La psychologie fonctionnelle

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LA PSYCHOLOGIE FONCTIONNELLE ED. CLAPARI~DE (Gen~ve) La psychologie classique, a b s o r ~ e qu'elle ~tait par l'analyse des l~roduits de l'activit~...

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LA PSYCHOLOGIE FONCTIONNELLE ED. CLAPARI~DE

(Gen~ve)

La psychologie classique, a b s o r ~ e qu'elle ~tait par l'analyse des l~roduits de l'activit~ menta]e, se pr~occupait fort peu des causes de cette activitY, et de sa direction. Ou, tout au moins, r~olvait-eIle ce probl~me d'une fa~on fort superficielle. TantSt elle invoquait la volont~: mais cela n'explique rien, parce que ~a explique tropl TantSt elle invoquait l'association, ce qui n'explique rien non plus, I~ ..~e que c,a n'explique pas assez: pourquoi, en effet, sont-ce les associations utiles qui sont d~lench~es? Plus tard, sous l'influence des physiologistes, on a voulu rendre compte de la r~action par I'excitation. Mais cela n'est pas non plus une explication satisfaisante. Car la m~me excitation peut provoquer des conduites totalement diff~rentes: la rue du cadran de ma montre, marquant I0 h. 45, m'incl/ne ~ abr~ger cette causerie pour ne pas vous ennuyer trop longtemps; darts d'autres circonstances, l'excitation produite par ce m~me cadran, avec la m~me p~ition des a/~illes, me fera courir ~ la gare, pour ne pas manquer tm train. La psychologie allemande, qui a doming le mouvement psychologique d ~ la seconde moiti~ du definer si~cle, me parait s'~tre totalement dt~int~ress~ de l'~tude des ressorts de ractivit~ mentale (la fameuse ,,aperception" de Wundt est une notion bien confuse). D'autre part elle ,~'a jamais envisag~ les ph~nom~nes psychiques darts leurs rapports avec l'ensemble de l'individu. Elie est restore exp~rimentale, structurale, elle n'a pas ~t~ vvaiment dynamique, c'est-~-dire biologique. Or~ il me paralt que la psychologie, qui est une pattie de la biologie, doit ne pas n~.gliger cet aspect dynamique et biologique de la vie mentale. Le probl~me central de la biologie, c'est celui de l'~/alb~/os (l'adaptation, n'est-ce p a s c e qui caract~rise les Acta Psycholos/ca I

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corps vivants, par opposition ~ ceux dont s'occupent les sc/ences phys/ques et chimiques?). E t le problt~e central de la psychologie, c'est celui d e / a ¢ond,t~e. Mais la conduite n'est rien xutre qu'une certaine ~ d'adaptation. Or qu'est-ce que s'adapter? c'est exO~-~:,-: les r~ctionsn~cessaires POUr parer a une rupture d'~quilibre. ~n d'autres termes, c'est satisfake a un besoin. Le beso/n, voil~ le ph~nom~ne auquel il faut remonter pour rendre compte de l'activit~ mentale. Car l'activit~ mentale n'est pas autre chose que la s~rie des d~.marches acr.orn.plies en vue de la satisfaction du besoin. La psychologie fonctionnelle est celle qui envisage les ph~norac~nes psychologiques du point de rue du r61e qu'ils jouent dans la vie, du pomt de r u e de leur utilit~ pour l'individu ou pour I'~, qui les envisage par cons&Iuent dans leurs rapports avec les besoins. C'est Willlaw. James qui est le l~re de la psychologie fonctionhelle. Introduisant dans la psychologie son point de vue pragmatique, il a consid6r6 l'activit6 mentale comme un instrument d'action. Nous ne vivons pas pour penser, mais nous pensons pour vivre. Cette mani6re de voir a aussi 6t~ profess~ en Allemagne par des penseurs qui n'6taient pas des psychologues, comme Mach, Avenarius, Julius Schultz ou Vaihinger. ]dais, somme toute, ]e point de vue biologique et ionctionnel a eu, m~me depuis le d6but du sic~cle, beaucoup de peine ~ s'introduire en psychologie. La n ~ s s i t 6 d'une psychologie plus dynamique, qui tlnt davantage compte des fins de la personnalit~ darts son ensemble, a suscit6 div~rses conceptions r&:entes, comme le personnalisme de Stem, le gestaltisme de Wertheimer, Kt~hler et Koflka, la vet~ e P~ychologie, l'horm/sme de McDougall . . . . Nous avons vu aussi, en AUemagne m~me, l~n~trer le point de vue fonctionnel Clans divers travaux, conane ceux de MOller-Freienfels, de Lewin, et surtout de Katz, qui a compris toute l'importance du besoin, auquel il a consacr¢~ de belles ~tudes exI~rimentales. Prt~
de Szymanski intitul~ Psyclg4ogie yore 5tandp,mkt dtr A bk~gig-

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keit des E r ~

yon dot Lebensbed~rtnissen, livre qui nous est ~ t 6 comme une nouveaut~. Qu'il me soit permis de rappeler ici que, lors du Congr~s de Rome en 1905, j'avais pr~ent~ une communication - - dont celle d'aujourd'hui est en par'tie la -~l~tition - - sur ,,l'int~r~t principe fondamental de l'activit¢ mentale". Ce que j'appelais l'int~r~t, c'est le besoin, ou l'aspect psychologique du besoin. Car ne nous intCressent que les choses qui touchent nos besoins d'une fa~on ou d'une autre. La m~me annie, darts un travail oh j'~.tudiais le sommcil du point de vue fonctionnel, j'insistais a u ~ i sur cette dynamique des besoins et des int~r~ts et je demandais aussi qu'on ~tudi,~t la signification biologique des troubles n~vropathiques ~). $i je rappelle ces dates d~j~ anciennes, c'est pour mont~er combien le point de vue fonctionnel a eu de peine ~ p~n~trer darts notre science. E t la cause n'en est pas difficile ~ deviner. C'est que le point de r u e fonctionnel, qui nous porte ~ consid~rer les processus organiques par rapport ~t leur but ou ~ leur utilitY, par',dt ~ beaucoup impr~gn~ de finalisme, de mysticisme, bref, ~tre antiscientifique au plus haut point, et on ne veut pas en entendre parler ! Je d~sire montrer ici que ce point de vue est cependant parfaitement l~gitime. En premier lieu, la psychologie fonctionnelle ne contredit r.,ullement aux explications m~canistes. Et disons tout de suite que la l~ychologie fonctionnelle n'est pas ,,une psychologie", qui s'oppose ~ d'autres psychologies. Notre coll~gue Murchison, de Clark University, public tousles cinq ans des volumes de Psychologies (au pluriel!). II y a eu les Psychologies de 1925, et t l y a eu celles de 1930. Vous avez le behaviorisme, la r~flexologie, la psychologie dynamique, la psychanalyse, la psycholog/e r~actionnelle, hormique, etc. Ce sont des recueils tr~s /nt~ressants; mais qui prouvent surtout que notre science est encore bien arri~r~e III n'y a p0~.~,plusieurs physiques, ni plusieurs chimies. De m~me, il n'y a ou il ne devrait y avoir qu'une seule psychologie. Je tiens donc k d~clarer que la psychologie fonctionneUe n'est pas une psychologie qui s'oppose ~ une ~utre. Elle n'est qu'une ') E. Claparbde, Esquisse d'une th~rie biologique du sommeil, Arch. de Psychol, IV. 1905.

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fagon d°envisager let ~ r a t m ~ mentaux ou, si v o ~ p r ~ r e z , les ph~non~nes de la conduite. Mais cette fafon d'envimger est-elle l~gitime ? A moo avis, l'homme d e science dolt ~tre d~barras~ de tout scrupule n~taphysique ou ctpist6mologique. Pour lui, tout principe, toute notion, tout point de vue sont l~gitimes d~s qu'i]s lui sont utiles, commodes. La l~g/thnit6 n'a pus d'autre garant que la f~x)ndit6. Or le point de r u e fonct/onnel est utile et f~:ond. On pourrait le montrer en constatant que cette attitude fonctionnelle ,.:'impose, en fair, m~me ~t des sav~nts de teml~rament tr~s positif, et qui certainement ne demanderaient pus mieux que de tout expliquer n~caniquement, comme Ribot, par exemple, qui note que certains proce~___~us psychiqlzes ,,visent un but". E t des physiologistes ou neurologistes c,~mme Sherrington, comme Head, parlent du but d'un r~flexe (p~rpo~ o / a v~I/ex), de purposive adaptat/on. M~me notre inustre et v~n~r~ coll~gue M. Pawloft. que nous avons ~t~ si heureu~: d'applaudir r a u t r e jour, avoue qa'on ne peut m ~ o n n a l t r e ~lue les acres des hommes et des animaux sont dirig6s vers des buts. ,,La vie des h o ~ consiste en ~ poursuite de buts varies", dit-il. Celle des chiens aussi. Mais il r ~ o u t la question d'unc |ac,o n / t la vctrit~ un peu simpliste, en imagiuant une categoric, slX~ciale de r~flexes, les ,,reflexes de but" I Mais je pr6f~re indiquer en quoi le l:'-'int de vue fonctionnel me i~ralt ~tre d'une rctelle utilitY. II me par;dr rendre ~t la psychologic un quadruple service: l o en rendant pt~ssible la description et la d~limitation de certains ph~nom~mes; 2 ~ en posant des probl~rfles de gen~e; 3 ° en sugg(,rant des applications pratiques; 4 ° en permettant de formu]er des kis. !. Description e~ ddlimilalion des

~,ocess~ ps~clugogiqu~.

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Le point de r u e fonctio~md, par opposition au point de r u e structural, est pour l'observation des processus psychologiques ce qu'est l'examen h un petit grossissement, par opposition l'examen ~ un fort grcssissement, pour l'observation des processus microscopiques. Chacun sait que si r o n commence par examiner une preparation microscopique k un fort gro~s~sement, on ne voit rien du tout. I! faut d'abord se rendre compte de l'ensemble de la prt~aration que l'on examine, des rapports entre parties, et de la p'lace qu'occupe chaque partie clans Fen-

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__.emble pour qu'ensuite l'examen ~ un grossissement plus fort soit profitable. I I e n est de m/~me pour l'observation psychologique. Du point de vue structural, comment distinguer0 par exemple, l'inteUigence et la volont~ ? E n analysant ¢es ph~nom~ne~, nous trouvons dans chacun d'eux des images, des pens~es, des tendances, des affects, etc. et ii est tr~s difficfle sinon iml~>ssible de saisir en quoi i h different, - - de m~me qu'il serait i m [ ~ s i b l e , sous le microscope, de distinguer un pied et une main, qui contiennent chacun les m~mes tissus, osseux, musculaire, etc. Au contraire, d ~ qu'on les consid~re sou,." l'angle fonctionnel, ces conduites se pr~sentent comme tr~s diff~r,:~ntes. Poser la question fonctionnelle, c'est se demander, non settlement quel est le r61e d'un ph~nom~ne, m~,is ,,dans quelles circonstances survient-il, quelle est la situation qui l'engendre"? - - Or il suffit de poser cette question pour la r(~oudre. L'intelligence et la volont~ (que certains auteurs ont voulu co, tondre en les opposant routes deux l'instinct) r~pondent ~t des situation~.~ bien diff~rentes. Chacune, il est vrai, est suscit~e par un ~tat de dc~sadaptation de la conduite Iorsque celle-ci est momentan~ment suspendue. Ce n'est que lorsque nous sommes plus ou moin~ brusquement d~sadapt~s que nous nous mettons soit ~ r~fl~hir, soit ~ vou~oir. Mais, dans chacun de ces cas, l'~tat de d~sadaptation n'est pas le m~me. Dans l'intelligence, nous sommes d~sadapt~s quant aux moyens. dans la volont¢ quant ~t la lin. Lorsqt~e vous ~tes en route povr remrer chez vous, et que vous trouvez une rue b ~ , vous vous demandez par queue autre rue il est le plus court de passer: la fin poursuivie (rentrer chez vous) n'est pas mi~e en question; ce ne sont que les moyens qu'fl s'agit de d~ouvrir. Au contraire, lorsqu'un ouvrier sortant de l'usine avec sa paye se demande s'il la rapportera ~ sa femme ou la d~penser~ au c~tbaret0 ce West pas un probl~me de moyen qu'il se pose (ca~ il sait tr~s bien comment on tait pour entrer au cabaret, oo pour rentrer chez soi); mais c'est un probl~me de fin: ,entrerai-je au cabaret, ou n'y entreraije pas ?". On peut doric d~finir l'intelligence ,le proces~us qui a pour fonction'de r~soudre un probl~me de moyens", et la volont~ ,,le processus qui a pour fonction de r~-~oudre an probl~me de fins". On discute beaucoup pour d~finir l'inten~g~ce. On en a propos~ des douzaines de d~finitions difl~rentes. Et il est vrai que, du

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le remort __n6c~,~ire k toute action. Pour provoquer un ~cte d'inteHigence, fl faut commencer par #veiller le besoiu de faire un acte d'inteiligel~e, c'est-A-dire le besoin de trouver le~ moyens d'atteindre ~m but ~ par renfant. Si le travail scola~e ~,~it reli8 ~ quelqu'uue de ces tendances profondes, dont la _r~llution est ressenfie par l'~:olier comme un besoin, toute son ~nergie se porterait ~ l'ex~-'uter. Mais je ne puis d~vekq>per ici ces idc~es qu'on trouvera expodans mon livre L'/.d~cat/on/o~J/onsege (1931). Je d(~re ins/ster encore sur ce fa/t, que l'adoption du point de vue fonctionnel n'implique aucuue adhesion au finalisme, sous aucune forme. La question de savoir si l'on peut rendre compte des ph~nom~mes d'adaptation par des mcScanismes de type physicoch/mique ou s'il faut au contra/re avoir recours Ades a g e n t s ~ i geneT/s, ~ des entSl~ch/es, comme ,le psychold" de Driesch, ,la psychoide "de Bleuler, ou ,la horror" de yon Monakow ou de McDougalI, est enti~rement r~servc~e. La psychologie fonctionhelle ne se propose pas de fourr~r une explication demi~re de l'activit~ mentale, mais seulement de coordonner les phcLnom~nes sous une perspective Flu.. f(~.onde que celle que ne le permet le plus souvent le point de vue purement causal. 4. L o / s / o ~ i o ~ m d / ~ . - - - Si la psychologie fonctionnelle n'explique lien, tout au moins permet-el]e d'~tablir de~ lois. Jusqu'ici, nous avons fm~; peu de iois g ~ l e s , en psychologie, - - depuis que les iameuses lois de l'association ont perdu la valeur qu'on leur attribuait. Or on peut, en se placrant au point de rue |onctionnel, formu]er une douzaine de iois g~n~rales de la conduitc..[e vous en indiquerai quelques-une~ Ce sera le meillenr moyen de vous prouver la 16condit~ de ce point de vue. L~. Z ~ du ~ o / ~ : ,,Tout besoin tend ~ provoquer les r~actions propres k le satisfai~". II s'agit IA d'une Ioi qui exprime une coordination |ondamentale de la conduite animale et humaine. J'ai parl~ tout ~ l'heure de la necem/t~ de partir du besoin pour rendre compte de l'acttvit~ mentale. Je n'y reviens pas. E t l'excitant, dira-t-on ? N'est-ce pas lui qui suscite la r~action ? Certainemm~t. Mais n'oublions pals que tout agent physique n'est pas un excitant. N'est un ,,excitant" que l'agent physique q~i ~zc/te. Et, pour exciter, un agent physique doit satidaire un certain besoin, actuel ou latent. Le portrait d'une jolie femme sera un excitant pour un ]eune homme, mais non p u pour un c l o t ou

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un tapin. La devanture d'un magasin de chapeaux sera un excitant pour une dame, et pas pour un v/eux professeur~ En disant donc clue c'est r e x a t a n t qui provoque la r~action, on n'oppose pas la r~action au besoin, car c'est pr~cis~ment le besoin qui va, parmi la multitude des agents ext~rieurs, ¢hoisir, en quelque sorte, celui qui sera ~lev~ ~ la dignit~ d'excitant. C'est le besoin qlfi .~nsibilise rorganisme ~ l'~gard de l'exitant. A vrai dire, aiusi que certaines exl~riences de D. Katz l'ont montr~, l'agent ext~rieur joue bien, dans certains cas, un r61e propre; par exemple une poule mange plus lor~qu'on lui donne un gros tas de grains que lorsqu'on ne lui donne qu'un petit tas, m~me si chacun de ces tas d ~ a s s e ce qui est capable de la ras.,asier. Mais cela ne change pasce qu'a de fondamel,~.~iement g~n~rM la loi du besoin. Voici une seconde loi, qui rend compte de la signification de la Ae mentale elle-mb.me. En effet, certains processus sont autoraal,iques et inconscients. D'autres mobilisent l'activit~ mentaie. 11 ~ t l~gitime de d~terminer queUes sont les circonstances qui font appel ~ cette activit~ mentale. J'ai appel~ cette loi Lo/de l ' e : ~ ' o n de la t~ie men,tale, et ]e l'ai formulae ainsi: ,,Le ddveloppement de la vie mentale ~st proportionnel A l'~cart existant e~.tre les besoins et les moyens de les satisfaire". En effet, si l ' ~ a r t est nul, c'est-/~-dire si l'agent satisfaisant le besoin est ~ la p o r t ~ de l'organisme (air pour la respiration), ancune activit~ mentale: la respiration joue automatiquement; si l'~w.ar~ est tr~s grand, comme il arrive souvent entre le besoin de manger et les aliments, d~ploiement d'une grande activit~ mentale pour invet~ter des instruments de p~che ou de chasse, etc. La Loi de prise de conscience exprime ce fair que ,,l'individu prend conscience d'un processus (d'une relation, d'un objet) d'antant plus tard que sa conduite a impliqu~ plus t6t l'usage automatique, inconscient, de ce processus". J'avais ~t~ conduit cette loi en constatant que les enfants, quoique exploitant beaucoup plus t6t les ressemblances des choses que leurs diff~renoz~, ne prennent cependant conscience des ressemblances que longtemps a p r ~ avoir pris conscience des diffdrences ~). Mon coll~gue J. Piaget a retrouv~ cette loi - - j'y faisais allusion tout ~ l'heure dans le d~veloppement de la pensive: un enfant, par exemple, est incapable de d~finir un mot qu'il conn~dt fort bien: il ,,agit sa ') La conscience de la resemblance et de la difference chez Venfant. Arch. de F s y c ~ . , XVII, 1918.

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le ressort n6cessa/re & toute action. Pour provoquer un acte d'intelligence, il faut c o ~ c e r par 8veiller le besoiu de faire un acte d'intellige~ce, c'est-/~-dire le besoin de trouver le~ moyens d'atteindre ~m but d6s/r8 par renfant. Si le travail scolaire g4~ait reli~/~ quelqu'une de ces tendances profondes, dont la r6alisation est ressentie par l'6colier comme un besoin, toute son ~nergie se porterait/~ l'ex6mter. Mais je ne puis dg,vek,pper ici ces id6es qu'on trouvera expos~es dans mon livre L'F.d~w,~/on/om~/oMw./~ (1931). Je d6sire insister encore sur ce fait, clue r-,aloption du point de r u e fonctionnel n'implique aucune a d h ~ i o n au finalisme, sous auctme forme. La question de savoir si r o n peut rendre compte des ph6nom6nes d'adaptation par des mtScanismes de type physicochimique ca s'il faut au contraire avoir recours/L des agents s~i gos~is, ~ des ent~l~chies, comme ,le psychold" de Driesch, ,,la psycholde "de Bleuler, ou ,,la horm6" de yon Monakow ou de McDougaU, est enti6rement r6~erv6e. La psychologie fonctionn e l l e n e se propose pas de fourr.ir une explication derni6re de ractivit6 mentale, mais seulement de coordonner les ph6nom/mes sous une perspective p|u:. f6~onde que ceUe que ne le permet le plus souvent le point de vue purement causal. 4. ~ / o m ~ / o n m g / c s ' . -.- Si la psychologie fonctionnelle n'explique rien, tout all moins peasuet-elle d'~tablir de,,,/m's. Jusqu'ici, nous avons fos~ peu de lois g~n6rales, en psychologie, - - depuis que les fame.uses lois de l'association ont perdu la valeur qu'on leur attribuait. Or on peut, en se placraut au poie, t de r u e fonctionnel, formuler une douzain~ de iois g~n6rales de la conduite..le vous en indiquerai quelques-unes. Ce sera le mefileur moyen de vous prouver la f6condit8 de ce point de rue. I~. L o / d u bemi,: ,,Tout besoin tend ~ provoquer les r~actions propres/~ le satisfaice". II s'agit I/l d'une loi qui exprime une coordination fondamentale de la conduite animale et hunmine. J'ai parl6 t o u t / i l'heure de la necem/t~ de partir du besoin pour rendre compte de racttvit6 mentale. Je n ' y reviens pas. E t rexcitant, dira-t-on ? N'est-ce pas lui qui suscite la r~action ? Certainem~at. Mais n'oublions pas que tout agent physique n'est pas un excitant. N'est tan .excitant" que r a g e n t physique qui ¢ ~ . Et, pour exciter, tm agent phys/que doit satisfaire un certa/n besoin, actuel c a latent. Le portrait d'une jo]ie femme sera un excitant pour un jenne homme, mais non pas pour un chat ou

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un lap/n. La devanture d'un magasin de chapeaux sera un excitant pour une dame, et pas pour un vieux professeur~ En disant donc que c'est l'excitant qui provoque la r~action, on n'oppose pas la r6action au besoin, car c'est pr~cis~ment le besoin qui va, parmi la multitude des agents ext6rieurs, choisir, en quelque sorte, celui qui sera ~lev~ ~ la dignit~ d'excitant. C'est le besoin qlfi se~,sibilise l'organisme /~ l'~gard de l'exitant. A vrai dire, ainsi que certaines exp6riences de D. Katz l'ont montr~, l'agent ext~rieur joue bien, darts certains cas, un r61e propre; par exemple une pottle mange plus lo~.,qu'on lui donne un gros tas de grains que lorsqu'on ne lui donne qu'un petit tas, m6me si chacun de ces tas d6passe ce qui est capable de la ras.,asier. Mais cela ne change pasce qu'a de tondameL.'~iement g~ndral la loi du besoin. Voici une seconde loi, qui rend compte de la signification de la ;~e m e n t a h eUe-m6me. En effet, certains processus sont autoraal;iques et inconscients. D'autres mobilisent l'activit6 mentale. II ¢~t l~gitime de d6terminer quelles sont les circonstances qui font appel/L cette activit~ mentale. J'ai appel6 cette loi Lo/de l'e:n~Lsl"on d e / a t,ie mc~a/e, et je l'ai formul~ ainsi: ,,Le d6veloppement de la vie mentale ~.st proportionnel a l'~:art existant er,tre les besoins et les moyens de ies satisfaire". En effet, si l'~cart est nul, c'est-/t-dire si l'agent satisfaisant le besoin est /~ la port6e de l'organisme (air pour la respiration), aucune activit~ mentale: la respiration joue automatiquement; si l'~:ar~ est tr~s ~ a n d , comme il arrive souvent entre le besoin de manger et les aliments, d~ploiement d'une grande activit~ mentale pour inventer des instruments de p6che ou de chasse, etc. La Loi de prlse de conscience exprime ce fait que ,,i'individu prend conscience d'un processus (d'une relation, d'un objet) d'aurant plus tard que sa conduite a impliqu~ plus t6t l'usage automatique, inconscient, de ce processus". J'avais ~t~ conduit cette loi en constatant que les enfants, quoique exploitant beaucoup plus t6t les ressemblances des choses que leurs diffOrenceq, ne prerment cepend_ant conscience des ressemblances que longtemps a p r ~ avoir pris conscience des differences'). Mon coll~gue J. Piaget a retrouv~ cette loi - - j'y faisais allusion tout/~ l'heure dana le d~veloppement de la pens6e: un enfant, par exemple, est incapable de d~finir un mot qu'il connalt fort bien: il ,,agit sa ') La conscience de la rememblance et de la dilf~rence chez 1'enfant, A~ch. de Psy. ¢~I., XVII, 1918.

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d~finitiou avant d'e~ avo/r pris consc/ence". Ou bien encore un ,.n~ult, qui salt tr~s bieu qu'un gros morceau de bols ( t r ~ lourd pourtant) flotte sur l'eau, alors qu'une toute petite pierre (bien plus 1 ~ ) va au fond, dit cependant que la pierre va au fond parce qu'el]e est ,plus Iourde". C'est comme s'il ,,agissait" sa notion de deusit~ avant d'en avoir pris conscience. La Loi d'am~/ci~on rend compte de ce fair clue, tr~s souvent, daus la vie mentale, le besoin, o u ( c e qui revient ~ peu pros au m~me) l'int~rSt, appar'~t avant [e moment oh la vie est raise en danger. ,,Tout besoin qui, de p ~ so. nature, risque de ne pouvoir ~re ~tement satisfait, apparalt d'avance". - - C'est ainsi que la falm apparatt bien Iongtemps avant le moment oh nous serious sin' le point de mourir d'inanition. Certains je~n~urs restent trois .~ quatre semaines sans nmnger. On pourrait donc dire qoe nous mangeons trois semaines trop tOt! De m~me, nous dormous trois ou qnatre jours trop t6t. II est bien facile de comprendre ]a fonction de cette m a ~ e qui s'est ~tablie entre la perception subjective du besoin, et le besoin organique objectif, marge qui permet ~ l'individu de n'~tre jamais pris au dSlxmrvu. II est ~vidertt que s/no~s ue ressentions la faim que quelques secondes avsnt le moment de mourir de faim, nous risquerions fort de ne pas trouver ~ ce moment-l,~ de quoi la satisfaire l Cette Ioi d'anticipation, qui est en quelque sorte impliquc~e dans ce]]e de l'extension de la vie mentale, nous perr~t, eUe auss/, de sais/r la |onction v~ritable de ]a vie mentale. Cette fonction. c'est une [onction d'anticipation, de pr~voyance. La pensive est l~ pour Pr~Imrer Faction. Cette Ioi nous f a r aussi comprendre queUe position occupe la vie men~le par rapport aux besoius vitaux de no~Te organisme. La vie mentale occupe ~Ine position de signalisation: elle e.st, dans son ensemble, un appareil signalisateur. On pourrait se representer notre activit~ totale comme d~coul~e en deux zones. Une zone profonde, c~est la zone v~g~tative et organique, dont les processus se d~roulent automatiquement et inconsciemment; c'est la zo~ des beso~ns ~ b / e s , de ce qu'on pourrait nommer les ,,besoins endog~nes". Puis, autour d'elle, en communication plus intime avec [e monde ext~rieur, la zone psychologique, p!us instable, et qui m.~mieste, elle auss/, des ruptures d'~,q~dlib~e, des beso~ns, mais des besoins par anticipation, des besoins r~veiil~s p~.~ les agent.-~ ext~ienrs, et on pourrait appeler cette zone la ~o~,h, des a ~ t ~ , des ,,besoins e x o -

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g/rues". La vue d'une belle poire ~veille en nous un apl~tit, alors que la zone v~g~tative n'~prouve encore aucun besoin organique. C'est dans cette zone des apl~tits que r~side la curiositY, qui est aussi un apl~tit, car elle se manifeste alors que nous n'avons pas besoin° ~ ce moment-l~ de savoir pour agir. Etre curieux. c'est d~=/rer savoir par anticipation m par anticipation d'une situation qui ne se prt~entera peut-6tre jamais. Nous observons avec curiositY, dans une lunette, les crat~res de la lune. Mais quand ferons-nous le voyage dans la lune qui rendrait vraiment utiles ces connaissances de gc~graphie astrale? Je disais tout ~t rheure clue nous mangions trom scmaines trop t6t. Les savants, qui font de la science pour la science, sont des individus qui pensent des ann~es, peut-~tre des si~cles trod t~tl - - Et les m~taphysiciens . . . . ? Encore une autre loi, la Loi de l ' i ~ r ~ t mome~cta~, que j'avais formultLe en 1905. J'avais alors montrd que le sommeil s'y conformait, et qu'il ~tait par consequent un ph~nom~ne appaxtenant la vie mentale (quelle~ que puissent b~tre ses racines v~gdtatives). Car les ncScessitcSs de la conduite impliquent cette loi qui se formule aiusi: ,,A chaque instant, un organisme suit la ligne de son plus grand int~r~t." On pourrait dire aussi: ,,A chaque intant, le besoin le plus urgent prime les autres". J'ai constatd chez un chien Saint-Bernard que je poss~dais jadis, combien le ,,besoin de libertd" (un besoin, ou un instinct dont on ne parle gu~re, et qui est cependant d'une grande intensitY) est capable de refouler momentandment le besoin d'aliment, ia faim. Lorsque ce chien dtait attach& il tirait sur sa chalne, et n~gligeait de manger sa soupe. Mais, d~s qu'on r a v a i t ddtach~, apr~s deux ou trois bonds clans le jardin, il revenait vers sa soupe, et ravalait avidement. C'est comme si la satisfaction du besoin de libezt~ avait laiss~ le champ libre au besoin d'allment. - - De m~me 1me gu~pe occup~e A se r~galer d'une miette laiss~e sur la table, cesse aussit6t de manger lor~qu'on r a enfermde dans un verre qu'on a r e n v e r ~ sur elle. L'int~r~t pour la libertd a refoul~ l'int~r~.t pour Is noutriture. Notre coilb.4gueD. Katz nous montrait hier le film cl'une poule qui cessait brusquement de manger lorsqu'on introduisait dans sa cage un cochon de mer. Ici, c'est l'intdr~t de s6curit~, le besoin d ' ~ r e sur ses gardes, qui a produit ce refoulement. Tous ces faits sont bien connus. (D~j~t J. Locke avait dit que

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ED, C L A P ~ E ,

LA PSYCHOLOGIX FONCTIONNKLLE

~c'est le plus grand besoin actue]]ement ~ t qui nous pousse Mir"). Mais la psychologie n'ava/t pas s o u l i 8 ~ leur importance . en k s formulant en une :"A. t Notons que la mesure des tendances, des ~ , des besoins, (e= d~terminant quel]es sont les autres tendances qu'e]les sont capables de tenir en &~hec ou de surmonter) est imp]icitement fond~e sur la ]oi de l'int~r~t momentan~. Le temps me manque pour vous exposer les autres lois de la conduite: Lois du t i t o n n e m e n t , de la reproduction du semblable, de la compensation, de l'autonomie fonctiormelle s). J'esp~re que ce que je vous ai dit aura suffi pour vous montrer l'int~rEt pratique du point de vue fonctionnel en psychologie. Et, pour me r~sumer: l ° Le point de r u e fonctionnel est utile et commode, parce qu'il nous permet de d~limiter des ph~nom~nes et d'apercevoir des relations qui cSchappent au point de vue structural, d'~tablir des lois, et d'instituer des applications pratiques. 2 ° Le point de r u e fonctionnel n'implique aucune a d h ~ i o n au finMisme. Si l'on peut expliquer d'une fa~on toute m c ~ n i q u e ces cooxdL~a~ions adapt~es, t a n t mieux! (Car l'explication m~mniste eat toujours plus s~tisfaisante pour !'esprit). 3 ° L'homme de science dolt se lib~rer de tout dogmatisme, de tout pr~jug~, et accepter toute h y p o t h ~ e qui lui eat commode pour relier lea faits entre eux et pour les pr~voir.

') On trcmvera l'ezpm~ de cam lois dan= mma £d,,cAs~om l ~ = ~ d ~ , Neuch~tel et Paris, 1934, p. 57--95. - - A u lo/s enocw~N~ dan= cet ouvral~, f l y auralt lieu d'en ajouter d'autret., ¢omme hi Lo~ dm mo~sdre cffo~: . u u animal tend k u t i s l a l r e un besoin selaa la lisme de moindre r6si~tmn~", et la Lo~ 4c ~ : ,,lo/llqu'un but ne pent @tre atteint par une certah~, technique (par nn certain comportement), une autre t e c h a ~ u e , visant au m~me but, a'y substitue".