Rean Urg 1999 ; 8 : 247-51
Fait cllnlque
© Elsevier, Paris
SUMMARY Dimethyl sulfate poisoning afteroccupational exposure: two case reports wo cases ofacute dimethyl sulfate poisoning in 54- and 55-year old workers respectively are described. The first case followed accidental spilling from atank in a pharmaceutical plant; the duration ofexposu re tothe vapors did notexceeded five minutes. The second involved the cutting-up ofapresumed empty pipe inachemical factory, which resulted in asplash of dimethyl sulfate on the face and body. The main clinical features included keratoconjunctivitis, laryngeal burns, delayed chemically-induced bronchopneumonitis and toxic pulmonary edema. All of these events are linked to the hydrolysis of the compound into sulfuric acid following contact with body tissues. The review of published case reports underlines the imparlance ofdimethyl sulfate-induced ocular and respiratory toxicity, which should be known to emergency physicians. Hean Urg 1999; 8: 247-51. © Elsevier, Paris
T
chemically-induced bronchopneumonitis/ dimethyl sulfate / keratoconjunctivitis / occupational poisoning / toxic pulmonary edema
1 Centre anti-poisons, 2 service de rnedeclne d'urgence, toxicologie clinique et medecine legale, h6pital Edouard-Herriot, 5, place d'Arsonval, 69437 Lyon cedex 03 ; 3 service medical du travail, Hoechst Marion Roussel, BP 123, 69583 Neuville-sur-Sa6ne, France.
Rec;:u Ie 30 juin 1998, accepte Ie 20 septembre 1998.
Intoxication aigue par Ie sulfate de dimethyle en milieu industriel Deux observations F. Testudi, S. Ravetlert, A. Genty2, M. Boggio 3 , J.M. Sapori 2
L
e sulfate de dimethyle est un agent de methylation largement utilise en synthese chimique organique, en general dans des systemes clos. De ce fait, les intoxications par ce compose sont rares, pratiquement toujours professionnelles, resultant de faits accidentels tels qu 'une fuite de vanne, Ie nettoyage sans protection de pompes ou de canalisations, Ie chargement ou Ie dechargement de cuves, ou encore un accident de transport. La toxicite aigue du sulfate de dimethyle chez I'homme, essentiellement oculaire et respiratoire, n'a fait l'objet que d'un nombre relativement restreint de publications, pour la plupart anciennes [1-11 J ou provenant de pays en voie de developpernent [12,13]. A I'occasion de deux accidents survenus recemment en milieu industriel dans notre region, la pathogenic ainsi que la prise en charge de ces intoxications sont discutees ala lumiere d'une revue des donnees de 1a Iitterature.
Observati
1
Un homme de 54 ans, sans antecedent medico-chirurgical particulier en dehors d'un tabagisme a 15 paquets/ annees interrompu depuis dix ans, est
ouvrier specialise dans une usine de produits pharmaceutiques et phytosanitaires. Vers 15 heures, appele sur un autre poste, il a oublie de fermer une vanne commandant Ie remplissage d'un reservoir de sulfate de dimethyle : a son retour, un volume evalue retrospectivement a plusieurs dizaines de 1itres est repandu sur le sol de I'atelier. Contrairement a toutes les consignes en vigueur, il s' est precipite pour eliminer le produit a I'aide d'un tuyau d'arrosage, dirigeant le jet vel'S les bouches d'evacuation situees sur Ie sol, sans prendre Ie temps de revetir les equipernents de protection prevus a cet effet, disposes pourtant a proximite de son poste de travail. L'operation n' a pas dure plus de cinq minutes. Des 15 h 30, il a ressenti des picotements aux yeux, au nez et a la gorge. Deux heures plus tard, des douleurs oculaires dintensite croissante accornpagnees de rhinorrhee I' ont inci te a se presenter au service medical de I' entreprise, ou un lavage oculaire a ete effectue. L' hospitalisation a ete decidee devant la persistance d'une intense conjonctivite et de sensations de brttlure tracheale avec dysphonie, et ce n'est que vers 21 heures qu'il a ete examine au service d' accueil des urgences. 11 presentait alors line hy-
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RESUME
D
eux observations d'intoxication aigue par Ie sulfate dedlrnstbyle chez des travailleurs de 54 et 55 ans sont rapportees, La premiere est liee au debordement accidentel d'une cuve de stockage dans une usine pharmaceutique : I'exposition aux vapeurs n'a pas dure plus de cinq minutes. Dans laseconde, c'est ladecoupe d'une canalisation dans une fabrique de prodults chimiques qui a ete a I'origine d'une projection de liquide au visage et sur Ie tronc. Les manifestations pathologiques observees (kerato-conjonctivlte, atteinte laryngee, broncho-pneurnopatnle chimique et csderne aigu dupoumon lesionnel retardes) resultant, pourl'essentlel, de l'hycrolyse du produit en acide sulfurique au contact des tissus. Une revue des principales observations pualiees souligne I'importante toxlclte oculaire et resplratoire du sulfate de dimethyle, qui rnerite d'etre connue des madeclns urgentistes. Rean Urg 1999; 8: 247-51. © Elsevier, Paris
broncho-pneumopathle chimique / Intoxication professionnelle / kerato-conjonctivite /lBdeme aigu du paumon lesionnel/ sulfate de dlmethyle
perthermie it 39,2 ee, un erytheme du cou et de la face, une blepharoconjonctivite bilaterale avec photophobie majeure, empechant I'ouverture des yeux, un ecoulement nasal et une toux grasse avec oppression thoracique. L'examen a mis en evidence un etat de conscience normal (score de Glasgow it 15), une tachycardie a 100/min, une pression arterielle a110/80 mmHg, une frequence respiratoire it 30/min, des ronchis ainsi que quelques sibilants dans les deux champs pulmonaires, une Sp02 al'air ambiant it 95,4 %. La gazometrie a objective une hypoxie a 8,9 kPa avec normocapnie, tandis que la radiographie thoracique initiale n' a montre qu'une accentuation de la trame bronchique. La seule anomalie biologique a ete une hyperleucocytose a13,4 109/L , dont 83 % de polynucleaires neutrophiles. Dans la nuit, en
unite de soins intensifs, I' etat respiratoire s ' est degrade avec apparition d'une polypnee a 47/min, d'une tachycardie a l30/min et d'opacites floconneuses des bases predominant a droite sur le cliche pulmonaire. La prise en charge, symptomatique, a repose sur une oxygeriotherapie au masque a haute concentration (9 L/min) et sur l'administration d'une antibiotherapie a large spectre et de corticoides par voie intraveineuse, ainsi que de collyres a visee anti-infectieuse et cicatrisante. L' examen ophtalmologique realise le lendemain relevait une keratite ponctuee superficielle bilaterale avec chemosis bulbaire. L' evolution s' est faite en six jours environ vers la normalisation de la gazometrie (Pa02 a 11,3 kPa et Sa02 a97 % sous oxygene) mais avec desaturation (Pa02 a7,7 kPa et Sa02 a 93 %) a chaque tentative d' arret de I'oxygenotherapie. Pendant pres de trois sernaines ont persiste de frequentes quintes de toux, une hyperhemie conjonctivale avec entropion des deux paupieres inferieures mais sans trouble de la vision et une dysphonie marquee. L'examen endoscopique otorhinolaryngologique effectue a- j 11 a mis en evidence une importante brfllure endonasale et une inflammation du vestibule larynge, avec presence de quelques fausses membranes. Radiologiquement, on a assiste ala constitution d'une broncho-pneumopathie predominant a- la base droite. L'EFR realisee aj 13 n' a montre aucune anomalie significative de l' hernatose ni de la diffusion: on notait toutefois une baisse du debit expiratoire maximal 25-75 % a 56 % de la valeur theerique. Un controle aquatre mois de la fonction respiratoire s'est revele parfaitement normal; malheureusement, la recherche d'une hyperreactivite bronchique par un test ala methacholine n' a pas ete effectuee. En revanche, il persistait acette date une rhinite et line im-
portante dysphonie, avec a- l'examen des fausses membranes laryngees,
Observation 2 Unhomme de 55 ans, hypertendu et bronchitique chronique (tabagisme a 30 paquets/annees), est chef de chantier dans une entreprise de charpentes metalliques, Sans aucune formation prealable au risque chimique, il est amene a intervenir dans une usine synthetisant des aromes pour I'industrie cosmetique et la parfumerie. Vers 16 heures, en sectionnant une canalisation presumee purgee, il a recu une projection de sulfate de dimethyle sur le visage et Ie tronc. Des douleurs oculaires intenses sont apparues imrnediatement, s'attenuant transitoirement apres un bref lavage a- l' eau. Les veternents impregnes de liquide ont ete conserves. La recrudescence une heme plus tard des douleurs oculaires, accornpagnees d'une rhinorrhee importante, de douleurs pharyngees et d'une gene respiratoire progressivement croissantes, l' ont conduit a consulter au service des urgences vers 21 h 30. 11 presentait alors des brulures du second degre superficielles du front, du cou, des creux axillaires, de la region lombaire et de la face anterieure de la cuisse droite, ainsi qu'une toux grasse ramenant des erachats tres epais. L' examen a mis en evidence un etat de conscience normal (score de Glasgow a 15), d'importants ronchis dans les deux champs pulmonaires, un oropharynx tres inflammatoire avec cedeme de la luette et congestion des cordes vocales, ainsi que des ulcerations etendues des deux comees, La radiographie thoracique initiale etait normale. En service de soins intensifs, on a releve une tachycardie sinus ale aLlG/rnin, une pression arterielle a 160/100 mmHg, des rales crepitants et sibilants bilateraux, une Sp02 a
Intoxication aigue par le sulfate de dimethyle
92 % sous 6 Lrnin d' oxygene. La gazornetrie a objective une hypoxie a 8 kPa avec normocapnie. Biologiquement, la seule anomalie a ete une hyperleucocytose a 15,9 1Q9jL, dont 85 % de polynucleaires neutrophiles. Dans 1anuit, l' etat respiratoire s' est deteriore avec constitution d'un cedeme aigu du poumon (OAP) lesionnel : dyspnee avec tirage sus-sternal, majoration des rales crepitants, Sp02 a 85 %, hypoxie a 7,4 kPa en normocapnie malgre une oxygenotherapie a haute concentration (15 Lzmin) et opacites interstitielles predominant a la base droite sur la radiographie. Ce tableau a impose l' instauration d'une ventilation non invasive, efficace (SP02 a 99 %) et parfaitement toleree par le patient. Le traitement a comporte en outre des corticoides en aerosols et par voie intraveineuse, des antibiotiques alarge spectre, ainsi que 1a poursuite des soins locaux, cutanes et oculaires (collyres antibiotiques et cicatrisants sous pansements occlusifs). L'evolution a ete favorable en une semaine avec disparition de la dyspnee, normalisation de 1agazometrie et de la radiographie pulmonaire, cicatrisation des ulceres corneens. A j20 persistaient une keratite superficielle bilaterale ainsi qu'une dysphonie moderee.
Discussion Le sulfate de dimethyle ou dimethylsulfate (CHrSOcCH 3) se presente sous la forme d'un liquide huileux incolore ou legerement jaunatre, presque inodore et moderement volatil (point d'ebullition 188°C, tension de vapeur a 0,06 kPa a 20°C) [14]. C'est un excellent agent de methylation, employe comme intermediaire de synthese de parfums et de colorants ainsi que dans 1'industrie pharmaceutique ou agrochimique [15]. La toxicite du sulfate de dimethyle est appa-
rue des les debuts de son utilisation, notamment en laboratoire de chimie ; sous l' appellation de « rationite », il a merne ete experimente comme gaz de combat au cours de la Premiere Guerre mondiale. En presence d' eau, le sulfate de dime thy Ie est lentement hydrolyse en acide sulfurique, methanol et sulfate de methyle [14]. C'est l' acide sulfurique libere au niveau des tissus superficiels avec lesquels le sulfate de dimethyle entre en contact qui est le principal responsable des lesions caustiques observees, tant au niveau de la peau et de l'reil que des voies respiratoires [11, 12, 15]. Le danger du produit tient au caractere retarde de l'apparition des troubles: le sulfate de dimethyle possede initialement un effet anesthesique local, et ce n' est en moyenne que trois a cinq heures apres 1'exposition (maximum: 12 heures) que les premiers signes se developpent [11, 12]. Dans certaines observations, la notion d'intervalle libre est moins nette en raison de la presence dans I'atmosphere d'acide sulfurique, par hydrolyse au contact de l'air hum ide. Dans Ie premier cas decrit, I'utilisation d'eau pour evacuer la flaque explique vraisemblablement la formation partielle d'un aerosol d'acide sulfurique et I'apparition plus rapide des signes oculaires. Dans le second egalement, le sulfate de dimethyle stagnant depuis plusieurs semaines dans une canalisation inutilisee etait probablement en partie hydrolyse, d'ou Ie caractere precoce des brulures. Lars d'une exposition aux vapeurs, les troubles oculaires sont volontiers au premier plan, avec sensations d'irritation puis de brulure, larmoiement intense et photophobie, blepharospasme allant jusqu' a I' occlusion totale des yeux, hyperhemie conjonctivale [11-13]. L'irritation oculaire survient des 1 ppm ; la teneur moyenne admise dans les ateliers
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(valeur limite de moyenne d'exposition ou VME pour 8 heures/j) ne doit pas depasser 0,1 ppm, soit 0,5 mg/m>, Plusieurs publications font etat d'une atteinte oculaire isolee ou preponderante, avec ulcerations corneennes et formation d' opacites sequellaires definitives [1, 3]. Une constriction du champ visuel accompagnee de paleur papillaire a ete decrite [2], mais la victime presentait un deficit preexistant... Dans certains articles anciens, la baisse de l'acuite visuelle parfois observee est attribuee au methanol [5], dont on commit la toxicite retinienne par ingestion. En realite, le methanol ne joue aucun role dans la pathogenic des lesions, qui sont de nature purement caustique. D'evolution lente, les troubles oculaires sont souvent les demiers a disparaitre [11]. Les manifestations ORL comportent perte du gout et de l' odorat, rhinorrhee, epistaxis, pa.rfois perforation de la c1oison nasale [9], dysphonie au aphonie, voire dyspnee laryngee. La laryngoscopic met en evidence un etat inflammatoire et cedernateux des cordes vocales. Selon la duree d'exposition et la concentration des vapeurs, I' atteinte respiratoire peut etre plus ou moins preoccupante : toux irritative, bronchospasme, OAP toxique lesionnel lie ala brulure chimique des voies respiratoires et de la membrane alveolocapillaire, voire syndrome de detresse respiratoire aigue (SDRA) en cas d'expositionmassive [15]. Un emphyserne sus-claviculaire gauche consecutif a une perforation de la trachee a meme ete rapporte chez un etudiant chimiste de 20 ans, fortement expose apres avoir repandu 2,5 litres du produit dans son laboratoire [6]. Dans nne serie de 62 intoxications professionnelles survenues en Chine entre 1973 et 1984, il Y avait 19 cas d'irritation des voies aeriennes superieures, 31 cas de « bronchite chi-
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mique aigue », six cas de bronchopneumopathie et cinq ca s d 'OAP 1esionnel, dont trois au stade de SDRA. Une hyperthermie jusqua 39 °C a ete frequernrnent relevee, sans valeur pronostique particuliere ; en revanche, une hyperleucocytose etait presente dans Ies intoxications de gravite moyenne a forte, apparaissant, com me chez nos deux patients , predictive de l'importance de I'atteinte respiratoire [12]. La projection de liquide sur la peau au dans les yeux provoque des brtllures chim iques severes, d 'aspect sou vent phlyctenulaire [12], et dont le caractere retarde est constant. Dans le cas du second patient, la topographie et la severite des brfllures s'expliquent par 1'absence de protection du visage et des teguments, un lavage noto irement insuffisant et Ie fait de ne pas avoir 6te les verements contarnines. La localisation genitale pent etre pejorative : c 'est ainsi qu'un chimiste a preserite de graves brulures de la verge et du scrotum apres une projection de sulfate de dimethyle sur son pantalon ; les brGlures se sont surinfectees et il a dO subir une circoncision au sixieme mo is en raison d'un important phimosis cicatriciel [6]. Des signes systerniques peuvent compliquer des brulures etendues par le sulfate de dirnethyle : troubles digest ifs (na use es , vomissements, douleurs abdominales), vertiges , agitation, tro ubles de conscience, tachycardie avec anomalies ECG (inversion de l'onde T ) ont ete signales, et pourraient etre en rapport avec la tox icite du sulfate de dimethyIe non encore hydrolyse apres penetration pe rcutanee [12, 14-16]. Un dosage sanguin du methanol, refIet ind irect de I 'intensite de la contamination, peut etre pratique (taux normal $; I mg/L). L'evolution est favorable dans la rnajorite des cas publics. Quelques deces ont cependant ete rapportes,
F. Testud et al.
notamment celui d ' un ouvrier parisien de 69 ans , asthmatiq ue et emphysernateux, ay ant in hale pendant plusieurs heures les vapeurs provenant du bri s d ' un flacon de 10 litres, et qui devait de ceder a la 10" heure d'un GAP suraigu. L 'autopsie ne montrait qu'une congestion pulmonaire diffuse sans particularite [8]. II faut souligner le caractere prolonge de I'evolution : ain si, chez une employee de laborato ire pourtant moderement intoxiquee, trois semaines seront necessaires pour voir s 'amender les signes irritatifs ocul aires et larynges [10]. Comme apres toute inhalation aigue de substances caustiques, des sequelles so nt possibles : anosmie , bronchectas ies ou syndrome de dysfonction reactive des bronches (syndrome de Brooks ou RADS [17]). Lors du suivi a long terme (deux a 12 ans), des 62 intoxiques de la serie chinoise de Ying et al., huit sujets conservaient des anomalies (de nature non precisee) de 1'EFR, qualifiees de legeres a moderees [12]. Un travailleur de 30 ans ayant presente un OAP lesionnel severe apres inhalation de sulfate de dimethyle pendant six heures gardait, dix 1110is plus tard , une anosmie et une toux productive ; la fibroscop ie bronchique montrait une muqueuse infl amrnatoire, mais il n'y avait pas dhyperreactivite bronchique au test a la methacholine [13]. Dans la premiere observation rapportee, aucune sequelle respiratoire na ete objectivee au quatrieme mois , mais il persistait une tres importante inflammation laryngee. Le second m alade n ' a pu etre explore. La prise e n charge sur place commence par I'evacuation du travailleur de I'atmosphere contaminee. Les sauveteurs interviendront en tenue protegee: tenue etanche et masque a cartouche f iltrante adaptee, appareil respiratoire autonome des la
moindre suspicio n de fortes concentrations. L a decontamination de la peau et des yeux par lavage a l'eau courante doit etre effectuee precocement, selon les modalites habituelles, apre s avoir ote les vetements souilles. L'hospitalisation est ensuite sy stematique en raison du risque d 'OAP lesionnel retarde. Au service des urgences, I'evaluation de la gravite repose sur les donnees de l'auscultation pulmonaire et de Ia gazometrie, la radiograph ie thoracique etant vO!OI1tiers normale initialement, comme dans ces deu x observations. L'oxy geno therap ie et 1'antibiotherap ie sont systernatiques . La corticotherapie, traditionnellement instituee, n' a pas deffic acite dernontree par des es sais clin iques dans le traitement des OAP lesionnels et des bronchopn eumopathie s ch imiques. Pour certains, elle serait neanmoins a I' origine d 'une amelioration clinique [13]. Les effet s a long tenne de I'exposition repetee a faible dose sont mal connus. Experimentalement, Ie sulfate de dirnethyle est un agent alkylant, provoquant chez l'animal des tu mcurs des cavites nasales, du poumon et du systerne nerveux central. Une publication datant de 1966 rapporte une inci d e nc e elevee de cancers broncho-pulmonaires dans un petit groupe (4/ 10) de travailleurs f orte ment exposes, alors que les deux etudes epidemiologiques disponibles a ce jour sont negatives [15]. Le pro duit est cla sse comme cancerogene probable pour l'homme (gro upe 2A) par le Centre international de recherche sur Ie cancer.
Conclusion Les intoxications de ces deux patients (brGlures oculaires et cutanees, atteinte laryngee, broncho-pneumopathie chimique et OAP Iesionnel
Intoxication aigue par Ie sulfate de dimethyle
retardes) sont tout a fait classiques dans leur presentation. Ces observations illustrent bien les dangers du sulfate de dimethyle, lies a sa causticite et a I'absence de signes d 'alarme respiratoires initiaux. La premiere montre egalement qu 'une exposition apparemment ban ale peut etre a I'origine d'une importante morbielite avec hospitalisation prolongee. Toutes deux mettent en lumiere les difficultes de la prevention en milieu de travail: face a I'urgence, Ies conduites enseignees lors de I'education sanitaire individuelle et collective des travailleurs sont mises en echec par des comportements inadaptes, tant est grand le decalage existant entre Ies connaissances theeriques et la perception du risque en situation reelle,
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