Journal de radiologie (2011) 92, 915—919
ARTICLE ORIGINAL / Ostéoarticulaire
Intérêt de l’imagerie dans la surveillance des sarcomes des parties molles des membres Imaging follow-up of soft tissue sarcomas G. Oldrini a,∗, S. Renard-Oldrini b, A. Leroux c, M. Rios d, J.-L. Verhaeghe e, B. Boyer a, P. Troufléau a, P. Henrot a a
Service de radiologie, centre Alexis-Vautrin, avenue de Bourgogne, 54511 Vandœuvre-lès-Nancy, France b Service de radiothérapie, centre Alexis-Vautrin, avenue de Bourgogne, 54511 Vandœuvre-lès-Nancy, France c Service d’anatomie et cytologie pathologiques, centre Alexis-Vautrin, avenue de Bourgogne, 54511 Vandœuvre-lès-Nancy, France d Service d’oncologie médicale, centre Alexis-Vautrin, avenue de Bourgogne, 54511 Vandœuvre-lès-Nancy, France e Service de chirurgie, centre Alexis-Vautrin, avenue de Bourgogne, 54511 Vandœuvre-lès-Nancy, France
MOTS CLÉS Sarcome ; IRM ; Récidive ; Parties molles ; Surveillance
∗
Résumé Objectifs. — Nous avons étudié le suivi post-thérapeutique de patients traités pour un sarcome des parties molles des membres qui comportait une IRM afin d’évaluer son intérêt par rapport à une surveillance clinique simple et les conséquences induites par ces examens pour la prise en charge. Nous avons également évalué l’intérêt du scanner thoracique dans la recherche des lésions secondaires. Patients et méthodes. — Il s’agissait d’une étude rétrospective de 85 patients traités pour un sarcome des parties molles avec réalisation dans le suivi post-thérapeutique d’une IRM de la région anatomique traitée. Nous avons étudié le pourcentage de récidives locales et le mode de découverte de ces récidives. En cas d’anomalie découverte à l’IRM, nous avons recensé les conséquences induites par le diagnostic de ces anomalies. Pour les évolutions à distance, nous avons étudié le pourcentage de métastases et leur date de découverte. Résultats. — Il existait une récidive locale dans cinq cas, soit un pourcentage de récidive de 6 %, dont la moitié était découverte cliniquement, et le pourcentage de métastases était de 26 %. Six biopsies ou ponctions ont été réalisées et dans 18 cas des examens complémentaires ont été effectués suite à des anomalies IRM.
Auteur correspondant. Adresse e-mail :
[email protected] (G. Oldrini).
0221-0363/$ — see front matter © 2011 Elsevier Masson SAS et Éditions françaises de radiologie. Tous droits réservés. doi:10.1016/j.jradio.2011.07.003
916
G. Oldrini et al. Conclusion. — Ces résultats sont en accord avec les standards options et recommandations (SOR) de la Fédération nationale des centres de lutte contre le cancer (FNCLCC). L’imagerie reste indispensable dans la recherche des métastases pulmonaires. © 2011 Elsevier Masson SAS et Éditions françaises de radiologie. Tous droits réservés.
KEYWORDS Sarcoma; MRI; Recurrence; Soft tissues; Follow-up
Abstract Purpose. — We have studied the post-treatment follow-up of patients with history of limb soft tissue sarcoma including MR imaging to determine its added value compared to simple clinical follow-up and the impact of MR imaging findings on patient management. We have also studied the value of chest CT to detect metastases. Patients and methods. — Retrospective study of 85 patients treated for limb soft tissue sarcoma with post-treatment MR imaging of the affected region. We have studied the percentage of local recurrences and the modality of detection of these recurrences. We have evaluated the impact on management of patients with abnormalities detected on MRI. For distant metastases, we have recorded their percentage and date of occurrence. Results. — There were five cases of local recurrence, for a percentage of 6%, with 50% detected clinically. The percentage of metastases was 26%. Six biopsies were performed and complementary examinations were performed in 18 cases based on abnormalities detected on MR. Conclusion. — These results are in keeping with recommendations from the Fédération nationale des centres de lutte contre le cancer. Imaging is necessary to detect lung metastases. © 2011 Elsevier Masson SAS and Éditions françaises de radiologie. All rights reserved.
Les sarcomes des tissus mous sont des cancers rares [1—5], parfois d’allure faussement bénigne. Leur stratégie diagnostique et thérapeutique est complexe. Le traitement repose principalement sur la chirurgie et la radiothérapie [1,6,7]. Les bonnes pratiques nécessitent une prise en charge en service hautement spécialisé dès la suspicion diagnostique (et avant la biopsie) et une présentation du dossier en comité de concertation pluridisciplinaire à chaque étape, y compris avant la biopsie [8]. Une imagerie préopératoire est nécessaire [4,8]. La qualité de la prise en charge initiale conditionne le pronostic car le contrôle tumoral est étroitement lié au premier geste chirurgical [1,9,10]. Le suivi post-thérapeutique des sarcomes des parties molles nécessite une surveillance locale et à distance [4,11]. La réalisation d’une IRM dans le suivi post-thérapeutique est la manière habituelle de rechercher une récidive locale [1,9,12,13]. Nous avons étudié le suivi post-thérapeutique de patients traités pour un sarcome des parties molles des membres qui comportait une IRM et évalué l’intérêt de cet examen par rapport à une surveillance clinique et nous avons évalué l’intérêt du scanner thoracique pour la recherche de lésions secondaires.
Patients et méthodes Il s’agissait d’une étude rétrospective de 85 patients traités pour un sarcome des parties molles entre 1998 et 2008 avec réalisation dans le suivi post-thérapeutique d’une IRM de la région anatomique traitée. Les patients inclus étaient suivis pour un sarcome localisé aux membres avec une maladie initialement localisée. De plus, seuls les patients ayant eu une IRM de contrôle (dans le service ou à l’extérieur, réinterprétée par les radiologues du service) ont été inclus. Le traitement a toujours comporté une chirurgie locale plus
ou moins associée à une radiothérapie externe et/ou une chimiothérapie. Le protocole de surveillance locale post-chirurgicale par IRM dans notre institution était le suivant : une IRM tous les six mois pendant deux ans puis une IRM annuelle pendant huit ans. Les IRM ont été réalisées à 1,5 T en utilisant les séquences en T1, T2 avec saturation du signal de la graisse et T1 après injection de gadolinium et saturation de la graisse, comportant généralement deux plans (axial systématique) en T2 avec saturation du signal de la graisse, un plan axial en T1 et deux plans injectés (axial systématique). Pour évaluer l’impact de l’IRM dans la détection des récidives, nous avons étudié le pourcentage de récidives locales et le mode de découverte de ces récidives : anomalie clinique ou découverte IRM. De plus, en cas d’anomalie découverte à l’IRM, nous avons recensé les conséquences induites par ces anomalies : examen complémentaire et ponction. Pour évaluer l’impact du scanner thoracique dans la détection des métastases, nous avons dénombré les patients qui avaient été suivis avec un scanner thoracique. Nous avons exclu ceux dont les examens n’étaient pas réinterprétés dans notre service et recensé les évolutions à distance découvertes grâce à ces examens. Les examens n’ont pas été réinterprétés a posteriori, nous nous sommes basés sur les comptes rendus réalisés au moment des examens. Les données cliniques étaient celles contenues dans les dossiers des patients.
Résultats Il y avait 43 femmes pour 42 hommes. La moyenne d’âge au diagnostic était de 53,6 ans (21—93) (écart-type : 16,7). Le
Intérêt de l’imagerie dans la surveillance des sarcomes Tableau 1 Répartition histologiques.
des
différents
917
types
Type histologique
Nombre (pourcentage)
Sarcome peu différencié Liposarcome Synovialosarcome Léiomyosacrome Rhabdomyosarcome Ostéosarcome extrasquelettique Sarcome à cellules claires Chondrosarcome Fibrosarcome Sarcome alvéolaire Sarcome fibromyxoïde Sarcome d’Ewing
34 (39,8) 23 (27) 8 (9,4) 7 (8,2) 4 (4,8) 2 2 1 1 1 1 1
Discussion
suivi moyen était de quatre ans et quatre mois (1—10) (écarttype : 2,6). Les types histologiques prédominants étaient les sarcomes peu différenciés (39,8 %) et les liposarcomes (27 %) (Tableau 1). Toutes les localisations étaient extrasquelettiques, situées dans les parties molles sans atteinte osseuse. Dans 57 cas, il n’y avait ni récidive locale ni métastase. La moyenne d’examens IRM par patient était de 6 (1—19) (écart-type : 3,9). Il existait une récidive locale chez cinq patients, soit un pourcentage de récidive de 6 %, dont un patient ayant présenté trois récidives. Un patient a présenté une poursuite évolutive diagnostiquée sur le bilan d’imagerie postopératoire à un mois (absence de bilan IRM préthérapeutique). Chez deux patients (dont le patient avec les trois récidives), les récidives locales ont été découvertes à l’examen clinique. Chez trois patients, l’IRM a fait le diagnostic. Sur ces cinq récidives, le délai d’apparition moyen était de deux ans et dix mois (1—6) (écart-type : 1,9) (Tableau 2). Chez 62 patients (72,9 %), l’IRM retrouvait des anomalies. Dans 45,2 % des cas (28 patients), elles étaient considérées comme des remaniements post-thérapeutiques et dans 16,1 % des cas (dix patients) comme des collections postopératoires. Dans 18 cas (29 %), elles ont conduit à une surveillance accrue ou à d’autres examens complémentaires (huit surveillances échographiques, neuf surveillances IRM rapprochées, deux scanners). Six biopsies ou ponctions ont été réalisées par voie percutanée suite à ces anomalies IRM. Dans trois cas, il y avait une réévolution tumorale. Un scanner thoracique était réalisé chez 73 patients. Chez 22 patients, il existait des lésions métastatiques, touchant principalement le poumon (20 cas) (Tableau 2), soit une incidence de métastases de 25,9 % et un pourcentage de métastases pulmonaires de 23,5 %. Chez 12 patients
Tableau 2
(60 %), les métastases pulmonaires étaient découvertes dans la première année, chez six patients (30 %) entre un et deux ans et chez deux patients (10 %) après deux ans de suivi (trois ans et quatre ans). Les métastases autres que pulmonaires étaient osseuses, hépatiques, péricardiques et cérébrales.
La récidive locale dans la pathologie sarcomateuse des membres est une éventualité connue, avec des taux de récidive importants dans les années 1990 [2,9,14]. Ces récidives sont désormais peu fréquentes, dans notre série mais également dans la littérature [1]. La surveillance post-thérapeutique des sarcomes des membres ne fait pas l’objet de consensus international [1,5,11,15]. Par ailleurs dans la littérature, il existe peu de données sur ce sujet [2,3,15] et les seules études disponibles sont rétrospectives [1]. La plupart des experts membres du GSF-GETO réalisent de manière systématique une IRM dans la surveillance [1]. Dans notre institution, la première IRM post-thérapeutique est réalisée six mois après la prise en charge chirurgicale. Dans notre étude, l’IRM a permis la découverte de trois récidives locales et d’une poursuite évolutive. La poursuite évolutive était diagnostiquée par IRM : elle était présente sur l’IRM à un mois postopératoire. Il n’y avait pas eu d’imagerie préopératoire, le patient ayant été initialement pris en charge en dehors de notre institution pour une lésion considérée comme bénigne. Sur ces trois récidives qui n’avaient pas été vues cliniquement, dans deux cas il existait soit une infection locale, soit une plaie avec retard de cicatrisation, empêchant un examen clinique rigoureux du fait de ces remaniements inflammatoires. De plus, il existait des métastases synchrones dans ces deux cas. Dans le troisième cas de découverte IRM, il n’existait pas de lésion à distance. L’IRM a donc été vraiment utile dans ce dernier cas uniquement. Par ailleurs, elle a entraîné la réalisation d’examens complémentaires chez 15 patients, avec trois ponctions ou biopsies percutanées inutiles. Sur les deux récidives découvertes cliniquement, dans un cas l’IRM antérieure retrouvait une prise de contraste aspécifique puis un nodule était apparu cliniquement. Dans le cas du patient ayant présenté trois récidives locales sur une période de cinq ans (récidives à trois, cinq et huit ans), l’IRM avait été réalisée quasiment un an auparavant pour la première récidive et pour la deuxième récidive l’IRM réalisée six mois auparavant était normale. Dans aucune de ces récidives cliniques, il n’existait de lésion à distance. Pour ces cinq récidives et la poursuite évolutive, la résection chirurgicale initiale était marginale dans tous les cas (Fig. 1). Sur ces six lésions, cinq étaient de grade III de la Fédération nationale des centres de lutte
Nombre et délai d’apparition des évolutions tumorales.
Récidive locale Métastases pulmonaires
Nombre
Pourcentage
Délai d’apparition
5 sur 85 20 sur 73
6 27
2 ans et 10 mois (1—6) (écart-type : 1,9) 1 an et 6 mois (1—4) (écart-type : 0,83)
918
G. Oldrini et al.
Figure 1. Récidive locale d’un liposarcome myxoïde du creux poplité droit. Résection initiale R1 sur suspicion de kyste synovial : a : séquence sagittale T2 avec saturation du signal de la graisse ; b : séquence axiale T1 après injection de gadolinium et saturation du signal de la graisse.
contre le cancer (FNLCC). Ces deux critères pourraient être utilisés pour cibler une sous-population à suivre par IRM. Le scanner thoracique systématique a montré son intérêt puisque la quasi totalité des métastases étaient pulmonaires (90 %), détectées chez 23,5 % des patients. Dans 90 % des cas, elles sont apparues dans les deux premières années du suivi. Ces découvertes ont permis une prise en charge adaptée : métastasectomies ou chimiothérapie. Le scanner a également permis le dépistage de deux lésions pulmonaires primitives.
Conclusion Dans notre étude, il existait 6 % de récidives locales, dont la moitié était découverte cliniquement. De plus, un nombre non négligeable d’examens et de ponctions a été induit par la surveillance par IRM. Ces résultats sont en accord avec les standards options et recommandations (SOR) de la FNCLCC (« pour les sarcomes des membres et de la paroi du tronc, la réalisation systématique et régulière d’examens scannographiques ou IRM pour détecter une éventuelle récidive locale n’est pas recommandée ») mais ils sont à réévaluer par une étude prospective. Les récidives sont survenues uniquement sur des résections R1 dans notre étude avec une prédominance nette de lésions de grade III. Ces patients pourraient constituer la population cible pour une surveillance IRM. Enfin, cette étude rappelle la nécessité absolue de prise en charge en SHS avec une imagerie préopératoire. L’imagerie reste indispensable dans la recherche des métastases pulmonaires qui surviennent principalement dans les deux premières années.
Déclaration d’intérêts Les auteurs déclarent ne pas avoir de conflits d’intérêts en relation avec cet article.
Références [1] Labarre LD, Aziza R, Filleron T, Delannes M, Delaunay F, Marques B, et al. Detection of local recurrences of limb soft tissue sarcomas: is magnetic resonance imaging (MRI) relevant? Eur J Radiol 2009;72:50—3. [2] Whooley BP, Gibbs JF, Mooney MM, McGrath BE, Kraybill WG. Primary extremity sarcoma: what is the appropriate follow-up? Ann Surg Oncol 2000;7:9—14. [3] Whooley BP, Mooney MM, Gibbs JF, Kraybill WG. Effective follow-up strategies in soft tissue sarcoma. Semin Surg Oncol 1999;17:83—7. [4] Recommandations pour la pratique clinique. Standards, options et recommandations 2005 pour la prise en charge des patients atteints de sarcomes des tissus mous. FNCLCC; 2006. [5] Beitler AL, Virgo KS, Johnson FE, Gibbs JF, Kraybill WG. Current follow-up strategies after potentially curative resection of extremity sarcomas: results of a survey of the members of the society of surgical oncology. Cancer 2000;88:777—85. [6] Stoeckle E, Gardet H, Coindre JM, Kantor G, Bonichon F, Milbéo Y, et al. Prospective evaluation of quality of surgery in soft tissue sarcoma. Eur J Surg Oncol 2006;32:1242—8. [7] Yang JC, Chang AE, Baker AR, Sindelar WF, Danforth DN, Topalian SL, et al. Randomized prospective study of the benefit of adjuvant radiation therapy in the treatment of soft tissue sarcomas of the extremity. J Clin Oncol 1998;16: 197—203. [8] ONCOLOR. Référentiel sarcome des parties molles. Réseau régional de cancérologie de Lorraine; 2005.
Intérêt de l’imagerie dans la surveillance des sarcomes [9] Taieb S, Ceugnart L, Gauthier H, Penel N, Vanseymortier L. Soft sarcoma tissue of extremities: medical imagery in posttherapeutic follow-up. Cancer Radiother 2006;10:78—82. [10] Coindre JM, Terrier P, Bui NB, Bonichon F, Collin F, Le Doussal V, et al. Prognostic factors in adult patients with locally controlled soft tissue sarcoma. A study of 546 patients from the French Federation of Cancer Centers Sarcoma Group. J Clin Oncol 1996;14:869—77. [11] Casali PG, Jost L, Sleijfer S, Verweij J, Blay JY. Soft tissue sarcomas: ESMO clinical recommendations for diagnosis, treatment and follow-up. Ann Oncol 2008;19(Suppl. 2):ii89—93.
919 [12] Davies AM, Vanel D. Follow-up of musculoskeletal tumors. I. Local recurrence. Eur Radiol 1998;8: 791—9. [13] Ceugnart L, Taieb S. Work-up of soft tissue masses. JBR-BTR 2002;85:20—33. [14] Vanel D, Shapeero LG, De Baere T, Gilles R, Tardivon A, Genin J, et al. MR imaging in the follow-up of malignant and aggressive soft-tissue tumors: results of 511 examinations. Radiology 1994;190:263—8. [15] James SL, Davies AM. Post-operative imaging of soft tissue sarcomas. Cancer Imaging 2008;8:8—18.