La prise en charge rapide des douleurs thoraciques aux urgences

La prise en charge rapide des douleurs thoraciques aux urgences

Journal Européen des Urgences et de Réanimation (2017) 29, 47—51 Disponible en ligne sur ScienceDirect www.sciencedirect.com MISE AU POINT La pris...

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Journal Européen des Urgences et de Réanimation (2017) 29, 47—51

Disponible en ligne sur

ScienceDirect www.sciencedirect.com

MISE AU POINT

La prise en charge rapide des douleurs thoraciques aux urgences夽,夽夽 Fast track chest pain pathway in emergency department O. Nallet a,∗, N. Ketata b, N. Ferrier b, X. Marcaggi b a

Service de cardiologie, centre hospitalier Le Raincy-Montfermeil, rue du Général-Leclerc, 93370 Montfermeil, France b Service de cardiologie, centre hospitalier de Vichy, 03200 Vichy, France ut 2016 ; accepté le 2 septembre 2016 Rec ¸u le 12 aoˆ Disponible sur Internet le 23 mars 2017

MOTS CLÉS Douleur thoracique ; Syndrome coronarien aigu ; Troponine de haute sensibilité ; Services d’urgence

Résumé La douleur thoracique est un motif fréquent de consultation aux urgences. La difficulté est de différentier les infarctus et autres urgences vitales, des causes non cardiaques ou bénignes. Seulement 15 à 25 % des patients ont un syndrome coronarien aigu. Les protocoles de dosages rapprochés de la troponine de haute sensibilité lors de l’admission, puis à la première ou la troisième heure sont validés pour écarter ou retenir le diagnostic d’infarctus sans sus-décalage de ST. Ils permettent une orientation rapide des patients et réduisent le temps de passage aux urgences dans le cadre d’une filière parfaitement organisée. La clinique et l’ECG doivent toujours être au centre de la prise en charge. © 2017 Elsevier Masson SAS. Tous droits r´ eserv´ es.

DOI de l’article original : http://dx.doi.org/10.1016/j.ancard.2016.09.001. Ne pas utiliser, pour citation, la référence de cet article mais la référence de sa première parution : Annales de cardiologie et d’angéiologie, volume 65, issue 5, novembre 2016, pages 326—329. 夽夽 Cet article appartient à la série « Cardiologie ». ∗ Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (O. Nallet). 夽

http://dx.doi.org/10.1016/j.jeurea.2017.02.007 2211-4238/© 2017 Elsevier Masson SAS. Tous droits r´ eserv´ es.

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O. Nallet et al.

KEYWORDS Chest pain: Acute coronary syndrome; High sensitivity troponin; Emergency department

Abstract Acute chest pain is a common reason of consultation in the emergency department. The difficulty lies in discriminating patients with acute coronary syndrome or other life-threatening conditions from those non-cardiovascular, non-life-threatening chest pain. Only 15 to 25 % of patients with acute chest pain actually have acute coronary syndrome. Algorithms using high sensitivity troponin at admission and a second assessment 1 or 3 hours later are validated to ‘‘rule in’’ or ‘‘rule out’’ the diagnosis of non ST-elevation myocardial infarction. This may reduce the delay for the diagnosis translating into shorter stay in the emergency department. Those algorithms must be interpreted in the context of clinical and ECG criteria. © 2017 Elsevier Masson SAS. All rights reserved.

Le problème de la douleur thoracique aiguë est de différencier les situations qui engagent le pronostic vital de celles qui ne l’engagent pas. Environ seulement 15 à 25 % des patients qui consultent aux urgences pour une douleur thoracique ont un syndrome coronarien aigu (SCA) [1,2]. Les autres urgences vitales comme l’embolie pulmonaire, la dissection aortique sont plus rares. Beaucoup de patients retournent à domicile sans diagnostic ou avec un diagnostic de pathologie cardiaque/extracardiaque à faible risque permettant une prise en charge ambulatoire.

1. L’évaluation initiale oriente la prise en charge Les questions sont les suivantes : • le patient est-il stable ou existe-t-il des signes de décompensation hémodynamique ou respiratoire nécessitant une prise en charge immédiate ? • quelle est la probabilité d’une pathologie engageant le pronostic vital ? • est-il possible d’organiser une prise en charge ambulatoire ou bien une observation prolongée et d’autres explorations sont-elles nécessaires ?

quand un premier prélèvement a été fait dans un autre laboratoire. Typiquement, les D-Dimères s’élèvent précocement à des niveaux élevés dans la dissection aortique [5]. Ils peuvent rester négatifs dans les hématomes intra-aortiques et les ulcères pénétrants. Ils ont une bonne valeur prédictive négative (< 500 ng/mL) pour écarter une dissection aortique mais l’imagerie doit être faite quand il existe une suspicion clinique à cause de facteurs prédisposants (syndrome de Marfan, anévrysme connu de l’aorte ascendante, valvulopathie aortique, antécédents familiaux de dissection), des caractères de la douleur ou des données de l’examen clinique (asymétrie tensionnelle, abolition d’un pouls, déficit neurologique). La radiographie pulmonaire permet surtout de faire le diagnostic de douleurs non cardiaque comme le pneumothorax. L’échocardiographie transthoracique doit être un examen de routine dans le bilan d’une douleur thoracique (fonction ventriculaire gauche, cinétique segmentaire, racine aortique, cavités droites, péricarde). L’évaluation initiale permet d’orienter le diagnostic et la prise en charge.

2. Syndrome coronarien aigu La clinique (antécédents cardiovasculaires, caractéristiques de la douleur, facteurs de risque), l’ECG et la troponine sont au centre de la stratégie diagnostique. L’ECG doit être fait dans les 10 minutes après l’arrivée du patient. La troponine est le biomarqueur de référence de l’infarctus. Son utilisation obéit à des règles [3,4] : • elle doit être interprétée en fonction de la probabilité prétest d’infarctus. Les valeurs prédictives positive et négative de la troponine pour le diagnostic de SCA dépendent de cette probabilité ; • c’est une variable quantitative continue et la probabilité d’infarctus augmente avec les valeurs élevées. Une valeur > 5x le 99e percentile a une valeur prédictive positive d’infarctus de 90 % ; • l’augmentation ou la diminution de la troponine s’opposent aux élévations chroniques ; • elle est spécifique de nécrose ou de souffrance myocardique mais pas de l’infarctus de type 1. Seule la cardiomyopathie de Takotsubo et les myocardites ont des profils de troponine voisins des SCA ; • la comparaison pour un même patient de valeurs obtenues par des tests différents est impossible, ce qui arrive

Les patients à très haut risque sont dirigés immédiatement en USIC ou en salle de coronarographie : infarctus ST + infarctus non-ST + à très haut risque (Tableau 1) [6,7]. En dehors de cette situation, les données cliniques et ECG associées au dosage de la troponine de haute sensibilité permettent une orientation rapide des patients. Le protocole H0-H3 est le plus utilisé et le mieux connu (Fig. 1). Le protocole H0-H1 est une des nouveautés des dernières recommandations européennes 2015 sur les SCA non-ST+ (Fig. 2) [6]. Il implique une parfaite coordination avec le service de biochimie et sa principale limite est le rendu rapide du résultat en moins d’une heure. Il faut répéter les prélèvements si le patient se présente moins d’une heure après le début des symptômes, quand la suspicion clinique est très forte et le dosage négatif et en cas de récidive douloureuse. Un protocole H0-H2 est également possible [8]. Dans l’étude TRAPID-AMI, le protocole H0-H1 a été évalué aux urgences chez 1282 patients avec une douleur thoracique survenue dans les 6 dernières heures [9]. Le diagnostic de SCA a été écarté dans 63 % des cas, retenu dans 14,4 %. Les 22,2 % de patients qui ne répondaient pas aux critères

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Fig. 1. Algorithme de prise en charge des SCA ST+ et non-ST+ (avec le protocole troponine de haute sensibilité H0-H3) (à partir de la ¸aise du Toolkit urgences cardiovasculaires, http://www.sfcardio.fr/urgences-et-soins-cardiaques-intensifs). version franc

Tableau 1 Critères de risque pour une stratégie invasive dans l’infarctus non-ST+ [6]. Très haut risque Choc cardiogénique, hémodynamique instable Douleur persistante ou récidive sous traitement Troubles du rythme graves, arrêt cardiaque Complications mécaniques de l’infarctus Insuffisance cardiaque aiguë Modifications récidivantes de ST, T ; en particulier ST+ transitoire Haut risque Cinétique de troponine en faveur d’un infarctus Modifications dynamiques de ST, T (silencieuse ou non) Score Grace > 140 Risque intermédiaire Diabète Insuffisance rénale (DFG < 60 mL/min/1,73 m2 ) Fraction d’éjection < 40 % ou insuffisance cardiaque congestive Angor post-infarctus Antécédents d’angioplastie ou de pontage Score Grace > 109 et < 140 Faible risque : aucun des critères ci dessus

de l’algorithme ont été placés en « zone d’observation ». Parmi eux, la prévalence de l’infarctus était de 22,5 %. Pour les patients qui en ont les critères, la valeur prédictive positive pour le diagnostic d’infarctus du protocole H0-H1 est de 75-80 %. Les autres causes de douleur thoracique avec troponine élevée sont les myocardites, les myopéricardites, le syndrome de Takostubo, l’embolie pulmonaire et certains infarctus de type 2 comme les troubles du rythme rapides [10-12]. La valeur prédictive négative pour éliminer l’infarctus est excellente. Associée aux critères cliniques et ECG, la sortie précoce et une prise en charge ambulatoire sont possibles dans la plupart des cas. Les patients qui ne répondent pas aux critères de l’algorithme pour retenir ou exclure un infarctus non-ST plus représentent un groupe hétérogène qui va conduire à des explorations complémentaires si on ne trouve pas d’explication alternative à l’élévation de la troponine. Un dosage supplémentaire de la troponine, par exemple à H3, doit fait dans la plupart des cas. Une coronarographie doit être envisagée en cas de forte suspicion clinique alors que le coroscanner est une alternative si la probabilité diagnostique est faible ou intermédiaire [13]. Finalement, quels sont les diagnostics chez ces patients se présentant aux urgences pour une douleur thoracique aiguë, chez qui le diagnostic d’infarctus a été écarté par les algorithmes précédents et qui n’ont pas d’autre cause

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Fig. 2. Algorithme pour confirmer/éliminer le diagnostic d’infarctus non-ST+ en 1 heure (à partir de la version franc ¸aise du Toolkit urgences cardiovasculaires, http://www.sfcardio.fr/urgences-et-soins-cardiaques-intensifs). L’infarctus peut être éliminé dès l’admission si les concentrations de troponine de haute sensibilité sont très basses ou devant l’association d’une valeur initiale basse et d’une absence d’élévation à H1. Diagnostic hautement probable si taux initial au moins modérément élevé ou si franche augmentation en 1 heure.

de douleur thoracique ? Et quelle doit être leur prise en charge ? • la première question est celle de l’angor instable. Ce diagnostic sera retenu sur des critères cliniques et ECG (angor de novo, crescendo, douleur angineuse typique spontanée). Ces patients sont pris en charge comme les infarctus non ST+ plus sauf s’ils sont à faible risque (Tableau 1). Chez les patients sans modifications ischémiques à l’ECG et sans douleur depuis plusieurs heures, une imagerie de stress peut être réalisée pendant la période d’observation si l’organisation du centre le permet ou en externe dans les jours qui suivent. Les techniques de stress (échographie, scinthigraphie, IRM) ont une précision diagnostique supérieure à celle du test d’effort. Les recommandations ESC donnent un niveau de recommandation IA à ces techniques et de niveau IIa pour le coroscanner qui est une alternative [6]. Les patients doivent être revus rapidement en consultation. Ceci implique une organisation parfaite ce qui n’est pas toujours simple H24 et une bonne information au patient. La troponine de haute sensibilité a fait diminuer l’incidence de l’angor instable et augmenter celle des infarctus non-ST plus. On peut citer E. Braunwald dans son éditorial « Unstable angina: is it time for a requiem? » : « le terme angor instable devient ambigu. En effet, il n’est pas évident qu’un SCA puisse survenir sans élévation de la troponine circulante quand on utilise des tests de haute sensibilité. La maladie coronaire va être à nouveau divisée en deux plutôt que 3 groupes : le premier groupe avec l’angor stable de gravité clinique variable selon par le Canadian Cardiovascular Society system ; le

second groupe avec l’infarctus selon la 3e définition universelle » [14] ; • d’autres ont une maladie coronaire stable et sont pris en charge en ambulatoire selon la probabilité clinique diagnostique et le risque ischémique [15] ; • d’autres patients n’ont pas de pathologie organique à l’origine de la douleur.

3. Péricardites aiguës Une fois le diagnostic porté, la question de l’hospitalisation ou d’une prise en charge ambulatoire se pose. Dans les recommandations européennes 2015 sur les maladies péricardiques, l’hospitalisation est indiquée [16] : • soit si une cause spécifique est suspectée (tuberculose, cancer, maladie de système par exemple) ; • soit s’il existe des critères de mauvais pronostic « majeurs » (fièvre > 38∅, début subaigu, tamponnade ou épanchement abondant, mauvaise réponse au traitement anti-inflammatoire depuis 1 semaine) ou « mineurs » (myopéricardite, immunosuppression, traumatisme, traitement anticoagulant).

4. Les autres causes de douleur thoracique Les SCA ne doivent pas faire oublier les autres causes de douleur thoracique dont certaines engagent le pronostic vital.

La prise en charge rapide des douleurs thoraciques aux urgences Dans des populations non sélectionnées de patients consultant aux urgences pour une douleur thoracique aiguë, la prévalence des diagnostics est environ la suivante : SCA ST plus 5-10 %, SCA non-ST plus 15-20 %, angor instable 10 %, autres causes cardiaques 15 % et diagnostics non cardiaques 50 % [1,2,17].

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5. Conclusion [7]

Fast-track peut être traduit par « filière ultrarapide » ou moins simplement par « court circuit pour aller d’une étape à l’autre ». Une telle prise en charge est possible pour les douleurs thoraciques aiguës aux urgences. Les algorithmes diagnostiques avec la troponine de haute sensibilité permettent une orientation rapide des patients avec une suspicion d’infarctus non-ST plus mais la clinique et l’ECG restent le juge de paix et l’infarctus n’est pas la seule cause de douleur thoracique. La sortie précoce des patients avec des examens ambulatoires est souvent possible sous réserve d’une très bonne organisation pour la programmation des examens et des consultations.

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Déclaration de liens d’intérêts Les auteurs déclarent ne pas avoir de liens d’intérêts.

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