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Dermatologie esthétique et correctrice Le cadre légal en dermatologie esthétique
Ann Dermatol Venereol 2008;135:S219-21
Le cadre légal en dermatologie esthétique C. BEYLOT
RÉSUMÉ En dermatologie esthétique, où les actes ne sont pas imposés par une nécessité thérapeutique, le cadre légal doit être encore plus strictement respecté : ne pas entreprendre des actes dépassant sa compétence, être bien assuré, connaître les différents types de responsabilité médicale et surtout savoir que, dans ce domaine, il y a obligation d’information renforcée du patient. L’information doit être loyale, claire, appropriée à son niveau de compréhension et pour cela, le dialogue avec le patient est primordial. Les fiches d’information sont un complément possible, mais ne doivent pas remplacer ce dialogue. Les risques « fréquents ou graves normalement prévisibles » doivent être signalés. Un devis doit être remis au patient et un délai de réflexion de 15 jours respecté avant qu’il ne donne son consentement éclairé. En cas de plainte d’un patient, la preuve de l’information revient au médecin, d’où l’importance de conserver des documents écrits (dossier bien tenu, doubles de lettres au médecin). Le devis doit être signé par le patient, mais pas les fiches d’information comme cela est fait souvent. Les assureurs souhaitent cependant avoir un document signé du patient et cela peut être un imprimé attestant qu’il a bien été informé par son médecin et qu’il a donné son consentement éclairé à l’acte proposé. © 2007 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. Mots-clés : Responsabilité médicale • Information du patient • Fiches d’information • Devis • Consentement éclairé • ANAES.
ABSTRACT Legal guidelines in aesthetic dermatolgy In cosmetic dermatology where treatment is not subject to a therapeutic need, the legal framework must be closely respected. For example, it is essential not to undertake procedures that go beyond the scope of one’s training, an insurance policy is mandatory, and the patient’s fully informed consent must be obtained. Information must be clear, objective and understandable to the patient, so discussion with him/her is of paramount importance. Fact sheets are useful but are not to be used instead of discussion. The patient should receive an estimate and be given two weeks t think things over before giving his/her informed consent. In the event of the patient filing a complaint, it is up to the clinician to prove that the patient received adequate information, hence the importance of keeping all documentary evidence such as an updated medical file and copies of all correspondence. The estimate must be signed by the patient but not the fact sheets, contrary to what has come to be common practice in some institutions. Insurance companies need a document signed by the patient. This may be a pre-printed form stating that the patient has been fully informed by the clinician and has given his//her informed consent to the planned procedure. © 2007 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. Key-words: Medical liability • Patient information • Medical fact sheets • Estimate • Informed consent • National health care and accreditation agency.
D
ans le domaine de l’esthétique, où les actes ne sont pas imposés par une nécessité thérapeutique, le dermatologue doit être particulièrement prudent et respecter strictement le cadre légal de ce type d’exercice et en particulier l’obligation d’information renforcée. En effet, sa responsabilité peut être plus facilement engagée par des patients qui assument financièrement ces actes esthétiques et sont plus exigeants et procéduriers.
Professeur Emérite de l’Université Bordeaux 2 Victor-Segalen, CHU de Bordeaux. Hôpital du Haut-Lévêque, 33604 Pessac, France. Correspondance :
[email protected]
Notions générales D’ABORD, IL NE FAUT PAS RÉALISER DES ACTES ESTHÉTIQUES DÉPASSANT SON DOMAINE DE COMPÉTENCE
Article 70 du code de déontologie médicale [1] : « Tout médecin est en principe habilité à pratiquer tous les actes de diagnostic, de prévention et de traitement. Mais il ne doit pas, sauf circonstances exceptionnelles, entreprendre ou poursuivre des soins ni formuler des prescriptions dans des domaines qui dépassent ses compétences. » Cette mise en garde est encore plus valable en dermatologie esthétique, où ces « circonstances exceptionnelles » ne sont pas réalisées, puisque les actes ne sont pas indispensables et ne sont jamais réalisés dans le cadre de l’urgence. Être dermatologue ne suffit pas et une formation spécifique S219
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est nécessaire (DIU, compagnonnage, stages de formation, congrès, lectures...). Il faut s’en tenir à des traitements validés, conformes aux données actuelles de la science.
du dommage subi. Elle est couverte par l’assurance et peut parfois donner lieu à une transaction à l’amiable, sans recours au tribunal.
EN PRINCIPE, OBLIGATION DE MOYENS MAIS PAS DE RÉSULTATS. OUI, MAIS...
Information et consentement éclairé
L’obligation de moyens est renforcée en dermatologie esthétique et il faut exercer dans un environnement adapté, car il ne faut pas faire courir de risques injustifiés à ce patient qui n’est pas un malade. Mais, contrairement à l’idée répandue, il n’y a pas obligation de résultats [2]. Toutefois, la jurisprudence évolue, notamment au sujet de la sécurité du traitement et des infections nosocomiales, qui peuvent être considérées comme révélatrices d’une faute dans l’organisation des soins. L’échec du traitement, dont l’appréciation est souvent subjective, ne doit pas être considéré comme une faute et cette possibilité devrait être mentionnée lors de l’information du patient. Cependant, une aggravation de l’état antérieur dans le domaine de l’esthétique risque d’être considérée comme une faute et plus sévèrement jugée. ÊTRE BIEN ASSURÉ : INDISPENSABLE ! Il y a 10 ans, un dermatologue sur deux devait s’attendre à voir sa responsabilité professionnelle mise en cause [3]. Ce sera beaucoup plus dans les années à venir avec le développement de l’activité esthétique. Il faut donc déclarer tous les actes esthétiques pratiqués, même si cela augmente les primes (mais selon le célèbre slogan « l’assurance n’est chère qu’avant l’accident ») et prévenir immédiatement son assureur en cas de problème, même si le patient n’a pas encore porté plainte. Il faut toujours être disponible pour répondre à un patient insatisfait et agressif, car cela permet de désamorcer beaucoup de conflits qui n’iront pas jusqu’à la plainte. En cas d’incident, il faut l’admettre avec calme, mais éviter de reconnaître sa responsabilité, car c’est l’affaire des assureurs, des experts et des tribunaux [3]. LES DIFFÉRENTES RESPONSABILITÉS [2] Responsabilité disciplinaire : la plainte est déposée devant l’Ordre des médecins qui jugera d’un manquement éventuel au code de déontologie. Responsabilité pénale : c’est une responsabilité personnelle et les peines pénales (amendes, prison) ne sont assurables. Il s’agit d’un manquement au code pénal, lié à un délit de « mise en danger » du patient involontaire ou délibérée. L’assureur pourra cependant donner des conseils au médecin concernant la saisie de son dossier, ses auditions en tant que témoin et s’il est mis en examen, prendre en charge les honoraires d’un avocat spécialisé qu’il aura choisi et les frais de procédure [3]. Les règles du droit pénal sont cependant très strictes et il est indispensable que le lien de causalité entre le dommage et l’acte soit clairement établi, sinon il y a non-lieu ou relaxe [2]. Responsabilité civile indemnitaire : c’est la plus fréquemment mise en cause par le patient qui désire être indemnisé S220
L’OBLIGATION D’INFORMATION Depuis toujours, l’information du patient est une obligation éthique, précisée en 1997 par le code de déontologie (article 35 : « Le médecin doit à la personne qu’il soigne ou qu’il conseille, une information loyale, claire et appropriée sur son état, les investigations et les soins qu’il propose. Tout au long de la maladie, il tient compte de la personnalité du patient dans ses explications et veille à leur compréhension » ; article 36 : « Le consentement de la personne examinée ou soignée doit être recherché dans tous les cas ». C’est maintenant une obligation légale, exigée par les assurances et rappelée par divers jugements. L’ANAES en 2000 [4] en a précisé les modalités, complétées en 2002 par les lois sur les droits des patients (articles L. 111-2 et suivants). En dermatologie esthétique, cette obligation d’information est renforcée, car il ne s’agit pas d’une nécessité thérapeutique évidente imposée par un danger immédiat pour la santé ou la survie de l’individu (article 632-2 du code de santé publique [5]. Ici en effet, la « raison proportionnée » des juristes que nous appelons le rapport bénéfice/risque diminue ou même s’inverse [2]. Un défaut d’information peut faire condamner un médecin, même en l’absence de faute technique pour défaut d’humanisme, non-respect de la personne du patient, de son intégrité, de sa volonté. COMMENT DONNER L’INFORMATION ? D’abord, il faut prendre le temps, ce qui n’est pas toujours facile dans une consultation surchargée. Au besoin, on fera revenir le patient. Comme l’exprime parfaitement le code de déontologie [1], cette information doit être loyale, claire, appropriée à son niveau de compréhension et pour cela le dialogue avec le patient est primordial. Il ne faudra pas utiliser des termes trop techniques et s’assurer que l’information a été comprise. Ce dialogue permet aussi d’établir une relation avec le patient, d’évaluer ses attentes et de dépister celles qui sont irréalistes et les dysmorphophobiques. La remise d’un document écrit, de fiches d’information auquel il pourra se référer est un complément possible de l’information orale, mais ne doit pas s’y substituer. Il est souhaitable que ces fiches, rédigées en termes accessibles au patient, soient validées par une société savante, une organisation professionnelle ou l’ANAES. Un certain nombre est validé par la Société Française de Dermatologie [6] et elles peuvent être imprimées ou téléchargées sur son site (www.sfdermato.com). Ces fiches sont des documents d’information et pas un consentement et il ne faut pas demander au patient de les signer [4]. LE CONTENU DE L’INFORMATION Il comprend le diagnostic du défaut à traiter, l’intervention proposée et ses avantages par rapport à d’autres alternatives, le
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bénéfice escompté, sa durée, la nécessité ou non de séances d’entretien et leur nombre. Il est très souhaitable sur le plan médico-légal, de prendre des photos préopératoires et de faire remarquer au patient d’éventuels défauts préexistants. Des détails concernant les modalités de l’acte esthétique seront donnés lors de cette consultation d’information : – soins préopératoires, médicaments à éviter, précautions vis-à-vis du soleil ; – principe de l’intervention elle-même expliqué en termes simples, le type d’anesthésie, le caractère douloureux ou non de l’acte, la nécessité de repartir accompagné pour certains actes pratiqués en externe ; – suites normales, qui ne doivent pas être minimisées pour obtenir l’accord du patient, leur type et leur durée, la date de reprise possible du maquillage, la durée de l’éviction socioprofessionnelle et de l’éviction solaire. C’est surtout au sujet des risques que le dermatologue pourrait se voir reprocher un défaut d’information. La loi de 2002 sur le droit des patients impose au médecin d’informer le patient sur « les risques fréquents ou graves normalement prévisibles », mais il n’a plus à le faire sur les risques exceptionnels. Le dermatologue qui a réalisé un acte esthétique doit donner au patient un numéro de téléphone où il pourra joindre le médecin en cas de problèmes postopératoires. LE DEVIS Il a été rendu obligatoire pour tout acte dépassant 2 000 francs (304,9 euros), ou comportant une anesthésie générale, mais il est conseillé de faire de même pour des actes de coût inférieur. Ce devis doit comporter le nom, les titres et qualifications du médecin, le type de l’intervention, le nombre de séances s’il y a lieu, le montant des honoraires et autres frais. Le patient doit mentionner par écrit sur le devis « acceptation après réflexion » et signer [2]. DÉLAI DE RÉFLEXION Pour les interventions esthétiques, un délai de réflexion de 15 jours doit être laissé au patient. Il peut être réduit à 7 jours, à sa demande expresse écrite, mais il est vivement déconseillé de réaliser un acte esthétique le jour même de la première consultation, comme les patients le demandent souvent. LE CONSENTEMENT ÉCLAIRÉ L’information a pour but de recueillir le consentement éclairé du patient. Dans la tradition juridique française, le consentement aux soins est consensuel, échangé la plupart du temps de façon orale, voire tacite par la simple acceptation du traitement. Le consentement signé par le patient n’a pas de valeur juridique supérieure [2]. COMMENT PROUVER QUE L’INFORMATION A BIEN ÉTÉ DONNÉE AU PATIENT ? La charge de la preuve de l’information dispensée au patient incombe maintenant au médecin (arrêt de la cour de cassa-
tion du 25 février 1997, affaire Hedreuil et plusieurs autres décisions de justice). Les documents écrits ont ici leur importance et les moyens de la preuve sont le dossier médical, qui doit toujours être bien tenu, et mentionner que l’information a été donnée et qu’une fiche a été remise, les lettres aux correspondants reprenant les éléments de l’information, dictées en présence du patient auquel il est conseillé de donner un double, d’éventuels courriers au patient. Le nombre de consultations préalables peut être une preuve indirecte. Enregistrer l’information est une pratique courante dans les pays anglo-saxons, mais on ne va pas jusque-là en France. EN DÉFINITIVE, FAUT-IL FAIRE SIGNER DES DOCUMENTS ET SI OUI, LESQUELS ? Le devis doit toujours être signé. Pour l’ANAES [4], la fiche d’information ne doit pas l’être et demander une signature pourrait même être considéré comme une manifestation de défiance vis-à-vis du patient et même indisposer un tribunal, puisqu’elle va à l’encontre des recommandations de l’ANAES. Par contre, les assureurs, considérant que « les conseilleurs ne sont pas les payeurs » préfèrent qu’il y ait un document d’information signé. Pour ne pas aller contre l’avis de l’ANAES et satisfaire son assureur, on peut faire signer un imprimé de ce type : « Je soussigné, M. ou Mme......, déclare avoir été informé par le docteur...... des modalités, des bénéfices attendus, des risques et du coût de l’intervention... qu’il m’a proposée et pour laquelle après avoir reçu ces informations, j’ai donné mon consentement. Signature et date. »
Conclusion Avec la demande croissante du public en dermatologie esthétique, sa surinformation pas toujours bien comprise par les médias, le nombre de problèmes médico-légaux risque lui aussi d’augmenter en dermatologie esthétique, d’où la nécessité de se conformer au cadre légal, notamment sur les critères d’information, de prudence et de conseil, puisque nul n’est censé ignorer la loi. Le professeur Claire Beylot est consultant pour les laboratoires Pierre Fabre et Galderma.
Références 1. Code de Déontologie Médicale. Conseil National de l’ordre des Médecins 1997. 2. Gromb S. Aspects médico-légaux : responsabilité médicale. Encycl Med Chir Cosmétologie et Dermatologie Esthétique 2000;50 270 A10:6p. 3. Loubry N. Assurance couvrant les actes esthétiques pratiqués. Encycl Med Chir (Editions scientifiques et médicales Elsevier SAS Paris) Cosmétologie et Dermatologie Esthétique 50 270 C10 2000, 2p. 4. ANAES 2000. L’information des patients : recommandations destinées aux médecins. www.anaes.org (publications, dossier de presse). 5. Code de la Santé Publique. Editions Dalloz, 1997. 6. Société Française de Dermatologie. Fiches d’information. www. SFDermato.com.
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