Interprétation des examens biologiques au cours de la grossesse

Interprétation des examens biologiques au cours de la grossesse

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Revue du Rhumatisme 72 (2005) 698–706 http://france.elsevier.com/direct/REVRHU/

Interprétation des examens biologiques au cours de la grossesse How to interpret biological results during pregnancy Sylvain Dubucquoi a, Claudine Caron b, Bernadette Hennache c, Damien Subtil d, Eric Hachulla e,* a

Laboratoire d’immunologie, hôpital cardiologique, CHRU de Lille, avenue Oscar-Lambret, 59037 Lille cedex, France Laboratoire d’hémostase, hôpital cardiologique, CHRU de Lille, avenue Oscar-Lambret, 59037 Lille cedex, France c Laboratoire de biochimie, hôpital cardiologique, CHRU de Lille, avenue Oscar-Lambret, 59037 Lille cedex, France d Service de gynécologie et obstétrique, hôpital Jeanne-de-Flandre, CHRU de Lille, avenue Oscar-Lambret, 59037 Lille cedex, France e Service de médecine interne, hôpital Claude-Huriez, CHRU de Lille, avenue Oscar-Lambret, 59037 Lille cedex, France b

Reçu le 15 mars 2005 ; accepté le 10 mai 2005 Disponible sur internet le 07 juillet 2005

Mots clés : Grossesse ; Anticorps antinucléaires ; Anticorps antiphospholipides ; Inflammation ; Hémostase Keywords: Biological test; Pregnancy; Antinuclear antibodies; Antiphospholipid antibodies; Inflammation; Haemostasis

Si la grossesse constitue un nouvel équilibre physiologique, celui-ci est obtenu au prix de bouleversements transitoires de certains grands systèmes qui participent à l’homéostasie de l’organisme, au rang desquels on trouve le système immunitaire, l’hémostase et l’inflammation. En effet, pendant neuf mois, ces systèmes sont sous l’emprise de différents mécanismes de contrôle, notamment hormonaux, générés par l’unité fœtoplacentaire dans le but d’induire sa tolérance et sa croissance. Ces mécanismes vont également peser sur le développement de certains processus pathologiques, notamment ceux liés à l’état d’hypercoagulabilité et ceux qui président à l’évolution des maladies auto-immunes (MAI) non spécifiques d’organe.

1. Marqueurs immunologiques de connectivites et grossesse Les MAI peuvent être influencées par la grossesse, certaines comme la polyarthrite rhumatoïde peuvent bénéficier d’une accalmie, d’autres comme le lupus systémique (LES) sont à risque de poussée. Le clinicien doit donc légitimement s’interroger quant au risque évolutif d’une MAI pendant la * Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (E. Hachulla). 1169-8330/$ - see front matter © 2005 Elsevier SAS. Tous droits réservés. doi:10.1016/j.rhum.2005.05.007

grossesse. Nous aborderons donc ce paragraphe en tentant de répondre aux questions suivantes : • l’état de grossesse peut-il perturber les résultats d’un dépistage d’anticorps à visée diagnostique ? • la grossesse justifie-t-elle d’une prescription particulière ? • est-il pertinent de modifier la fréquence de suivi des marqueurs biologiques de maladies auto-immunes au cours de la grossesse ? 1.1. L’état de grossesse peut-il perturber les résultats d’un dépistage d’anticorps à visée diagnostique ? La recherche des marqueurs immunologiques associés aux principales maladies de système (résumés dans le Tableau 1), fait appel à une démarche hiérarchisée, schématisée dans la Fig. 1. À cette notion de démarche progressive et élaborée, l’état de grossesse doit amener la question supplémentaire : les méthodes et les seuils utilisés pour la recherche de ces paramètres biologiques sont-ils adaptés à cette circonstance particulière ? Il faut savoir d’emblée qu’il n’y a pas d’interférence spécifique liée à l’état de grossesse pour les méthodes utilisées à la recherche de paramètres immunologiques de connectivites. En revanche, comme dans d’autres domaines de la biologie (mesure de la glycémie ou évaluation de la numération sanguine, par exemple), les « valeurs seuil » des méthodes appliquées aux prélèvements de la femme enceinte peuvent

S. Dubucquoi et al. / Revue du Rhumatisme 72 (2005) 698–706 Tableau 1 Principaux marqueurs immunologiques dans les connectivites. Intérêt diagnostique, pronostique, et en tant que marqueurs évolutifs. Cas particuliers liés à la grossesse Maladie Marqueur immunologique

PR

Lupus

Sclérodermie Polymyosite

FR

Diagnostic Pronostic Évolution Cas particulier de la grossesse +++ ++ – – (début) +++ ? – – ++ – – seuil ? +++ ++ ++ – +++ – – – +++ – – – +++ – – ++ ++ + + –

Anti-CCP Ac antinucléaires ADN natif a Ac anti-Sm Ac anti-RNP b Ac anti-Ro (La)c Ac anticoagulant circulant d Ac anti+ cardiolipine Ac anti-bêta 2-GP1 ++ Ac anticentromère +++

+

+

+

+ ++

+ –

? –

Ac anti-Scl-70 Ac anti-Jo-1

++ ++

– –

– –

+++ +++

FR : Facteur rhumatoïde ; anti-CCP : anticorps antipeptide citrulliné. a Ac anti-ADN natif : seul le test de Farr (et accessoirement l’immunofluorescence sur Crithidia luciliae, notoirement moins sensible) permet d’assurer le suivi des titres des Ac anti-ADN natif dans le cadre du LES. À l’heure actuelle aucun test Elisa n’apporte de performances suffisantes pour assurer un tel suivi. b Ac anti-RNP : la recherche s’inscrit dans le cadre du lupus comme celle des connectivites mixtes. c Ac anti-Ro (SSA) et La (SSB) : leur recherche s’inscrit dans le cadre du LES et des syndromes primaires et secondaires de Gougerot-Sjögren. d Ac anticoagulant circulant : la recherche s’inscrit dans le cadre des syndromes primaire et secondaire des antiphospholipides.

ne pas coïncider avec celles d’adultes du même âge. Ainsi, pour la prescription des anticorps (Ac) antinucléaires (AAN), la hiérarchie des examens suit-elle la même progression ; toutefois, le seuil à partir duquel les investigations complémentaires méritent d’être engagées pourrait être ramené au 1/40e, notamment pour la recherche d’Ac anti-Ro. En pratique courante, il peut être difficile pour le biologiste de modifier le seuil d’évaluation pour des raisons liées aux technologies utilisées (automates) ou à l’absence d’information quant à l’état de grossesse. Il faut néanmoins retenir qu’il est légitime d’engager des investigations complémentaires alors même que les examens de dépistage se sont avérés négatifs, si le contexte clinique le justifie, voire simplement si un doute persiste. C’est le cas notamment de la recherche d’Ac anti-Ro chez la jeune femme qui formulerait un souhait de grossesse, alors qu’elle souffre de connectivite. Un autre paramètre immunologique mérite une attention particulière au cours de la grossesse, il s’agit de la recherche d’Ac antiphospholipide (aPL). La sérologie syphilitique n’est plus un test à prescrire dans ce cadre puisqu’elle manque de sensibilité et de spécificité. Néanmoins, c’est un test obligatoire au cours de la grossesse et cela peut être un mode de

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découverte des aPL lorsque la sérologie syphilitique est dissociée (VDRL positif, TPHA négatif). Les marqueurs les plus utiles semblent être ceux qui illustrent la perturbation des tests fonctionnels de la coagulation (recherche d’anticoagulant lupique [ACC], index de Rosner, test au venin de vipère de Russel, test à la thromboplastine diluée). En effet, ils allient les meilleures performances de sensibilité et de spécificité à une standardisation interlaboratoire permettant une interprétation optimale des résultats. Leur positivité traduit un risque important de survenue d’événements cliniques, qu’ils soient thrombotiques ou obstétricaux. La recherche des perturbations fonctionnelles de l’hémostase peut néanmoins s’enrichir de la prescription d’autres marqueurs immunologiques tels que les Ac anticardiolipine (aCL) et anti-b2-glycoprotéine 1 (b2-GP1). Alors que les titres d’Ac ne sont pas modifiés tout au long de la grossesse, les Ac aCL IgG et l’ACC ont tendance à augmenter après l’accouchement. Néanmoins, la recherche de ces Ac par les tests de coagulation pourrait manquer de sensibilité en raison des modifications du taux des facteurs procoagulants observés au cours de la grossesse [1,2]. Pour la recherche d’Ac aCL, une démarche cohérente est plus difficile à mener car il n’existe pas de consensus définissant, pour les différentes trousses de réactifs commercialisées, un seuil à partir duquel la présence d’Ac aCL doit être associée au risque de développer un syndrome des Ac antiphospholipides (SAPL) [3]. Il a été proposé un seuil arbitraire de 50 U G(M)PL (unités IgG [ou IgM] antiphospholipide) à partir duquel le risque de thrombose peut être considéré comme important. Dans le cadre du SAPL obstétrical, ce seuil pourrait même être ramené à 25 U G(M)PL. La gestion des risques par l’intermédiaire de « valeurs seuil » est toutefois entachée du danger de méconnaître un réel processus pathologique, car si une tendance peut se dégager de l’étude rétrospective de populations malades, il est souvent difficile de la transposer à visée prospective, à l’échelon individuel. 1.2. La grossesse justifie-t-elle d’une prescription de paramètres particuliers ? Quand le diagnostic de connectivite est déjà établi, la grossesse peut modifier temporairement la prise en charge de la maladie et justifier, notamment, de la prescription de marqueurs même s’ils ont déjà été recherchés (et surtout si les résultats sont revenus négatifs). Il est évident que cette recherche se fera avant la conception et que l’information aux futurs parents doit être la plus explicite possible pour assurer une prise en charge optimale. Il s’agit pour l’essentiel de la recherche des Ac anti-Ro (SSA) qui peuvent être à l’origine de troubles de la conduction cardiaque au cours des 25 premières semaines d’aménorrhée, voire de mort fœtale par myocardite [4–6]. La prescription se fera donc dans ce sens, en identifiant précisément les Ac recherchés et le contexte clinique qui justifie la prescription (la grossesse). En revanche, il n’est pas sûr qu’il soit important de définir précisément l’isoforme de la molécule Ro (SSA) contre laquelle l’Ac est dirigé. En effet, il existe à l’heure actuelle, une discussion quant à l’inté-

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Fig. 1. Démarche générée par le biologiste en réponse à la prescription de recherche d’Ac antinucléaires. En l’absence d’information clinique, le seuil à partir duquel les investigations complémentaires sont engagées, est fixé à une dilution du sérum au 1/80e. Il faut toutefois savoir, que si le contexte clinique le justifie, et sur simple demande du prescripteur, le biologiste peut engager des explorations complémentaires alors que les examens de première intention se sont révélés négatifs. C’est le cas de la recherche d’Ac anti-Ro (SSA) chez la femme enceinte.

rêt de rechercher des Ac anti-SSA/Ro 52 kDa. Pour certains, leur présence peut être associée à certaines maladies de système [7,8] et constituerait un facteur de risque pour le bon déroulement de la grossesse [6,9]. D’autres contestent jusqu’à l’identité de la protéine de 52 kDa comme issue de l’antigène Ro (SSA), et rejettent l’intérêt de la recherche des Ac anti-Ro 52 kDa dans le domaine des connectivites [10]. En pratique courante, si la prescription du clinicien ne doit pas distinguer les Ac anti-Ro 52 et 60 kDa, les méthodes utilisées par les biologistes se généralisent vers la détection des deux types d’Ac. Le biologiste devra préciser l’isoforme de la molécule Ro vers laquelle sont ciblés les Ac. La présence d’Ac dirigés contre le seul isoforme de 60 kDa ou dirigés de façon combinée vis-à-vis des deux isoformes de 52 et 60 kDa fera considérer le risque comme maximal. La présence d’Ac dirigée contre le seul isoforme de 52 kDa sera interprétée avec plus de circonspection, quant à l’association potentielle d’une connectivite. Toutefois, pendant la grossesse, il peut être légitime de gérer le risque et la prise en charge comme pour les Ac anti-SSA/Ro de 60 kDa. 1.3. Est-il pertinent de modifier la fréquence de suivi des marqueurs biologiques de maladies auto-immunes au cours de la grossesse ? Parmi les MAI systémiques, celle qui pose le plus grand problème au cours de la grossesse est le LES. S’il est un para-

mètre utile pour suivre l’évolution de la maladie, c’est le titre des Ac anti-ADN natif. On peut toutefois regretter que les méthodes Elisa utilisées par la grande majorité des biologistes, aient fait perdre de la crédibilité à ce marqueur qui pourtant s’il est mesuré par le test de Farr, voire par immunofluorescence sur Crithidia luciliae (moins sensible, toutefois), peut renseigner le clinicien quant à l’évolution de la maladie lupique pour les quelques mois qui suivent le dosage. Il est clair que ce marqueur ne suffit pas à lui seul pour traduire une maladie évolutive ou à risque, mais intégrée dans le contexte clinique, et combinée à l’exploration du complément et du syndrome inflammatoire, le titre des Ac anti-ADN natif peut permettre de juger du moment le plus opportun pour engager une grossesse. Pendant la grossesse, un suivi clinique attentif peut être proposé tous les trois mois, combiné à l’exploration du syndrome inflammatoire, de la fonction rénale et d’un titrage des Ac anti-ADN natif ainsi que de l’activité hémolytique du complément (CH50). Il n’est pas inutile de rappeler que l’exploration du complément se fait de façon optimale sur tube avec anticoagulant (EDTA) et que le CH50 est le paramètre le plus utile pour apprécier une activation du complément potentiellement liée à une poussée de la maladie lupique. En effet, les taux de la protéine C4 du complément peuvent être abaissés du fait de la présence d’une cryoglobuline [11], ou d’un déficit génétique fréquemment rencontré dans ce type de pathologie. Ils ne traduisent donc pas aussi fidèlement l’activation du complément.

S. Dubucquoi et al. / Revue du Rhumatisme 72 (2005) 698–706 Tableau 2 Aspect comparatif des données cliniques et biologiques comparant la maladie lupique en poussée rénale et la prééclampsie Paramètres

Poussée rénale lupique Protéinurie Progressive ou brutale Hématurie Fréquente Créatininémie Normale ou élevée Uricémie Normale ou élevée HTA Oui Œdèmes des mem- Possible bres inférieurs Atteinte cutanée ou Oui fréquente articulaire Thrombopénie Possible CH50 Diminué Anti-ADN natif En élévation Anticorps antiPossible phospholipides

Tableau 3 Modifications des paramètres de l’hémostase au cours de la grossesse (d’après 13)

Prééclampsie Brutale Rare Élevée Élevée Oui Oui Non Possible (critère de gravité) Parfois diminué Stable Possible

La prééclampsie est une situation particulière qui peut faire porter à tort le diagnostic de poussée lupique. L’élément le plus discriminant entre une poussée rénale du lupus et la prééclampsie est surtout le titre des Ac anti-ADN natif stable dans la prééclampsie, en élévation dans l’atteinte rénale lupique (Tableau 2). La survenue d’une éclampsie, quel que soit le type de maladies systémiques associé, doit amener la recherche d’Ac aPL car l’éclampsie peut être l’expression clinique d’un authentique SAPL obstétrical [12].

2. Hémostase La grossesse s’accompagne d’un certain nombre de modifications physiologiques de la coagulation et de la fibrinolyse [13], et les pathologies inflammatoires ont des répercussions sur ces mêmes paramètres, les systèmes de la coagulation et de l’inflammation étant très intriqués [14]. Ainsi, une grossesse chez une femme présentant une pathologie inflammatoire ou auto-immune, conjugue deux circonstances induisant des variations des paramètres de l’hémostase, principalement consécutives aux modifications induites au niveau de l’endothélium. L’endothélium joue un rôle actif à la fois dans la régulation de l’hémostase et de l’inflammation ; des modifications structurales et fonctionnelles de l’endothélium, telles qu’observées dans des circonstances physiologiques (comme la grossesse) ou pathologiques (les pathologies inflammatoires ou immunitaires) vont avoir des répercussions sur l’équilibre de ces deux systèmes et induire des variations des taux des marqueurs explorant leur activité. 2.1. Modifications de l’hémostase pendant la grossesse normale et le post-partum La grossesse normale est associée à des modifications allant dans le sens d’une hypercoagulabilité et d’une hypofibrino-

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Augmentation Facteurs procoagulants

Protéines anticoagulantes

Fibrinogène, Facteurs V, VII, VIII, IX, X Thrombomoduline soluble

Diminution Non modifié Facteur XI Protéine S Protéine C Antithrombine

Protéines adhésives Facteur Willebrand Protéines de la fibrinolyse PAI-1, PAI-2 t-PA Anticorps antiphospholipides (aPL)

APLs

lyse, avec globalement une augmentation des activités procoagulantes, une diminution des inhibiteurs naturels et de l’activité fibrinolytique (Tableau 3). Ces modifications aident au maintien de la fonction placentaire pendant la grossesse et l’accouchement, mais peuvent prédisposer à la thrombose et aux complications vasculaires placentaires. La concentration des facteurs procoagulants augmente progressivement et significativement, en particulier les taux de fibrinogène et de facteur VII peuvent doubler [15]. Le taux des facteurs VIII et Willebrand augmentent tout au long de la grossesse, tout en maintenant un rapport VWF : Ag/VIII entre 1 [16], et 1,5 [17]. Le propeptide du facteur Willebrand (VWF : AgII) est sécrété simultanément au VWF mais éliminé plus rapidement de la circulation (demi-vie de 2–3 contre 12 heures pour le VWF), son taux augmente progressivement au cours de la grossesse et le rapport VWF : AgII/VWF : Ag évolue de 1 à 0,5. Celui-ci pourrait être un marqueur sensible d’un dysfonctionnement endothélial [16]. Le système anticoagulant naturel joue un rôle majeur lors de la grossesse. La thrombomoduline, glycoprotéine membranaire de la paroi endothéliale des vaisseaux et des trophoblastes placentaires, voit le taux de sa forme soluble plasmatique augmenter en fin de grossesse [18]. L’activité de la protéine C varie en restant dans la fourchette de normalité [19]. Il en est de même pour l’antithrombine [20]. Dès les premières semaines de grossesse, les concentrations de protéine S totale et protéine S libre atteignent des niveaux inférieurs aux valeurs normales observées chez des femmes ne prenant pas d’estroprogestatifs [21]. Une résistance acquise à la protéine C activée (APC) est induite par les modifications hormonales de la grossesse [22] ; près de 60 % des femmes développent une résistance acquise à la protéine C activée, qui est maximale au début du 3e trimestre de grossesse [23]. Il n’y a donc pas lieu de rechercher une telle anomalie au cours de la grossesse. La grossesse s’accompagne également d’une activité fibrinolytique diminuée avec notamment l’augmentation significative du taux des inhibiteurs dont le PAI-2, découvert originellement dans le placenta, et aussi le PAI-1 [16,20]. L’ensemble de ces paramètres se normalise dans les six à huit semaines qui suivent l’accouchement. Il est donc préfé-

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rable d’attendre ce délai pour mesurer les paramètres de l’hémostase dont le profil est modifié lors de la grossesse. 2.2. Modifications de l’hémostase liées à la pathologie inflammatoire L’inflammation a un effet procoagulant, dès la phase d’initiation par l’expression de facteur tissulaire, suivi de la phase de propagation par l’exposition de phospholipides chargés négativement à la surface membranaire, puis de la phase d’inhibition des mécanismes anticoagulants physiologiques [14]. Le facteur de Willebrand (VWF) est élevé dans toutes les atteintes de l’endothélium vasculaire, il est à la fois marqueur de souffrance vasculaire et protéine inflammatoire de la phase aiguë. Les médiateurs de l’inflammation vont également exercer une régulation négative sur la thrombomoduline (TM) et le récepteur endothélial pour la protéine C (EPC-R), tous deux nécessaires à l’activation optimale de la protéine C. De plus, la PS libre est souvent réduite accentuant le défaut fonctionnel de cette voie. La présence d’Ac aPL participe également à l’inhibition de la voie de la PC dans les états inflammatoires associés aux pathologies auto-immunes. Le taux de PAI-1 est significativement augmenté lors de la réponse inflammatoire, induisant un état d’hypofibrinolyse. 2.3. Intérêt du dosage plasmatique des marqueurs endothéliaux Les marqueurs dont les dosages sont réalisables dans des laboratoires très spécialisés sont le VWF et son propeptide, le t-PA et le PAI-1 [16], la thrombomoduline soluble (sTM) [18]. Ils ne donnent accès qu’à une exploration indirecte de l’endothélium, leur spécificité est limitée (VWF et PAI1 sont également présents dans les plaquettes) et le bénéfice individuel n’est pas nettement établi. Un suivi en cinétique serait probablement plus pertinent qu’une mesure ponctuelle.

3. Bilan martial Le fer, constituant de l’hémoglobine, est un métal indispensable à l’organisme. Le taux de fer chez un individu normal est de 3000 à 5000 mg ; il se répartit en : • fer fonctionnel : C hémoglobine : 2000 à 2500 mg (65 %) ; C myoglobine : 200 à 500 mg (3 à 5 %) ; C enzymes : 8 à 15 mg (0,3 %) ; • compartiment de transport, fer lié à la transferrine ou sidérophiline 3 à 4 mg (0,1 %) ; • fer des réserves (30 %) : C réserve labile liée à la ferritine : 300 à 600 mg ; C réserve fixe liée à l’hémosidérine : 300 à 600 mg. Les pertes quotidiennes de fer s’élèvent à 1 à 2 mg par jour et sont compensées par une alimentation normale. Le fer

réduit à l’état ferreux est couplé à la gastroferrine et transporté jusqu’au duodénum où il peut être absorbé. Dans le pool sanguin, le fer est pris en charge par la transferrine, transporteur exclusif du fer ; sa demi-vie est de huit jours. La transferrine intervient dans la régulation de l’absorption du fer : en cas de besoin ou de carence sa concentration augmente, en cas de surcharge elle diminue. Le fer véhiculé par la transferrine sert à la biosynthèse de l’hème au niveau de la moelle osseuse (15 à 20 mg /jour). Ce fer est récupéré lors de la destruction des globules rouges par le système réticuloendothélial et repris en charge aux trois quarts par la transferrine. La capacité totale de fixation ou de saturation de la transferrine (CFT) est de 250 à 400 µg/100 ml (45 à 72 µmol/l) ce qui correspond à un coefficient de saturation moyen de l’ordre de 30 %. Le quart restant est stocké sous forme de ferritine, réserve labile et mobilisable du fer, et sous forme d’hémosidérine, réserve fixe. La ferritine peut stocker jusqu’à 4500 atomes de fer ferrique et constitue la forme de réserve échangeable du fer. L’hypoferritinémie est le premier signe biologique et infraclinique de la carence martiale avec une sensibilité proche de 100 %. La sidérémie varie au cours du nycthémère, elle est plus élevée le matin. Le métabolisme du fer est modifié au cours de la grossesse et les besoins en fer sont accrus chez la femme enceinte du fait de l’augmentation de l’érythropoïèse et des besoins fœtaux qui varient de 200 à 300 mg ; ces besoins sont doublés en cas de grossesse gémellaire. En revanche, la consommation en fer est limitée car il n’y a plus de menstruations et l’absorption du fer est accrue, les réserves maternelles sont mobilisées pour assurer un équilibre. Cependant, un déséquilibre se crée en cas de carence martiale antérieure à la grossesse, en cas de saignements et lors des grossesses multiples. Le déficit en fer en cours de la grossesse, lié à des apports insuffisants, concerne 38 à 88 % des femmes dans les pays sous-développés et 18 % des femmes dans les pays industrialisés. Les modifications métaboliques, mobilisation du fer de réserve et augmentation de l’absorption ne permettent pas toujours de répondre à l’accroissement des besoins. L’apport de fer exogène est nécessaire pour prévenir les anémies de la grossesse et celles du fœtus surtout au troisième trimestre de grossesse [24]. La carence en vitamine C réduit l’absorption intestinale du fer : elle doit être supplémentée si elle est associée. Au cours de la grossesse le fer sérique chute de 35 % ; le taux de transferrine et la capacité totale de fixation augmentent par carence d’apport et imprégnation estrogénique ; celui de la ferritine, s’il augmente lors du 1er trimestre, chute aux 2e et 3e trimestres. Les valeurs chez la femme enceinte sont : • fer sérique : C 50 à 100 µg/100 ml (valeur de référence 75 à 140 µg/100 ml) ; C 89 à 178 µmol/l (valeur de référence 133 à 248 µmol/l) ; • transferrine 4 à 7 g/l (valeur de référence 2 à 4 g/l) ; • coefficient de saturation 15 % (valeur normale 30 %) ; • ferritine :

S. Dubucquoi et al. / Revue du Rhumatisme 72 (2005) 698–706 Tableau 4 Variations du fer, de la ferritine et de la transferrine en cas d’inflammation de carence martiale ou d’association des deux Inflammation Carence en fer Inflammation + carence en fer

Fer diminution diminution diminution

Transferrine diminution (CST normal) augmentation normale ou augmentée

Ferritine augmentation diminution normale ou diminuée

C 96 à 98 µg/l au 1er trimestre (valeur de référence 60 à 65 µg/l) ; C 22 µg/l au 2e trimestre ; C 15 µg/l au 3e trimestre. Lors d’un processus inflammatoire, les variations de ces différents paramètres dépendent de l’association ou non d’une carence en fer, qui rappelons-le est fréquente chez la femme enceinte. Elles sont analysées dans le Tableau 4. Si l’anémie hypochromique microcytaire hyposidérémique évoque une carence martiale, l’anémie macrocytaire est quasi synonyme de carence en folates. L’anémie inflammatoire doit être recherchée si un syndrome inflammatoire est associé. Le diagnostic est fait devant un taux de ferritine normale qui contraste avec une hyposidérémie [25]. Lors de l’installation d’une carence martiale, l’augmentation du taux de récepteur soluble de la transferrine (Rs-Tf) intervient après la déplétion des réserves. Contrairement au fer sérique, à la transferrine et à la ferritine, la concentration du Rs-Tf n’est pas influencée par l’inflammation. En dehors des pathologies liées à une stimulation de l’érythropoïèse, une augmentation du Rs-Tf est toujours associée à un déficit en fer [26].

4. Protéines et marqueurs de l’inflammation Dans tout processus inflammatoire et quelle qu’en soit la cause, on peut distinguer deux types de réponse, l’une locale et l’autre systémique ; c’est cette réponse systémique qui provoque une augmentation très importante de la concentration plasmatique de certaines protéines synthétisées par les hépatocytes et appelées « protéines de la réponse inflammatoire ». Il existe une corrélation entre le degré de la réaction inflammatoire et les concentrations plasmatiques de ces protéines [27]. 4.1. La protéine C-réactive ou CRP La protéine C-réactive ou CRP est appelée ainsi parce qu’elle est précipitable par un polysaccharide pneumococcique de type C, en présence de calcium ionisé. La CRP possède une structure de pentraxine, composée de cinq sousunités identiques formant une sorte de disque. Son taux de synthèse journalier peut être multiplié par 50 en cas d’inflammation. Elle ne traverse pas le placenta. La grossesse ne fait pas varier le taux de CRP. Les rôles physiologiques de la CRP sont l’activation de la voie classique du complément, l’activation des leucocytes et la stimulation de la phagocytose

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(opsonine). Sa synthèse est déclenchée par la production d’interleukine 6 (IL-6) par les macrophages. La CRP est une protéine à cinétique rapide car sa demi-vie est de six heures et son taux plasmatique est inférieur à 6 mg/l. Seule, l’inflammation peut augmenter la CRP qu’elle soit d’origine physique, chimique, infectieuse ou auto-immune. Le surpoids, lorsque l’index de masse corporelle est supérieur à 30 kg/m2, peut augmenter modérément le taux de CRP via la production de cytokines (notamment d’IL-6) par le tissu graisseux [28]. 4.2. L’orosomucoïde L’orosomucoïde est encore appelée a1-glycoprotéine acide parce qu’elle migre, à l’électrophorèse, dans la zone des a1-globulines. Ses rôles physiologiques sont : • d’inhiber la transformation de la prothrombine au cours de la formation du caillot ; • de favoriser l’adhérence des plaquettes aux collagènes ; • de modérer la réponse immunitaire à médiation cellulaire. L’orosomucoïde joue un rôle de protéine de transport (héparine et hormones stéroïdiennes) et inhiberait l’activité de la cathepsine C. La demi-vie de cette protéine est de trois jours. Son taux (0,5 à 1,2 g/l) n’augmente que de deux à trois fois lors d’une inflammation aiguë, subaiguë ou chronique mais on peut observer une diminution discrète lors d’une imprégnation estrogénique. 4.3. L’haptoglobine L’haptoglobine est une a2-glycoprotéine dont la structure présente des chaînes lourdes communes à toutes les molécules et des chaînes légères de deux types. On dénombre trois groupes sériques d’haptoglobine (Hp 1-1, Hp 2-1 et Hp 2-2). Elle présente un polymorphisme génétiquement contrôlé. L’Hp participe à la neutralisation de l’hémolyse intravasculaire physiologique qui concerne les 2/3 du catabolisme de l’hémoglobine, en formant un complexe Hp-hémoglobine catabolisé par le système réticuloendothélial et permet ainsi la récupération du fer de l’hémoglobine. La demi-vie de l’Hp est de trois à cinq jours. Le taux d’Hp (0,3 à 2 g/l) est diminué dans les déficits congénitaux (3 % des sujets de race noire), dans les insuffisances hépatocellulaires sévères et dans les divers processus d’hémolyse. Un taux abaissé ou effondré d’haptoglobine signe une hémolyse intravasculaire même minime et quelle qu’en soit la cause. Une augmentation, taux multiplié deux à quatre fois, est observée lors de toute réaction inflammatoire, en phase aiguë, subaiguë ou chronique. Cette augmentation est corrélée à celle de l’orosomucoïde selon la formule : haptoglobine % = orosomucoïde % × 3. Lors d’une réaction inflammatoire, tout taux d’Hp non corrélé à celui de l’orosomucoïde doit faire suspecter une hémolyse intravasculaire. La grossesse ne fait pas varier le taux d’Hp.

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4.4. Le fibrinogène (Facteur I) Le fibrinogène (Facteur I) est la protéine de la coagulation la plus anciennement connue (1850) et la plus abondante. Cette glycoprotéine agit en tant que substrat de protéases et jamais en tant qu’enzyme. Le fibrinogène est une molécule dimérique constituée de trois paires de chaînes d’acides aminés (Aa, Bb, c). La thrombine n’agira que sur les chaînes Aa et Bb pour libérer les fibrinopeptides A et B. Des mutations génétiques peuvent intéresser la structure du fibrinopeptide A, d’autres mutations portent sur les chaînes a, b et c et sont responsables de dysfibrinogénémies dont les conséquences peuvent être de nature hémorragique ou thrombotique. Le fibrinogène est augmenté dans la réaction inflammatoire, son rôle est alors de limiter l’hémorragie par coagulation intra- et extravasculaire et d’élaborer une matrice de fibrine nécessaire à l’organisation spatiale des fibroblastes. Les produits de dégradation du fibrinogène, de par leur activité anticoagulante, contribuent à réguler la formation de fibrine dans la réaction inflammatoire [29]. Le taux normal de fibrinogène est multiplié par deux au fur et à mesure de l’évolution de la grossesse. Le taux de fibrinogène est diminué lors de l’insuffisance hépatocellulaire mais également par excès de consommation dans la coagulation intravasculaire disséminée (CIVD). 4.5. L’␣1-antitrypsine L’a1-antitrypsine est une glycoprotéine encore appelée a1-antiprotéase ou a1-antiprotéinase inhibiteur. Elle constitue 80 % des a1-globulines du protéinogramme, à côté de l’orosomucoïde. C’est un inhibiteur puissant et irréversible des enzymes protéolytiques (élastase leucocytaire, chymotrypsine, cathepsine G, trypsine, plasmine et thrombine). Cette action protège les tissus de l’action destructrice des protéases leucocytaires et bactériennes. Son polymorphisme constitue le système Pi (protease inhibitor), La détermination des phénotypes protéiques et des génotypes correspondants permet l’exploration des déficits congénitaux. Le taux de l’a1-antitrypsine (2 à 4 g/l) est augmenté physiologiquement et multiplié par deux au cours de la grossesse. Le taux de l’a1-antitrypsine est augmenté de deux à trois fois dans la phase aiguë des syndromes inflammatoires ou infectieux. Elle est impliquée dans la phase de restauration cellulaire post-inflammatoire sous forme de complexes avec les IgA sécrétoires, protégeant ainsi les fibres élastiques néoformées de la protéolyse. L’a1-antitrypsine est augmentée après l’administration de corticostéroïdes ou de contraceptifs oraux. 4.6. La céruléoplasmine La céruléoplasmine est une a2-globuline de couleur bleufoncé car elle transporte six atomes de cuivre : elle contient 80 % du cuivre plasmatique. Ses rôles physiologiques sont

multiples et outre le transport du cuivre et la synthèse du collagène, elle peut oxyder le fer ferreux en fer ferrique. Le taux de céruléoplasmine (0,2 à 0,6 g/l) est diminué dans les dénutritions sévères, les néphropathies, les hépatites et la maladie de Wilson. On observe une augmentation dans les infections aiguës ou chroniques, les syndromes inflammatoires associés à des affections rhumatismales ou dermatologiques, au cours de la grossesse et lors de la prise d’estrogènes. 4.7. Vitesse de sédimentation globulaire Lors de la réaction inflammatoire, l’augmentation du taux des glycoprotéines accélère ainsi la vitesse de sédimentation globulaire (VS). L’augmentation associée du taux d’immunoglobulines est une cause supplémentaire d’élévation de la VS. Elle reste un test d’orientation tout à fait valable pour diagnostiquer une réaction inflammatoire aiguë mais ne peut en quantifier la sévérité ; son intérêt dans la grossesse est donc limité. Les variations des taux des principales protéines de l’inflammation et de la VS sont récapitulées dans le Tableau 5. 4.8. Électrophorèse des protéines sériques Elle permet de séparer les différentes protéines du sérum en cinq groupes, en fonction de leur charge. Pour être visible à l’électrophorèse, la concentration de la protéine doit être de l’ordre du gramme par litre. Cependant, les techniques actuelles automatisées et la migration en gel d’agarose ont une meilleure résolution et peuvent détecter une CRP augmentée dans un syndrome inflammatoire (> 250 mg/l). L’électrophorèse capillaire permet d’identifier dix protéines différentes ; les valeurs de référence doivent être adaptées à cette technique. Lors de la grossesse, la baisse de la protidémie globale est précoce, de l’ordre de 10 g/l, surtout par un phénomène d’hémodilution. La sérum-albumine baisse progressivement de 10 g/l. La fraction des a1-globulines augmente de 1 g/l du fait de l’augmentation de l’a1-antitrypsine ; la fraction des a2-globulines augmente de 3 g/l car l’a2-macroglobuline et la céruléoplasmine sont augmentées lors de la grossesse. La Tableau 5 Variation des principales protéines de l’inflammation en situation inflammatoire et influence de la grossesse

CRP

Valeur de référence < 6 mg/l

Orosomucoïde

0,5 à 1,2 g/l

Haptoglobine

0,3 à 2 g/l

Fibrinogène

2 à 3 g/l

a1-antitrypsine

2 à 4 g/l

VS

Inflammation

Grossesse

augmentation (× 50) augmentation (× 2 à 3) augmentation (× 2 à 4) augmentation

normal

augmentation (× 2 à 3) < 10 mm/1°heure augmentation

normal augmentation (× 2) augmentation (× 2) > 50 mm/1°heure

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Tableau 6 Principales variations de l’électrophorèse des protéines en situations inflammatoires et pendant la grossesse Grossesse Inflammation aiguë Inflammation subaiguë Inflammation chronique

Sérum-albumine ↓ N ou ↓ N ou ↓ N ou ↓

a1-globulines ↑ ↑ N ↑

fraction des b-globulines est augmentée de 3 g/l par la transferrine. La fraction des c-globulines reste inchangée. Lors de la réaction inflammatoire, la synthèse de la sérumalbumine est diminuée pour pouvoir maintenir la pression oncotique. L’a1-antitrypsine et l’orosomucoïde font augmenter la fraction des a1-globulines. L’a2-macroglobuline et l’haptoglobine sont responsables de l’augmentation des a2-globulines. On peut noter une augmentation modérée des b-globulines par hypercomplémentémie C3. L’augmentation des c-globulines n’est constatée que lors de la phase secondaire de la réaction inflammatoire (chronicité). Le Tableau 6 récapitule les variations obtenues à l’électrophorèse des protéines sériques lors de la grossesse et au cours du syndrome inflammatoire.

a2-globulines ↑ ↑ ↑ ↑

b-globulines ↑ N N N ou ↑

c-globulines N N ou ↓ N ↑

que ou dyslipidémiques ne doit se faire qu’au moins trois mois après l’accouchement.

6. Conclusion L’interprétation des paramètres biologiques au cours de la grossesse, particulièrement chez les femmes suivies pour un rhumatisme inflammatoire ou une MAI systémique, ne peut se faire qu’à la lumière de l’ensemble des données cliniques tout en restant critique parfois vis-à-vis de la méthodologie de certains tests biologiques. C’est pourquoi, l’optimisation de la prise en charge des patients ne peut se faire que par une bonne coordination des efforts des différents partenaires, obstétriciens, rhumatologues, internistes et biologistes.

4.9. Les immunoglobulines Les immunoglobulines (Ig) sont augmentées dans la phase ultime de la réaction inflammatoire qui correspond à une réaction immunitaire. Les Ac sont produits par les cellules immunocompétentes après contact avec l’antigène étranger ou devenu étranger à l’organisme. L’augmentation polyclonale concerne principalement les IgG et les IgM, moins les IgA et les IgE, surtout lors du passage à la chronicité. Les Ig sont les constituants de variation tardive et renseignent sur l’évolution du processus inflammatoire. La réaction immunologique est d’autant plus notable que l’inflammation est durable ou étendue. La grossesse n’augmente pas le taux des différentes classes d’Ig.

5. Autres modifications des paramètres biochimiques standard De nombreuses constantes biologiques sont en fait modifiées au cours de la grossesse. La chute progressive du taux d’hémoglobine est sans doute la plus flagrante d’entre elles. Si l’on considère comme 12 g/l la valeur basse du taux d’hémoglobine normale chez une femme non enceinte, au cours de la grossesse le seuil inférieur de normalité du taux d’hémoglobine est de l’ordre de 10,6 g/dL [30]. Cette baisse du taux d’hémoglobine est essentiellement liée à l’état d’hémodilution observé au cours de la grossesse. Les principales modifications des « constantes biologiques » au cours de la grossesse sont présentées dans le Tableau 7. La recherche d’une anomalie lipidique au cours de la grossesse n’a aucune pertinence et est totalement ininterprétable. La réalisation d’une telle exploration chez les femmes à ris-

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Tableau 7 Principales modifications des constantes biologiques au cours de la grossesse Hémoglobine Hématocrite Globules blancs

Plaquettes Ionogramme Créatininémie Uricémie Cholestérol Triglycérides Bilan hépatique

Seuil inférieur de normalité = 10,6 g/dL Diminution progressive de 40–42 à 31–44 % Augmentation progressive jusqu’à un pic à 30 semaines d’aménorrhée, maintien d’un plateau jusqu’à l’accouchement ; le taux de leucocytes peut dépasser 15 000/mm3 surtout lié à l’élévation des neutrophiles qui peuvent atteindre 9000/mm3 ; pas de modification significative du taux des lymphocytes Légère diminution du fait de l’hémodilution ou par augmentation de la consommation Pas de modification significative Diminution progressive de 25 % au moins de la valeur initiale Diminution précoce d’environ 30 % de la valeur initiale, réascension en fin de grossesse Augmentation progressive jusqu’à 3 g/l voire plus Augmentation progressive jusqu’à 2 à 3 g/l Pas de modification significative

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