Intérêt de la technique de lymphadénectomie sélective dans les cancers de vulve

Intérêt de la technique de lymphadénectomie sélective dans les cancers de vulve

Gynécologie Obstétrique & Fertilité 34 (2006) 1105–1110 http://france.elsevier.com/direct/GYOBFE/ Tribune libre Intérêt de la technique de lymphadén...

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Gynécologie Obstétrique & Fertilité 34 (2006) 1105–1110 http://france.elsevier.com/direct/GYOBFE/

Tribune libre

Intérêt de la technique de lymphadénectomie sélective dans les cancers de vulve Interest of selective lymphadenectomy in patients with vulvar cancer

Résumé Le cancer de vulve est une pathologie rare dont le pronostic est conditionné par le statut ganglionnaire, rendant son exploration nécessaire. Cependant, la lymphadénectomie totale, complétée de radiothérapie, est responsable d’une morbidité trop importante : jusqu’à 50 % pour les curages profonds. La détection du ganglion sentinelle sous-entend une lymphadénectomie totale lorsque les premiers relais sont atteints, et au contraire du sein, la courbe d’apprentissage pour ces tumeurs rares est difficile à acquérir. C’est pour ces deux raisons que nous avons développé le concept de lymphadénectomie sélective. Cette technique consiste en l’exérèse du ou des ganglions fixant l’isotope ou colorés de la chaîne inguinale superficielle voire profonde, ainsi que les ganglions palpables ou palpés en peropératoire, sans réaliser de véritable curage inguinal complémentaire. Ainsi, depuis novembre 2003, nous avons opéré quatre cancers de vulve (deux T1 et deux T2) avec la technique de lymphadénectomie sélective. La lymphoscintigraphie nous a permis de repérer 17 ganglions fixants, et sur les 28 ganglions prélevés, un seul s’est révélé positif. Nous n’avons eu aucune complication postopératoire liée à notre technique. La lymphadénectomie sélective est donc susceptible de réduire la morbidité, en orientant les prélèvements vers les ganglions drainant la zone tumorale, sans risquer les complications liées au curage inguinal. © 2006 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. Abstract Vulvar cancer represents approximately 4% of all gynecologic malignancies and the most important prognosis factor in this cancer is the status of the regional lymph nodes. The radical inguinal lymphadenectomy, associated or not with radiotherapy, is accompanied by high morbidity, which can affect 50% of the patients. The sentinel node detection appears now to be feasible in patients with vulvar carcinoma, in order to reduce the morbidity of inguinal lymphadenectomy. But contrary to breast cancer, the learning curve is not easy to obtain because of the low number of cases. That is why we have described the procedure of selective lymphadenectomy. The aim of this technique is to remove the blue and/or marked inguinal lymph node and any other palpable lymph node, without a real radical inguinal lymphadenectomy. Thus, since November 2003, 4 procedures have been performed in total. With the lymphoscintigraphy, we identified 17 marked lymph node and we finally obtained 28 lymph nodes after surgery, with only one metastatic lymph node. There was no complication after our procedure. Selective lymphadenectomy appears to be a new procedure which may reduce the morbidity of usual inguinal lymphadenectomy. © 2006 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. Mots clés : Cancer de vulve ; Lymphadénectomie ; Ganglion sentinelle ; Lymphoscintigraphie ; Curage inguinal Keywords: Vulvar cancer; Lymphadenectomy; Sentinel node; Lymphoscintigraphy; Inguinal lymphadenectomy

1. Introduction Le cancer de vulve est une pathologie rare (4 % des cancers gynécologiques) [1], touchant essentiellement les femmes de plus de 65 ans [2]. Le type histologique le plus souvent retrouvé est un carcinome épidermoïde (90 % des cas) [3], dont le pronostic global est moyen (66 % de survie à cinq ans). Le critère d’évaluation pronostique le plus important est

le statut ganglionnaire [4], rendant son exploration nécessaire. Cependant, la lymphadénectomie totale, complétée ou non de radiothérapie, est responsable d’une morbidité trop importante [5]. Bouchot et al. ont montré que le taux de complications était de 42 % pour les curages profonds. Au CHU de Nantes, le protocole avant 2000 excluait la lymphadénectomie au profit d’une radiothérapie systématique des aires ganglionnaires inguinocrurales, ce qui n’était pas satisfaisant.

1297-9589/$ - see front matter © 2006 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. doi:10.1016/j.gyobfe.2006.10.009

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La détection du ganglion sentinelle s’est développée en cancérologie mammaire dans le but de réduire la morbidité de la chirurgie des curages. La maîtrise de la technique du ganglion sentinelle en pathologie mammaire sert son application à la chirurgie vulvaire car pour ces tumeurs rares, la courbe d’apprentissage est plus longue à acquérir, même si pour certains auteurs le nombre de dix cancers de vulve est retenu pour maîtriser cette technique [6]. La technique du ganglion sentinelle sous-entend une étude extemporanée des ganglions prélevés et un complément de lymphadénectomie si ceux-ci sont positifs. C’est pour éviter la lymphadénectomie complète, et donc réduire la morbidité que nous avons développé le concept de lymphadénectomie sélective, défini par l’ablation des ganglions inguinaux repérés essentiellement par scintigraphie. Depuis novembre 2003, nous avons réalisé cette technique chez quatre patientes du CHU de Nantes. 2. Technique de la lymphadénectomie sélective La détection des ganglions est réalisée par l’association du repérage colorimétrique et lymphoscintigraphique. La veille de l’intervention, chaque patiente reçoit une injection intradermique de 0,2 à 0,4 ml de sulfure colloïde (Nanocis®) marqué au Tc99m. Les injections sont faites en péritumoral. Un enregistrement statique est ensuite réalisé permettant le repérage des ganglions fixants. Un repère cutané est réalisé en regard de chaque ganglion fixant. Pour chaque ganglion repéré, il est précisé le côté et la localisation : ● inguinal ; ● crural ; ● iliaque. L’intervention chirurgicale a lieu le jour même ou le lendemain du repérage lymphoscintigraphique. En début d’intervention, chaque patiente reçoit une injection intradermique péritumorale de 1 à 2 ml de bleu patenté. Toutes bénéficient dans un premier temps d’un traitement chirurgical vulvaire : vulvectomie partielle ou totale, hémivulvectomie. Le prélèvement chirurgical des ganglions est ensuite réalisé par détection des ganglions fixant l’isotope à l’aide d’une sonde gamma, complété par repérage visuel du bleu, notre technique s’appuyant principalement sur les résultats de la lymphoscintigraphie. L’incision cutanée est faite en regard des marquages cutanés et de la zone de fixation isotopique, parallèle au pli inguinal. Il s’agit d’une seconde incision, réalisée après fermeture cutanée vulvaire afin de limiter au maximum le risque infectieux. La technique utilisée est celle de la lymphadénectomie inguinale superficielle modifiée, décrite par Bouchot et al. [7]. Les limites de la dissection sont : ● ● ● ● ●

en avant, le fascia superficialis ; en haut, le ligament inguinal ; en bas, le feuillet antérieur de l’aponévrose ; en dehors, la grande veine saphène ; en dedans le bord externe du muscle grand adducteur (Fig. 1).

Fig. 1. Limites anatomiques de la lymphadénectomie inguinale superficielle (ligne pointillée 1) et de la lymphadénectomie inguinale profonde (ligne continue 2).

L’incision est transversale, limitée à la moitié interne du creux inguinal. La dissection s’effectue sous le fascia superficialis, exposant la grande veine saphène qui est disséquée sur son bord interne, sans être ligaturée. La limite interne est délimitée par la dissection du bord externe du muscle long adducteur. En haut, la dissection est débutée au niveau du ligament inguinal, et les canaux lymphatiques sont ligaturés sous le ligament jusqu’au plan profond formé par le feuillet superficiel de l’aponévrose. Le paquet cellulograisseux est enlevé après deux ou trois ligatures, le séparant des groupes externes des ganglions inguinaux superficiels. La technique de la lymphadénectomie sélective dans les cancers de vulve consiste en l’exérèse du ou des ganglions chauds ou colorés de la chaîne inguinale superficielle voire profonde, ainsi que les autres ganglions palpables ou palpés en peropératoire. Il n’est pas réalisé dans notre technique d’examen histologique extemporané des ganglions, ni de curage systématique associé contrairement à la technique du ganglion sentinelle. 3. Cas cliniques Les patientes incluses dans notre expérience étaient atteintes d’une pathologie maligne vulvaire, diagnostiquée par biopsie tumorale. Depuis novembre 2003, nous avons appliqué la technique de la lymphadénectomie sélective à quatre patientes du CHU de Nantes : deux T1N0M0 et deux T2N0M0. Une patiente présentait une tumeur médiane (atteinte clitoridienne), les trois autres présentant des tumeurs unilatérales (deux à droite et une à gauche). La moyenne d’âge était de 54 ans. Aucune patiente ne présentait d’adénopathie palpable à l’examen clinique au moment du diagnostic. Les bilans d’extension des patientes étaient négatifs pour toutes les quatre. La première patiente, Mme BMR, 44 ans, G1P1, présentait une lésion du capuchon du clitoris depuis plusieurs mois (Fig. 2). Une biopsie réalisée en consultation retrouvait un méla-

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nome malin d’au moins 1,3 mm d’épaisseur. L’examen clinique était normal et ne retrouvait pas d’adénopathie palpable. Un bilan d’extension par IRM et TDM thoraco-abdominopelvien s’était révélé négatif. La patiente a bénéficié d’une prise en charge chirurgicale par vulvectomie partielle associée à une lymphadénectomie sélective. La lymphoscintigraphie réalisée en préopératoire retrouvait trois ganglions fixants à gauche, ainsi que trois à droite, mais plus faiblement marqués (Fig. 3). Les résultats anatomopathologiques définitifs retrouvaient un mélanome ayant un indice de Breslow à 2,85 mm d’épaisseur avec des marges saines. L’examen des ganglions prélevés concluait à trois ganglions indemnes du côté gauche et un ganglion métastatique sur trois, sans dépassement capsulaire, du côté droit. Les suites opératoires étaient simples et sans complication. La patiente a bénéficié d’un suivi en dermatologie, associé à un traitement adjuvant par interféron. Son bilan d’extension à distance est resté négatif (échographie abdominale et pet scan). La deuxième patiente, Mme TL, 42 ans, G1P1, présentait une lésion ulcérée de 22 mm de la face interne de la petite lèvre droite dont la biopsie retrouvait un carcinome épidermoïde infiltrant. Elle a bénéficié d’une vulvectomie partielle, associée à notre technique de lymphadénectomie sélective. La lymphoscintigraphie réalisée en préopératoire retrouvait un paquet de ganglions de drainage de la tumeur au niveau inguinal droit uniquement, nous incitant à réaliser notre prélèvement

Fig. 2. Mélanome vulvaire.

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sélectivement de ce côté. Les résultats anatomopathologiques définitifs concluaient à un carcinome épidermoïde de 5 mm de la petite lèvre droite. L’infiltration en profondeur était de 3 mm. Les marges étaient saines. Les deux ganglions fixants l’isotope et les cinq autres prélevés étaient indemnes de métastases. La troisième patiente, Mme GL, 65 ans, G3P3, ménopausée à 49 ans, sans traitement hormonal substitutif, était atteinte d’un lichen scléro-atrophique depuis 1991, traité par dermocorticoïdes. Elle présentait une lésion de 20 mm de la grande lèvre droite, biopsiée, révélant un carcinome spinocellulaire infiltrant. Elle a également bénéficié d’un traitement chirurgical. La lymphoscintigraphie réalisée en préopératoire retrouvait une hyperfixation de trois ganglions inguinaux droits. Les résultats anatomopathologiques définitifs concluaient à un carcinome spinocellulaire infiltrant moyennement différencié de 20 mm, avec une infiltration en profondeur de 2,5 mm, marges saines et quatre ganglions indemnes. Enfin, la dernière patiente, Mme BM, 85 ans, G8P5, était également porteuse d’un lichen scléro-atrophique, compliqué d’un carcinome épidermoïde infiltrant de 35 mm de la face interne de la petite lèvre gauche. Elle a bénéficié d’une prise en charge chirurgicale par vulvectomie totale du fait de son lichen scléreux atrophique étendu, avec lymphadénectomie sélective. La lymphoscintigraphie réalisée en préopératoire a identifié pour elle deux ganglions chauds à gauche (homolatéraux) et un à droite (controlatéral). À l’examen histologique, l’anatomopathologiste concluait à un carcinome épidermoïde infiltrant de 25 mm de grand axe, aux marges d’exérèse saines. L’infiltration en profondeur était de 6 mm. L’examen ne retrouvait aucune métastase sur les 11 ganglions prélevés (quatre à gauche, sept à droite). Toutes les patientes ont été suivies avec une surveillance clinique régulière et adaptée au stade de la maladie. Les critères de morbidité précoce (jusqu’à un mois postopératoire) et tardive (plus d’un mois postopératoire) ont été systématiquement recherchés. Aucune patiente n’a bénéficié d’une radiothérapie adjuvante. Les trois premières patientes n’ont pas présenté de complications postopératoires précoces ou tardives. Les suites de Mme BM ont été marquées par une désunion de la cicatrice de vulvectomie, avec évolution secondaire favorable par des soins locaux. Aucune désunion de la cicatrice de lymphadénectomie n’a été constatée. 4. Synthèse

Fig. 3. Lymphoscintigraphie.

Depuis novembre 2003, nous avons opéré quatre cancers de vulve avec la technique de lymphadénectomie sélective. Le repérage lymphoscintigraphique préopératoire a permis l’identification et la localisation des ganglions chauds dans tous les cas (100 % de détection). Sur les quatre patientes, deux présentaient des ganglions fixants bilatéraux, dont une chez qui la lésion était médiane (lésion du clitoris). L’autre patiente présentant des ganglions fixants bilatéraux, Mme BM, était atteinte d’une lésion de 20 × 35 mm de la face interne de la petite lèvre gauche.

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Tableau 1 Résultats des quatre patientes du CHU de Nantes P1

T/localisation T1/médian

P2 P3 P4

T2/droite T1/droite T2/gauche

Total

6

Scintigraphie 3 à gauche 3 à droite

5 à droite 3 à droite 3

Chirurgie

Histologie 5 sains 1 atteint à droite 7 sains 4 sains 11 sains

6 7 4

2 à gauche 1 à droite

17

La lymphoscintigraphie a permis de repérer 17 ganglions chauds au total, soit 4,25 par malade [extrêmes : 3–6]. Un geste chirurgical vulvaire a été réalisé chez toutes les patientes (deux vulvectomies partielles, une hémivulvectomie et une vulvectomie totale) et retrouvait trois carcinomes infiltrants de 5, 20 et 25 mm et un mélanome malin invasif de 2,85 mm. La dissection chirurgicale des creux inguinaux a été réalisée sans difficulté à chaque fois. Au total, nous avons réalisé six dissections inguinales : ● quatre unilatérales ; ● deux controlatérales associées. Le prélèvement des ganglions macroscopiquement palpables était réalisé dans le but d’éliminer des macrométastases, avec une dissection volontairement limitée. Les six dissections inguinales ont permis de retrouver 28 ganglions, analysés ensuite histologiquement, dont un seul était atteint : cas du mélanome avec ganglion atteint controlatéral à la localisation tumorale (Tableau 1). Notre attitude a été de prélever les ganglions premiers relais lymphatiques de la zone tumorale vulvaire. La lymphadénectomie peut de ce fait intéresser les ganglions superficiels, mais également certains ganglions profonds. Aucune patiente n’a eu de curage ganglionnaire inguinal complémentaire, du fait de la volonté d’être le moins morbide possible. Aucune patiente n’a eu recours à une radiothérapie complémentaire. La patiente porteuse de l’atteinte ganglionnaire a été suivie en dermatologie pour son mélanome et a bénéficié d’un traitement adjuvant par interféron. Aucune patiente n’a présenté de complication liée à l’exploration du creux inguinal. À distance de l’intervention, on ne note aucune complication tardive. 5. Discussion La faisabilité de la technique du ganglion sentinelle dans les cancers de vulve est maintenant acquise depuis les premières investigations de Levenback et al. dès 1994 [8]. Avec un taux de détection et une valeur prédictive négative proche de 100 % du fait de l’utilisation combinée de la lymphoscintigraphie et de la coloration par bleu patenté [9,10], l’apport de cette technique semble actuellement indispensable à la prise en charge de ces tumeurs.

4 à gauche 7 à droite

11

27 sains 1 atteint

28

Tableau 2 Revue de la littérature des complications de la lymphadénectomie inguinale

Lymphocèle Lymphœdème Infection Désunion Hématome

Gaarenstroom [14] (%) 40 28 39 17

Swan [15] (%) 6–40 22–80 6–20 17–65 2–4

Rouzier [16] (%) 37 25 29

Gould [17] (%) 13 30–69 20–35 19

Tableau 3 Complications de la lymphadénectomie inguinale (d’après Bouchot [5])

Complications précoces Nécrose cutanée Lymphocèle Lymphorrhée Infection Phlébite Complications tardives Reprise sur nécrose Lymphocèle Phlébite Lympœdème

Curage superficiel Nombre = 118 8 (6,8 %) 3 3 1 1 0 4 (3,4 %) 0 0 0 4

Curage radical Nombre = 58 24 (41,4 %) 5 8 6 4 1 25 (43,1 %) 2 3 7 13

Le problème majeur posé par le traitement d’un cancer de vulve est la connaissance de l’envahissement des ganglions régionaux, principal facteur pronostique de ces tumeurs [11]. Or, la morbidité de ces cancers de vulve provient principalement du curage inguinal, réalisé de manière presque systématique par toutes les équipes prenant en charge ce type de pathologie. Néanmoins, les techniques évoluent et DiSaia et al. [12] proposaient déjà en 1979 la réalisation d’un curage inguinal superficiel (au-dessus du fascia cribriformis), complété d’un curage profond uniquement en cas d’envahissement, dans les cancers de vulve classés T1N0. Un essai du Gynecologic Oncology Group a par la suite démontré l’effet délétère de cette technique car associée à une augmentation du taux de récidive inguinale [13]. Dans une revue de la littérature, Gaarenstroom et al. [14] présentent une série de 101 patientes atteintes d’un cancer primitif de vulve. Le traitement consiste en une vulvectomie partielle associée à un curage inguinal radical uni- ou bilatéral (soit un total de 187 curages inguinaux). Au total, 77 patientes sur 101 ont fait une complication ou plus (76 %), dont 66 % étaient liées au curage (et 34 % à la vulvectomie). Sur les 187 curages réalisés, 98 se sont compliqués (52 %). Il s’agissait

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Tableau 4 Revue de la littérature. Taux de faux négatifs avec l’utilisation de la technique du ganglion sentinelle dans les cancers de vulve Auteur Levenback [21] De Cesare [22] Terada [23] Ansink [20] Terada [24] De Cicco [25] De Hullu [10] Levenback [26] Sliutz [27] Moore [28] Puig-Tintoré [9] Total

Année 1995 1997 1998 1999 2000 2000 2000 2001 2002 2003 2003

Nombre patientes 21 10 6 51 10 37 59 52 26 21 26 319

Nombre creux inguinaux 29 20 ? 93 ? 55 107 76 32 31 31

alors de lymphocèles (40 %), d’infections de cicatrices (39 %), de lymphœdèmes (28 %) ou de désunions de sutures (17 %). Une autre série de Swan et al. [15] reprend les complications décrites après lymphadénectomie inguinale : ● ● ● ● ●

lymphœdème : 22–80 %, désunion : 17–65 %, lymphocèle : 6–40 %, infection de la cicatrice : 6–20 %, hématome : 2–4 % (Tableau 2).

En 2004, Bouchot et al. décrivent les complications précoces et tardives de 176 curages inguinaux superficiels et profonds [5]. Sur 88 patients atteints d’un carcinome invasif du pénis, il pratique 118 curages inguinaux superficiels et 58 curages inguinaux radicaux. Il classe alors leurs complications en précoces (durant le mois postopératoire) et tardives (un mois postopératoire ou plus), avec un suivi de 46 mois en moyenne. Sur les 176 curages réalisés, 74 se compliquent (42 %) (Tableau 3). Au total, l’auteur retrouve 7 % de complications après curage inguinal superficiel et 40 % de complications après curage inguinal superficiel et profond. Il note également que lorsqu’une complication précoce apparaît (nécrose de berges, hématome, lymphorrhée), elle fait le lit des autres complications précoces et/ou tardives qui s’enchaînent (lymphocèle, infection, phlébite). Ainsi, 15 à 20 % des patients vont présenter l’ensemble des complications répertoriées. La complication la plus fréquente et la plus invalidante reste à distance le lymphœdème de jambe avec une répercussion sur la déambulation dans 23 % des cas. Dans notre expérience, la dissection n’était pas radicale mais orientée, réduisant les risques chirurgicaux de lymphœdème, et de ce fait entraînant une morbidité moindre que lors d’une lymphadénectomie inguinocrurale complète. Nous n’avons eu aucune complication majeure, ces dernières étant retrouvées il est vrai dans les équipes réalisant un curage inguinal complet. Le prélèvement chirurgical des ganglions chauds et/ou bleus n’a jamais été suivi d’un curage dans notre série. Le risque de cette technique est bien entendu de sous-traiter des patientes et d’observer une récidive ganglionnaire inguinale, souvent fatale pour ces dernières [18,19]. Dans la littérature concernant les équipes qui réalisent un curage inguinal

Nombre faux négatifs 0 0 0 2 0 0 0 0 0 0 0 2

Nombre de patientes N + 6/21 (29 %) 3/10 (30 %) 1/6 (17 %) 9/51 (18 %) 2/10 (20 %) 8/37 (21 %) 20/59 (34 %) 11/52 (21 %) 9/26 (35 %) 9/31 (29 %) 8/26 (31 %) 58/319 (18 %)

associé au traitement chirurgical de la tumeur, le taux de faux négatifs est faible avec seulement deux cas décrits par Ansink et al. [20] sur 51 cas traités (Tableau 4). Au total, ces pratiques ont permis d’obtenir des taux de survie à cinq ans allant jusqu’à 90 % en l’absence d’atteinte ganglionnaire et de 40 à 50 % en cas d’atteinte ganglionnaire inguinale limitée [29]. Cependant, si le geste chirurgical vulvaire est généralement bien toléré, le curage inguinal est responsable d’une importante morbidité postopératoire. Or, cet envahissement ne touche que de 20 à 30 % dans les cancers de la vulve [30,31] et est fonction du stade et de la taille de la tumeur [32]. La réalisation systématique d’un curage inguinal expose donc inutilement 70 à 80 % des patientes à des complications postopératoires invalidantes. 6. Conclusion Si la technique du ganglion sentinelle est bien validée comme le supposent les études publiées, la lymphadénectomie sélective est susceptible de réduire la morbidité, en orientant les prélèvements vers les premiers ganglions drainant la zone tumorale. Références [1] Swan MC, Furniss D, Cassel OC. Surgical management of metastatic inguinal lymphadenopathy. BMJ 2004;329(7477):1272–6. [2] Landis SH, Murray T, Bolden S, Wingo PA. Cancer statistics,1999. CA Cancer J Clin 1999;49(1):8–31. [3] Atallah D, Rouzier R, Camatte S, Pautier P, Pomel C, Lhomme C, et al. Sentinel lymph nodes in gynecologic cancers. Bull Cancer 2002;89(7–8): 681–8. [4] Merisio C, Beretta R, Gualdi M, Pultrone DC, Anfuso S, Agnese G, et al. Radioguided sentinel lymph node detection in vulvar cancer. Int J Gynecol Cancer 2005;15(3):493–7. [5] Bouchot O, Rigaud J, Maillet F, Hetet JF, Karam G. Morbidity of inguinal lymphadenectomy for invasive penile carcinoma. Eur Urol 2004;45 (6):761–5 (discussion 765–6). [6] Cady B. Sentinel lymph node procedure in squamous cell carcinoma of the vulva. J Clin Oncol 2000;18:2795–7. [7] Bouchot O, Rigaud J. Tumeurs du pénis : techniques et indications. Encyclopédie médicochirurgicale. 2004 ; 41–460. [8] Levenback C, Burke TW, Gershenson GW, Morris M, Malpica A, Ross MI. Intraoperativelymphatic mapping for vulvar cancer. Obstet Gynecol 1994;84:163–7. [9] Puig-Tintoré LM, Ordi J, Vidal-Sicart S, Ljarcegui JA, Torné A, Pahisa J, et al. Further data on the usefulness of sentinel lymph node identifica-

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O. Pape P. Lopès* R. Bouquin S. Evrard Service de gynécologie–obstétrique, hôpital de la Mère-et-de-l’Enfant, CHU de Nantes, 7, quai Moncousu, 44093 Nantes cedex 01, France Adresse e-mail : [email protected] (P. Lopès). C. Ansquer Service de médecine nucléaire, hôpital de la Mère-et-de-l’Enfant, CHU de Nantes, 7, quai Moncousu, 44093 Nantes cedex 01, France C. Laboisse Service d’anatomopathologie, hôpital de la Mère-et-de-l’Enfant, CHU de Nantes, quai Moncousu, 44093 Nantes cedex 01, France H.-J. Philippe Service de gynécologie–obstétrique, hôpital de la Mère-et-de-l’Enfant, CHU de Nantes, 7, quai Moncousu, 44093 Nantes cedex 01, France Disponible sur internet le 13 novembre 2006 *Auteur

correspondant.