Dossier thématique Activité physique
J.-L. Schlienger, G. Atlan Service de médecine interne et nutrition - Pôle MIRNED, Hôpital Hautepierre, Strasbourg.
L’art de prescrire l’activité physique How to prescribe physical activity: the state of the art!
Résumé
Summary
La lutte contre la sédentarité et l’incitation à mener une vie active, moyens reconnus de la prévention et du traitement de nombre de maladies chroniques, entrent dans le champ de la prescription médicale. Elle repose sur une évaluation de l’activité physique usuelle et de la motivation du patient, sur le recensement des obstacles et sur la définition d’objectifs précis, adaptés et réalistes. Un suivi à long terme, avec un renouvellement de prescription, est nécessaire pour consolider l’activité physique, affiner les conseils et empêcher la rechute vers la sédentarité.
Fighting against sedentary pattern and incitation to an active lifestyle, well recognized tools to prevent and treat several chronic diseases, are integral parts of the medical prescription. Such prescription should be based on the assessment of usual physical activity and patient’s motivation, on the inventory of potential obstacles and on precise, adapted and realistic objectives. A long term management, including regular renewal of prescription, is needed to consolidate physical activity, to refine counselling and to prevent a return towards a sedentary lifestyle.
Mots-clés
Key-words
Activité physique – motivation – recommandations.
Physical activity – motivation – recommendations.
L
Correspondance : Jean-Louis Schlienger Service de médecine interne et nutrition Pôle MIRNED Hôpital Hautepierre Avenue Molière 67098 Strasbourg cedex
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es effets néfastes de la sédentarité sur la santé sont désormais de l’ordre de l’évidence. Il en est de même des effets bénéfiques d’une activité physique (AP) régulière pour la prévention et le traitement de la plupart des maladies chroniques. À tel point que la prescription de l’AP pourrait se révéler aussi efficace que celle de bien des médicaments. Toutefois, cette prescription n’est pas aussi simple que celle d’une pharmacothérapie. Confortée par le récent rapport de l’INSERM (Institut national de la santé et de la recherche médicale) [1], elle s’adosse à des recommandations assez pragmatiques [2] (Cf. encadré Recommandations) mais aussi aux données épidémiologiques ou expérimentales dont les points clés sont : – l’effet dose-réponse entre le niveau d’AP et le bénéfice pour la santé. L’augmentation modeste de l’AP d’une personne inactive peut être à l’origine d’effets bénéfiques importants ; – la régularité est probablement plus importante que l’intensité : les niveaux
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d’activité peuvent être atteints de façon progressive ; – le bénéfice santé est maintenu en cas de fractionnement de l’AP. En fait, toute AP est bonne à prendre, même si l’objectif de 30 minutes/jour fixé par les recommandations n’est pas atteint.
La prescription Toute prescription se prépare et se construit autour d’une bonne connaissance du patient – son état de santé, ses habitudes de vie, son niveau actuel d’AP, les obstacles physiques et psychiques à la pratique d’une AP – afin de pouvoir fixer des objectifs personnalisés et réalistes. Un entretien motivant fondé sur les certitudes doit permettre au patient de s’approprier les objectifs recherchés à partir d’une prescription aussi précise que possible. Contrairement aux prescriptions d’un médicament, la prescription de l’AP se fait souvent en plusieurs temps.
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L’état des lieux [3] Il consiste à évaluer le niveau d’AP habituel dans la vie professionnelle, domestique, de loisir et à l’occasion des transports et trajets. Une quantification sommaire de l’intensité et de la durée des activités suffit à préciser le niveau d’activité, sans recourir aux échelles complexes disponibles dans la littérature. Ce questionnaire constitue une occasion d’évaluer d’autres aspects du mode de vie du sujet, de recenser les opportunités d’AP et de quantifier la part des occupations sédentaires (temps passé assis ou devant un écran).
par l’âge, l’état de santé, la condition physique et les situations à risque… un certain nombre de parades peuvent être proposées pour contourner les objections les plus fréquentes [4] (tableau I).
Définir les objectifs et préciser le type d’activité et son intensité selon le niveau d’AP habituel et les particularismes personnels Globalement, l’intensité recommandée pour le maintien d’un état de santé satisfaisant est modérée, avec une dépense énergétique supplémentaire de l’ordre de 1 000 kCal/semaine.
Identifier les obstacles à l’activité physique
L'intensité
Il n’y a pas de prescription valable sans prise en compte des embûches et résistances susceptibles de contrarier son application et cela bien au-delà des limites imposées
La fréquence cardiaque est un autre repère pour situer le niveau d’effort. L’utilisation d’un cardio-fréquencemètre est utile mais non indispensable (une AP de niveau modé-
Tableau I : Lever les résistances : faire bouger les lignes en apportant une réponse adaptée [4]. Objections du patient Manque de temps Manque de motivation
Obligations familiales N’aime pas le sport Limitations physiques Trop fatigué Manque de moyens
a) La marche : niveau d’activité évaluée d’après le nombre de pas/jour [5]. Nombre de pas/jour Mode de vie < 3 000 Inactif < 5 000 Sédentaire 5 000 – 7 500 Activité habituelle d’un non sédentaire 7 500 – 10 000 > 10 000 b) Autres activités Efforts légers (60 min) Marche usuelle Jardinage Étirements
Niveau élevé d’activité domestique ou professionnelle Activité physique légère Activité correspondant à 30 minutes de marche en plus des activités usuelles Efforts modérés (30 à 60 min) Marche rapide Vélo Natation Danse
Efforts vigoureux (20 à 30 minutes) Course (jogging) Natation rapide Match (tennis, basket) Aérobic
La nature de l’AP souhaitable Il s’agit d’une activité d’endurance avec une durée d’environ 150 min/semaine : 30 min de marche rapide (4 à 6 km/h) 5 x/semaine ou 20 min de course à pied (10 km/h) 3 x/semaine en sachant que cette durée peut être atteinte en 2 ou 3 fois, ou du vélo (16 km/h) à hauteur de 20 min 6 x/semaine.
Motiver et expliquer
Réponses à apporter Intégrer l’AP aux activités quotidiennes. Motivation mutuelle avec ami ou parent ; Activités ludiques : jeux avec ses enfants, danse ; Activités dans le cadre d’un groupe. L’activité physique peut aider à mieux remplir ces obligations, l’intégrer à la vie familiale. Être actif c’est faire du sport. Marcher ou nager restent longtemps praticables. L’activité physique peut aider à se sentir plus en forme. La marche, comme bien d’autres activités physiques, est gratuite.
Tableau II : Les niveaux d’activité.
rée correspond à 0,5 à 0,7 fois la fréquence cardiaque maximale qui est de 220 – âge). L’accélération de la respiration à la limite de l’essoufflement, l’apparition d’une légère transpiration alors que la personne reste capable de parler de façon continue correspond à un niveau d’AP modérément intense. L’auto-perception de l’effort dans le registre du « possible » est un autre repère. L’activité de référence étant la marche, il a été proposé de compter les pas à l’aide d’un podomètre [5] (tableau II).
Le partage des définitions et des niveaux de preuve avec le patient est important. Il peut être opportun de rappeler que toute activité physique est bénéfique pour la santé et que l’AP ne se résume pas au sport. Elle comprend les activités de la vie quotidienne à la maison et au travail et les activités de loisir. Le sport n’est qu’un sous-ensemble de l’AP spécialisé et organisé qui n’est applicable qu’à une fraction de la population. Un entretien motivationnel est souvent nécessaire pour changer les comportements. L’empathie, l’utilisation de questions ouvertes et le renforcement du sentiment de liberté et d’efficacité personnelle, en évitant à tout prix l’affrontement et en ne forçant pas la résistance en sont les bases. Le modèle transthéorique de changement de Prochaska décrit le parcours motivationnel des sujets passant du stade pré-contemplatif (le sujet ne pratique aucune activité physique), de contemplation (il envisage de le faire), de préparation (activité débutée mais encore insuffisante), d’action (l’activité physique est suffisante depuis au moins 6 mois), au stade de consolidation (l’activité se poursuit dans la durée). Ces étapes sont à respecter pour obtenir un changement durable du comportement.
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L’art de prescrire l’activité physique
Suivre et évaluer Après la prescription, il convient d’évaluer régulièrement le niveau d’AP à l’occasion de toute consultation et d’assurer un suivi centré sur la prévention de la « rechute » de la sédentarité : des objectifs simples, des questions ouvertes, des conseils adaptés aux difficultés ressenties sont nécessaires chez la plupart des sujets, avec l’obsession d’empêcher à tout prix le retour au niveau d’AP antérieur et, pire encore, à la sédentarité.
La prescription en pratique (figure 1)
Relais fondamental de la promotion de l’AP auprès de ses patients, le médecin n’est un bon prescripteur de l’AP que s’il parvient à surmonter les obstacles que sont le manque de temps, le manque de connaissance et de conviction et la « surmédicalisation » d’une activité de loisir. Un médecin physiquement actif conseille trois fois plus souvent l’AP à ses patients qu’un médecin sédentaire. Au-delà du savoir, il y a le savoir-faire d’une prescription qui peut comporter soit des conseils oraux répétés, soit des conseils écrits avec une véritable prescription de type FIT (fréquence, intensité, type d’activité) [6], associés à des documents-supports et à des outils d’évaluation et de soutien
Recommandations [1, 2] Les recommandations préconisent un niveau d’activité modéré et régulier. • Chez les adultes de 18 à 65 ans, il est recommandé de pratiquer au moins 30 min d’activité physique, d’intensité modérée de type aérobie ou d’endurance (marche à pas soutenus) au moins 5 jours par semaine ou 20 min d’activité physique d’intensité élevée (jogging) 3 jours par semaine, ce volume d’activité pouvant être fractionné en séquences d’au moins 10 min. • Chez les sujets de plus de 65 ans, les recommandations sont identiques, en considérant que la marche normale est une activité physique d’intensité modérée et la marche rapide une activité physique d’intensité élevée. L’accent est mis sur la diversification des activités (intégration d’exercices de renforcement musculaire et d’assouplissement). De plus, les activités quotidiennes d’intensité modérée (tâches ménagères, jardinage) peuvent être comptabilisées pour autant qu’elles durent plus de 10 min. • Chez l’enfant et l’adolescent, les conférences de consensus récentes s’accordent à dire qu’un minimum de 60 min/jour d’activité physique d’intensité modérée à élevée est souhaitable, sous forme de jeux ou d’activités de la vie quotidienne. De plus, des activités de renforcement musculaire et osseux sont souhaitables 2 fois par semaine.
Les points essentiels • L’activité physique est un outil de prévention et de traitement qui doit être prescrit au même titre qu’un autre traitement : fréquence, intensité, type, personnalisation. • Cette prescription se fait pas à pas, après un état des lieux et un travail de motivation. • Le but premier de cette prescription, rédigée idéalement sur une ordonnance, est de lutter contre la sédentarité. • La marche à pied est le moyen le plus simple et le plus accessible. • Un suivi régulier, avec un renouvellement d’ordonnance, est nécessaire pour empêcher la rechute vers la sédentarité.
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a Figure 1 : Étapes de prescription de l’activité physique dans une maladie susceptible d’en bénéficier.
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Dossier thématique Activité physique (podomètre, cardio-fréquencemètre, carnet d’activité) (cf. encadré Ordonnance type). Dans les grands essais randomisés, l’intensification de la prescription fait appel aux techniques de « coaching » [7].
La prescription chez le sujet sédentaire Après une évaluation du niveau d’AP habituelle et l’identification rapide des obstacles à l’AP et des situations à ris-
que, la prescription est modulée selon que le sujet est déjà actif ou inactif. Chez le premier, il s’agit d’encourager la poursuite de l’AP et d’évaluer le bénéfice supplémentaire d’une augmentation de la durée, de l’intensité, de la fréquence et de la diversification de l’AP tout en veillant à lever les obstacles – dont la maladie – qui pourraient conduire à un état sédentaire. Chez le second, il s’agit de motiver et donner des conseils simples dont le but est de lutter contre la sédentarité.
L’ordonnance type Type d’activité
Fréquence
Intensité
Quatre grands types : • endurance ; • renforcement musculaire ; • souplesse ; • équilibre.
30 min à 60 min/jour d’intensité modérée (marche) 5 j/semaine ou 20 min de course 3x/semaine si manque de temps. Plusieurs séquences de 10 min sont possibles. Modérée mais régulière. Fréquence cardiaque cible de 50 à 70 % de celle de la fréquence maximale, qui provoque un léger essoufflement sans empêcher de parler.
Tableau III : Les activités de la vie quotidienne contribuant à l’activité physique Comment accroître l'activité physique à partir des activités de la vie quotidienne
• se déplacer à pied ou à vélo dès que possible • sortir des transports en commun deux arrêts avant la destination • garer sa voiture à 10 minutes du lieu de travail • préférer les escaliers • jouer davantage avec ses enfants • marcher d’un pas plus rapide • activités ménagères manuelles renforcées • activités de jardinage • promener plus souvent et plus longtemps le chien • faire une balade de 10 minutes après chaque repas • faire un détour en faisant ses courses à pied • danser 10 minutes par jour au rythme de sa musique préférée • faire des réunions « en marche » hors salle de réunion • dimanche : vélo, natation, randonnée en famille ou avec des amis Y associer
• des exercices d'assouplissement (4 à 7 jours/semaine) Faire des étirements, des pauses étirements, rotation de la tête et des épaules devant les écrans, interrompre la station assise prolongée.
• des exercices de renforcement musculaire (2 à 4 jours/semaine) Monter les escaliers, porter des charges, contracter les abdominaux et faire des séries de redressement assis, faire les 100 pas chez soi, bricoler.
L’AP est à débuter de façon progressive en l’intégrant au mode de vie de façon à limiter le temps supplémentaire nécessaire à la pratique de l’AP. La marche à pied est le moyen le plus simple. Accessible à tous à condition d’adapter sa durée et son intensité, elle répond au cahier des charges en termes de quantité et d’intensité conseillées (tableau II) [5]. Les autres activités de la vie quotidienne ne sont pas à négliger et contribuent de façon significative à l’activité d’endurance et à la lutte contre la sédentarité (tableau III) [8]. Par la suite, la consolidation de l’activité est essentielle. L’espoir de bénéfices supplémentaires pour la santé peut justifier un renforcement prudent chez un sujet devenu actif en associant aux activités d’endurance des activités diversifiées favorisant en plus la force et la souplesse (étirements, gymnastique). L’augmentation de la durée et de l’intensité rend souvent souhaitable un encadrement structuré (associatif), un bilan cardiaque préalable et une surveillance de la fréquence cardiaque. Conflits d’intérêt : Les auteurs déclarent n’avoir aucun conflit d’intérêt avec le contenu de cet article.
Références [1] Expertise collective INSERM. Activité Physique : contextes et effets sur la santé. Paris: Éditions INSERM. Mars 2008. 832 pages. [2] Haskell WL, Lee IM, Pate RR, et al. Physical activity and public health: updated recommendation for adults from the American College of Sports Medicine and the American Heart Association. Med Sci Sports Exerc 2007;39:1423-34. [3] Oppert JM. L’activité physique comme moyen de traitement du diabète de type 2 : l’aspect concret et interventionnel. Ann Endocrinol 2004;65(Suppl.1):1152-7. [4] Smith BJ, van der Ploeg HP, Buffart LM, Bauman AE. Encouraging physical activity-five steps for GPs. Aust Fam Physician 2008;37:24-8. [5] Tudor-Locke C, Hatano Y, Pangrazi RP, Kang M. Revisiting "How many steps are enough?" Med Sci Sports Exerc 2008;40(7 Suppl):S537-43. [6] Oberg E. Physical activity prescription: our best prescription. Integrative Medecine 2007;6:18-9. [7] Petrella RJ, Lattanzio CN. Does counseling help patients get active? Systematic review of the literature. Can Fam Physician 2002;48:72-80. [8] Lawlor DA, Taylor M, Bedford C, Ebrahim S. Is housework good for health? Levels of physical activity and factors associated with activity in elderly women. Results from the British Women's Heart and Health Study. J Epidemiol Community Health 2002;56:473-8.
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