Revue francophone d'orthoptie 2013;6:4
Actualités
L'accessibilité n'est pas négociable ! Paris, le samedi 5 janvier 2013 – Si les lois étaient des prescriptions suivies de manière infaillible, la France devrait aujourd'hui être sur le point de remporter la bataille de l'accessibilité universelle des lieux publics à tous les types de handicap. La loi du 11 février 2005 s'était en effet donnée dix ans pour lisser les marches à l'entrée des mairies, construire des ascenseurs dans les établissements scolaires et installer des systèmes de guidage dans les musées. Las, deux ans avant cette échéance, les résultats sont terriblement décevants. Selon un rapport publié par l'Inspection générale des affaires sociales (IGAS) en septembre 2012, seuls 15 % des bâtiments accueillant du public répondent parfaitement aux objectifs dessinés par la loi. Par ailleurs, on ne compte plus les tentatives d'élus locaux ou nationaux souhaitant assouplir les obligations de la législation. Forte de ce constat, l'IGAS a recommandé aux pouvoirs publics de ne pas renoncer à la date de 2015 mais de remplacer l'ambition initiale par un « objectif d'accessibilité intermédiaire ». Alors que cette solution devrait être retenue par le gouvernement, si l'on en croit les récentes déclarations du ministre chargé des personnes handicapées, l'Association des paralysés de France (APF) se montre très déçue par cette orientation et regrette qu'a contrario aucune véritable volonté politique ne se manifeste en la matière. Dans nos colonnes, Jean-Marie Barbier, président de l'APF, dénonce avec force les manquements de la France et revient sur quelques idées reçues concernant le coût de l'accessibilité. Par Jean-Marie Barbier, président de l'Association des Paralysés de France Après une première loi sur l'accessibilité en 1975, la loi handicap du 11 février 2005 a fixé au 1er janvier 2015 l'échéance d'une France accessible. Pourtant, aujourd'hui, le constat est sévère : le retard pris en la matière
4
est tel que seul 15 % des établissements recevant du public sont accessibles aux personnes en situation de handicap. L'accessibilité des cabinets médicaux est d'ailleurs particulièrement dramatique : selon les trois éditions du baromètre de l'accessibilité réalisé par l'APF, les cabinets médicaux accessibles sont quasi inexistants ! L'accessibilité des transports en commun est elle aussi à la traîne même si quelques villes se sont particulièrement démarquées sur ce sujet, mais force est de constater que les 9,6 millions de personnes en situation de handicap* et leur famille sont gênées quotidiennement dans leurs déplacements. Et nous constatons régulièrement que de nombreux lobbies, promoteurs immobiliers ou élus s'obstinent à détricoter une loi qu'ils jugent trop contraignante ou trop coûteuse. Cependant nous tenons à rappeler quelques principes.
L'accessibilité pour tous ! L'accessibilité universelle n'est pas une demande catégorielle qui concernerait uniquement les personnes en situation de handicap ! L'accessibilité universelle constitue un enjeu de société majeur en termes d'urbanisme et d'aménagement du territoire : personnes âgées, blessés temporaires, parents avec poussettes, voyageurs avec une valise encombrante... Un Français sur 3 dit connaître des difficultés d'accès et 91 % de la population pense que c'est un enjeu de société qui nous concerne tous. De plus, au regard du vieillissement de la population et de la réflexion sur la réforme de la dépendance, appliquer la conception universelle aujourd'hui, permettrait de ne pas solliciter la solidarité nationale plus tard pour l'adaptation des logements. Par ailleurs, l'accessibilité ne présente par de surcoût financier ! Un rapport de la Banque mondiale a estimé que l'éventuel surcoût des travaux de mise en accessibilité n'excède pas 1 % du prix
de la construction. Par contre, la Banque mondiale évalue entre 15 à 20 % les pertes de marchés pour les infrastructures touristiques, par exemple, en raison de l'inaccessibilité des ces structures.
Renoncer à citoyenneté
une
part
de
Aujourd'hui les personnes en situation de handicap sont confrontées à une nouvelle tentative de déroger aux obligations d'accessibilité. Ainsi, la ministre chargée des personnes handicapées, Marie-Arlette Carlotti, assure qu'elle veut maintenir l'échéance de 2015 mais s'apprête à fixer des objectifs intermédiaires. . . La concertation doit-elle consister à nous demander si nous préférons aller chez le boulanger ou au théâtre ou quelle partie d'une mairie rendre accessible en priorité ? C'est inadmissible ! Un tel choix revient à demander aux personnes en situation de handicap de choisir à quelle part de leur citoyenneté elles doivent renoncer ! Nous refusons ces choix qui n'en sont pas et rappelons que l'accessibilité n'est ni divisible, ni négociable !
La France à la traîne Les architectes, les médecins et de nombreux autres lobbies mettent la pression pour assouplir la loi de 2005, au prétexte qu'il n'est pas possible de tout rendre accessible. Mais pourquoi certains élus, commerçants ou promoteurs immobiliers y arrivent-ils ? Pourquoi ce qui est possible à l'étranger ne le serait-il pas en France ? Nous avons ainsi lancé en novembre notre nouvelle campagne institutionnelle « Supprimons les obstacles qui paralysent ». Cette campagne a pour but de rappeler qu'un lieu inaccessible est un lieu qui exclut les personnes en situation de handicap. Que les opposants disent clairement qu'ils ne veulent pas de nous plutôt que de chercher de mauvaises excuses ! * Source : INSEE 2011 JIM
http://dx.doi.org/10.1016/j.rfo.2013.02.008