Joseph Roger. 1918–2012

Joseph Roger. 1918–2012

Modele + ARTICLE IN PRESS NEUCLI-2430; No. of Pages 2 Neurophysiologie Clinique/Clinical Neurophysiology (2014) xxx, xxx—xxx Disponible en ligne s...

296KB Sizes 1 Downloads 104 Views

Modele +

ARTICLE IN PRESS

NEUCLI-2430; No. of Pages 2

Neurophysiologie Clinique/Clinical Neurophysiology (2014) xxx, xxx—xxx

Disponible en ligne sur

ScienceDirect www.sciencedirect.com

IN MEMORIAM/IN MEMORIAM

Joseph Roger. 1918—2012

Joseph Roger nous a quittés le 3 septembre dernier, à l’âge de 94 ans. C’est un grand de l’épileptologie qui a disparu, un « géant » comme l’a qualifié un épileptologue américain. Mais il fut bien autre chose encore et nous voudrions faire connaître à tous les membres de la société, dont beaucoup ne l’ont pas connu, les autres aspects de sa personnalité. Né en 1918, Joseph Roger a passé brillamment l’internat des hôpitaux de Marseille en 1941. Mais la guerre et l’occupation l’ont fait s’engager dans les réseaux de résistance. Menacé, il a gagné Paris où il a rejoint la section armée du parti communiste (FTP). Sous le nom de résistant du commandant d’Harcourt, il a échappé de peu à la mort ayant rec ¸u une balle dans la nuque, et ses actions combattantes lui valurent d’être décoré de la Légion d’Honneur à titre militaire, de la Médaille de la Résistance et de la Croix de Guerre. Puis il a été envoyé dans les camps de prisonniers pour organiser le retour des malades. Il a refusé une carrière politique que lui offrait le parti communiste pour revenir à Marseille poursuivre son internat, avec la neuropsychiatrie comme choix d’orientation. Il avait la réputation d’être un excellent interniste auquel on se référait en cas de diagnostic difficile, puis il est devenu un psychiatre clairvoyant, la pathologie mentale devenant un champ de ses recherches. Mais c’est évidemment en

neurologie et en épileptologie qu’il donna toute sa mesure. Il fut membre des sociétés franc ¸aises de neurologie, de neurophysiologie clinique, dont il fut président, de neuropédiatrie et de la société européenne de neuropédiatrie. L’épileptologie fut toujours sa préoccupation principale. Elle lui doit un nombre important de publications concernant tous les aspects de cette discipline : cliniques, neurophysiologiques, pharmacologiques, psychopathologiques, psychiatriques, sociaux. Mais il s’est surtout passionné pour deux sujets principaux : les épilepsies myoclonies progressives, notamment la maladie de Lafora et la maladie d’Unverricht-Lundborg, et la séméiologie des crises épileptiques et la classification des épilepsies. En 1968, il fut chargé par la société de neurologie du rapport sur ce que l’on nommait alors la dyssynergie cérebelleuse myoclonique ou maladie de Ramsay Hunt, qu’il élabora avec son collaborateur et ami, René Soulayrol. Rappelez-vous à quel point les idées étaient confuses à ce moment et toutes les discussions qui ont eu lieu dans les années suivantes, avec l’école de Montréal et l’école finlandaise en particulier, dont le Consensus de Marseille, en 1990, fut l’aboutissement. Il fut aussi le promoteur du concept de syndromes épileptiques. En tant que président de la commission de classification et nomenclature des crises et des épilepsies de la Ligue internationale contre l’épilepsie, il organisa plusieurs workshops à Marseille, conduisant à la nouvelle classification de 1989 et à la publication du « Guide bleu » des syndromes épileptiques dont la cinquième édition vient d’être publiée. Il fut aussi un chef d’école. En 1960, avec Henri Gastaut et Germaine Poinso-Chapuis, ancien ministre de la santé, il participa à la création du centre Saint-Paul, dédié au diagnostic, au traitement et à l’éducation des enfants et adolescents épileptiques. Après le départ d’Henri Gastaut, appelé par ses obligations universitaires, il en devint le médecin-chef et y développa l’enseignement de l’épileptologie et la recherche clinique

0987-7053/$ – see front matter http://dx.doi.org/10.1016/j.neucli.2014.02.001

Pour citer cet article : Dravet C, et al. Joseph Roger. 1918—2012. Neurophysiologie Clinique/Clinical Neurophysiology (2014), http://dx.doi.org/10.1016/j.neucli.2014.02.001

Modele + NEUCLI-2430; No. of Pages 2

ARTICLE IN PRESS

2

In memoriam/In memoriam

qui ont rayonné dans le monde entier. Il fut un chef reconnu et aimé par tous. Il n’imposait rien à ses collaborateurs mais écoutait, suggérait, proposait. Avec générosité, il leur ouvrait son immense bibliothèque et les encourageait dans leurs initiatives. Il exerc ¸ait son autorité morale sans jamais être coercitif. De très nombreux médecins franc ¸ais et étrangers, en particulier d’Italie et d’Espagne, ont bénéficié de son enseignement, séduits par son intelligence, sa rigueur intellectuelle, sa largeur d’esprit, sa grande curiosité, sa fabuleuse mémoire, mais aussi sa grande simplicité. Sa pédagogie était spéciale. Il parlait sans se précipiter, avec de longues pauses, des temps de réflexion, qui lui permettaient de mûrir son idée, toujours originale, parfois si subtile qu’il fallait savoir la décrypter. Et, comme il avait le sens de l’humour, il avait toujours quelques citations ou anecdotes pour égayer ses propos. Joseph Roger mit toutes ses qualités et sa compétence au service de l’épileptologie au sein de la Ligue franc ¸aise contre l’épilepsie dont il fut un membre actif depuis le début. Il fit partie, avec Pierre Loiseau, Michel Weber, Jean Bancaud, et d’autres que nous ne pouvons tous citer, du petit groupe de passionnés qui constituèrent l’« EPI-Club », où se discutèrent tant de questions, avec ou sans réponse, toujours dans l’ambiance d’une amitié sans faille. Puis il en fut le président, de 1979 à 1981 et la ligue l’honora en lui décernant le prix Henri-Gastaut dont il fut le premier récipiendaire. De même il servit la Ligue internationale contre l’épilepsie comme membre du comité éditorial de la revue Epilepsia, puis en animant les commissions de classification et terminologie, d’éducation, d’épileptologie pédiatrique. Il rec ¸ut le titre d’ambassadeur de l’épilepsie. Pendant sa présidence de notre société, il a défendu avec pugnacité la cause de l’électroencéphalogramme comme examen essentiel en neurologie, notamment dans le diagnostic et le suivi de l’épilepsie. Ses collaborateurs ont pu apprécier sa personnalité exceptionnelle, comme en témoigne ave émotion Perrine Plouin, secrétaire de la société à ce moment. Il participa à de très nombreux congrès et cours internationaux et son engagement lui valut d’être nommé membre honoraire des ligues d’Italie, Espagne, Portugal, Brésil, Argentine, Colombie, Équateur, Slovénie, de la société de neuropédiatrie japonaise, de la société de neurologie tchécoslovaque, de la société italienne d’électroencéphalographie, de l’association panafricaine des sciences neurologiques. Cependant, toutes ses qualités médicales ne suffisent pas à expliquer l’admiration et le profond attachement que ses élèves lui vouaient. Joseph Roger était un homme de culture, ce dont témoignait son érudition en histoire, et un humaniste. Il avait un sens profond de la justice, ne reniait

jamais ses convictions et restait indifférent aux petites vanités de la hiérarchie. Il exerc ¸ait sur ses élèves et collaborateurs un charisme dont témoignent les nombreuses marques d’affection et de respect que nous avons rec ¸ues après sa mort, dans lesquelles c’est son humanisme qui est le plus souvent souligné. Il est resté pour tous un modèle de tolérance et de sagesse, qualités qui font les véritables maîtres. Ce sont ses qualités humaines qui l’ont fait aimer aussi des malades qu’il suivait et de toutes les personnes avec qui il travaillait. Il faisait confiance à ses collaborateurs qu’ils soient médecins, secrétaires, infirmiers ou techniciens. Il considérait que tous avaient droit au savoir et donnait des explications complètes avec des mots compréhensibles par tous. Il séduisait aussi par son originalité qui surprenait au premier abord mais le rendait plus proche de nous, Il aimait la vie et ses plaisirs, les bons vins, les sorties nocturnes, les voitures de sport, les jolies femmes Beaucoup se souviennent de ses tenues vestimentaires tout sauf conventionnelles, de son langage familier, de sa fac ¸on de tutoyer, y compris ses patients et leurs familles, de raconter des histoires populaires. Jusqu’à ses derniers jours, malgré la précarité de son état de santé, et grâce aux soins attentifs de son épouse, il est resté lucide, s’intéressant à nos activités, dont il voulait être informé, les commentant et nous prodiguant ses conseils à chacune de nos visites, dont nous revenions toujours avec le sentiment d’être enrichis. Avec lui s’est éteint un grand maître de l’école marseillaise. À nous tous, ses élèves, maintenant, la lourde responsabilité de transmettre la lettre et l’esprit de son enseignement. C. Dravet a,∗,b M. Bureau a R. Soulayrol a,c,1 P. Genton a a Centre Saint-Paul, hôpital Henri-Gastaut, 13009 Marseille, France b Université Catholique, Rome, Italie c Centre Saint-Paul, université de Marseille, 13009 Marseille, France ∗

Auteur correspondant. 4a, avenue Toussaint-Samat, 13009 Marseille, France. Adresses e-mail : [email protected] (C. Dravet), [email protected] (M. Bureau), [email protected] (P. Genton) 1 Auteur décédé. Rec ¸u le 28 janvier 2014 Accepté le 2 f´ evrier 2014

Pour citer cet article : Dravet C, et al. Joseph Roger. 1918—2012. Neurophysiologie Clinique/Clinical Neurophysiology (2014), http://dx.doi.org/10.1016/j.neucli.2014.02.001