Mddecine et Maladies Infectieuses - - 1983 - - 13 - - N° 2 - - 62 ~ 68.
Intdret et limites de la recherche de Staphylocoques prdsumds pathog6nes parmi le personnel des cuisines collectives. Bilan de cinq ann6es de contr61e microbiologique*. par M.F. BLECH**, A. VANELLE**, P. HARTEMANN** et J.M. FOLIGUET**. RESUME
Les auteurs exposent les rdsultats de cinq anndes de surveillance microbiologique du personnel de cuisines collectives hospitali6res et universitaires pour la recherche de staphylocoque pr6sum6 pathog6ne au niveau de la gorge et des losses nasales. La pr6valence des examens positifs est comprise entre 25 et 32 % selon les 6tablissements. Pour un 6tablissement, il a 6t6 possible de mettre en 6vidence un portage chronique chez 16 personnes, soit 1 1 % des employ6s, dont un seul concernait une souche ent6rotoxinog6ne de type B. L'dradication du portage chronique par antibioth6rapie s'est rdvd16e impossible. Ces r6sultats autorisent ~ discuter les dispositions de la ldgislation concernant la surveillance m6dicale du personnel des cuisines collectives ou hospitalieres et leur application stricte. Cependant l'int6r~t 6ducatif et 6pid6miologique d'un tel contr61e justifient sa rdalisation.
Mots-clef : Mddecine du travail - Hygi6ne alimentaire - Staphylocoques - Porteurs sains - Epiddmiologie R6glementation.
Dans le but de pr6venir les intoxications alimentaires, dont une part non n6gligeable est due h une contamination secondaire des aliments au cours de leur manipulation par le personnel, la 16gislation impose un contr61e m6dical et microbiologique de ce personnel. Pris en application du code de la Sant6 Publique, du code rural et du r6glement sanitaire d6partemental type, diff6rents arretds ministdriels prdcisent les modalit6s de ce contr61e microbi01ogique. Ces arr6t6s sont actuellement tr6s discutds et en particulier, ils apparaissent assez irr6alistes, car requierent l'6radication du portage de staphylocoques prdsumds pathog6nes au niveau de la gorge. Le portage de ce germe 6tant tr6s fr6quent, l'application stricte de cette ldgislation conduirait h des difficult6s de fonctionnement non justifiables par le danger de contamination potentiel des consommateurs.
* Re~u le 19.5.1982. Acceptation d6finitive le 27.8.1982. ** Laboratoire d'Hygi6rie et de Recherche en Sant6 publique. Facult6 de Mddecine et Service d'HygiSne hospitaliSre, C H R U de Nancy, H6pital de Brabois, 54500 Vandoeuvre-lesNancy.
Ce travail a eu pour but de suivre pendant une p6riode de cinq anndes le personnel de cuisines collectives hospitali6res et universitaires et la qualit6 des repas distribuds, en portant nos efforts essentiellement sur la recherche de staphylocoque DNAse +. Pour les porteurs chroniques, il a 6t6 proc6d6 h la recherche du caract6re ent6rotoxinog6ne des souches isol6es par la m6thode d'immunodiffusion radiale ainsi qu'h des essais d'6radication thdrapeutique h partir des rdsultats de l'antibiogramme. Cette 6tude montre que si le portage intermittent de staphylocoque pr6sum6 pathog6ne touche environ 1/4 du personnel, la proportion de porteurs chroniques est bien plus faible ( 1 1 % ) et celle des porteurs de souches entdrotoxinog6nes, donc potentiellement dangereux, inf6rieure h 1 % . La r6glementation fran~aise impose parmi d'autres contrOles dans les restaurants de collectivit6 (1), la surveillance du personnel et des recherches microbiologiques. Ainsi en compl6r ment de l'arr6t6 du 20 juin 1960 (2) qui impose l'examen m6dical annuel, les agents appel6s /t pr6parer ou fi distribuer les repas en milieu hospi62
talier sont assujettis par l'arr~t6 du 22 ddcembre 1966 (3) /: subir un contr61e microbiologique l'embauche, lors de cet examen annuel, aprbs une absence pour cause de maladie d'ordre digestif ou respiratoire et en cas d'apparition d'affections intestinales chez les consommateurs. Hors du milieu hospi~alier, l'ensemble du personnel appeld fi manipuler des denrdes animales ou d'origine animale est lui aussi soumis selon l'arrat6 du 10 mars 1977 fi ces examens mierobiologiques /~ l'embauche, au retour de cong6 de maladie et dventuellement lors de la viste annuelle (d'o/: la diffdrence avec le personnel h0spitalier) ou dans le cas de constatation de contamination des aliments par des analyses p6riodiques (4). L'arr~td de 1966 prdcise que cette recherche devra porter sur un dcouvillon pris dans le rhinopharynx et les losses nasales (Staphylocoques pathog6nes) et un dchantillon de selles pour coproculture (Salmonelles et Shigelles) et examen parasitologique (formes vdgdtatives et kystiques d'amibes dysentdriques). L'arr~td du 10 mars 1977 (4) dlargit les contr61es en ajoutant la recherche de Streptocoque hdmolytique A dans le pharynx. Si l'application de ces textes ne pose pas de probl6me majeur lots de l'embauche, il en est tout autrement lorsque l'on s'adresse fi un personnel ddj~ en place comme l'ont ddjh soulignd de nombreux auteurs (5, 6, 9, 13, 15). En effet, la prdsence des porteurs sains bien que tr~s variable selon les dtudes est loin d'atre ndgligeable : par exemple, 7 % de porteurs de Staphylocoque dord, 35 % de parasitoses diagnostiqudes dans les selles dont 18 % pouvaient ~tre consid6rdes eomme transmissibles selon Le Guay et coll. en France en 1981 (9). Nous partageons l'avis de ces auteurs pour considdrer que la prdsence d'une salmonelle, d'une shigelle ou d'un parasite transmissible doit avoir une sanction thdrapeutique visde d'dradication, ce qui confirme l'int6rat de ces recherches systdmatiques. Mais il est trbs difficile d'interprdter les rdsultats des recherches de Staphylocoques prdsumds pathog6nes dans la gorge, puisque la notion d'entdrotoxicit6 devrait intervenir, l'dradication est peu facilement obtenue et il appara~t irrdaliste d'interdire de travaillet fi 30 % du personnel ! C'est pourquoi, nous avons voulu dans cet article faire le bilan des recherches de Staphylocoques prdsumds pathog6nes parmi le personnel de cuisines hospitalibres et non hospitali6res apr6s cinq ans de contr61es et rechercher parmi les sou63
ches isoldes chez des porteurs sains, les souches rdellement entdrotoxinog6nes.
MATERIEL ET METHODES
Cette dtude a port6 sur trois cuisines pr6parant journellement un tr6s grand nombre de repas : deux cuisines hospitali6res du C.H.R.U. de Nancy et les cuisines de restaurants universitaires non hospitaliers (C.R.O.U.S. Nancy). Les deux cuisines hospitali6res sont diffdrentes par leur localisation et leur fonctionnement : la cuisine des h6pitaux de ville comporte un personnel hospitalier et sert journellement 3000 lits environ, plus le personnel ; la cuisine de l'H6pital de Brabois est gdrde par une socidt6 privde et emploie un personnel non hospitalier, beaucoup moins stable et dessert 1500 lits environ, plus le personnel. Les cuisines du Centre R6gional des Oeuvres Universitaires et Scolaires sont r6parties dans divers restaurants de Nancy et servent environ 40000 repas par jour. Les examens ont dt6 rdalis6s par 6couvillonnage bitatdrat au niveau du rdcessus narinaire, transport rapide au lab0ra~ toire et ensemencement sur milieu de Chapman. Apr6s incubation des gdloses fi 37oC, les colonies apparaissent pigmentdes en jaune apr6s 24 ou 48 h ont dtd soumises ~ identification selon les critbres biochimiques classiques. Seuls ont dtd retenus comme staphylocoques prdsum6s pathog6nes les Staphylocoques DNAse +. En effet, le caract6re coagulase nous a sembl6 insuffisant puisque la coagulase peut se ndgativer apr6s son traitement antibiotique alors que la DNAse reste stable et que certains auteurs ont ddcrit des intoxications alimentaires dues fi des Staphyloco~-ques coagulase - (10). Nous n'avons pas cherch6 d6terminer le s6rotype, mais la rdsistance aux antibiotiques a 6td testde sur un certain nombre de souches par la mdthode des disques. Chaque personne (saul absence pour raisons exception~ nelles) a dtd soumise ~ deux contr61es, l'un au printemps, l'autre fi l'automne, chaque annde. Pour les personnels des restaurants universitaires, lorsque le rdsultat 6tait positif, un deuxibme prd16vement a dtd r6alisd 15 jours environ apr~s le premier, pour confirmation. Sur le staphylocoque isold /tce moment, nous avons effectu6 un antibiogramme par la m6thode des disques. Le rdsul-
tat de ces examens 6tait alors confi6 au patient pour communication g son mddecin traitant habituel. Ce dernier poursuivait en g6ndral une thdrapeutique ~ visde d'6radication et le patient a 6t6 syst6matiquement recontr616 environ un mois plus tard apr6s le traitement (bien que l'enqu~te n'ait pas permis de savoir si ce traitement avait 6t6 effectivement prescrit et suivi). Dans la marne pdriode de cinq ans, les restaurants suivis pour cette enquire ont 6t6 soumis un contr61e microbiologique des plats apr6s prdparation selon les crit6res de la ldgislation en vigueur. Il est ~ signaler que, bien que certains plats aient 6t6 douteux, voire de mauvaise qualit6 microbiologique, aucune 6pid6mie d'intoxication alimentaire collective n'a 6t6 signalde par les usagers. La recherche de l'ent6rotoxine a 6t6 effectude par une m6thode de pr6cipitation immunologique d6crite par Robbins et al (14). Elle n'a port6 que sur les souches S. a u r e u s isol6es /~ partir des porteurs chroniques des restaurants universitaires.
RESULTATS
Recherche des portcurs de Staphylocoques pathog~nes. Classiquement, on admet que la fr6quence de porteurs sains de Staphylocoques pr6sumds pathog6nes parmi le personnel s'dl6ve fi 20-30 %. Pour la plupart ces derniers hdbergent S. a u r e u s au niveau des fosses nasales. Dans notre expdrience, le taux de portage apparait comme tout fait conforme ~ ces chiffres puisque sur 5 ans, le pourcentage de positivit6 parmi le personnel des cuisines hospitali6res oscille entre 20 et 32 % (Tableau I), les variations n'dtant nullement significatives. Durant une p6riode de 3 ans, le taux de portage dans les cuisines des restaurants universitaires s'est dtabli/~ 19, 23,5 et 25 %, soit des r6sultats tout fi fait identiques. Parmi ces porteurs, nous devons distinguer les porteurs occasionnels et les porteurs sains chroniques. Dans cette 6tude, 16 personnes sur 145, soit 1 1 % ont prdsent6 au moins cinq r6sultats positifs en cinq ans et peuvent 6tre considdr6es comme porteurs chroniques parmi le personnel des restaurants universitaires. 64
T A B L E A U I : Isolements de Staphylocoques presumes pathog~nes dans la gorge du personnel de cuisines hospitali~res (C.H.R.U. de Nancy) et universitaires (C.R.O.U.S.) (Nombre d'examens positifs et hombre total annuel des examens r~alis~s) Annie
1976
1977
1978
1979
1980
H6pitaux de Nancy-ville
114/408 28%
96/362 26,5%
98/353 28%
125/489 126/430 20% 23%
H6pital de Brabois
19/76 25%
28/112 25%
23/72 32%
84/320 26%
31/111 28%
C.R.O.U.S.
-
64/334 19%
70/298 23,5%
73/288 25%
Mais il ne suffit pas d'isoler S. a u r e u s dans les fosses nasales d'un cuisinier pour incriminer sa responsabilit6, m~me en cas de contamination des aliments. I1 faut s'assurer que les Staphylocoques ainsi isolds appartiennent aux m6mes s6rotypes et lysotypes. D'autre part, 6tre porteur n'est pas synonyme de dissdminateur, comme l'ont tr~s bien montr6 les travaux d'Eichenwald sur les nouveaux-nds en couveuse (<< cloud babies ,>) (7), Ce pouvoir de diss6mination semble d'ailleurs fugace (9 g 11 jours) et peut 6tre dfi fi une infection virale intercurrente (12). Enfin il serait probablement intdressant de ddterminer l'intensitd du portage au lieu de s'en tenir ~ une r~ponse purement qualitative du type pr6sence ou absence, car il est certain que plusieurs milliers de Staphylocoques pathog6nes n'ont pas les m6mes consdquences que quelques-uns isol6s.
Recherche de l'ent~rotoxine dans les souches isol~es chez les porteurs chroniques. Si l'on ajoute ~ ces restrictions la ndcessit6 pour la souche de S. a u r e u s incriminde d'6tre ent6rotoxinog6ne, la probabilit6 d'un r61e ndfaste pour le consommateur est faible, mais malheureusement non n6gligeable. Dans notre exp6rience, sur les 16 personnes porteuses saines chroniques nous avons test6, par la mdthode de Ber~doll, le caract6re entdrotoxinog6ne de la souche de staphylocoque h6berg6e ; seule une portait une souche secr~tant de l'ent6rotoxine. Cette entdrotoxine 6tait de type B (Fig. 1). Cette personne 6tait malheureusement affect6e fi un poste potentiellement dangereux, v u l e caract6re de ce portage. Ce fait a pos6 un douloureux probl6me pour le service de m6decine du travail et l'organisation de cette cuisine. Ce travail d6jh r6alis6 au Japon avait conduit ~ des constatations similaires (1).
FIGURE 1 : Arcs de precipitation de I'Ent~rotoxine staphy staphylococcique de type B.
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vement. Apr6s rdalisation de l'antibiogramme et consultation de son m6decin traitant, le sujet (ayant suivi ou non une th6rapeutique) est retrouv6 porteur au bout d'un d61ai de un mois environ dans plus de 80 % des cas. Dans les rares cas off ce troisi6me contr61e s'est av6r6 ndgatif, le contr61e suivant au bout de quelques mois est de nouveau positif. Ainsi m6me si l'antibiotique est efficace in vitro, il semble inefficace in vivo, c'est pourquoi il nous para~t normal de condamner l'usage des antibiotiques chez les porteurs sains de S. aureus parce qu'inefficace et susceptible de s61ectionner des flores rdsistantes. La population microbienne normale est une barri6re contre l'invasion des souches 6trang6res alors qu'il faudrait moins de trois jours d'antibioth6rapie pour transformer une flore nasale sensible en forme r6sistante. Ainsi, compte tenu de la faible efficacit6 des traitements antiseptiques locaux, l'6radication d'un portage sain de Staphylocoques pathogbnes est pratiquement irrdalisable. T A B L E A U II : R~sistance aux antibiotiques de 150 souches de Staphylocoques presumes pathog~nes isol~es des fosses nasales et du r h i n o p h a r y n x de personnel de cuisines,
s T : t~moin Cupule A : antis&urn B~--- ~ _t- jtoxine B Cupules E : extrait pr~par~ ~ partir d'une souche de Staphylococcus aureus provenant d'un cuisinier porteur chronique.
Essais de traitement des porteurs sains en vue de l'~radication du Staphylocoque pathog~ne. Si l'on a pens6, d6s la ddcouverte des antibiotiques dans les ann6es 1940, ~ attaquer le r6servoir nasal par des substances antibact6riennes locales puis gdndrales, on a rapidement constat6 que tout espoir d'6radication 6tait vain. En effet, de nombreux produits ont 6t6 essay6s, mais le staphylocoque a d6velopp6 une r6sistance de plus en plus grande aux antibiotiques, particuli6rement /~ la polymyxine, au point de constituer presque un crit6re de diagnostic (8). A titre d'exemple, nous avons port6 sur le tableau II le spectre de r6sistance de 150 souches S. aureus isoldes parmi le personnel des cuisines hospitali6res et testdes selon l'antibiogramme par la mdthode des disques. Les r6sultats des pr616vements bactdriologiques que nous avons r6alis6s sur les m6mes personnes pendant plusieurs ann6es, montrent qu'un sujet ddj~ connu comme porteur chronique de Staphylocoque pathog6ne, positif au premier contr61e, est quasiment presque toujours porteur au cours du deuxi~me pr616-
R~sistant
Interrn~diaire
Sensible
P~nicilline
62
22
16
Ampicilline
65
10
25
Erythromycine
8
20
72
Pristinamycine
0
0
100
Streptomycine
13
80
7
Kanarnycine
3
41
56
Gentamycine
3
25
72
Amikacine
0
3
97
T~tracycline
30
8
62
Minocycline
0
25
75
Rifampicine
0
0
100
Colimycine
98
0
2
Trimetoprime/
0
0
100
sulfa.
Devenir du Staphylocoque dans les aliments. A u cours de cette surveillance, nous avons rein contr6 du staphylocoque pr6sum6 pathog6ne dans environ 1,5 ~ 3,5 % des aliments analys6s h des taux sup6rieurs fi 100 colonies par gramme sur un total de 400 contr61es. Le taux peut atteindre 24,5 % si l'on 6tudie des crudit6s. Aucurie intoxi65
cation alimentaire collective n'a 6t6 signal6e. Ceci n'est pas 6tonnant puisque, dans ces cuisines, les cha~nes du froid et du chaud et les bonnes pratiques de la 16gislation sont en g6n6ral correctement respect6es. En effet, la contamination de l'aliment juste avant sa consommation ou au cours de la pr6paration, mais avec une conservation au froid ou au chaud de l'aliment avant consommation ne permet pas la production de toxine, m6me si la souche est ent6rotoxinog6ne. Ceci nous permet d'insister comme l'ont d6j~ fait de nombreux auteurs (1, 9, 15) sur l'importance du respect des r6gles d'hygi6ne et de bonne pratique.
DISCUSSION
Les rdsultats de cette 6tude confirment la grande frdquence des porteurs sains de Staphylocoques prdsumds pathog6nes parmi le personnel des cuisines (19 ~ 32 %) et la proportion non ndgligeable de porteurs dits chroniques ( 1 1 % ) . Parmi ces porteurs, seulement un cuisinier hdberge de faqon permanente une souche entdrotoxinog6ne. Durant la m6me pdriode, aucunc toxi-infection alimentaire collective n'a 6t6 rapport6e parmi les tr6s nombreux usagers de ces trois cuisines distribuant de l'ordre de 50000 repas par jour. L'association de ces deux types de donn6es nous conduit & l'inverse d'autres auteurs (9) fine pas souhaiter la disparition de la recherche de S. a u r e u s dans la gorge du personnel telle qu'elle est recommand6e par la 16gislation. Cependant cette 16gislati0n devrait 6tre modifide de faqon/~ ne pas exiger l'6viction des porteurs et l'6radication du germe. En effet, cette 6radication est impossible et non physiologique, et il n'est pas concevable de mettre 1/4 du personnel en arr6t de travail plus ou moins permanent. C'est pourquoi la recherche microbienne au niveau de la gorge nous semble devoir ~tre maintenue pour des buts 6ducatifs et 6p!ddmiologiques : Le but 6ducatif est 6vident " le fait de soumettre chaque agent ~ une recherche de Staphylocoque contribue fi maintenir une sensibilisation au risque potentiel pour le consommateur. Le porteur sain est 6galement averti de son 6tat et, sui-
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66
vant Sa place dans la cuisine, invit6 g prendre des prdcautions particuli6res.., sinon g changer de poste.--Le but 6pid6miologique est lui aussi tr6s i m p o r t a n t : conna~tre les porteurs chroniques, possdder des souches isol6es, permet d'agir plus rapidement en cas de d6couvertes d'aliments contamin6s ou de survenue de toxi-infection alimentaire. Parmi les ~ suspects ,> possibles, la recherche de la faille, sinon du coupable, est beaucoup plus efficace. De plus, la recherche des souches ent6rotoxinog~nes par cette m6thode simple /t mettre eia ~euvre permet d'apprdhender plus exactement le risque et de conseiller le m6decin du travail dans ses choix de reclassement. En tenant compte de la 16gislation en vigueur, de notre exp6rience expos6e plus haut et des raisons suivantes : - porteur de germe n'est pas synonyme de donneur de germe, - la frdquence et la quantit6 du portage sont importantes, - - l a pathog6nicit6 in vitro n'est pas identique /: la pathog6nicit6 in v i v o , - - la pr6sence de caract6res de pathog6nicit6 ne veut pas dire prdsence d'ent6rotoxine, - - l'6radication chez un porteur sain est irrdaliste, - - l e s antibiotiques doivent ~tre r6servds ~ des usages plus utiles, enfin la contamination d'un aliment ne repr6sentera un danger r6el pour le personnel et le malade que dans certaines conditions,
il n o u s p a r a i t j u s t i f i ~ de r e c o m m a n d e r l ' a t t i t u d e suivante :
- - rdaliser les contr61es p6riodiques chez le personnel de cuisine, - - traiter et 6vincer tousles porteurs digestifs de germes pathog6nes et les porteurs malades de Staphylocoque dor6, - - repdrer les porteurs sains de Staphylocoque et les pr6venir, - - typer et identifier les germes en cause (s6roet antibiotype, lysotype si possible et recherche de la toxine), - - ne changer de poste que les personnels affectds aux tfiches les plus dangereuses (biberonnerie, cuisine di6t6tique pour unitds de soins intensifs ou secteurs aseptiques, pfitisserie), - - a f f e c t e r les porteurs sains ~ des postes de moindre danger (cuisine g6ndrale), ieur demander de prendre des pr6cautions lots des manipulations, --6tablir une surveillance de l'alimentation apr6s fabrication.
Si, malgr6 ces pr6cautions, des staphylocoques sont trouv6s tr0P fr6quemment et en trop grand nombre dans les aliments, typer et identifier ceuxci pour les comparer &ceux port6s par les personnels connus. En cas d'identit6 des souches et seulement dans ce cas, on doit prendre des mesures plus draconiennes : 6viction temporaire, th6rapeutique antimicrobienne et reprise du travail sous conditions, recherche du caract6re ent6rotoxinog6ne du germe en cause. Si l'6radication de S." a u r e u s est impossible et si celui-ci est ent6rotoxinog6ne, il nous semble logique d'en venir h la mesure d'exclusion des cuisines. Mais la r6glementation actuelle visant ~ exclure des cuisines hospitali~res t o u s l e s porteurs de staphylocoque pathog~ne, est trop exclusive si etle est appliqu6e d'embl6e et elle ne tient pas compte des donn6es 6pid6miologiques et du probl~me social.
CONCLUSION I1 nous semble utile de fonder le contr61e microbiologique des cuisines collectives (en dehors du contr61e sanitaire effectu6 par les services vdt6rinaires) sur la surveillance de la qualit6 du produit fini et une connaissance 6pid6miologique de l'6tat de portage du personnel sans autre intervention que p6dagogique lorsque tout va bien. Ce n'est qu'en cas de probl6mes de qualit6 des aliments qu'il appartiendra aux responsables de prendre les mesures n6cessaires pour que la chaine de contamination soit coup6e, soit par des
SUMMARY
mesures techniques ou de prophylaxie plus poussdes, soit par des mesures autoritaires d'ordre m6dical ou administratif, Ainsi, la recherche des Staphylocoques pr6sum6s pathog~nes dans la gorge du personnel des cuisines collectives, requise par la 16gislation, nous semble justifi6e sur les plans 6pid6miologiques et p6dagogiques. Le portage sain par environ 1/4 du personnel doit conduire les responsables ~ ne pas appliquer ~ la lettre cette 16gislation qui demanderait ~ 6tre modifi6e sur ce plan, mais rechercher le caract~re 6ventuellement ent~rotoxinog6ne des souches isol6es chez les porteurs chroniques et ~ ne pas intervenir tant que la qualit6 des aliments reste satisfaisante. Mais il n e saurait 6tre question de ne pas insister 6galement sur la tr6s grande importance de l'hygi6ne corporelle et du respect des bonnes r~gles d'hygi6ne lots du travail des professionnels, en particulier sur le lavage des mains. Comme le constate J. Adroit (1), seule une bonne formation initiale et continue du personnel permettra la r6alisation convenable et opportune de ce geste le plus important qui pr6viendra le mieux la contamination de la nourriture par les porteurs sains pour lesquels m6dicalement on ne peut pas grand chose.
Remereiements. Nous remercions le pr Bergdoll (Food Research Institute, Madison, Wisconsin, USA) de nous avoir conseill6s dans la mise en oeuvre de la technique de recherche des ent6rotoxines et fourni les rdactifs n6cessaires ~ sa r6alisation.
During five years the workers of kitchen in hospitals and universitary restaurants in Nancy were submitted to microbiological control for the search of Staphylococcus' aureus in the throat. The prevalence of the positive investigations varies from 25 % to 32 % according to the kitchens. Among 16 workers with a chronic carriage (11% of the employers in one kitchen) only one entertained an enterotoxinogenic strain (typ B). It was'impossible to obtain an eradication of the chronic carriage with the aid of antibiotherapy for the main. The results allow to discuss the french regulations for the medical survey of the employers in kitchen and their strict application. However the educative and epidemiologic interest of this control justify his reatisation.
Key-words : Occupational Medicine - Food Hygiene - Staphylococcus - Healthy carriers - Epidemiology Regulations.
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