Symposium Québec-France
La santé respiratoire des athlètes
V. Bougault1, P. Kippelen2,*
L
1
Unité de recherche en Pneumologie, Centre de Recherche, Hôpital Laval, Université Laval, Québec, Canada. 2 School of Sport and Education, Brunel University, West London, United Kingdom. Correspondance :
[email protected]
S90
Rev Mal Respir Actual 2009 ; Suppl 2 : S90-S91
es athlètes d’endurance sont fréquemment affectés par des problèmes respiratoires [1]. La prévalence d’atopie est de 25 à 78 % chez les athlètes de compétition. Jusqu’à 74 % des athlètes présentent des symptômes provenant des voies respiratoires supérieures. Les athlètes d’endurance sont particulièrement sujets aux dysfonctions respiratoires ; environ 50 % d’entre eux présentent un asthme induit par l’exercice (AIE). Pour certains sports, tels la natation et les sports d’hiver, la prévalence d’AIE peut avoisiner les 80 % ; un phénomène généralement attribué à l’hyperventilation sévère dans un environnement jugé « agressif » pour les voies aériennes (présence de dérivés chlorés ou air froid et sec). Afin de pouvoir justifier de la prise par voie inhalée de β2-agonistes et/ou de corticostéroïdes autorisés les athlètes doivent se soumettre à des tests de la fonction respiratoire certifiés par l’Agence Mondiale Antidopage (AMA) et le Comité International Olympique (CIO). L’histoire médicale du patient doit être documentée et des tests de réversibilité et/ou de provocation bronchique doivent être réalisés afin de démontrer la présence d’une obstruction bronchique variable [2]. Le test d’hyperventilation volontaire isocapnique est actuellement reconnu comme le plus approprié pour le dépistage d’un AIE chez l’athlète. Il est important de souligner que de nombreux athlètes rapportent des symptômes respiratoires incommodants à l’effort mais que ceux-ci ne sont pas toujours associés a une hyperréactivité bronchique. Ceci est particulièrement fréquent chez les athlètes pratiquant des sports d’hiver. Les nageurs, en revanche, présentent une forte prévalence d’AIE (75 %) mais peu de symptômes respiratoires à l’effort. Les raisons de ces discordances sont encore incertaines mais il est probable que de nombreux athlètes ne reportent pas la présence de ces symptômes dans la mesure où ils les jugent normaux.
© 2009 SPLF. Édité par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés
La santé respiratoire des athlètes
Afin de comprendre pourquoi les athlètes constituent une population particulièrement à risque, il convient de s’interroger sur les mécanismes mis en jeu dans le développement de l’AIE. Chez le sujet asthmatique non sportif la libération de médiateurs inflammatoires bronchoconstricteurs (tels les prostaglandines, les leucotriènes et l’histamine) lors des phases d’hyperventilation sévères semble constituer un élément clé [3]. Chez les athlètes pratiquant des sports d’été nous avons pu récemment confirmer l’implication des prostaglandines D2 dans le déclenchement de l’AIE [4]. En revanche, les études montrant un remodelage bronchique et l’infiltration de neutrophiles chez les skieurs de fond [5] suggèrent l’implication d’un mécanisme différent dans cette population d’athlètes. Nous avons ainsi proposé un nouveau modèle pour expliquer la genèse d’une hyperréactivité bronchique non spécifique chez les athlètes pratiquant des sports d’hiver (fig. 1). L’hyperventilation sévère en air froid et sec pourrait être responsable d’un phénomène récurrent de lésion/réparation de l’épithélium bronchique. Ces lésions pourraient alors initier une exsudation plasmatique qui, du fait de la présence de nombreux agents bronchoconstricteurs et divers facteurs de croissance, pourrait modifier les propriétés contractiles du muscle lisse bronchique. Il a été montré que les corticostéroïdes inhalés (CSI), généralement efficaces dans le traitement de l’AIE chez l’asthmatique non sportif, ne présentent chez les skieurs de fond qu’une efficacité limitée [6]. Pour les athlètes pratiquant des sports d’été, en revanche, le traitement de choix pour
l’AIE reste un traitement de fond avec CSI supplémenté de b-2-agonistes (au besoin). Des effets négatifs de la prise journalière de bêta-2-agonistes inhalés (phénomène de tolérance et aggravation de l’hyperréactivité bronchique) ayant été démontrés [7], il est important que les athlètes ne recourent à l’usage de cette catégorie de médicaments que de manière occasionnelle. Finalement, si les données de la littérature soulignent un effet potentiellement délétère de la pratique sportive intensive sur la fonction respiratoire, il est en revanche important de souligner que ces désordres ne semblent que transitoires et pourraient disparaitre lors de l’arrêt de la carrière sportive au plus haut-niveau [8].
Références 1
Carlsen KH, Anderson SD, Bjermer L, Bonini S, Brusasco V, Canonica W, Cummiskey J, Delgado L, Del Giacco SR, Drobnic F, Haahtela T, Larsson K, Palange P, Popov T, van Cauwenberge P; European Respiratory Society; European Academy of Allergy and Clinical Immunology : Exercise-induced asthma, respiratory and allergic disorders in elite athletes: epidemiology, mechanisms and diagnosis: part I of the report from the Joint Task Force of the European Respiratory Society (ERS) and the European Academy of Allergy and Clinical Immunology (EAACI) in cooperation with GA2LEN. Allergy 2008 ; 63 :387-403.
2
World Anti-Doping Program. Medical Information to Support the Decisions of TUECs Asthma. 12.02.2007. http://www.wada-ama.org/ rtecontent/document/asthma_TUEC.pdf.
3
Anderson SD, Daviskas E : The mechanism of exercise-induced asthma is… J Allergy Clin Immunol 2000 ; 106 : 453-9.
4
Kippelen P, Delin I, Brannan JD, Larsson J, Dahlén B, Kumlin M, Anderson SD : Rapid effects of inhaled beclomethasone on hyperpneainduced bronchoconstriction and mast cell mediator release in athletes. Medicine & Science in Sports & Exercise 2007, 39: S341
5
Karjalainen EM, Laitinen A, Sue-Chu M, Altraja A, Bjermer L, Laitinen LA : Evidence of airway inflammation and remodeling in ski athletes with and without bronchial hyperresponsiveness to methacholine. Am J Respir Crit Care Med 2000 ; 161 : 2086-91.
6
Sue-Chu M, Karjalainen EM, Laitinen A, Larsson L, Laitinen LA, Bjermer L : Placebo-controlled study of inhaled budesonide on indices of airway inflammation in bronchoalveolar lavage fluid and bronchial biopsies in cross- country skiers. Respiration 2000 ; 67 : 417-25.
7
Hancox RJ, Subbarao P, Kamada D, Watson RM, Hargreave FE, Inman MD : β2-agonist tolerance and exercise-induced bronchospasm. J Respir Crit Care Med 2002 ; 165 : 1068-70.
8
Helenius I, Rytilä P, Sarna S, Lumme A, Helenius M, Remes V, Haahtela T : Effect of continuing or finishing high-level sports on airway inflammation, bronchial hyperresponsiveness, and asthma: A 5-year prospective follow-up study of 42 highly trained swimmers. J All Clin Immunol 2002 ; 109 : 962-8.
Hyperventilation en air froid et sec Recrutement bronchioles 10-12ieme générations
Dommages épithéliaux avec libération PGE2 Fuites micro-vasculaires et exsudation de plasma (mécanisme protecteur)
Répétitions
Modifications propriétés contractiles du muscle lisse bronchique
HRB à des agents pharmacologiques Fig. 1.
Modèle permettant d’expliquer la genèse d’une hyper-réactivité bronchique (HRB) à des agents pharmacologiques chez les athlètes pratiquant des sports d’hiver
© 2009 SPLF. Édité par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés
S91