Science & Sports, 1 (1986) 347-349
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© Elsevier, Paris
Lettre
la Rddaction
La r6ponse de GH fi l'effort s'associe chez l'enfant une 616vation de la glyc6mie J.-F. BRUN, C. CRIQUI, C. Ft~DOU et A. ORSETTI
Service d'Exploration Physiologique des Hormones et des MOtabolismes (Professeur A. Orsetti), HOpital Lapeyronie, 34059 Montpellier Ceclex et Laboratoire de Physiologie II, Institut de Biologie, Facultd de M~decine, 34000 Montpellier, France L ' h o r m o n e de croissance (Growth hormone ou GH) s'dl6ve lors de l'exercice physique et il est logique de supposer qu'elle a alors, entre autres effets m6taboliques, une action sur la glycor6gulation. Les 6preuves de stimulation de la G H par l'exercice physique, r6alis6es dans le cadre de l'exploration des d6ficits staturaux, repr6sentent une situation privildgi6e au cours de laquelle on peut rencontrer un 6ventail vari6 de r6ponses en GH, qu'il est possible d'6tudier en parall6le avec les variations glyc6miques. Darts ce travail nous avons tent6 de d6terminer dans quelle mesure, chez l'enfant, la r6ponse de G H /~ un exercice intense et bref s'accompagnait de modifications de la glyc6mie.
Mat6riel et m6thodes Un 6chantillon de 87 enfants gtg6sen moyenne de 12 ans (12,139_+0,509; moyenne+_SEM) 6tait compos6 de 40 filles (fige : 6 ~t 17 ans) et 47 garqons (ftge : 7/~ 17 ans). L'exploration de la GH par test d'effort musculaire 6tait motiv6e par un hypostaturisme (tailles situ6es entre - 1 et - 4 ddviations standard sur les abaques de Setup6). Nous avons utilis~ un protocole pr6c6demment d6crit (F6dou et al., 1985), employ6 dans le d6pistage des d6ficits de s6cr6tion de GH. I1 s'agit d'un exercice de 15 rain sur bicyclette ergomdtrique (Bodyguard) r6alis6 de mani~re/t accro~tre par paliers la fr6quence cardiaque (suivie par monitorage ECG) jusqu'b, un plateau ~ 80% de la fr6quence maximale thdorique, maintenu durant 5 rain. Le sujet 6tait g jeun depuis plus de 2 h et 6tait maintenu couch6 30 rain avant le premier prdl6vement. Les 6chantillons sanguins ont 6t6 pr61ev6s au pli du coude sur cath6ter veineux, aux temps -15, 0, 15 et 30 min, l'exercice se d6roulant entre le temps 0 et le temps 15 min. Etaient mesurdes chaque lois: glyc6mie et GH plasmatique. La GH a 6t6 dos6e avec la trousse SB-HGH du CIS (Commissariat/t l'Energie Atomique, BP 21, 91120 Gif sur Yvette).
La glyc6mie a 6t6 mesur6e sur sang veineux total avec une m6thode ~ la glucose-oxydase. Les valeurs, pr6sentdes ici sous la forme de moyenne _+SEM, ont 6t6 compar6es par les tests non param6triques de Mann-Whitney (6chantillons inddpendants) et de Wilcoxon (6chantillons li6s).
R6sultats L'interpr6tation des r6ponses s6cr6toires de G H a 6t6 rdalis6e selon les crit6res usuels (F6dou et al., 1985). Les enfants <
>, d6finis par une mont6e de G H au-dessus de 10 ng/ml, 6taient au nombre de 29 (soit 33,33°70); les enfants <> dont la GH restait au-dessous de 7 ng/ml 6taient au nombre de 46 (52,87°70); entre ces deux groupes, on d6nombrait 12 <~, soit 13,79%. L'6volution glyc6mique est diff6rente dans les trois sous-groupes (Fig. 1). Chez les nonr6pondeurs, aucune variation glyc6mique n'est not6e. Chez les r6pondeurs, la glyc6mie/l la 15e rain s'61bve significativement ( P < 0 , 0 1 ) tandis que les r6pondeurs partiels ont une 6volution interm6diaire avec une tendance non significative h l'616vation de la glyc6mie/t la 25 e rain. Si l'on compare les glyc6mies des diff6rents groupes au cours de l'6preuve, on retrouve une diff6rence entre les valeurs ~ la 15e rain des r6pondeurs (0,972 _+0,048) et des non-r6pondeurs (0,830 + 0,029) significative au seuil de 2o7o. Nous avons recherch6 des corr61ations lin6aires entre GH et glyc6mie. Sur l'6chantillon de 87 enfants pris dans son ensemble, aux diff6rents temps de l'6preuve, les coefficients de r6gression sont respectivement: ~ T-15 :r = 0,209 (n.s.); h TO :r =0,073 (n.s.); /t T + 1 5 : r = 0 , 3 0 9 ( P < 0 , 0 1 ) ; /~ T + 25:0,196 (n.s.). Comme on le voit, GH et glyc6-
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= = R~pondeurs ( n = 2 9 ) • ........ . R ~ p o n d e u r s partiels(n=12) •- - - - , N o n R~pondeurs (n=46) 5,50. 4,95. 4,40 3,85 0
r
T xerc,co I
3,30.
E •
2,75.
,0
Evolution g l y c 6 m i q u e en fonction de la r6ponse de GH Iors d'un exercice inframaximal chez I'enfant
2,20. 0 1,65. 1,10.
0,55"
1'5
0
1'5
2'5 t e m p s min.
Fig. 1. Evolution de ia glyc6mie chez 87 enfants lors d ' u n exercice musculaire de 15 rain, triangulaire, plafonnant g 80% de la fr6quence cardiaque maximale th~orique. La glyc6mie s'61+ve significativement dans le sous-groupe des enfants ~ rdpondeurs)) en GH.
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mie sont hautement corr616s au temps 15 rain et tr6s d6corr616s au temps 0. Aux temps - 1 5 et 25, n'existe qu'une tendance (P < 0,1) non significative.
Discussion Un exercice prolong6 a des effets hypoglyc6miants, mais un exercice intense et bref, notamment dans un contexte de <, s'accompagne souvent d'hyperglycdmie. Nous trouvons dans ce travail une corr61ation entre la G H et la glycdmie veineuse au ddcours imm6diat d'un exercice inframaximal intense de 15 rain chez l'enfant. La r6ponse de G H l'exercice physique s'accompagne d'une discr6te 616vation de la glyc6mie qui ne s'observe plus chez les sujets non r6pondeurs. La GH, hormone hyperglyc6miante, peut-elle atre rendue responsable de la mont6e glyc6mique que nous observons darts notre 6tude? Classiquement, les effets m6taboliques de cette hormone sont biphasiques : au cours des premibres 30 rain, elle a une action de type insuline, hypoglyc6miante (Mac Gorman et al., 1981). L'action hyperglyc6miante ne se manifesterait qu'/~ retardement, c'est&-dire bien au-del~ des 15 rain d'exercice de notre protocole. La G H pourrait aussi induire de fa~on aigu~ une r6sistance /~ l'insuline, par le biais de son action lipolytique pr6coce. Mais des travaux r6cents (Bowden et al., 1985) remettent en doute l'existence de cette action pr6coce. Elle ne serait qu'un artefact li6/t un facteur lipolytique contaminant les pr6parations de G H d'extraction, et n'existerait plus avec la G H pure biosynth6tique. I1 est 6galement possible que la r6ponse de G H et l'616vation glyc6mique soient associ6es parce que r6sultant d'un m~me ph6nom6ne neuroendocrinien. La mise en 6vidence d'une commande commune de la GH et des cat6cholamines circulants par les voies noradr6nergiques centrales (Thompson et al., 1985) pourrait servir de base/~ une telle explication. G H et glyc~mie t6moigneraient alors simultan6ment de l'intensit6 de la mise en jeu d'un
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<>particulier de r6ponse v6g6tative lors d'un exercice intense et bref. Un d6ficit massif en G H lors des nanismes hypophysaires pr6dispose aux malaises hypoglyc6miques. Les d6ficits neuros6crdtoires, d6finis par une stimulation hypothalamique imparfaite d'une hypophyse d6pourvue d'anomalies, n'ont 6t6 identifi6s que rdcemment en endocrinologie. Un d6ficit neurosdcrdtoire isol6 affectant la r6ponse de G H ~t l'effort pourrait-il avoir des cons6quences sur l'adaptation de l'organisme ~t l'exercice ? Les nonr6pondeurs en G H lors d'un exercice inframaximal intense semblent nombreux (52,87°7o de notre 6chantillon) mais cette particularit6 biologique n'a pas, pour l'instant, 6t6 rattach6e ~ des difficult6s particuli~res d'adaptation/~ l'effort. En rdsum6, m6me si l'interprdtation physiologique de ce ph6nom6ne n'est pas parfaitement claire, nous observons une association entre l'616vation de la GH et celle de la glyc6mie lors d'un exercice inframaximal bref et intense chez l'enfant. L'importance d'une bonne r6ponse de la G H dans l'adaptation m6tabolique/~ l'effort m6riterait donc d'&re plus prdcis6ment 6valu6e.
Bibliographie Bowden R.B., White K.D., Lewis U.J. & Tutwiler G.F. (1985) Highly purified human growth hormone fails to stimulate lipolysis in rabbit adipocytes in vitro or in rabbits in vivo. Metabolism 24, 237-243 F6dou C., Rodier M., J6suran M., Bouhaddioui L., Jacquemin J.L., Bringer J. & Orsetti A. (1985) Le test d'effort musculaire : mise au point en rant qu'dpreuve simple et fiable en exploration des troubles de la croissance. Ann. Endocrinol. 46, 150 MacGorman L.R., Rizza R.A. & Gerich J.E. (1981) Physiological concentrations of growth hormone exert insulin-like and insulin antagonistic effects on both hepatic and extra-hepatic tissues in man. J. Clin. Endocrinol. Metab. 53, 556-559 Thompson D.A., P6nicaud L., Welle S.L. & Jacobs L.S. (1985) Pharmacological evidence for opioid and adrenergic mechanisms controlling growth hormone, prolactin, pancreatic polypeptide, and catecholamine levels in humans. Metabolism 34, 383-390