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Journal des Maladies Vasculaires
SÉANCES COMMUNES AVEC LES SOCIÉTÉS SOCIÉTÉ FRANÇAISE DE LYMPHOLOGIE La contention-compression en lymphologie LA CONTENTION – COMPRESSION EN LYMPHOLOGIE EN 2004 R.V. CLUZAN Emerainville, France. Moyen thérapeutique de loin le plus essentiel dans le traitement des Lymphœdèmes (LO) a fait l’objet de progrès réalisés dans les matériels, les mécanismes et les méthodes d’utilisation. Il existe une tendance à parler de compression pour toutes les méthodes consistant à appliquer une pression mais nombre d’auteurs ont gardé les termes de contention, pour contenir un volume et compression pour le réduire. Dans l’utilisation de ces moyens on distingue : d’une part les bandages par bandes à allongement court ou moyen en multicouches délivrant une pression faible au repos et une pression forte lors des contractions musculaires, et d’autre part les compressions élastiques : bas ou manchon délivrant même au repos une certaine pression. Les preuves de l’efficacité de ces méthodes sont nombreuses et démontrées dans des publications à protocoles indiscutables. Généralement bandages et compression sont utilisés avec : 1) Une phase de réduction : bandages multicouches précédés de drainage lymphatique manuel selon les principes d’Esmarch ou Winiwarter. L’utilité du drainage lymphatique manuel associé aux bandages a été apportée par Johanson. 2) Une phase de stabilisation : respect de règles dites d’hygiène de vie et port de contention amovible mais à pression déterminée (la plus forte possible en théorie) avec des mobilisations. On insiste depuis ces dernières années sur l’utilisation de matériel d’interposition sous les bandages pour augmenter l’efficacité (défibrosage) et pour adapter plus régulièrement les pressions sur les tissus à comprimer selon la loi de Laplace de même que sur les techniques d’auto-bandages ainsi que sur la possibilité d’utiliser la pressothérapie sans craindre des effets négatifs. Dans les mécanismes d’action à côté des notions classiques d’autres mécanismes commencent à être découverts (effets sur l’expression de gènes ayant un rôle dans l’inflammation CD14, interféron gamma TNF alpha, TNFR1, CD44). Enfin l’adhésion du patient aux traitements, fondamentale pour la stabilité, nécessite une attitude adaptée de la part du corps soignant, adhésion plus facile à obtenir par l’arrivée sur le marché de matériels beaucoup plus esthétiques (microfibres, couleurs disponibles). Les techniques en recherche concernant de nouvelles fibres aux propriétés plus adaptées aux traitements des LO (recherche d’une inextensibilité), plus fines mais gardant une force de pression suffisante, voire délivrant des substances médicamenteuses apporteront sans doute de nouvelles possibilités.
LES BANDAGES MULTICOUCHES J.P. BRUN Hôpital Saint Joseph, Paris. Unité de Rééducation Vasculaire, G. Bizet, Paris. Le bandage en lymphologie fait partie intégrante du traitement physiothérapique du lymphœdème. Sa validation clinique et scientifique par lymphoscintigraphie est évoquée. Il est utilisé au quotidien après les soins cutanés et le massage lymphatique dans le traitement ambulatoire ou au cours d’une hospitalisation. Sa réalisation nécessite un cahier des charges rigoureux qui le différencie quelque peu du bandage en phlébologie. La protection de la peau est assurée en général par un jersey tubulaire de faible épaisseur précédant la mise en place de matériaux de comblement afin d’égaliser la compression réalisée par les bandes en respectant la loi de Laplace. En cas de fibrose tissulaire particulière au lymphœdème, des matériaux spécifiques sont ensuite ajoutés afin d’essayer d’assouplir le revêtement cutané. Puis, suit la pose des bandes elles-mêmes, à étirement court et unidirectionnel, avec création d’un gradient de pression dégressif depuis l’extrémité du pied vers la racine du membre. Leur tenue peut être réalisée par la mise en place d’un autre jersey. On voit que son appellation de “bandages multicouches” n’est pas usurpée. Ceci nécessite une qualification pour sa mise en place, une certaine acceptation du patient (maintien 24H/24, respect de l’autonomie...). Des exercices spécifiques sous un tel bandage font partie du traitement. Renouvelé au quotidien, il aide considérablement à améliorer l’état du lymphœdème. Il faut savoir que le cahier des charges de tels matériaux n’est pas courant et seules quelques marques en assurent la distribution, pour le moment sans prise en charge des caisses maladies. Les échecs constatés du traitement conservateur s’explique en grande partie par sa non utilisation. Au travers d’exemples pratiques, l’auteur montre les différentes étapes de la réalisation d’un tel bandage précédent la réalisation de la contention élastique définitive.
LA CONTENTION-COMPRESSION DANS LES LYMPHŒDÈMES PROXIMAUX ET DES ORGANES GÉNITAUX EXTERNES S. VIGNES Unité de Lymphologie, Hôpital Cognacq-Jay, site Broussais, 102, rue Didot, 75014 Paris. Les lymphœdèmes (LO) proximaux touchent par définition la partie proximale d’un membre (bras, cuisse). Les difficultés thérapeutiques concernent surtout les membres inférieurs où le LO peut atteindre aussi les fesses, le pubis et les organes génitaux externes. Ces LO sont primitifs ou secondaires. Dans les formes primitives du sujet
Journal des Maladies Vasculaires jeune, le LO débute le plus souvent au pied puis a une évolution ascendante. Il peut atteindre la partie proximale du membre et les organes génitaux externes. Cependant, une atteinte isolée proximale est rare mais possible. Les formes secondaires sont essentiellement liées aux traitements carcinologiques chirurgicaux associés ou non à de la radiothérapie et/ou de la curiethérapie. Parmi les causes les plus fréquentes, on retrouve les cancers du col utérin, de la prostate, de la vessie, du rectum ou des ovaires. L’atteinte du pubis et/ou des organes génitaux externes y est fréquente et parfois invalidante en raison du volume important ou des complications (écoulement de vésicules lymphatiques). Les bandages peu élastiques sont de pose difficile à ce niveau mais possible lorsqu’ils englobent aussi le membre inférieur atteint par le LO. Un capitonnage avec de la mousse peut être utile pour augmenter l’efficacité locale. Ils compriment alors surtout le pubis ou les fesses mais peu les organes génitaux externes. La tolérance est parfois médiocre en raison de la compression abdominale associée. L’application d’une bande peu élastique unique sur un LO de la verge est possible mais l’acceptation en est difficile. De même, la compression élastique des LO proximaux et/ou génitaux n’est pas simple. En effet, les bas-cuisses exercent une pression plus faible au niveau de la cuisse par rapport à la cheville et la partie haute des collants n’est pas compressive. Il faut donc avoir recours à une superposition de bas-cuisses ou au port d’un panty compressif au niveau proximal et abdominal, voire à l’association d’un panty et d’un bas-cuisse. Les slips de compression, surtout utilisés dans le traitement des hernies, sont peu efficaces et mal tolérés. La compression-contention élastique est donc difficile pour les LO génitaux dont le traitement repose avant tout sur la chirurgie d’exérèse avec plastie. Elle permet la diminution du volume du LO et la suppression des lésions vésiculeuses et/ou papillomateuses parfois invalidantes. Le traitement est cependant symptomatique et il existe un risque de récidive à nouveau accessible à la chirurgie.
L’EFFICACITÉ DE LA « CONTENTION-COMPRESSION » DANS LE LYMPHŒDÈME EST-ELLE PROUVÉE ? L. VAILLANT Service de Dermatologie et Unité de Lymphologie, Hôpital Trousseau, CHU et Université de Tours. La Contention-compression est considérée comme le pilier le plus important de la physiothérapie combinée décongestive. De façon empirique et par accord professionnel, on estime qu’un lymphœdème peut être amélioré par une contention-compression isolée, mais qu’aucune autre technique ne peut améliorer durablement les lymphœdèmes sans être associée à une contention-compression. Le bandage multicouche entraîne une contention avec une pression de repos faible et une pression de travail élevée. Ainsi la résistance des
1S9 bandes sur la peau et des vaisseaux lymphatiques va amener une réduction volumétrique du membre importante et rapide. De plus elle entraîne une augmentation de température de la peau qui pourrait également être bénéfique, en augmentant le débit lymphatique. La compression élastique entraîne une pression de repos élevée et une pression de travail modérée. La compression élastique par bandes ou bas élastiques ne réduit pas l’œdème, mais permet d’éviter la récidive. Il existe peu d’études contrôlées démontrant l’efficacité de la contention-compression dans le lymphœdème. Celle-ci a même été mise en doute par certaines études. Par exemple dans le lymphœdème primitif, Yasuhara (1) retrouvait une aggravation du lymphœdème chez 8 % des patients atteints de lymphœdème primitif qu’ils portent ou non une contention-compression. En revanche, dans la même étude, il y avait une nette efficacité dans le lymphœdème secondaire où seulement 2 % des patients s’aggravaient lorsqu’ils portaient une contention-compression. De même dans les lymphœdèmes secondaires, il était démontré que le port d’une contention-compression diminuait le risque de récidive de lymphangite chez les patients ayant déjà fait un épisode (5 % en cas de contention-compression contre 25 % de récidives en l’absence de traitement). Dans les études ouvertes, il existe toujours une réduction de volume après contention-compression, au moins à court terme, mais elle n’est pas comparée à une absence de traitement. En revanche, dans les nombreuses études essayant de comparer des traitements comme le drainage lymphatique manuel, la pressothérapie, des traitements médicaux en traitement isolé contre un groupe utilisant une contention-compression, il n’a jamais été montré qu’un de ces traitements a été supérieur à la contention-compression. En revanche, l’association d’un traitement combiné (bandage multicouche, soins cutanés et drainage lymphatique) suivie d’une compression élastique comparée à une compression élastique isolée utilisée d’emblée et isolément, montre que la physiothérapie combinée décongestive a une efficacité supérieure (réduction du volume à 24 semaines de 31 % versus 15,8 % pour la compression élastique seule) (2). On peut être surpris que l’efficacité de la contention-compression dans le lymphœdème n’est pas rigoureusement prouvée et repose uniquement sur un consensus professionnel fort. Mais on peut affirmer que le traitement actuellement démontré comme le plus efficace inclut la contention-compression associée aux traitements classiques (drainage lymphatique manuel et pressothérapie). RE´FE´RENCES 1. YASUHARA et al. Int Angiol, 1996 ; 15 : 272-7. 2. BADGER CM et al. Cancer, 2000 ; 88 : 2832-7.