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Actualités pharmaceutiques Ř n° 509 Ř Octobre 2011
juridique télémédecine
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La pratique de la télémédecine en France enfin encadrée Alors qu’en 2009, la loi HPST avait consacré la télémédecine, ce n’est que fin 2010 que le décret d’application est paru, définissant les actes et modalités d’exercice de cette pratique.
L
es premières traces de la télémédecine dans le corpus juridique remontent aux années 1980 et concernent l’aide médicale à bord des navires. Si, en 1989, à Toulouse, un Institut européen de télémédecine voit le jour, ce n’est que dans les années 2000 que cette pratique prend son essor. Son développement est lié au contexte : vieillissement de la population, raréfaction de l’offre médicale, augmentation du nombre de maladies chroniques…
Une pratique consacrée La loi Hôpital, patients, santé et territoires (HPST) a introduit dans le Code de la santé publique un article (L. 6316-1) qui consacre la télémédecine1. Celle-ci y est définie comme une forme de pratique médicale à distance, utilisant les technologies de l’information et de la communication. Elle met en rapport, entre eux ou avec un patient, un ou plusieurs professionnels de santé, parmi lesquels figure nécessairement un professionnel médical et éventuellement d’autres professionnels prodiguant des soins au patient. L’objectif de la télémédecine y est précisé : elle permet d’établir un diagnostic, d’assurer, pour un patient à risque, un suivi à visée préventive ou post-thérapeutique, de requérir un avis spécialisé, de préparer une décision thérapeutique, de prescrire des produits, de prescrire ou de réaliser des prestations ou des actes, ou encore d’effectuer une surveillance de l’état des patients. La définition des actes de télémédecine, ainsi que leurs conditions de mise en œuvre et de prise en charge financière étaient, à la date de publication de la loi HPST, reportées à un décret ultérieur. La loi disposait néanmoins que la réglementation future devait prendre en compte les déficiences de l’offre de soins dues à l’insularité et à
l’enclavement géographique. Le décret, paru fin 2010, consacre de façon formelle les actes médicaux entrant dans le champ d’application de la télémédecine2.
professionnels y participant et les éventuels incidents techniques survenus.
Les actes de télémédecine
Les actes de télémédecine ne peuvent être réalisés en dehors des conventions dûment conclues entre les différents professionnels ou établissements de santé. Celles-ci doivent être soit rattachées à un contrat signé avec une Agence régionale de santé, soit couvertes par un programme national validé par le ministère de la Santé, soit inscrites dans un contrat pluriannuel d’objectifs et de moyens ou encore dans un contrat ayant pour objet d’améliorer la qualité et la coordination des soins. L’acceptation de ces programmes doit tenir compte des spécificités de l’offre de soins proposés sur le territoire. Ces actes sont pris en charge de façon identique à l’ensemble des prestations remboursées. Les professionnels de santé concernés disposent de 18 mois pour se mettre en conformité avec les nouvelles dispositions.
Ř La téléconsultation a pour objet de permettre à un professionnel médical de consulter à distance. Un professionnel de santé peut être présent auprès du patient et assister le professionnel médical au cours de la téléconsultation. La présence d’un psychologue est possible. Ř La télé-expertise permet à un professionnel médical de solliciter à distance l’avis d’un ou de plusieurs professionnels médicaux en raison de leurs formations ou de leurs compétences, sur la base des informations médicales liées à la prise en charge d’un patient. Ř La télésurveillance médicale a pour objectif de permettre à un professionnel médical d’interpréter à distance les données nécessaires au suivi médical d’un patient, voire de prendre des décisions relatives à sa prise en charge. L’enregistrement et la transmission des données peuvent être automatisés, réalisés par le patient lui-même ou effectués par un professionnel de santé. Ř La téléassistance médicale, enfin, permet à un professionnel médical d’assister à distance un autre professionnel de santé au cours de la réalisation d’un acte.
L’indispensable consentement Les actes de télémédecine doivent donc être réalisés avec le consentement libre et éclairé de la personne. Cette pratique entre dans le champ du “secret partagé” : les professionnels y participant peuvent, sauf refus du malade dûment informé, échanger des informations relatives au patient, notamment par le biais des technologies de l’information et de la communication. Des garanties sont prévues : authentification des professionnels intervenant, identification du patient, accès des professionnels de santé aux données médicales du patient utiles à la réalisation de l’acte. Les actes réalisés dans ce cadre de la télémédecine doivent être consignés dans le dossier du patient, ainsi que l’identité des
Un champ d’application strictement encadré
Des questions en suspens Le décret qui consacre la télémédecine est décrié par certains qui pensent qu’il a été adopté dans l’urgence. Il laisserait des questions en suspens, concernant notamment les responsabilités et les règles s’imposant aux maillons techniques intervenant dans la réalisation des actes. La nécessité d’un encadrement éthique et juridique plus conséquent est également évoquée. D’autres textes pourraient donc venir compléter l’arsenal juridique existant. Caroline Mascret Maître de conférences en droit pharmaceutique auprès de la Faculté de pharmacie de Chatenay-Malabry, Université Paris XI
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Notes 1. Loi n° 2009-879 du 21 juillet 2009 portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires. www.legifrance.gouv.fr 2. Décret n° 2010-1229 du 19 octobre 2010 relatif à la télémédecine. www.legifrance.gouv.fr Déclaration d’intérêts : l’auteur déclare ne pas avoir de conflits d’intérêts en relation avec cet article.