916
Lettres à la rédaction / Annales Françaises d’Anesthésie et de Réanimation 22 (2003) 913–918
l’échec de l’anesthésie, l’insertion intraveineuse, l’enroulement, les paresthésies, l’asymétrie et augmentent les difficultés d’insertion [5]. C’est pour cette raison que la majorité des auteurs préconisent l’insertion des cathéters à une distance de 3–4 cm considéré comme une distance acceptable, au-delà de cette distance les risques augmentent [5]. En conclusion il est nécessaire de mettre en place une étude multicentrique pour déterminer la cause et la fréquence de l’asymétrie lors de l’anesthésie et/ou l’analgésie épidurale. Il est aussi important de prendre en considération les récentes études avant de pousser loin les cathéters épiduraux et de développer une nouvelle génération de ces cathéters.
Références [1]
Karraz M. Longueur idéale de cathéter dans l’espace péridural lombaire. Ann Fr Anesth Réanim 2003;22:563–4.
[2]
Hogan QH. Lumbar epidural anatomy: A new look by cryomicrotome section. Anesthesiology 1991;75:767–75.
[3]
Hogan Q. Epidural catheter tip positioned distribution of injectat evaluated by computed tomography. Anesthesiology 1999;90:964– 70.
[4] [5]
Hogan Q. Distribution of solution in the epidural space: examination by cryomicrotome section. Reg Anesth Pain Med 2002;27:150–6. Lim YJ, Bahk JH, Ahn WS, Lee SC. Coiling of lumbar epidural catheters. Acta Anaesthesiol Scand 2002;46:603–6.
B. Al-Nasser Département d’anesthésie–réanimation, clinique du Parc-Saint-Lazare, 1–3, avenue Jean-Rostand, 60000 Beauvais, France Adresse e-mail :
[email protected] (B. Al-Nasser). © 2003 Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés. doi:10.1016/j.annfar.2003.09.017
La face cachée du malaise ou le malaise de la face cachée ? Vegetative state: is the consciousness an arguable definition of life?
Il nous est apparu que la teneur de la réflexion de notre collègue E. Mourgeon à propos de La décision d’arrêt des soins en fin de vie [1] appelait quelques commentaires. L’idée d’erreur, interpelle tout naturellement le médecin– réanimateur confronté au problème de la décision d’interruption thérapeutique. L’incapacité des auteurs à évaluer l’état
de conscience de leur patient au moment de cette décision cruciale est pour eux source de malaise, ressenti comme la conscience d’une erreur éthique, celle de ne pas dispenser à leur patient les soins les plus adaptés à son état clinique. Mais si leur interrogation Est-ce qu’un patient en état végétatif a une conscience peut être licite, leur solution — asservir l’acte thérapeutique (en l’occurrence l’interruption thérapeutique) selon une réponse objective à cette question — semble contradictoire avec leur objectif éthique de faire le meilleur choix thérapeutique, car équivalent à une négation de la notion même de patient. Examinons les données du problème : la réalité du malaise, sa « face cachée », réside dans notre ignorance actuelle de l’état de conscience (ou d’inconscience) réel du patient. Cette connaissance permettrait de faire la part entre l’apparence d’une situation et sa réalité, et d’effectuer des choix éthiques relatifs à la fin de vie. Une telle problématique, par sa singularité, pose de nombreuses questions.
1. Le fondement conceptuel de leur interrogation repose sur une conviction C’est celle d’une autonomie de la conscience par rapport au cerveau. Ils se réclament à l’appui de leur hypothèse de l’existence d’expériences visuelles ou sonores (Near-death experience) enregistrées par des patients donnés cliniquement ou électrophysiologiquement pour morts lors d’arrêts cardiaques, et rapportées, avec plus ou moins de précision, par 20 % des témoins survivants [2]. Comment une conscience peut-elle subsister dans de telles circonstances ? Comment peut-on avoir une expérience en dehors du corps alors que l’ECG est plat et la fonction cérébrale altérée ? Il devient donc urgent d’explorer par des procédures expérimentales objectives l’hypothèse que la conscience de l’être humain ne se résume pas à l’activité neuronale de son cerveau. Ils s’opposent ainsi à la définition neurologique de la conscience, laquelle rend compte d’une organisation hiérarchique du fonctionnement cérébral, et correspond à une activité neuronale ou humorale cérébrale.
2. Cette position aboutit à une nouvelle conception de la vie et de la mort Elle constitue une remise en question implicite de leurs définitions respectives... Initialement définie comme cardiovasculaire par arrêt cardiaque, la mort répond actuellement au concept de mort cérébrale, définition utilitariste qui autorise la solidarité interhumaine par le don d’organe. Dans leur propos, toute manifestation de la conscience est synonyme
Lettres à la rédaction / Annales Françaises d’Anesthésie et de Réanimation 22 (2003) 913–918
de vie et toute absence a contrario de mort, puisque les auteurs semblent assimiler le patient en état végétatif à un patient en fin de vie (dont la réalité ne serait plus qu’une apparence) auquel il peut être proposé au nom de l’intentionnalité éthique la mort par décision d’arrêt thérapeutique. Pour résumer, la prise de position des auteurs repose sur une « hypothèse médicophysiologique » qui consiste à faire de la conscience une variable extracérébrale, spirituelle ou sensorielle (?), mais toutefois quantifiable, puisque pouvant être mesurée objectivement. Elle dépasse à ce titre la traditionnelle dualité philosophique de l’âme et du corps. Les objections qui pourraient être formulées à l’encontre de cette position sont de plusieurs ordres, logique, médical et éthique. • le propos semble conceptuellement contradictoire : si la conscience est extracérébrale (point de vue défendu) le patient en coma végétatif la conserve de toutes façons ; comment peut-il alors ne plus représenter, pour les mêmes raisons, qu’une enveloppe corporelle, qu’une apparence de personne, et être considéré comme en fin de vie, éligible à une décision éthique d’arrêt des soins ? • sur un plan médical, on pourrait avancer à juste titre, que les Near-death experiences, contrairement à leur dénomination, ne concernent que les vivants ! et qu’elles ne sont que des manifestations biologiques physiologiques. En effet, une baisse du débit sanguin cérébral (trouble du rythme, massage cardiaque) ou une diminution d’apport en substrats énergétiques déstructure la hiérarchie cérébrale sans toutefois abolir les activités locales humorales et neuronales qui fonctionnent alors selon un mode autonome. C’est ainsi que les émergences ponctuelles de sensori perceptions, de la mémoire, voire des fonctions visuospatiales peuvent illustrer les descriptions des Near-death experiences, sans qu’il soit besoin d’en faire de mystérieuses manifestations extracérébrales ; • un tel positionnement n’est pas éthiquement neutre, en déconstruisant conjointement les définitions de personne et de malade : C Centrer la définition de la notion de personne sur les manifestations de la conscience (où qu’elle se situe) est une attitude dangereuse. Comme le considère Bernard-Marie Dupont, vouloir définir l’humanité de l’homme par son degré de conscience (apparente ou pas) peut justifier de tous les excès [3]. Ce qui permet par exemple à Peter Singer [4] de classer les humains et les animaux sous une règle commune, celle du degré d’autonomie. Ainsi, les grands singes ayant plus d’intelligence et de conscience que le patient en état de végétatif méritent plus de considération éthique. Pour Goldstein [5], ce n’est pas la conscience qui définit l’homme mais son unité fonctionnelle, son indissoluble unité psychomotrice pour Foldscheid [6], défini-
917
tion concernant également le patient en état végétatif qui ne démontre aucune activité psychique ou motrice. Parlons en effet de l’homme comme d’une unité biologique et existentielle, unité singulière, qui confère à chaque être humain sa dignité, et qui persiste dans la maladie. Canguilhem [7], philosophe et médecin, nous a montré que la définition de la maladie demande comme point de départ la notion d’être individuel et Goldstein, qu’il faut commencer par comprendre le phénomène pathologique comme révélant une structure individuelle modifiée [5]. Le patient en coma végétatif nous renvoie à une réflexion sur ce que l’on appelle maladie. Pour Canguilhem, la maladie n’est pas une variation sur la dimension de la santé mais une nouvelle dimension de la vie, un mode de vie rétrécie pour Goldstein, mais une vie nouvelle tout de même. Qui peut considérer que la limite est atteinte dans le cas du patient en état végétatif ? Doit-il être à ce titre considéré comme un réservoir d’organes ? Son état n’annule pas pour autant son vécu et sa dignité, qu’il conserve inaliénable jusqu’à la fin de sa vie ; C l’hypothèse avancée pour poser le problème d’une considération dans les pratiques médicales d’une dimension spirituelle en l’être humain semble en contradiction avec le but recherché. En effet, asservir la décision d’arrêt des soins selon le degré d’objectivation de la conscience, revient à faire de celle-ci, une variable quantitative de l’être humain et configure l’être comme un avoir essentiellement biologique. Où se trouve la dimension spirituelle en l’être humain dès lors que l’on postule a priori qu’elle répond à des modalités de fonctionnement naturaliste ? Le véritable malaise de la face cachée s’éclaire en fait par les réponses explicites proposées par nos confrères à leurs questions implicites : • un malade qui n’est plus en possession de sa conscience est-il encore une personne ? • doit-il être déclaré à ce motif « en fin de vie » ? • est-il possible d’établir une relation interpersonnelle entre un soignant et un patient en coma végétatif ? Il est douteux que la technique puisse se substituer à la conscience du médecin pour répondre à sa place à la question centrale : qu’est-ce que soigner ? [8]. C’est au moins là le mérite de nos confrères de nous avoir reposé cette question.
Références [1]
Mourgeon E. La décision d’arrêt des soins en fin de vie : la face cachée du malaise. Ann Fr Anesth Réanim 2003;22:262–3.
[2]
Van Lommel P, van Wees R, Meyers V, Elfferich I. Near-death experience in survivors of cardiac arrest: a prospective study in the Netherlands. Lancet 2001(9298):2039–45.
918
Lettres à la rédaction / Annales Françaises d’Anesthésie et de Réanimation 22 (2003) 913–918
[3]
Dupont BM. La mort cérébrale : enjeux épistémologiques et éthiques d’une définition. « Annales d’histoire et de philosophie du vivant » 2001;Volume 4.
[4]
Singer P. Rethinking Life and Death. St Martin’s Griffin; 1994; La libération animale. Grasset; 1993.
[5]
Goldstein K. L’analyse de l’aphasie et l’étude de l’essence du langage. Journal de psychologie 1939.
[6]
Foldscheid D, Feuillet-Le Mintier B, Mattei JF. Thémis Philosophied Philosophie, éthique et droit de la médecine. Paris: PUF; 1997.
[7]
Canguilhem G. Le normal et le pathologique. Maladie, guérison, santé. (1943). Paris: PUF; 1972.
* Auteur correspondant.
[8]
Graftieaux JP. Approche épistémologique de l’erreur médicale. Mémoire de maîtrise de philosophie. CTU Université de Reims; 2003.
© 2003 Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés. doi:10.1016/j.annfar.2003.09.017
J-P. Graftieaux * C. Chemla J. Barré A. Léon Département d’anesthésie–réanimation, CHU de Reims, 51100 Reims, France Adresse e-mail :
[email protected] (J.-P. Graftieaux).