Annales de réadaptation et de médecine physique 49 (2006) 252–253 http://france.elsevier.com/direct/ANNRMP/
Point de vue Le baclofène intrathécal. Vingt ans Intra thecal baclofen. Twenty years later 1. L’effet sur le symptôme Un an après la publication de Penn et Kroin [3], nous avons constaté avec J B Thiebaut et A Roby Brami un fait qui m’apparaissait incroyable : la disparition de tous les réflexes médullaires des membres inférieurs chez l’homme sans modifications de la conscience ou de la motilité des membres supérieurs. Nous étions tous les trois dans un laboratoire d’électrophysiologie avec une patiente « spastique » c’est-à-dire ayant des réflexes ostéotendineux vifs et regardions toutes les six secondes soit un réflexe H du soléaire soit d’un réflexe polysynaptique nociceptif (RAIII) et constations stupéfaits la disparition totale de ces réponses réflexes 30 minutes après l’injection intrathécale. Le mot spasticité, sa définition et ses mécanismes nous étaient très bien connus. L’importance de ce symptôme était soulignée par tous car la méthode de kinésithérapie la plus utilisée à cette époque lui faisait référence. La spasticité était réputée entraver le mouvement volontaire et cela d’autant plus que le mouvement était rapide. Nous savions que ce symptôme pouvait être traité avec succès : des manipulations physiques, le froid et quelques substances, dont le baclofène per os, avaient une action significative. Mais cette significativité n’était que « statistique » et le patient ne le remarquait guère. Il nous est tout de suite apparu que la disparition complète de la spasticité des membres inférieurs avec un traitement qui apparaissait bien toléré par la patiente ouvrait la voie à une aventure thérapeutique. 2. L’effet fonctionnel À cette époque, l’effet fonctionnel d’un traitement de la spasticité n’était guère d’actualité. Les échelles n’étaient pas nombreuses et il faut reconnaître que le très faible effet thérapeutique sur le symptôme rendait bien illusoire la recherche d’un effet fonctionnel. Or, le traitement de la spasticité par baclofène IT n’a de justification que s’il est fonctionnellement utile. Ce traitement constamment actif sur le symptôme spasticité est rarement mal toléré et ne modifie pas le profil évolutif de la maladie quoique parfois il puisse éviter des complications orthopédiques. Il peut être responsable d’incidents parfois graves. Sa seule justification est donc d’apporter au patient un bénéfice en terme d’indépendance fonctionnelle ou de qualité de vie. Autrefois, l’installation du patient dans une coque et des
sangles était le « traitement » de la spasticité et des spasmes chez les para- ou tétraplégiques au fauteuil. Chez ces patients, et il en est de même pour les (rares) patients dont la marche est améliorée par ce traitement, le gain fonctionnel est facile à mettre en évidence [1] mais cette démonstration n’est pas toujours évidente en particulier chez les patients les plus déficitaires [1]. Des échelles d’indépendance fonctionnelle et/ou de qualité de vie plus spécifiques sont encore à venir. De même, les indications thérapeutiques en fonction de l’importance de la déficience (sujet marchant ou non marchant) et de la topographie de la lésion (cérébrale ou médullaire) ne sont pas encore absolument établies. L’effet de ce traitement sur la prévention des escarres et des déformations orthopédiques mériterait d’être évalué dans le cadre d’essais contrôlés. 3. Effet socioéconomique Il nous est rapidement apparu que le traitement par baclofène intrathécal « consommait » dans le service de MPR du temps et de l’argent. L’achat de la pompe était certes réalisé par le service de neurochirurgie mais cette activité, proprement chirurgicale, n’est que la partie la plus visible du travail. Nous avons à réaliser les tests. Cela ne consiste pas à réaliser seulement une ponction lombaire ou à injecter dans un « port a cath » mais à examiner le patient toutes les deux heures après l’injection, à interroger l’entourage, évaluer l’effet du traitement sur le symptôme et sur la fonction. Ultérieurement, nous avons à suivre le patient. Remplir la pompe est un acte simple, mais régler le débit de la pompe en fonction des désirs des patients et de l’importance de la spasticité et des spasmes demande de l’expérience. Enfin, dépister les différentes complications [2], veiller à la régularité du suivi (un sevrage brutal peut être gravissime), nécessite du temps et de l’expertise. Enfin, ce qui était simple avec quelques patients devient au cours du temps plus complexe. C’est un traitement au long cours et certains de nos patients (depuis 20 ans !) ont reçu cinq pompes successives. L’introduction de cette thérapeutique coûteuse, spécifique à la rééducation, nous a obligés à proposer une organisation adaptée et plus rationnelle du service pour ce type de prise en charge qui était inhabituelle en milieu MPR. Références [1] Azouvi P, Mane M, Thiebaut JB, Denys P, Remy-Neris O, Bussel B. Intrathecal baclofen administration for control of severe spinal spasticity: functional improvement and long-term follow-up. Arch Phys Med Rehabil 1996;77(1):35–9. [2] Emery E. Baclofène intrathécal. Résultats et complications. Neurochirurgie 2003;49(2-3 Pt 2):276–88. [3] Penn R, Kroin JS. Continuous intrathecal baclofen for severe spasticity. Lancet 1985;2:125–7.
B. Bussel* D. Bensmail Service de médecine physique et de réadaptation, hôpital Raymond-Poincaré, boulevard Raymond-Poincaré, 92380 Garches, France Adresse e-mail :
[email protected] (B. Bussel).
Reçu et accepté le 3 avril 2006 *Auteur
correspondant.
0168-6054/$ - see front matter © 2006 Publié par Elsevier SAS. doi:10.1016/j.annrmp.2006.04.004