants de la gastro-entérologie. En effet, malgré les réticences initiales, le traitement de l’ulcère passe maintenant par un traitement antibiotique visant à l’éradication de H. pylori. L’effet bénéfique de cette intervention s’est par ailleurs appliqué au lymphome gastrique du MALT puisqu’il est en effet possible de faire régresser durablement ce cancer particulier après éradication de H. pylori [4]. Il est fort probable que chez un sujet donné une somme de facteurs individuels, environnementaux et liés à la bactérie elle-même favorise l’évolution vers une infection chronique et conduise à l’apparition d’un lymphome. Cet article envisagera successivement trois aspects, une revue générale sur les lymphomes primitifs gastro-intestinaux, une partie spécifiquement dédiée au lymphome gastrique du MALT, enfin un point sur les données génétiques les plus récentes concernant les souches de H. pylori associées au lymphome gastrique du MALT. 98

Les lymphomes primitifs gastro-intestinaux Le terme de lymphome évoque en premier lieu une pathologie ganglion-

P. Lehours, F. Mégraud

naire. Cependant, on retrouve du tissu lymphoïde au niveau de certains organes en particulier au niveau du tube digestif. Ainsi 25 % des lymphomes surviennent en dehors des ganglions et parmi ceux-ci les lymphomes du tube digestif sont les plus fréquents [5]. Les travaux d’Isaacson et Wright ont permis de regrouper la plupart des lymphomes extra-ganglionnaires en une seule entité, les lymphomes du MALT [6]. Le diagnostic des lymphomes gastro-intestinaux doit être établi en respectant la récente classification de l’Organisation Mondiale de la Santé (tableau 1) [7, 8]. ÉPIDÉMIOLOGIE ET FACTEURS PRÉDISPOSANT DES LYMPHOMES GASTRO-INTESTINAUX

Les localisations digestives des lymphomes représentent 12,5 % de l’ensemble des lymphomes non hodgkiniens (LNH) et sont les plus fréquentes des formes extraganglionnaires (36 %). La localisation gastrique est la plus fréquente [9]. On retrouve une prédominance masculine dans les lymphomes primitifs gastro-intestinaux (LPGI) (ratio 2 :1). La moyenne d’âge est de 57 ans mais elle est beaucoup plus basse dans le lym-

phome de Burkitt qui concerne de jeunes patients [10, 11]. L’étiologie des LPGI reste le plus souvent inconnue. Des déficits immunitaires acquis (SIDA) ou génétiques (déficit lié au chromosome X) ont été associés à différents types de lymphomes comme le lymphome de Burkitt ou la polypose lymphomateuse. L’hypothèse infectieuse a également été retenue par exemple pour certains lymphomes T intestinaux qui sont associés au rétrovirus Human T-cell Leukemia type I (HTLV-I). Recemment on a suspecté C. jejuni de jouer un rôle dans la génèse de certains cas de maladie des chaînes lourdes ou IPSID (Immuno Proliferative Small Intestinal Disease), mais cette hypothèse ne fait pas l’unanimité [12, 13]. L’infection à H. pylori représente donc la cause infectieuse de lymphome la plus étudiée et la mieux caractérisée. PARTICULARITÉS MORPHOLOGIQUES COMPARÉES DES LYMPHOMES DU MALT ET DES PLAQUES DE PEYER

Les lymphomes du MALT partagent des caractéristiques morphologiques les rapprochant des plaques de Peyer et permettant de les différencier des lymphomes ganglionnaires, à savoir :

Tableau 1 Classification histopathologique des lymphomes gastro-intestinaux. Histopathologic classification of gastrointestinal lymphomas.

Phénotype B Classe

Localistion — type

Lymphome B du MALT de faible degré de malignité — de type occidental (focalisé) — de type méditerranéen (extensif) : IPSID (maladie des chaînes alpha essentiellement)

De la zone marginale du MALT

Lymphome B du MALT de haut degré de malignité, avec ou sans composante de faible degré de malignité incluant : — centroblastique — immunoblastique — grandes cellules anaplasiques

Diffus à grandes cellules B

Lymphome centrocytique = polypose lymphomateuse digestive

De la zone du manteau

Lymphome de Burkitt ou de type Burkitt

De Burkitt

Autres types (équivalents aux lymphomes ganglionnaires)

Folliculaires

Phénotype T Lymphomes T associés (EATL) à une entéropathie

T de type intestinal

Lymphomes T non associés à une entéropathie MALT : Mucosa Associated Lymphoid Tissue ; IPSID : Immuno Proliferative Small Intestinal Disease ; EATL : Enteropathy-Associated T Lymphoma.

ANTIBIOTIQUES, 2005 ; 7 : 97-105 © MASSON, PARIS, 2005

Pathologie infectieuse soutendent cette association, et 3) l’efficacité d’une intervention. Parmi les arguments retenus en faveur d’un lien on peut ajouter l’existence d’un modèle animal.

épithélium

plasmocytes

Cellule M

CD 5 CD 5

Zone interfolliculaire Lymphocytes T

Zone du manteau

CD 10

Zone centrofolliculaire Lymphocytes B

Zone marginale Cellules B « centrocytes-like -like » Follicule lymphoïde

FIG. 1. — Représentation schématique du tissu lymphoïde du tube digestif (MALT) [59]. FIG. 1. — Schematic representation of lymphoid tissue from the digestive tract (MALT) [59].

— la présence constante de follicules lymphoïdes à centre clair ;

ment chez un nombre très faible de sujets infectés.

— des lésions lymphoépithéliales sous la forme de nids de lymphocytes dans l’épithélium cryptique ou glandulaire.

ÉPIDÉMIOLOGIE DU LYMPHOME GASTRIQUE DU MALT

Les plaques de Peyer effectivement sont constituées de follicules lymphoïdes à centre clair qui lorsqu’ils sont activés sont entourés par une zone du manteau et une zone marginale. Les lymphocytes T se disposent le long des veinules et des histiocytes. Les follicules bombent vers la lumière intestinale et déterminent une zone dite du « dôme » interposée entre le follicule et l’épithélium, constituée de lymphocytes B de la zone marginale (figure 1). On montre par immunohistochimie que c’est uniquement au niveau du dôme qu’il existe des lymphocytes B intra-épithéliaux (CD20+, CD79a+) formant des images ressemblant en miniature aux lésions lymphoépithéliales.

Lymphome gastrique du MALT Le lymphome gastrique est considéré comme le lymphome type des lymphomes du MALT du tube digestif. C’est un lymphome B de pathogénie et d’évolution très singulière qui évolue très progressivement et reste longtemps localisé à l’estomac. Le développement du lymphome est directement lié à l’infection par H. pylori bien que l’on ne sache pas pourquoi cette évolution survient seule-

Les données épidémiologiques concernant le lymphome gastrique du MALT sont très disparates. Une étude épidémiologique récente menée en Allemagne a permis de détecter 94 cas pour une population totale de 3,5 millions d’habitants sur une période de 3 ans, et d’estimer l’incidence à 0,7-0,8 pour 100 000 avec un âge moyen de 62,1 ans et un ratio légèrement en faveur du sexe masculin [9]. Cette incidence semble être comparable à celle des autres pays européens à l’exception de l’Angleterre où les taux sont plus bas (0,2 pour 100 000). Parmi les pays du Maghreb, en Tunisie, on estime l’incidence à 6,3 pour 100 000 pour les hommes et 3,8 pour 100 000 pour les femmes [14]. RELATION ENTRE INFECTION À H. PYLORI ET LYMPHOME GASTRIQUE DU MALT

Afin d’aborder la relation entre l’infection à H. pylori et le lymphome gastrique du MALT, il est intéressant de rappeler les critères de Bradford Hill utilisés à l’origine pour montrer le lien de causalité entre le cancer du poumon et le tabagisme [15]. Ces critères prennent en compte 1) une association et une relation temporelle entre les deux états 2) la plausibilité biologique, c’est à dire les mécanismes physiopathologiques qui

Association et relation temporelle De nombreux arguments épidémiologiques viennent appuyer le fait qu’il existe une relation entre le lymphome gastrique du MALT et l’infection à H. pylori. Tout d’abord, la prévalence de l’infection à H. pylori chez les patients atteints de lymphome gastrique du MALT est selon les nombreuses études de 80 à 90 %, alors que la prévalence dans la population française adulte tout venant est de 25 à 30 % [16]. Parsonnet et al. ont apporté un argument épidémiologique majeur impliquant directement H. pylori dans le lymphome du MALT [17]. Ces auteurs ont montré dans une étude cas témoin nichée dans deux larges cohortes, que le risque relatif de développer ce type de lymphome était six fois plus élevé en cas d’infection par H. pylori. De plus, cette augmentation n’était constatée que pour les lymphomes gastriques alors qu’il n’y avait pas d’augmentation du risque relatif pour les lymphomes nodaux. De plus les auteurs montraient que 88 % des patients possédaient des anticorps anti-H. pylori dans des sérums collectés quinze ans avant le diagnostic du lymphome ce qui indiquait clairement que l’infection à H. pylori précédait l’apparition du lymphome gastrique du MALT. Pour certains lymphomes gastriques du MALT une autre espèce du genre Helicobacter a été incriminée : H. heilmannii [18]. Cependant ces descriptions restent anecdotiques d’autant plus que la prévalence de l’infection à H. heilmannii chez l’homme est très faible : 0,5 % contre 20 à 25 % en moyenne en France pour H. pylori [19]. Mécanisme physiopathologique L’estomac est normalement dépourvu de tissu lymphoïde. Après infection par H. pylori un infiltrat lymphoïde apparaît, c’est la gastrite chronique. Dans certains cas ce tissu lymphoïde peut s’organiser en follicules lymphoïdes. Le lymphome du MALT émergerait de ces structures lymphoïdes [20]. Les follicules lymphoïdes apparaîtraient donc

99

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P. Lehours, F. Mégraud

Tableau 2 Récapitulatif des principales études menées de 1993 à 2002 évaluant l’impact de l’éradication de H. pylori sur la régression du lymphome gastrique du MALT de faible degré de malignité. List of main studies carried out from 1993 to 2002 to evaluate the impact of H. pylori eradication upon low grade gastric MALT lymphoma.

Auteur

100

Nombre de patients

Référence

Année

Wotherspoon

[27]

1993

6

83

Bayerdörffer

[60]

1995

33

69

Savio

[61]

1995

12

84

Roggero

[62]

1995

25

60

Fischbach

[63]

1996

15

93

Montalban

[64]

1997

9

88

Pinotti

[65]

1997

45

68

Neubauer

[66]

1997

50

80

Nobre-Leitao

[67]

1998

17

100

Steinbach

[68]

1999

28

50

Thiede

[69]

2000

84

81

Fischbach

[70]

2000

36

89

Ruskone-Fourmestraux

[71]

2001

34

56

De Jong

[72]

2001

23

56

Matsushima

[73]

2001

14

71

Diz-Lois Palomares

[74]

2002

14

71

Levy

[30]

2002

48

69

Liu

[44]

2002

111

43

604

72,8

Données cumulées

1993-2002

après une stimulation antigénique exercée par H. pylori sur la muqueuse gastrique. Cette hypothèse a été validée in vitro en montrant que des lymphocytes T sensibilisés par H. pylori produisent des cytokines qui stimulent la prolifération lymphoïde B [21-23]. Il reste à déterminer si l’activation des cellules B requiert la présence d’une stimulation antigénique continue de H. pylori ou bien si elle est la conséquence d’un mécanisme auto-immun [24]. En réalité, les cellules B néoplasiques produisent fréquemment des anticorps dirigés contre des auto-antigènes. Elles nécessitent par ailleurs un contact avec les cellules T intra tumorales pour proliférer : interaction CD40 et CD40-ligand [25]. Ceci expliquerait la tendance des lymphomes de faible degré de malignité à rester localisés et à régresser sous traitement d’éradication de H. pylori. L’existence d’une prolifération lymphocytaire clonale pendant plusieurs années

% de remission

favoriserait l’apparition d’altérations génétiques qui auraient pour conséquence l’acquisition d’un caractère autonome de prolifération [26]. Même si le mécanisme intime d’évolution de l’infection à H. pylori du stade gastrite vers le lymphome du MALT n’est pas connu, le rôle joué par H. pylori apparaît très vraisemblable. Effet d’une intervention La possibilité d’obtenir la régression du lymphome par traitement d’éradication de H. pylori constitue la preuve formelle et définitive du rôle causal de cette infection. Wotherspoon et al. ont montré les premiers dans une étude pilote incluant six patients qu’il était possible d’obtenir pour cinq de ces patients une régression du lymphome du MALT de faible degré de malignité 22 mois après l’éradication de H. pylori [27]. De nombreuses études

ont, depuis, permis d’évaluer à 70-80 % la possibilité de régression tumorale, avec des extrêmes de 50 à 100 %, dans un délai minimum de 4 à 6 mois, au maximum au bout de 18 mois et avec un recul post-traitement supérieur à 6 ans [4, 28]. La variabilité des résultats obtenus entre les différentes études tient surtout à l’hétérogénéité des patients étudiés et des différences quant à l’extension locorégionale du lymphome. En effet si l’on considère uniquement les patients inclus dans ces différentes études au stade EI, on retrouve alors un pourcentage de régression similaire de l’ordre de 80 %. Par ailleurs, l’intervalle de temps choisi entre le traitement d’éradication et le contrôle du lymphome participent dans une moindre mesure à la disparité de résultats obtenus (tableau 2). En France, le traitement d’éradication le plus couramment utilisé associe un inhibiteur de la pompe à protons (IPP) à double dose par rapport à la posologie usuelle pendant 7 à 14 jours avec de l’amoxicilline (1 g x 2 par jour) et de la clarithromycine (500 mg x 2 par jour). Un contrôle, par culture de H. pylori à partir de biopsies gastriques, doit être effectué au moins un mois après l’arrêt du traitement pour vérifier l’éradication de H. pylori et éventuellement le modifier selon les résultats de l’antibiogramme après isolement de la bactérie. La faible évolutivité de la maladie autorise un délai d’au moins 6 mois avant de contrôler l’évolution histologique et endoscopique pendant les deux premières années [29, 30]. Au stade de lymphome de haut degré de malignité les chances de guérison par éradication de H. pylori sont moindres [31]. S’il est maintenant bien établi que l’infection à H. pylori favorise l’apparition d’un tissu lymphoïde dans l’estomac et son évolution vers une prolifération maligne, le caractère H. pylori-dépendant de ce lymphome disparaît au fur et à mesure de l’accumulation d’anomalies génétiques (figure 2). Pour les lymphomes liés à H. heilmannii, une régression tumorale a également pu être obtenue après un traitement d’éradication identique à celui de H. pylori [18]. Le traitement d’éradication de H. pylori semble par ailleurs avoir un effet positif sur les lymphomes du MALT extra-

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Pathologie infectieuse Muqueuse normale

H. pylori Gastrite superficielle Gastrite chronique

Stimulation antigénique

Anomalies génétiques

Gastrite avec hyperplasie folliculaire lymphoïde Lymphome du MALT Lymphome du MALT autonome

FIG. 2. — Cascade hypothétique d’apparition du lymphome du MALT au niveau de la muqueuse gastrique après infection par H. pylori. FIG. 2. — Hypothetic cascade from the appearance of a MALT lymphoma at the gastric mucus level after infection with H. pylori.

gastriques (glande salivaire, duodénum, colon, vessie, poumon) même s’il s’avère le plus souvent impossible de détecter H. pylori au niveau de ces sites extraabdominaux [32, 33]. Enfin, le traitement des lymphomes H. pylori positifs qu’ils soient de haut degré de malignité, ou à l’inverse de faible degré de malignité non répondeurs au traitement d’éradication ainsi que les lymphomes gastriques du MALT au statut H. pylori-négatif, repose sur des approches thérapeutiques plus classiques des lymphomes. La résection gastrique est le traitement le plus anciennement pratiqué. Elle peut être utile pour enlever les grosses tumeurs mais une survie de 63 % à 5 ans au mieux est espérée en moyenne pour les lymphomes au stade EI2 [11]. La radiothérapie est actuellement privilégiée aux dépens de la chirurgie [34]. Enfin, une chimiothérapie aux agents alkylants, comme le chlorambucil ou le cyclophosphamide, peut être utilisée avec succès chez des patients diagnostiqués à un stade avancé du lymphome ou en échec de traitement d’éradication [34].

épithéliales, destruction glandulaire et donc un aspect assez semblable à celui observé dans les lymphomes humains. Cependant dans le modèle BALB/c les lésions lympho-épithéliales évocatrices du lymphome gastrique du MALT n’apparaissent que chez certains animaux infectés par voie orale par H. pylori (40 % en moyenne) et environ 20 mois après l’infection [36]. Le lymphome de faible degré de malignité peut aussi évoluer vers un lymphome de haut degré de malignité. Il est à noter qu’un traitement d’éradication induit également dans ce modèle la régression du lymphome. ANOMALIES MOLÉCULAIRES ASSOCIÉES

Plusieurs translocations ont été identifiées dans les cellules tumorales des lymphomes gastriques du MALT. Leur signification est de mieux en mieux comprise, elles entraîneraient en fait un effet antiapoptotique propre à une expansion maligne [37].

Existence d’un modèle animal

La translocation « t(1 ; 14)(p22 ; q32) » [37]

L’infection gastrique prolongée de la souris BALB/c par H. pylori constitue un modèle de lymphogénèse [35, 36]. On retrouve dans ces lymphomes expérimentaux des cellules centrocyte-like caractéristiques, des lésions lympho-

La translocation t(1 ; 14) est retrouvée dans environ 5 % des lymphomes gastriques du MALT. Elle entraîne la surexpression de la protéine Bcl-10 dont le gène est placé sous le contrôle du promoteur du gène des chaînes lourdes des

immunoglobulines. Bcl-10 possède un domaine CARD amino-terminal (« caspase recruitement domain ») et peut activer le facteur de transcription NFkappaB [38]. Dans les cellules lymphomateuses, le gène bcl-10 est surexprimé mais il est aussi muté, mutation entraînant la synthèse d’une protéine tronquée capable d’activer NF-kappaB et la prolifération cellulaire mais sa surexpression n’induit plus la mort apoptotique [39]. La translocation t(1 ; 14) est de plus fréquemment associée à d’autres anomalies génétiques surnuméraires comme des anomalies au niveau des chromosomes 3, 8 et 12. La trisomie 3 est retrouvée dans 30 % des lymphomes gastriques du MALT : cependant son rôle dans la progression du lymphome est mal établi [40]. La translocation « t(11 ; 18) » [41] La translocation t(11 ; 18) est mise en évidence dans 21 à 60 % des lymphomes gastriques du MALT. Cette translocation est également retrouvée dans des lymphomes de la zone marginale d’autres sites muqueux [41]. Cette translocation fait intervenir deux gènes, MLT1 (MALT lymphoma associated translocation-1) une para-caspase humaine et c-IAP2 ou API2 dont l’une des fonctions serait d’inhiber les caspases en interagissant directement avec elles. Cette translocation produirait une fusion IAP2-MLT1 qui aurait la capacité d’activer NF-kappaB d’où la protection des cellules contre l’apoptose [42]. Cette translocation est associée à des stades plus évolués en particulier aux tumeurs ayant commencé à envahir la sous muqueuse ainsi qu’à une absence de régression du lymphome sous traitement d’éradication de H. pylori au stade EI comme au stade EII [43-45]. Cette translocation doit donc être recherchée car sa détection apporte une valeur prédictive quand à l’efficacité du traitement d’éradication. Translocation « t(14 ; 18)(q32 ; q21) » [46] Une troisième translocation a été décrite, t(14 ; 18)(q32 ; q21) initialement associée au lymphome de type MALT de la peau et du foie puis retrouvée dans d’autres localisations comme les glandes salivaires [46]. Sa mise en évidence laisse entrevoir une troisième voie de

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Infections à Helicobacter pylori et lymphome gastrique du MALT

cancérogenèse. Cependant à ce jour, cette translocation ne semble pas associée aux lymphomes gastriques.

Études des souches de H. pylori associées au lymphome gastrique du MALT H. pylori fut la première bactérie classée carcinogène de type I (niveau maximal) [3]. Depuis sa découverte, de nombreux travaux de recherche ont été consacrés à la mise en évidence de facteurs de virulence ou de marqueurs génétiques mais peu d’études ont inclus des souches de H. pylori associées au lymphome gastrique du MALT. ÉTUDE DES PRINCIPAUX FACTEURS DE VIRULENCE DÉCRITS POUR H. PYLORI

102

H. pylori est parfaitement bien adapté à l’estomac de l’homme grâce à tout un arsenal lui permettant de résister à l’acidité gastrique, de se mouvoir dans la muqueuse gastrique et d’échapper à la réponse immune de l’hôte. Les principaux facteurs de virulence étudiés chez H. pylori sont ceux impliqués dans l’inflammation et les dommages cellulaires qui en découlent, en particulier les produits de l’îlot de pathogénicité cag et les autres protéines pro-inflammatoires. Huit facteurs de virulence ont été récemment évalués en étudiant une large collection de 43 souches françaises associées au lymphome gastrique du MALT par comparaison à une collection de 39 souches françaises provenant de malades souffrant de gastrite [47]. Quatre facteurs participant à l’inflammation gastrique et aux lésions tissulaires (CagA, CagE, OipA et IceA) mais également la cytotoxine vacuolisante VacA ont été testés. CagA est le facteur de virulence de H. pylori le plus étudié avec VacA, il a en particulier été associé à l’ulcère duodénal et à l’adénocarcinome gastrique. Quatre protéines de membrane externe ont également été étudiées : BabA, SabA, HopZ et HopQ. BabA, SabA et HopZ sont des facteurs d’adhérence, BabA et SabA reconnaissent en particulier des antigènes de type Lewis [48-50]. Aucun des facteurs testés n’a pu être individuellement associé de manière significative aux souches de

lymphome gastrique de faible degré de malignité alors que trois d’entre eux (IceA1, SabA et HopZ) avaient une tendance statistiquement significative à se regrouper. Ces souches ne sont probablement pas proinflammatoires ce qui les distingue des souches associées à l’ulcère ou à l’adénocarcinome gastrique [47]. ÉTUDE DES CARACTÉRISTIQUES GÉNÉTIQUES DES SOUCHES DE H. PYLORI ASSOCIÉES AU LYMPHOME GASTRIQUE DU MALT

Le développement d’un lymphome gastrique du MALT de faible degré de malignité est probablement la conséquence de l’infection par une souche particulière de H. pylori sur le plan des gènes présents et/ou de leur expression, chez un sujet ayant une susceptibilité particulière. À l’intérieur d’une même espèce, il peut en effet exister une diversité génomique mais aussi phénotypique considérable. La capacité de provoquer une maladie correspond à une spécialisation et à une adaptation qui se traduit par des spécificités génomiques. Les facteurs de pathogénicité connus n’étant pas impliqués, le contenu génétique de ces souches reste donc à déterminer afin de rechercher soit des marqueurs génétiques spécifiques soit des nouveaux facteurs de virulence. Les approches classiques d’évaluation du contenu génétique des bactéries utilisent classiquement la méthodologie des puces à ADN qui évaluent la présence des ORF d’une souche par rapport au génome des souches de référence [51]. Aucune souche de H. pylori associées au lymphome du MALT n’étant séquencée, la technique d’hybridation soustractive a dans ce contexte été utilisée [52]. Elle présente en effet l’avantage d’extraire du génome d’une souche d’intérêt ce qui lui est spécifique par rapport à une souche témoin. Or c’est justement dans la partie variable du génome des souches associées au lymphome gastrique du MALT que nous espérons identifier de nouveaux facteurs de virulence. Un marqueur spécifique des souches de lymphome gastrique du MALT de faible degré de malignité, l’ORF JHP950, a conforté l’hypothèse selon laquelle ces souches MALT partageaient un profil génétique commun.

P. Lehours, F. Mégraud

L’ORF JHP950, est significativement associé aux souches de lymphome gastrique du MALT (prévalence de 74 %) non seulement dans le cadre de la gastrite chronique (48,7 %, p = 0,024), mais également par rapport à l’ulcère duodénal (48,8, p = 0,024) et à l’adénocarcinome (35,7, p = 0,002) (figure 3). Il appartient à la zone dite de plasticité de H. pylori. Cette zone n’est pas considérée comme un îlot de pathogénicité sensu stricto mais plutôt comme un îlot génomique de grande taille [52]. L’ORF JHP950 fait cependant partie de l’opéron prédit contenant l’ORF JHP947 qui a été associé aux souches isolées de patients atteints d’adénocarcinome gastrique [53]. L’ORF JHP950 est associé au lymphome gastrique du MALT de manière au moins aussi forte que le gène cagA l’est avec les souches d’ulcère [54]. Par ailleurs, en associant les données obtenues pour ce marqueur à celles de l’étude des principaux facteurs de virulence de H. pylori, une association significative de cet ORF avec les gènes iceA1 et sabA a été démontrée dans les souches de lymphome gastrique du MALT. L’étude de la diversité génétique chez H. pylori telle qu’elle a été abordée dans les travaux de Salama et al. [51] avait

Prévalence JHP950

%

p = 0.002

p = 0.004 p = 0.024

p = 0.024 NS

80

74

60

48.7

48.8

40

35.7

35.7

MALT

Can

25.6 20

0 Gast

Ulc

Pathologies

p = test exact de Ficher

FIG. 3. — Prévalence de l’ORF JHP950 dans les souches de H. pylori associées au lymphome gastrique du MALT de faible degré de malignité (MALT) (n = 43) par comparaison aux souches associées à la gastrite chronique (Gast) (n = 39), l’ulcère duodénal (Ulc) (n = 41) ou à l’adénocarcinome gastrique (Can) (n = 28) [47]. FIG. 3. — Prevalence of JHP950 in H. pylori strains associated to low grade gastric MALT lymphoma in comparison to strains associated with chronic gastritis, duodenal ulcer or gastric adenocarcinoma.

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mis en évidence des regroupements de gènes, en particulier entre les ORF de l’îlot de pathogénicité cag et certains gènes comme babA ou hopQ qui ont par la suite été identifiés comme des facteurs de virulence [51, 55, 56]. Le regroupement de gènes ainsi identifiés pourrait résulter de l’évolution phylogénétique des souches de lymphome, autrement dit, ils auraient été sélectionnés au cours de l’évolution car fournissant un avantage, dont la nature reste à déterminer, aux souches qui les portent. L’ORF JHP950 code une protéine sans fonction déterminée, comme par ailleurs 33 % des ORF du génome de H. pylori ce qui pose un problème pour intégrer son rôle dans la physiopathologie du lymphome [57]. Seules des approches complémentaires telles que la génétique inverse, l’étude des interactions protéiques (protéome) ou autres permettront de répondre à cette question. Cette étude préliminaire a déjà permis de révéler chez les souches de H. pylori associées au lymphome gastrique du MALT la présence de marqueurs génétiques qui pourraient être utilisés pour dépister des souches à risque du développement d’un lymphome. DONNÉES RÉCENTES OBTENUES PAR GÉNOMIQUE COMPARATIVE

Les souches de H. pylori associées au lymphome gastrique du MALT partagent donc vraisemblablement des regroupements de gènes communs. Cette hypothèse a été récemment confortée par les résultats obtenus par génomique comparative. Les ADN de la collection de 43 souches de lymphome précédemment citée ont été hybridés sur des membranes à haute densité contenant une sélection de 248 gènes non-ubiquistes (partie variable du génome de H. pylori) et 50 gènes ubiquistes (partie stable). L’analyse en composantes principales réalisée sur les valeurs normalisées de ces hybridations a révélé que 80 % des souches associées aux lymphomes pouvaient être regroupées dans une même classe, se distinguant ainsi des souches associées aux autres pathologies liées à H. pylori (gastrite, ulcère et métaplasie intestinale) [58]. Ces données récentes ne permettent pas encore de comprendre les mécanismes physiopathologiques de ces souches particulières mais incitent très forte-

Pathologie infectieuse ment à évaluer le contenu génétique de ces souches dans sa globalité. C’est dans cette perspective qu’est entrepris le séquençage complet du génome d’une souche à l’origine de lymphome gastrique du MALT de faible degré de malignité afin de pouvoir comparer aux génomes déjà publiés de souches de H. pylori provenant d’autres maladies.

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