La sévérité de la dysplasie de trochlée fémorale influence-t-elle l’évolution d’une instabilité patellaire traitée par reconstruction du ligament fémoro-patellaire médial et transfert de la tubérosité tibiale antérieure ?

La sévérité de la dysplasie de trochlée fémorale influence-t-elle l’évolution d’une instabilité patellaire traitée par reconstruction du ligament fémoro-patellaire médial et transfert de la tubérosité tibiale antérieure ?

Revue de chirurgie orthopédique et traumatologique 101 (2015) 452–457 Disponible en ligne sur ScienceDirect www.sciencedirect.com Mémoire original ...

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Revue de chirurgie orthopédique et traumatologique 101 (2015) 452–457

Disponible en ligne sur

ScienceDirect www.sciencedirect.com

Mémoire original

La sévérité de la dysplasie de trochlée fémorale influence-t-elle l’évolution d’une instabilité patellaire traitée par reconstruction du ligament fémoro-patellaire médial et transfert de la tubérosité tibiale antérieure ?夽 Does severity of femoral trochlear dysplasia affect outcome in patellofemoral instability treated by medial patellofemoral ligament reconstruction and anterior tibial tuberosity transfer? G. Moitrel a,b,∗ , T. Roumazeille a,b , A. Arnould a,b , H. Migaud a,b , S. Putman a,b , N. Ramdane c , G. Pasquier a,b a

Université Lille Nord de France, 59000 Lille, France Service d’orthopédie, hôpital Salengro, CHRU de Lille, place de Verdun, 59037 Lille cedex, France c Laboratoire de biostatistique, pôle de santé publique, CHRU de Lille, 154, rue du Docteur-Yersin, 59037 Lille, France b

i n f o

a r t i c l e

Historique de l’article : Rec¸u le 24 octobre 2014 Accepté le 25 juin 2015 Mots clés : Genou Instabilité patellaire Dysplasie trochléenne Ligament fémoro-patellaire médial Transposition tubérosité tibiale antérieure

r é s u m é Introduction. – La reconstruction du ligament fémoro-patellaire médial (MPFL) associée à une transposition de la tubérosité tibiale antérieure (TTTA) est recommandée pour traiter l’instabilité fémoro-patellaire objective (IRO). Son efficacité n’est pas connue avec précision lorsqu’elle s’adresse à une dysplasie trochléenne avec éperon. Une étude cas témoin a été menée sur une population d’IRO comparant un groupe de dysplasie de trochlée sans éperon (SE) et un groupe avec éperon (AE) pour mesurer l’influence de la dysplasie de trochlée sur : 1) la stabilité fémoro-patellaire ; 2) les résultats fonctionnels et les complications ; 3) le statut du cartilage fémoro-patellaire en IRM. Hypothèse. – La dysplasie de trochlée avec éperon n’influence pas les résultats d’une IRO traitée par reconstruction du MPFL et TTTA. Matériel et méthodes. – Vingt-huit genoux (26 patients) souffrant d’IRO ont été analysés rétrospectivement et séparés en 2 groupes de 14 genoux selon l’existence (AE) ou non (SE) d’un éperon sus-trochléen. Les 28 genoux ont eu une TTTA et une reconstruction du MPFL par autogreffe du semi-tendineux. L’évaluation des résultats comportait l’analyse des scores fonctionnels Lillois et IKDC, et l’analyse de l’état cartilagineux par IRM au dernier recul. Résultats. – Au recul moyen de 24 mois (12–52 mois), il n’existait aucune récidive de luxation. Les scores IKDC et Lillois étaient améliorés dans les 2 groupes, mais de manière significative uniquement pour le score IKDC dans le groupe SE (gain de 21,3 ± 16) et dans le groupe AE (gain de 18,1 ± 14) (p = 0,01). Les scores IKDC au recul étaient meilleurs dans le groupe SE (79 ± 19 [21–92]) que dans le groupe AE (68 ± 13 [35–84]) (p = 0,012). Aucune différence n’était retrouvée sur les gains moyens (p = 0,492), ni sur les valeurs moyennes du score Lillois (p = 0,381). Le groupe AE avait plus de lésions cartilagineuses (n = 14/14 genoux, avec n = 12/14 lésions de grade 2 ou plus) que le groupe SE (n = 9/14 genoux, toutes de grade 2 ou moins). Conclusion. – La reconstruction du MPFL et TTTA pour traiter l’IRO permet d’assurer à court terme une bonne stabilité patellaire indépendamment du degré de dysplasie trochléenne. Cependant, le résultat et les gains fonctionnels sur l’IKDC sont moins bons en cas de dysplasie avec éperon. Ceci est probablement

DOI de l’article original : http://dx.doi.org/10.1016/j.otsr.2015.06.020. 夽 Ne pas utiliser, pour citation, la référence franc¸aise de cet article, mais celle de l’article original paru dans Orthopaedics & Traumatology: Surgery & Research, en utilisant le DOI ci-dessus. ∗ Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (G. Moitrel). http://dx.doi.org/10.1016/j.rcot.2015.06.023 1877-0517/© 2015 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

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dû à l’existence de lésions cartilagineuses observées plus fréquemment en pré- et postopératoire dans ce groupe, ce d’autant qu’il n’y avait pas de différence pour le score Lillois, qui privilégie l’item stabilité. Niveau de preuve. – Niveau III, étude cas témoins rétrospective. © 2015 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

1. Introduction Parmi les facteurs anatomiques d’instabilité fémoro-patellaire objective, la dysplasie trochléenne est un des principaux éléments [1]. La présence d’un éperon sus-trochléen permet de distinguer les formes sévères de dysplasie [1] : les dysplasies luxantes (de haut grade : B et D comportant un éperon) et les dysplasies non luxantes (de bas grade, type A et C sans éperon) [2]. La prise en charge chirurgicale des patients présentant une dysplasie trochléenne de haut grade est discutée. Une méta-analyse de Song et al. [3] a montré des résultats cliniques comparables sur des patients souffrant de dysplasie avec éperon traités soit par trochléoplastie, soit par d’autres procédures (reconstruction du ligament fémoro-patellaire médial [MPFL], transposition de la tubérosité tibiale antérieure [TTTA], etc.). La trochléoplastie par creusement est techniquement difficile [3] et expose à des lésions cartilagineuses à long terme [4], aussi nous privilégions, comme d’autres équipes, des techniques moins invasives de stabilisation, notamment la reconstruction du MPFL. Les interventions sur les parties molles ne corrigent cependant pas la dysplasie trochléenne, et ne suppriment pas l’éperon. Une étude cas témoin a donc été menée sur des patients souffrant d’instabilité patellaire objective (IRO) ayant eu une reconstruction du MPFL et TTTA comparant un groupe sans éperon (groupe SE) versus un groupe avec éperon (groupe AE) pour mesurer l’influence de la sévérité de la dysplasie de trochlée sur :

Tableau 1 Données cliniques préopératoires des deux groupes.

Âge (années) Recul (mois) Sexe féminin (%) Nombre de luxations Flexion (◦ ) Score Lillois [5] Score IKDC [6] Abaissement de TTA Médialisation de TTA Abaissement et médialisation de la TTA

Groupe SE (n = 14)

Groupe AE (n = 14)

p

25,5 (15–37) 24 (12–52) n = 7 (50 %) n = 3 (2–9) 132 (125–140) 54 ± 13 (34–76) 58 ± 10 (42–77) 8 4 2

27,5 (16–50) 22 (13–45) n = 9 (64 %) n = 4 (2–11) 127 (120–130) 48 ± 15 (26–82) 50 ± 12 (27–67) 6 3 5

NS NS NS NS 0,023 NS NS NS NS NS

TTA : tubérosité tibiale antérieure ; NS : non significatif.

• la stabilité fémoro-patellaire ; • les résultats fonctionnels et les complications ; • le statut IRM du cartilage fémoro-patellaire. Notre hypothèse était que la sévérité de la dysplasie de trochlée n’influence pas les résultats d’une IRO traitée par reconstruction du MPFL et TTTA. 2. Matériel et méthodes 2.1. Patients Une série continue monocentrique de 31 genoux chez 28 patients, opérés d’une IRO par reconstruction du MPFL et TTTA entre janvier 2008 et mai 2012, a été analysée rétrospectivement. Deux patients ont été exclus de l’étude en raison de données incomplètes. Vingt-huit genoux (26 patients) avec un recul minimum de 12 mois (taux de révision clinique de 89,3 %) ont été inclus. L’âge moyen lors de l’intervention était de 26,57 ans ± 7,22 (15–50), 1 genou avait eu préalablement une section de l’aileron patellaire latéral sous arthroscopie. Ces patients ont été appariés en 2 groupes (Tableau 1) de 14 genoux : le groupe SE concernait les patients sans dysplasie de trochlée (n = 5) ou avec une dysplasie de stade A ou C (n = 9 [8 grade A et 1 grade C]) dans la classification de Dejour [2]. Le groupe AE concernait des stades B et D de dysplasie trochléenne (n = 14 [8 grade B et 6 grade D]) (Fig. 1). Les deux groupes étaient comparables sur tous les critères (Tableau 1), excepté les lésions cartilagineuses plus fréquentes dans le groupe AE en préopératoire (p < 0,01). L’indication de reconstruction du MPFL était posée devant un tableau d’IRO persistante malgré une prise en charge médicale minimale de 6 mois. La reconstruction du MPFL était faite au moyen d’une autogreffe de

Fig. 1. Radiographies d’une patiente de 24 ans présentant une dysplasie de grade B (groupe 2 avec éperon) traitée par MPFL et TTTA. A. Profil strict à 30◦ de flexion pré opératoire. B. Profil à 30◦ de flexion à 32 mois de recul après reconstruction.

tendon semi-tendineux suturé en paletot au travers de 2 tunnels trans-patellaires selon Davis et Fithian [7]. Le positionnement du tunnel fémoral était réalisé selon les critères radiographiques de Schöttle et al. [8] (Fig. 2), contrôlé par radioscopie peropératoire. La fixation fémorale était assurée par une vis d’interférence. La tension était réglée à 30◦ de flexion. Toutes les interventions étaient effectuées sous le contrôle d’un opérateur senior (GP). Un abaissement isolé de la TTA (n = 14) était réalisé en cas de patella haute (index de Caton-Deschamps > 1,2). La TTA était médialisée (n = 7) en cas de latéralisation excessive du système extenseur (distance TA–GT > 20 mm). La transposition était distale et médiale (n = 7) en cas d’anomalies combinées (Tableau 1). Le protocole de rééducation postopératoire (3 à 5 séances par semaine) était standardisé et identique dans les deux groupes (appui protégé par cannes anglaises et attelle amovible pendant 30 à 45 jours, travail passif des amplitudes articulaires jusqu’à 90◦ de flexion

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Fig. 3. Coupe axiale IRM séquence T2 fat sat au recul de 38 mois chez un patient de 29 ans mettant en évidence une lésion chondrale stade 2, selon Outerbridge [12], de 1,5 cm2 de la face médiale de la patella.

Fig. 2. Positionnement du tunnel fémoral « isométrique » selon Schöttle et al. [16].

pendant les 45 premiers jours puis sans limite, au-delà de 15 jours de travail « actif aidé » du quadriceps et des ischio-jambiers, puis travail actif en chaîne fermée pendant 3 mois, puis en chaîne ouverte). 2.2. Méthode d’évaluation Tous les patients ont été revus avec un recul minimum d’un an. Le recul moyen était de 24 mois (12–52). Tous les patients ont bénéficié d’une évaluation fonctionnelle préopératoire et au recul comprenant 2 questionnaires d’autoévaluation : le score clinique Lillois [5] pour la stabilité patellaire et IKDC subjectif [6] pour l’évaluation fonctionnelle. Les scores cliniques préopératoires étaient comparables dans les deux groupes, mais légèrement meilleurs dans le groupe SE (Tableau 1) sans atteindre le seuil de significativité. Au recul, une récidive de luxation ou une sensation d’instabilité perc¸ue par le patient (instabilité subjective) était recherchée. Le degré de satisfaction du patient était mesuré par autoévaluation (satisfait/très satisfait, ou déc¸u/mécontent). Enfin, l’existence de complications [9] était recherchée et les réinterventions étaient colligées. Un test d’appréhension de Smillie était réalisé. En préopératoire et au recul, le bilan radiographique comportait un cliché de genou de profil à 30◦ de flexion en charge et un cliché axial en défilé fémoro-patellaire à 30◦ de flexion. La hauteur de la patella était mesurée par l’index de Caton-Deschamps [10], la sévérité de la dysplasie trochléenne selon Dejour et al. [2], et la quantification de l’arthrose fémoro-patellaire selon Iwano et al. [11]. Au recul, une mesure de la bascule patellaire ainsi qu’une analyse systématique du revêtement cartilagineux du compartiment fémoro-patellaire par IRM (1.5 T) était menée et comparée aux 25 IRM préopératoires (3 manquantes) (Fig. 3). Une séquence tridimensionnelle était utilisée : Spoiled Gradient Recalled Echo (3D SPGR). L’interprétation était réalisée avec le logiciel libre OsiriXTM (OsiriX Foundation, Genève, Suisse). Les lésions pouvaient être unipolaires, touchant la surface patellaire (distinguant face médiale, latérale, ou sur la crête de la patella), ou la surface trochléenne (berge latérale et gorge trochléenne). Elles pouvaient également être en miroir, affectant à la fois la patella et la trochlée fémorale. Les lésions à type d’ulcérations ou de fissures cartilagineuses

étaient évaluées selon la classification d’Outerbridge [12] (Fig. 3) ; dans le cas de lésions ostéochondrales, la classification d’Anderson et al. [13] était utilisée. 2.3. Méthode statistique L’analyse statistique était menée sur SAS 9.3 (SAS, Cary, NC). Les données qualitatives étaient exprimées en effectif et en pourcentage, et les données numériques en moyenne, écart-type et bornes. La normalité des items quantitatifs était vérifiée par le test de Shapiro-Wilk. Pour les analyses comparant des données qualitatives, le test de symétrie de McNemar était appliqué. Les tests de Student apparié ou de Wilcoxon apparié étaient employés pour les comparaisons entre items numériques. Les deux groupes de dysplasie étaient comparés pour les paramètres qualitatifs par le Fisher exact test ; pour les paramètres quantitatifs par le test U de Mann-Whitney. Le risque de première espèce était fixé à 5 %. 3. Résultats 3.1. Stabilité fémoro-patellaire Au recul moyen de 24 mois (12–52), aucune récidive de luxation patellaire n’était observée, mais 5 patients (5 genoux) (18 %) faisaient état d’épisodes d’instabilité subjective et avaient un signe de Smillie positif : trois genoux (21,4 %) du groupe SE (2 genoux non dysplasiques et 1 dysplasique de grade A), et deux genoux (14,3 %) du groupe AE (2 dysplasies de grade D). 3.2. Résultats fonctionnels L’évaluation subjective des patients montrait un taux de satisfaction de 85,7 % (22 sur 26 patients, 2 patients déc¸us dans chaque groupe). Au recul, les scores étaient améliorés de fac¸on significative au sein des 2 groupes (p < 0,0001). Aucune différence n’était retrouvée sur les gains du score Lillois entre les groupes au recul (p = 0,492), ni sur les valeurs moyennes de ce score dans chaque groupe (p = 0,381) (Tableau 2). Les gains des scores IKDC au recul des patients du groupe AE étaient moins bons que ceux du groupe SE (p = 0,031), de même que les scores moyens IKDC au recul (p = 0,012) (Tableau 3). La flexion moyenne passait de 132 ± 4 (125–140) à 129 ± 10 (110–140) dans le groupe SE, et de 127 ± 6 (120–140) à 125 ± 8 (125–140) dans le groupe AE (NS).

G. Moitrel et al. / Revue de chirurgie orthopédique et traumatologique 101 (2015) 452–457 Tableau 2 Valeurs moyennes du score de stabilité Lillois. Préopératoire Série globale Groupe SE (sans éperon) sus-trochléen Groupe AE (avec éperon) sus-trochléen p entre groupe AE et SE a

Tableau 4 Comparaison des complications au recul entre les 2 groupes. Au recul

Gain

51 ± 14 (26–82) 82 ± 15 (39–97)a 30 ± 16 (−9–63) 54 ± 13 (34–76) 84 ± 15 (39–97)a 30 ± 17 (−9–51) 48 ± 15 (26–82) 79 ± 16 (46–97)a 31 ± 16 (7–63) NS

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NS

NS

Amélioration significative au recul par rapport au statut préopératoire.

3.3. Complications Cinq des 28 genoux ont eu des complications (17,8 %) (Tableau 4). Deux genoux du groupe SE (14,3 %) et 2 du groupe AE (14,3 %) ont présenté une raideur en flexion ayant nécessité un geste de mobilisation sous anesthésie générale. Aucune raideur résiduelle n’a été observée. Un flessum irréductible persistait chez un patient ne présentant pas de dysplasie. Il avait présenté une infection aiguë du site opératoire à Staphylococcus epidermidis ayant nécessité une reprise chirurgicale pour lavage associée à un traitement antibiotique, puis une mobilisation sous anesthésie générale pour raideur en flexion à 6 semaines du lavage. Au total 5/28 reprises chirurgicales (17,8 %) avec 4 mobilisations sous anesthésie, et un lavage chirurgical ont été réalisés, sans différence entre les 2 groupes (Tableau 4). 3.4. Bilan d’imagerie et évaluation de l’état cartilagineux Au recul l’indice de Caton-Deschamps et la bascule patellaire étaient normalisés dans chacun des groupes (Tableaux 5 et 6). Aucune différence n’était retrouvée entre les groupes avant et après l’intervention. Trois genoux (10,7 %) présentaient des signes d’arthrose fémoropatellaire radiographiques sur le cliché en défilé fémoro-patellaire en préopératoire et au recul. Ces lésions étaient toutes classées Iwano 1 (2 genoux du groupe AE [2 types D] et un genou du groupe SE [grade A]). Le Tableau 7 montre la répartition des lésions cartilagineuses en IRM. Il existait significativement plus de lésions chondrales préopératoires dans le groupe AE. On retrouvait une nette prédominance de lésions monopolaires en préopératoire (n = 15/19, 79 %) comme au recul (n = 19/23, 83 %). Celles-ci étaient localisées préférentiellement à la crête de la patella (14/15 [93 %] en préopératoire, 15/19 [79 %] au recul). Au recul, il existait également plus de lésions chondrales dans le groupe AE (p = 0,047), et des lésions plus sévères avec 12/14 (86 %) de lésions de grade ≥ 2 (p = 0,026) contre 5/9 (56 %) dans le groupe SE. La progression des lésions cartilagineuses n’était pas statistiquement significative (Tableau 7). 4. Discussion Notre hypothèse principale n’a pas été confirmée : les résultats cliniques fonctionnels étaient moins bons chez les patients du

Raideur en flexion Raideur en extension (flessum) Arthrite septique Douleur sur cicatrice Thrombose veineuse profonde

Groupe SE (sans éperon) sus-trochléen

Groupe AE (avec éperon) sus-trochléen

p

2 (14,3 %) 1 (7 %) 1 (7 %) 1 (7 %) 0

2 (14,3 %) 0 0 1 (7 %) 1 (7 %)

NS NS NS NS NS

groupe AE, avec des scores fonctionnels IKDC moyen plus bas. Ces résultats inférieurs paraissent davantage liés à la présence préalable de lésions cartilagineuses plus importantes dans le groupe AE et ne semblent pas être liés à la technique chirurgicale. Par contre, il n’y avait pas de différence pour le score Lillois, qui privilégie l’item stabilité [5]. D’autres séries ont montré l’influence néfaste de la sévérité de la dysplasie sur le résultat fonctionnel d’une chirurgie de reconstruction fémoro-patellaire [14–17] mais notre étude est la première analyse comparative cas témoin réalisée pour cette évaluation. En revanche il n’y a pas eu de récidive de luxation à court terme malgré la présence d’un éperon et la bascule patellaire était majoritairement corrigée. Cependant, une instabilité subjective persistait dans 5 cas (18 %), ce qui est comparable aux séries rapportées dans le Tableau 8. Le taux de complications est acceptable (inférieur aux 26,2 % retrouvé dans la méta-analyse de Song et al. [9]). Notre étude présente des limites : il s’agit d’une étude rétrospective mais elle dispose de données complètes hormis 3 IRM préopératoires manquantes. Notre recul est faible (23 mois) et nos résultats devront être confirmés avec plus de recul, mais ce travail était destiné à mesurer l’influence de la sévérité de la dysplasie sur le résultat de la reconstruction du MPFL avec TTTA à court terme et en cela il a permis de tester notre hypothèse. Surtout notre effectif était limité et si en préopératoire les scores IKDC étaient comparables ils étaient moins bons dans le groupe AE probablement en relation avec les lésions cartilagineuses et une population plus large aurait peut-être permis de mettre en évidence une différence significative. En revanche indépendamment de la taille des effectifs l’association TTTA et MPFL a permis d’améliorer de manière significative les scores fonctionnels dans le groupe AE et sans récidive de luxation. Malgré l’absence de progression des lésions radiographiques d’arthrose fémoro-patellaire, et la correction efficace de l’instabilité fémoro-patellaire par le MPFL, les lésions cartilagineuses continuent à évoluer dans le temps à court terme. Ainsi il semble que la prise en charge tardive après la survenue de plusieurs épisodes d’IRO ne permette pas une action protectrice sur le cartilage même si l’instabilité fémoro-patellaire est corrigée. Ces résultats devront bien sûr être confirmés dans le temps, et en présence d’un groupe témoin non opéré. Le taux de lésions cartilagineuses dans le groupe AE est supérieur à celui retrouvé dans les études IRM d’Elias et al. [17] (jusqu’à 80 % de lésions sur 82 genoux), ou de Guerrero et al. [18] (49 % sur 195 genoux). Cette différence peut s’expliquer par la présence majoritaire d’un éperon sus-trochléen dans notre série, celui-ci

Tableau 3 Valeurs moyennes du score fonctionnel IKDC.

Série globale Groupe SE (sans éperon) sus-trochléen Groupe AE (avec éperon) sus-trochléen p entre groupe AE et SE a b

Préopératoire

Au recul

Gain

54 ± 11 (27–77) 58 ± 10 (42–77) 50 ± 12 (27–67) NS

74 ± 17 (21–92)a 79 ± 19 (21–92)a,b 68 ± 13 (35–84)a 0,0123

20 ± 15 (−21–52) 21 ± 16 (−21–42)b 18 ± 14 (0,5–52) 0,0186

Amélioration significative au recul par rapport au statut préopératoire (p < 0,05). Amélioration significativement plus importante que dans le groupe AE (p < 0,05).

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Tableau 5 Évolution de l’indice de Caton-Deschamps. Préopératoire

Groupe SE Groupe AE Différence entre groupe AE et SE

Au recul

ICD

ICD > 1,2

ICD

ICD > 1,2

1,25 ± 0,24 (0,75–1,52) 1,29 ± 0,18 (0,87–1,60) NS

n = 10 (71 %) n = 11 (78 %) NS

1,02 ± 0,2 (0,6–1,26) 1,06 ± 0,13 (0,75–1,6) NS

n = 2 (14 %) n = 1 (7 %) NS

ICD : indice de Caton-Deschamps ; SE : sans éperon sus-trochléen ; AE : avec éperon sus-trochléen.

Tableau 6 Évolution de la bascule patellaire IRM. Préopératoire

Groupe SE Groupe AE Différence entre groupe SE et AE

Au recul ◦

p ◦

Bascule patellaire

Bascule patellaire > 20

Bascule patellaire

Bascule patellaire > 20

Bascule patellaire

22,8 ± 8,9 (10–46) 23,7 ± 12,3 (10–51) NS

n = 9 (64 %) n = 11 (78 %) NS

18,8 ± 6,1 (8–27) 19,7 ± 9,3 (3–31) NS

n = 3 (21 %) n = 4 (28 %) NS

0,0074 0,0009

SE : sans éperon sus-trochléen ; AE : avec éperon sus-trochléen.

Tableau 7 Bilan et évolution des lésions cartilagineuses en IRM. Lésion chondrales (Outerbridge [12])

Série globale Groupe SE Groupe AE

Lésions ostéochondrales (Anderson et al. [13])

Préopératoire

Au recul

Préopératoire

Au recul

76 % (n = 19/25) 58 % (n = 7/12)a 92 % (n = 12/13)b

82 % (n = 23/28) 64 % (n = 9/14)b 100 % (n = 14/14)b

32 % (n = 9/25) 25 % (n = 3/12)a 46 % (n = 6/13)a

29 % (n = 8/28) 7 % (n = 1/14)b 50 %(n = 7/14) b

SE : sans éperon sus-trochléen ; AE : avec éperon sus-trochléen. a Différence significative entre le groupe AE et le groupe SE en préopératoire. b Différence significative entre le groupe AE et le groupe SE au recul.

Tableau 8 Résultats cliniques de séries d’instabilité patellaire objective traitées par reconstruction du MPFL. Étude Hooper et al. [14] Schöttle et al. [15] Wagner et al. [16] Série actuelle a

Nombre de genoux 68 48 49 28

Recul (mois) 38 12 12 24

Résultats (valeur postopératoire)

Instabilité subjective (au recul) a

Amélioration des scores IKDC (76,2), Lysholm (73,3), Tegner (3,6) Amélioration des scores IKDC, Lysholm, Tegner Amélioration des scores Kujala (87), et Tegner (4,6)a Amélioration des scores Lillois (82), et IKDC (74)a

n = 12 (17,6 %) n = 5 (10,4 %) n = 6 (12,2 %) n = 5 (17,8 %)

Résultats moins bons pour les dysplasies avec éperon.

n’étant pas pris en compte dans les études morphologiques précédentes [17,18]. Cette explication est confortée par les résultats de la série de 304 genoux de Jungmann et al. [19], avec un taux statistiquement plus élevé de lésions cartilagineuses en IRM dans 85 genoux présentant une dysplasie de trochlée. Cependant, il existe un biais de confusion dans notre travail dû à l’existence de nombreux facteurs confondants n’ayant pas été analysés pouvant expliquer la survenue des lésions cartilagineuses. 5. Conclusion Dans cette série, la reconstruction du MPFL et TTTA pour traiter l’IRO permet d’assurer à court terme une bonne stabilité patellaire indépendamment du degré de dysplasie trochléenne, mais le résultat et les gains fonctionnels sur l’IKDC sont moins bons en cas de dysplasie avec éperon. Ceci est probablement dû à l’existence de lésions cartilagineuses observées plus fréquemment en pré- et postopératoire dans ce groupe, d’autant qu’il n’y avait pas de différence pour le score Lillois, qui privilégie l’item stabilité. Déclaration d’intérêts Les auteurs déclarent ne pas avoir de conflits d’intérêts en relation avec cet article. En dehors de ce travail, Henri Migaud déclare être consultant éducation et recherche pour Zimmer et Tornier et

Gilles Pasquier déclare être consultant éducation et recherche pour Zimmer. Références [1] Remy F, Besson A, Migaud H, Cotten A, Gougeon F, Duquennoy A. Reproducibility of the radiographic analysis of dysplasia of the femoral trochlea. Intra- and interobserver analysis of 68 knees. Rev Chir Orthop 1998;84:728–33. [2] Tavernier T, Dejour D. Knee imaging: what is the best modality? J Radiol 2001;82:387–405. [3] Song GY, Hong L, Zhang H, et al. Trochleoplasty versus nontrochleoplasty procedures in treating patellar instability caused by severe trochlear dysplasia. Arthroscopy 2014;30:523–32. [4] Von Knoch F, Bohm T, Burgi ML, Von Knoch M, Bereiter H. Trochleoplasty for recurrent patellar dislocation in association with trochlear dysplasia. A 4- to 14-year follow-up study. J Bone Joint Surg Br 2006;88:1331–5. [5] Remy F, Besson A, Gougeon F, Migaud H, Duquennoy A. Functional assessment of patellofemoral instability using a 100 points knee score. Rev Chir Orthop 1999;92:67–70. [6] Irrgang J, Andersson A, Boland A, Shelbourne D. Development and validation of the International Knee Documentation Committee subjective knee form. Am J Sports Med 2001;29:600–13. [7] Davis DK, Fithian DC. Techniques of medial retinacular repair and reconstruction. Clin Orthop Relat Res 2002;40:38–52. [8] Schöttle PB, Schmeling A, Rosenstiel C, Weiler A. Radiographic landmarks for femoral tunnel placement in medial patellofemoral ligament reconstruction. Am J Sports Med 2007;35:801–4. [9] Shah JN, Howard JS, Flanigan DC, Brophy RH, Carey JL, Laftermann C. A systematic review of complications and failures associated with medial patellofemoral ligament reconstruction for recurrent patellar dislocation. Am J Sports Med 2012;40:1916–23.

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