La variabilité chimique de l'huile essentielle chez Teucrium puechiae greuter et burdet sur le littoral languedocien (France)

~ Pergamon

BiochemicalSystematicsand Ecology,Vol. 22, No. 3, pp. 239--248, 1994 Copyright © 1994 Elsevier Science Ltd Printed in Great Britain. All rights reserved 0305-1978/94 $6.00+ 0.00

0305-1978(93)EOOO3-K

La Variabilit6 Chimique de I'Huile Essentielle chez Teucriumpuechiae Greuter et Burdet sur le Littoral Languedocien (France) P. ALLAIN,* J. EL OUALIDI,t:~ S. PUECHt et J. PELLECUER* *Laboratoire de Mati~re Medicale et Phytoth6rapie, Facult6 de Pharmacie, Universit6 de Montpellier I, Avenue Charles Flahault, 34060 Montpellier, France; tlnstitut de Botanique, Universit~ de Montpellier II, 163 rue Auguste Broussonet, 34000 Montpellier, France; l:lnstitut Scientifique, Universit~ Mohammed V, Chariat Ibn Batouta, B.P. 703, Rabat, Maroc

Key Word Index--Essential oil; Teucrium puechiae; polymorphism; variability; growth rate; perturbation; monoterpenes/sesquiterpenes. Abstract--The composition of the essential oil of Teucrium puechiae Greuter and Burdet (Lamiaceae), shows no essential oil plasticity and, on the other hand, a very low chemical polymorphism. This small intrapopulational qualitative variability is probably the result of an adaptation to the environmental variation in Languedoc (French Mediterranean coast). However, the mode and growth rate, connected to the perturbations in dune ecology, have an effect on the quality of the essential oil. The natural selection seems to act upon the quantitative proportional aspect of the essential oil in seedling and young plants, by favouring the precocious elaboration of sesquiterpenes (terminal products). Mots-cl6s--Huile essentielle; Teucrium puechiae; polymorphisme; variabilitY; croissance; perturbation; monoterp~nes/sesquiterp~nes. R6sum~--L'~tude de la composition de I'huile essentielle chez T.puechiae Greuter & Burdet (Lamiaceae), montre d'une part une bonne stabilit~ de I'essence, d'autre part tr~s peu de polymorphisme chimique. Cette faible variabilit~ qualitative, intra et interpopulationnelle, est probablement le r~sultat d'une adaptation une faible variation environnementale au niveau du littoral languedocien (M~diterran~e fran~:aise). Cependant, le mode et la vitesse de croissance, param~tres lids aux perturbations du milieu dunaire, influent sur les variations quantitatives relatives de I'huile essentielle. La s~lection naturelle parait donc op~rer sur I'aspect quantitatif relatif de I'essence au stade plantule, en favorisant I'~laboration pr~coce des sesquiterp~nes (produits finaux).

Introduction

Chez les Lamiaceae, ~ c6t6 des esp6ces des genres bien connus pour leurs huiles essentielles tels les genres Thymus ou Mentha, un grand nombre d'esp~ces du genre Teucrium pr~sente ~galement une grande richesse aromatique (Morera Morante, 1981). Alors que certaines esp~ces de la section Polium font I'objet d'un usage traditionnel au Maghreb, au Caucase (Ghiglione et aL, 1976) ainsi qu'au Moyen-Orient (Friedman et aL, 1988), ce n'est que r6cemment que celles-ci ont fair I'objet de travaux concernant I'activit~ th~rapeutique et la composition chimique de I'huile essentielle: ainsi I'activit~ antibact~rienne et antipyr~tique (Autore et aL, 1984), I'activit~ antiulc~reuse (Twaij eta/., 1987) et I'activit~ antimicrobienne (Allain, 1991). La composition chimique de I'huile essentielle dans le genre Teucrium section Polium a ~t~ de m~me relativement peu 6tudi~e, on peut citer principalement les travaux de Morera-Morante (1981), Vokou et Bessiere (1984), Sarer et Konuklugil (1987), Antic et al. (1989), Velasco-Negueruela et Perez-Alonso (1990). Cependant, la d~termination des taxons ~tudi~s n'~tant pas toujours suffisamment (Received 7 May 1992) 239

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P. ALLAIN ETAL.

pr6cise, il est difficile de r~aliser la synth~se de I'ensemble de ces travaux dans un int~r~t chimiotaxinomique. Notre ~tude concerne Teucrium puechiae Greuter et Burdet (= T. belion Schreb. in Puech, 1969) qui occupe une partie des dunes littorales du Sud de la France, de la cbte Est de la P~ninsule Ib~rique, des lies Bal~ares (Puech, 1976, 1980, 1984). Le choix de cette esp~ce nous semble justifi~ par plusieurs avantages: --C'est une esp~ce bien d~finie, de haut niveau de pldidie, ne pr~sentant pas d'ambiguit~ sur le plan syst~matique et dont la composition chimique de I'huile essentielle a fait r~cemment I'objet d'une ~tude approfondie par I'un de nous (Allain, 1991). II n'existe par ailleurs que peu de r~f~rences concernant la composition chimique de cette esp~ce: une ~tude succincte concernant la composition chimique de I'huile essentielle (Villar et aL, 1980) et deux ~tudes chimiotaxinomiques mettant en 6vidence parmi les esp~ces de Teucrium de la section Polium une gamme de derives de I'acide caf~ique, pouvant servir de marqueurs pour la distinction d'esp~ces ou de groupes d'esp~ces (Andary et aL, 1988). --L'habitat dunaire littoral, par son isolement, la met ~ I'abri de toute "contamination g6n~tique" (El Oualidi, 1991), contrairement aux esp6ces de I'int~rieur des terres qui vivent parfois en sympatrie. --Les esp~ces qui occupent des biotopes de basse altitude et des milieux perturb~s pr~sentent des rendements en huiles essentielles relativement importants (Kokkini et al., sous presse) et le Teucrium puechiae, esp~ce littorale, montre encore tr~s nettement cette tendance (Allain, 1991). Ce bon rendement a facilit6 notre ~tude. Nous nous proposons d'~tudier dans ce travail la variabilit~ de la composition de I'huile essentielle du Teucrium puechiae selon trois aspects: (1) Etude de la variabilit~ quantitative de I'huile essentielle mesur6e entre deux populations du littoral languedocien (S6te, Carnon), soumises ~ des contraintes de milieux diff~rents. (2) Etude de la variabilit6 qualitative entre individus dans la population de Carnon. (3) Etude de la variabilit~ quantitative de rhuile essentielle et de 1'6volution de son profil chez des plantules d'&ges et de milieux diff~rents en conditions contrbl~es. Ceci nous a permis de faire, en outre, la part de I'influence environnementale. Mat6riel et M6thodes (1) Var/abi/it~qualitative des hu//es essentie//es entre/es populations de Sere et de Camon. Le materiel vegetal est originaire d'une part de la station de Carnon situ6e ~ une dizaine de kilom~tres au Sud de Montpellier (H~rault-France) et, d'autre part, de la station situ~e sur le lido qui relie Sere a Marseillan-Plage (H~raultFrance). Deux ~chantillons d'une quarantaine d'individus chacun ont ere pr~lev~s respactivement dans les deux populations au d~but de la floraison (15 juin 1990). C'est ,~ cette p6riode que le rendement en huile essentielle est maximum (Allain, 1991). Feuilles et fleurs sont conserv~es au sec et ~ temperature ambiante pendant trois semaines. La distillation est effectu~e sur le m~lange feuilles-fleurs, d~barrass(~ des tiges, ~ I'aide de rappareillage pr6conis~ par la Pharmacop(~e Fran(~aise (1991) pour le calcul du rendement en huiles essentielles des plantes aromatiques. L.es huiles essentieiles d~cant(~es sont s~ch~es sur du Na2SO4 anhydre et conserv~es au frais dans des flacons ambr~s. L'identification des compos~s (AIlain, 1991) est effectu~e par calcul des indices de r~tention par rapport une s6rie d'alcanes lin~aires sur co[onnes polaire et apolaire et comparaison avec des ~talons pour les compos(~s not(~s* dans le tableau 1 et par un couplage CG/SM sur colonne polaire et sur colonne apolaire, selon les conditions suivantes: --colonnes DBWAX 60 m x 0,25 mm X 0,25 I~m et HP 101 50 m x 0,2 m m x 0,2 i~m --chromatographe DELSI S~rie 30--gaz vecteur N 2 1 ml mn-l--temp~ratum injecteur 220°C--quantit~ inject~e 0.3 I~1 division 1/50--detecteur FID--temp6rature 250°C --couplage C.G./S.M,: m,~mes conditions chromatographiques sauf CG Hewlett Packard 5980 et MSD 5970--Gaz vecteur Helium N55 1 ml mn-l--temp6rature interface 260°C--ionisation par impact 61ectronique 70 eV. Interpr@tation avec spectroth~que NBS 43K selon le Iogiciel PBM. Par souci d'homogen~t~ des r(~sultats, toutes les analyses quantitatives sont r@alis~es selon la m6thode d@crite en section 2.

L'HUILE ESSENTIELLECHEZ TEUCRIUMPUECHIAE

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TABLEAU 1. COMPOSITION EN PRINCIPAUXMONOTERP~NES ET SESQUITERP~NES CHEZ LES PLANTES D'AGES ET DE MILIEUX DIFFIr:RENTSDE TEUCRIUMPUECHIAEGREUTERET BURDET Age de la plante Principaux compos~s de I'huile essentielle

Culture en milieu contrSI6 1 mois 2 mois 3 mois

6 mois

1 an

Culture en champs 1 an 2 ans

Milieu naturel Carnon Adulte

Principaux monoterp~nes % cL-Thuj~ne* (x-Pinene* Sabin~ne* J~-Pin~ne* ~-Myrc~ne* Paracym~ne* Limon~ne* t-~-Ocim~ne* 7-Terpin~ne* Linalol* t-Pinocarveol Verb~nol Terpin~ne 4-o1" Verbenone Terpinyl acetate Autres monoterp~nes

0,92 28,28 13,14 14,53 5,34 0,22 2,2 0,19 0,18 1,09 0,88 0,61 1,46 1,74 0,45 9,57

0,38 20,56 5,46 9,52 3,74 0,29 2,34 0,19 0,05 0,91 0,88 2,87 1,8 4,14 0,07 16,73

1,53 15,72 21,49 10,17 5,89 0,14 3,86 0.44 0,11 0,83 0,68 0,99 0,64 1,14 0,62 8,1

0,85 8,00 5,96 4,64 3,43 1,13 3,96 0,32 0,29 0,41 2,05 1,81 0,58 1,32 0,62 19

0,42 14,96 6,12 9,01 8,63 0,85 2,92 0,98 0,04 0,34 0,98 1,99 0,96 2,8 0,17 7,07

0,39 7,02 3,99 4,49 3,08 0,2 0,7 0,26 0,05 0,17 0,72 1,65 0,58 1,72 0,66 14,5

0,46 8,75 2,58 4,8 2,47 0,67 1,53 0,43 0,17 0,47 1,55 2,94 1,09 2,77 0,72 14,68

0,37 8,51 3,25 4,94 3,12 0,55 2,21 0,29 0,39 0,8 1,11 1,5 1,25 1,17 0,43 13,52

0,2 8,75 3,12 5,01 3,2 0,51 1,52 0,41 0,53 0,89 1,27 1,12 1,02 1,49 0,52 12,21

Total

80,8

69,93

72,35

54,37

58,25

40,18

44,64

43,51

42,57

t t 2,04 0,53 3,58 1,82 0,68 0,65 1,33 t t 0,41 t 8,15

t 0,07 1,92 0,54 3,69 1,72 0,51 0,46 1,94 0,33 0,05 0,94 0,61 17,28

0,1 0,16 3,73 0,95 5,76 2,54 1,18 0,51 1,71 0,59 0,43 0,47 0,29 9,21

0,31 0,14 5,11 1,5 8,51 4,1

0,21 0,12 8,17 1,87 9,01 3,85

0,17 0,08 16,61 4,22 19,74 7,6

1,55

1,43

2,23

1,33 3,15 3,39 3,03 1,79 11,7

1,16 0,61 0,47 1,13 0,58 13,13

0,95

0,32 0,15 14,99 3,27 9,72 5,02 0,8 1,6 2,02

0,98

1,71

1,99 0,79 4,43

1,37 1,05 13,31

0,26 1,08 16,72 4,62 11,2 5,48 1,41 0,83 1,85 2,41 2,63 2,87 1,02 4,81

0,24 1,11 15,94 4,05 11,76 6,01 1,34 0,47 1,96 2,12 2,58 3,12 1,2 4,42

19,19

30,06

27,63

45,61

41,74

59,79

55,33

56,39

57,32

Principaux sesquiterp~nes % (x-Copa~ne ~-Bourbone~ne ~-Caryophyll~ne* (~-Humul~ne* Germacr~ne D y-El~m~ne ~-Bisabol~ne 7-Cadin~ne ~-Cadin~ne Spathulenol Caryophyll~ne oxyde t-Cadinol ~-Cadinol Autres sesquiterp~nes Total

Milieu naturel S(~te Adulte

(2) Etude de la variabilite qualitative a I'int~rieur de la population de Carnon. Dans le cadre d'une 6tude portant sur la variabilit6 morphologique, r6alis6e par ailleurs (El Oualidi, 1991) un premier ~chantillonnage de 400 individus repr6sentatifs de la population a ~t~ effectu~. A partir de celui-ci, 20 individus (10 de chaque type de morphe soit 10 & mucron dorsal MD et 10 ~ mucron terminal MT) ont 6t~ selectionn6s independamment du caract~re hermaphrodite ou m~le-st~rile. La r6colte a 6t6 faite en septembre 1988, conserv~e au sec e t a la temp6rature ambiante, puis analys~e, pour des raisons mat~rielies, en novembre 1989. Le travail, portant sur la variabilit6 intrapopulationnelle, contraint de r6aliser I'analyse individu par individu. Dana ce cas les quantit6s d'huile essentielle contenues sont trop faibles pour recourir ~ I'extraction par hydrodistillation. C'est pourquoi le materiel v~getal (prise d'essai environ 1 cg) eat directement introduit dans un injecteur D.C.I. (platine d~sorption-concentration-injection DELSl) permettant le pi~geage direct des substances volatiles puis leur injection dans la colonne du chromatographe, dans les conditions suivantes (Altain, 1991): --platine DCI: four t~ 100°C et temp~reture du pi6geage--10°C pendant 3 mn, temp~reture d'injection 240°C --colonne SE 30 50 m × 0 , 3 5 m m × 0 , 3 i~m --chromatogrephe DELSl S~rie 30--gaz vecteur Nz 1 ml mn 1--d~tecteur FID--temperature 250°C Les concentrations sont calcul~es par int6gration des surfaces relatives des pics. (3) Etude de la vaHabilit~ quan~'tadve relaEve de I'huile essenEelle et de son ~volution chez des plantules d'~ges et de milieux cliff,rents, Vingt individus, originaires de la population de Carnon, ont servi de m~res pour constituer en serre la population de plantules destinies ~ cette experimentation. Nous avons r~colt~ les

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infrutescences necessaires & partir de ces individus le 27/9/88. Mille graines (& raison de 50 par individu) ont ete incub~es, dans les conditions d'etuve obscure a 25°C le 12/4/90. Apr~s cette p~riode de stockage de plus de 16 mois au sec et ~ la temperature ambiante, les graines avaient toutes vraisemblablement atteint la m~me maturation physiologique: aucune preselection et aucun pr6-traitement n'ont et~ effectues. Les jeunes germinations (2 jours en moyenne) issues de ce m~lange ont ete repiquees dans le substrat d'origine (sable calcaire, peu Iimoneux, du Quaternaire de la station de Carnon). Une centaine de germinations ont ~volub en conditions contr(~l~es, depuis leur repiquage, dans une chambre de culture en lumi~re artificielle (12 h a 1500-2000 Lux) et ~ la tempbrature constante de 20°C. A la fin de chaque d~lai de temps d~fini au pr~alable (1, 2, 3, 6, 12 mois) nous avons pr~lev~ la partie a6rienne de 10 plantules au ras du sol, les avons ensuite conservees au sec ~ temperature ambiante, et analys~es dans un d~lai de 2 semaines. Dans le Tableau 1 les resultats correspondent, pour chaque p~riode, & la moyenne de 10 individus. IIs sont exprim6s en pourcentages (par rapport au total d'huile essentielle) et correspondent, pour chaque famille d'(~ges, ~ la moyenne de 10 analyses (pour des raisons techniques, huit pour le premier mois, neuf pour le deuxi~me mois) effectuees sur des individus distincts. L'analyse chimique individuelle de toutes les plantules est effectuee selon la m~thode decrite en section 2.

Resultats et Discussion (1) Var/ab///td qua//tative des hu//es essentie/les entre/es populations de S#te et de

Camon La comparaison des resultats (Tableau 1) rev(~le une tr~s grande similitude entre les deux populations en d~pit du fait que les deux stations pr~sentent une dynamique des dunes diff~rente. Le sable de S~te est compos~ de mat~riaux plus grossiers que celui de Carnon et offre donc peu d'emprise ~ la d~fiation, contrairement ~ Carnon oO il y a une forte reprise ~olienne et par consequent une d~stabilisation des dunes plus marquee (Corre, 1988; Corre, non publiC). La station de S~te offre par consequent plus de chances ~ I'installation et au maintien des plantules, contrairement ~ Carnon o~J la reproduction v~g~tative est plus importante, surtout dans les dunes les plus d~stabilis~es. Dans ces conditions, la croissance rapide devient un des facteurs primordiaux pour la survie des plantules (Grime et Hunt, 1975; White, 1979); en effet la vitesse et le mode de croissance sont rapidement vis~s par la s~lection dans les milieux perturb~s et au stade plantule (Grime, 1987; Geber, 1990). Nous concluons que les facteurs bcologiques communs aux deux stations I'emportent sur les facteurs bcologiques diff~rents dans la r~alisation de la structure g~n~tique tr~s homog6ne de I'esp~ce. La niche ~cologique est tr~s bien caract~ris~e et canalise donc la s61ection dans des limites 6troites au moins en LanguedocRoussillon. (2) Variabilit~ qualitative a I~nt~rieur de la populatlbn de Carnon Les 20 chromatogrammes montrent des profils comparables ~ I'exception de trois individus pour lesquels un pic important (environ 14%) apparaTt dans la zone d'~lution des sesquiterp~nes oxyg~n~s et ceci sans relation avec le type morphologique (Fig. 1). Une extraction par I'hexane ~ froid et sous agitation, de la poudre de feuille d'un de ces individus suivie d'une concentration ~ 30°C sous pression r~duite nous permet de retrouver ce pic en couplage CG-SM. Le spectre de masse est caract6ristique d'un sesquiterp~ne oxyg~n~ de masse 222 [double pic 204 (M-18) et 207 (M-15)]. Dans le m~me temps ces individus pr6sentent un taux beaucoup plus faible en germacr~ne D (environ 4% contre 13,7% pour les autres individus s~lectionn6s) qui peut laisser supposer que le compos~ X s'est form~ aux d6pens de ce compos~. Le compos~ X qui (~lue sur colonne polaire entre le n~rolidol et le 1-4 pare menthadi~ne 7-ol ne se retrouve dans I'huile essentielle des cueillettes globales qu'~ des taux tr~s faibles (voisin de 0,02%) ce qui semble indiquer en r6alit~ une repr6sentation tr~s faible de ce variant au sein de la population.

L'HUILE ESSENTIELLE CHEZ TEUCRIUMPUECHIAE

243

MD MT s

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FIG. 1. COMPARAISON DES PROFILS CHROMATOGRAPHIQUES D'INDIVIDUS DE M~ME CH~MOTYPE INDI~PENDAMMENT DU TYPE DE MORPHE. MD: type morphologique MD; MT: type rnorphologique MT; M: profil d'individu sans compos~ X.

A I'int~rieur de cette esp~ce littorale, il n'existe donc qu'une diversit~ remarquablement faible pour une esp~ce qui occupe un milieu perturb6, pratique la sexualit6 et disperse peu, contrairement ~ Thymus vulgaris L. qui pr~sente une grande variabilit~ chirnique li~e aux changements de milieu, notarnrnent I'hurnidit~ et la s~cheresse (Vernet et al., 1977; Gouyon et al., 1986). Actuellement, les causes de la distribution de ce polymorphisrne chez le Thym font encore I'objet de recherches (Gouyon, non publiC). En effet, contrairernent au r6gne animal, les recherches en g~n~tique ~cologique effectu~es sur les v~g~taux sont rares (Ford, 1972) et rencontrent souvent des difficult~s ,~ trouver la nature adaptative des variations intrasp~cifiques et intrapopulationnelles. Nous ne trouvons aucune liaison entre le type morphologique de dent du calice (El Oualidi, 1987, 1991) et la variation chirnique observ6e (Fig. 1). II est donc probable que ces caract~res ne r~pondent pas ~ une m~me cause. Bien que la population de Carnon paraisse occuper un milieu lin6aire, beaucoup de facteurs 6cologiques le d6coupent (Corre, 1986): la tendance ~ I'hornog~n~isation et I'adaptation au milieu littoral devraient donc avoir du rnal & effacer I'effet de la s~lection rnultidirectionnelle et son action h~t~rog~n~isante.

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P. ALLAIN ETAL.

800000 70000O

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Scan 4694 (80.407 min) of MTI0A.d

4l 69

82

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119

200000 161 I

10011011

0ii 40

169

f

h 60

80

100

120

140

160

180

207

~f 200

Mass/Charge FIG. 2. SPECTRE DE MASSE DU COMPOSI~ X.

L'existence de cette faible variabilit6 chimique est vraisemblablement le r~sultat d'une faible variabilit6 environnementale. Les diff~rents groupements v6g6taux et leurs significations 6cologiques interviennent probablement ,~ un niveau plus 61ev~ que celui de la population ou de I'esp~ce. (3) Etude de la variabilit~ quantitative de I'huile essentielle et de son ~volution chez des plantules d'~ges et de milieux diff~rents Les variations observ6es montrent clairement la forte pr6dominance de la production des monoterp~nes chez les plantules d'un mois (Fig. 3) puis la d6croissance progressive de ceux-ci avec augmentation corrolaire du taux des sesquiterp~nes, I'ensemble, chez les plantules de 6 mois, tendant ~ se rapprocher des taux observ6s chez les plantes adultes de 2 ans, en plein champ comme en milieux naturels (Fig. 4). Nous remarquons aussi que la plasticit6 au niveau de la composition de I'huile essentielle chez Teucrium puechiae est nulle, comme le montrent les r~sultats de 2 ans (culture en champ) et adulte (milieu naturel) qui sont pratiquement identiques. Ce r~sultat t~moigne de la bonne fixit6 de I'huile et de la bonne adaptation, au sens g6n6tique du terme, de cette esp~ce ~ son habitat littoral. Le r~sultat obtenu sur les plantules d'un an en milieu contr516 attire I'attention par la remont~e des compos6s monoterp6niques et la baisse des sesquiterp~nes tandis que les plantules qui ont grandi en culture de plein air (en terrain d'exp6rimentation, Institut de Botanique de Montpellier) mais & I'abri de lamer, pr~sentent un taux de monoterp~nes bien plus bas qui se rapproche des valeurs adultes de milieu naturel. Pourtant les deux lots de plantules ont le m6me ~ge et la m6me origine (m6me bchantillon de m~res et m6me station). Ce retour vers les valeurs des jeunes plantules peut s'expliquer par le stress de la plante maintenue trop Iongtemps darts les imperfections d'un syst~me artificiel de culture (6puisement de substrat, absence du cycle naturel des saisons...). Dane une ~tude r6alis6e pr~c6demment (Cazin et al., 1985), nous avions pu constater ces ph6nom~nes de rejuv6nilisation ~ propos des huiles essentielles des plantules de Satureia montana L. obtenues par micropropagation in vitro des m6rist~mes apicaux, technique mettant ~ 1'6preuve les capecit6s de survie de la plante. La remont~e du taux de ces monoterp~nes ,~ I'~ge de trois mois peut 6galement s'expliquer de cette fagon. A cette p6riode nous avons, en effet, pour des raisons techniques, r~alis6 cette analyse sur des 6chantillons avant leur repiquage dans des pots de plus grande dimension avec un substrat renouvel6, les plantules semblant alors prbsenter un d6but d'6tiolement.

L'HUILEESSENTIELLECHEZTEUCRIUMPUECHIAE

245 Sesquiterpenes %

Monoterpenes % lO0

lO0-

90

90

80

80

70

70

6(3

60

50

50

4(}

40

30

30

2(}

20

1(~ 0

10 I 1

I 2

I 3

6

i

I I 12 mois

I

I

I 2

3

I 6

I 12 mois

FIG. 3. ¢:VOLUTIONDES MOYENNESET DE LA VARIABILITI~INTERINDIVIDUELLEAU SEIN DES DIFFI~RENTSLOTSDE PLANTULES,ENFONCTIONDE L'AGE.

SesquiterDenes %

Monoterpenes % 100-

100-

90-

90-

80-

80-

70-

70-

60-

60-

50-

50-

40-

40-

30-

30-

20-

20-

100

10-

I I an seEr¢

tan

I 2ans

champs

I a d . M T a d . MD dunes

I

0

I lan serr¢

lan

I

I

I

2ans ad. MTad.MD

champs

dunes

FIG. 4. COMPARAISONDES MOYENNESET DE LA VARIABILITf~INTERINDIVIDUELLEENTREDES LOTSDE PLANTULES D'AGESETDE MILIEUXDIFF~RENTS.ad.MT:adultede forme MT; ad.MD:adultede forrne MD.

La Fig. 3 montre ~galement la fluctuation de la composition de I'huile essentielle I'int~rieur de chaque famille d'~ges, ainsi que son ~volution au cours du temps. Les sesquiterp~nes passent du simple ,~ plus du double au cours des six premiers mois de la plante, par contre les monoterp~nes d i m i n u e n t du tiers. Les valeurs minimales et maximales qui encadrent les m o y e n n e s sont repr~sent(~es par les ~cart-types. La Fig. 4 montre I'influence du milieu sur I'aspect qualitatif de I'huile essentielle et son d~terminisme g~n~tique puisqu'ont 6t~ compares des individus de serre, de champs et des adultes des d e u x types de m o r p h e s du milieu naturel. Nous notons la tr~s bonne fixit~ de la qualit~ de I'huile, surtout pour les monoterp~nes.

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L'~volution de la qualit~ de I'huile essentielle chez les plantules issues de m~res de Carnon montre bien, ~galement, que 1'61aboration des sesquiterp~nes se fait avant I'~ge de 1 an aux d~pens des monoterp~nes (Tableau 1 et Fig. 3). Si, dans ces conditions, on adopte les hypotheses ~mises sur le rSle de I'huile essentielle: adaptation aux milieux contraignants, s~cheresse et predation (Gouyon et al., 1986; Harborne, 1988), il parait probable que les individus qui seront s~lectionn~s sont les individus ~ croissance rapide, ~laborant pr~cocement les sesquiterp~nes avec une composition complete du type adulte. Cela d~pend bien entendu de I'installation et du maintien des jeunes semis et de leur vigueur v6g~tative. Les huiles essentielles serviront tout au long de cette p6riode #J prot~ger la plante contre la s~cheresse, le broutage et le parasitisme (Vokou et Margaris, 1986; Harborne, 1988) et plus tard I'appareil reproducteur pour lequel il a ~t6 trouv~ par ailleurs (Allain, 1991) trois fois plus d'huile essentielle que dans les parties v6g6tatives. Malgr~ cela, la corolle est I'h6te, chez cette esp~ce comme chez quelques autres de la section Polium telle T. poliurn L. subsp, polium, d'un insecte parasite (Hocard, 1906) dont la larve se Ioge I'int~rieur de la corolle & I'~tat de bouton, I'emp~chant de s'ouvrir. PlutSt que sur des aspects qualitatifs, la s~lection para~t donc op~rer sur I'aspect quantitatif relatif au stade plantule; au-del& de ce stade, elle semble favoriser une adaptation et une sp~cialisation au niveau de la composition de I'essence. Ceci justifie la bonne stabilit~ et la fixit~ de I'huile essentielle que nous avons constat~es en comparant des plantes cultiv6es ,~ I'abri de lamer et sur substrat argilo-calcaire et des plantes r~colt~es sur les dunes (Tableau 1 et Fig. 4). Contrairement aux plantules de 1 an cultiv6es en champ, les m~mes families d'individus qui ont s~journ~ 1 an en chambre de culture ont fini par avoir une croissance perturb~e (conditions artificielles de culture), ce qui explique la remont~e des compos~s monoterp~niques (effet de rejuvenilisation r~vel~ par I'accumulation de monoterp~nes) et la stabilisation des sesquiterp~nes (probablement par manque d'enzymes sp~cifiques ~ cette chaine m~tabolique (Croteau et Johnson, 1984). L~ aussi, on constate que le mode de d~veloppement et la qualit~ de I'huile essentielle sont li~s. Chez Teucrium puechiae la vitesse et le mode de croissance sont des param~tres qui varient beaucoup au stade de plantules. Sur le substrat d'origine le coefficient de croissance v~g~tative, en phase exponentielle, est 10 fois plus important chez certains individus (El Oualidi, 1991). Cette croissance relative et potentielle des individus d'une m~me population a ~t~ rattach~e chez d'autres esp~ces & la taille des graines et leurs pouvoirs germinatifs (Hunt et Lloyd, 1987; Harper, 1990). La s~lection naturelle pourrait donc agir ~ un stade tr~s pr~coce, avant m6me la maturit~ physiologique de la plante. La variabilit~ quantitative des huiles essentielles est plutSt liee ~ la maturit~ physioIogique de la plante et ~ sa croissance. L'~laboration des sesquiterp~nes (produits finaux) est fonction de I'~ge et de la vitesse de croissance des individus. Elle pourrait donc ~tre un des caract~res vis~s par la s~lection naturelle. II faut noter que, souvent, les plantes de dunes d~veloppent plus leurs parties racinaires que leurs parties a~riennes, ce qui leur permet de lutter contre le d~chaussement. Les plantes arrivent donc ~ maturit~ tout en restant de petite taille. D'apr~s les r~sultats obtenus par ailleurs (El Oualidi, 1991) I'humidit~ et la lumi~re influent sur la croissance des plantes. Leur action dans le milieu naturel est vraisemblablement plus rapide, c'est-~-dire que les plantules atteignent la composition finale de I'essence bien avant d'avoir I'~ge de 1 an, contrairement aux conditions de culture oh le sol est moins drainant. II serait int6ressant de faire le m~me suivi concernant I'~ge des plantules et la composition en huile essentielle dans le milieu naturel. Nous pourrions r~aliser une ~tude qui lierait le sex-ratio, le polymorphisme

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chimique et la dispersion comme cela a ~t~ sugg~r~ pour le Thym par Gouyon et al. (1986). En effet, la comparaison de deux populations d'~ges diff~rents, comme I'ont fait Belhassen et al. (1987) chez le Thym, nous permettrait d'estimer I'influence du brassage g(~n~tique et de la s~lection, au sein d'une population, sur la fr~quence et la distribution des variants chimiques. II serait ~galement int~ressant de savoir comment rinsecte parasite (Copium clavicorne Fourg-Hemipt~re, H~t~ropt~re) contourne les d~fenses chimiques de la plante et quel est son impact sur les populations. Dans la mesure o5, d'apr~s nos observations, il ne parasite que les individus hermaphrodites, il participe ,~ la pression de s~lection en favorisant, dans la dynamique des populations, les individus m~lesst6riles au d~triment des individus hermaphrodites.

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