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Revue générale
Le coup de chaleur d’exercice : II – Physiopathologie Exertional heatstroke: II – Pathophysiology L. Bourdon a,*, F. Canini a, J.-M. Saïssy b, P. d’Aléo a, N. Koulmann a, M. Aubert c, A.-X. Bigard a a
Centre de recherches du service de santé des armées, département des facteurs humains, 24, avenue des Maquis-du-Grésivaudan, BP 87, 38702 La Tronche cedex, France b Département d’anesthésie–réanimation, hôpital Bégin, 69, avenue de Paris, 94163 Saint-Mandé cedex, France c Hôpital Laveran, BP 50, boulevard A.-Laveran, 13998 Marseille armées, France Reçu le 20 décembre 2002 ; accepté le 10 avril 2003
Résumé Objectif. – Discuter les éléments pathogéniques récents susceptibles d’associer leurs effets pour induire le coup de chaleur d’exercice et proposer un processus global faisant intervenir le tissu musculaire, la sphère hépatosplanchnique et le système nerveux central. Actualités. – Depuis longtemps, on pense que le facteur hyperthermie est le principal élément pathogénique du coup de chaleur d’exercice, une hypothèse renforcée par la démonstration récente qu’un certain nombre de sujets victimes d’un CCE sont porteurs d’anomalies musculaires infracliniques du type de celle rencontrée dans l’hyperthermie maligne peranesthésique. Pourtant l’analyse des cas rapportés et des facteurs favorisants démontrent : • que l’effet de l’hyperthermie ne résulte pas linéairement de son niveau ; • et que l’activation du système immuno-inflammatoire est un autre facteur d’importance majeure, aussi bien localement au niveau du système nerveux central, du système hépato-entérocolique et peut-être des fibres musculaires striées qu’au niveau de l’organisme entier. Conclusion et perspectives. – La description d’un phénomène général pouvant intervenir à différents niveaux, où son action peut être modulée en plus ou en moins, permet d’envisager un cheminement pathogénique spécifique pour un individu donné et donc des pistes thérapeutiques précoces de nature étiologique. © 2003 Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés. Abstract Purpose. – To discuss several pathogenic processes which are likely to participate in exertional heat stroke and to propose a global mechanism involving active muscle tissue, hepato-enterocolitic tissues and the central nervous system leading to this accident. Actuality. – Since a long time, it was assumed that hyperthermia was the major factor involved in the pathophysiology of EHS; a hypothesis consistently sustained by the observation that several EHS subjects are carrying the same muscle abnormality than that observed in malignant hyperthermia. However, studying case reports leads to the facts that: • there is no direct relationship between the level of hyperthermia and its effects; • and the activation of the immuno-inflammatory system is also of dramatic importance in the EHS pathogenicity at both the local level in the central nervous system, in the liver and the enterocolitis system and presumably in the muscle, and the whole organism. Conclusion and perspectives. – The description of a general phenomenon acting at different levels where it can be tuned and sometimes worsened, allows the medical community to envisage to be able in a very near future to do a specific diagnostic for a given patient and therefore to propose him a early etiologic therapeutic. © 2003 Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés. Mots clés : Coup de chaleur ; Hyperthermie maligne ; Thermorégulation ; Cytokines ; Monoxyde d’azote Keywords: Heat stroke; Malignant hyperthermia; Thermoregulation; Cytokine; Nitric oxide
* Auteur correspondant. Adresse e-mail :
[email protected] (L. Bourdon). © 2003 E´ditions scientifiques et médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés. doi:10.1016/S0765-1597(03)00146-1
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1. Introduction On a vu dans l’article précédent que le coup de chaleur d’exercice était un accident très particulier, caractérisé par un génie évolutif presque univoque malgré un tableau clinique polymorphe et de très nombreux facteurs favorisants dont les points d’impact ne sont pas aisément systématisables. L’analyse de ces éléments soulève plusieurs questions essentielles : • pourquoi un sujet qui le plus souvent a déjà pratiqué des exercices analogues à celui provoquant le CCE fait-il ce jour-là un accident aussi grave ? pourquoi ne l’a-t-il pas senti venir ? • quels sont les facteurs qui orientent l’évolution spontanée vers l’amendement ou l’aggravation ? En fait, il existe de nombreux faits, souvent complémentaires, qui répondent partiellement à ces questions et permettent de proposer un mécanisme général faisant intervenir comme régulateurs le système nerveux central et le système immuno-inflammatoire et comme effecteurs le tissu musculaire et la sphère hépato-entérocolique. 2. Coup de chaleur d’exercice et défaillance de la thermorégulation
environnement contraignant (34 °C ; 60 % d’humidité relative) jusqu’à ce qu’ils présentent un tableau clinique de CCE. L’évolution thermique de ces animaux montre également une phase en plateau [8,11,31] suivie d’une ascension qui conduit au décès si les conditions expérimentales sont maintenues. Quand les rats sont exposés à un environnement thermique plus contraignant (42 °C) sans effectuer d’exercice physique, leur évolution thermique est très similaire bien que les valeurs caractéristiques (durée, niveau de température) soient différentes (Fig. 1B). Une telle exposition conduit l’animal au coup de chaleur classique (CCC, voir premier article). L’analyse de ces résultats expérimentaux permet de quantifier une observation faite chez l’homme, à savoir que le CCE survient pour un niveau de Tco plus bas que dans le CCC [1]. En fait, il a même été décrit des cas de CCE cliniquement indiscutables pour des niveaux de Tco inférieurs à 39 °C [57], suggérant que dans certains cas l’hyperthermie n’est pas l’élément pathogénique principal du CCE (hyperthermie non nécessairement élevée). De façon aussi surprenante, le suivi prospectif de marathoniens en compétition, a montré que ceux-ci pouvaient atteindre des niveaux de Tco nettement supérieurs à ceux le plus souvent observés dans les cas de CCE grave sans reten-
2.1. Analyse des manifestations cliniques et apports des modèles expérimentaux de coup de chaleur d’exercice 2.1.1. Rôle de l’hyperthermie Parmi les multiples facteurs qui augmentent le risque de CCE, les plus évidents sont ceux qui gênent la thermolyse ou qui augmentent la production métabolique de chaleur. De ce fait, l’élévation de la température corporelle a longtemps été considérée comme le principal facteur causal du CCE. Le niveau de température corporelle profonde (Tco) résulte du rapport entre le contenu calorique du corps (Qc) et sa masse. Tco s’élève en proportion directe d’une augmentation de Qc, i.e. d’un stockage de chaleur. Celui-ci résulte directement d’un déséquilibre du bilan thermique dans le sens d’un gain. Dans le cadre d’un exercice physique susceptible de provoquer un CCE, quand les conditions environnementales ne sont pas exceptionnelles par le niveau de température et/ou d’hygrométrie, les gains de chaleur par transfert depuis l’ambiance sont généralement beaucoup moins importants que ceux dus à la production musculaire de chaleur. L’hyperthermie d’exercice résulte donc, dans la grande majorité des cas, d’un défaut relatif de transfert de chaleur, de l’organisme vers l’ambiance. Un exercice physique intense provoque un stockage de chaleur à son commencement qui se traduit par une augmentation de Tco. Si l’exercice est prolongé et les conditions de sa réalisation clémentes, cette phase d’élévation thermique sera suivie d’une phase en plateau, correspondant à un bilan thermique nul (Fig. 1A). Au laboratoire, il est possible de suivre la Tco de rats effectuant un exercice physique en
Fig. 1. Au cours d’un exercice physique intense, la température corporelle profonde (Tco) du sujet augmente rapidement après le début de l’effort puis tend à se stabiliser (A). Une évolution similaire de Tco est observée chez le rat effectuant une course sur tapis roulant en environnement chaud (courbe continue, cartouche B) ; si l’exercice physique est poursuivi, la phase de stabilisation (plateau) est suivie par une phase ascendante finale. La même évolution est également observée lorsqu’un rat est placé en ambiance très chaude (42 °C, courbe pointillée). Dans ce cas, Tco au moment du coup de chaleur est plus élevée que lors du coup de chaleur induit par l’exercice physique.
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tissement clinique ou biologique [1,40] ce qui démontre que l’hyperthermie n’est pas non plus suffisante pour expliquer la survenue du CCE. 2.1.2. Rôle de la déshydratation Dans les expériences relatées plus haut, la phase de plateau thermique est obtenue au prix d’une perte hydrique à visée thermolytique. Celle-ci ne peut être maintenue indéfiniment. En effet, la déshydratation finit par avoir un effet sur l’osmolalité plasmatique ; or l’intrication fonctionnelle des centres nerveux de la thermorégulation et de l’osmorégulation tend à mettre en compétition les stimulus osmolalité plasmatique et température ce qui in fine freine la thermolyse. L’augmentation d’osmolalité plasmatique s’accompagnera alors d’une augmentation de la température centrale indépendamment des stimuli périphériques et limitera la sudation (dont la conséquence est d’avantage une perte d’eau que d’osmoles), surtout chez le sujet entraîné. Cela rompt l’équilibre thermique, ce qui explique la phase ascendante finale (Fig. 1B). Au cours du CCE expérimental, les calculs fondés sur la perte de poids, témoin de la perte hydrique, montrent que les animaux n’atteignent pas au moment de l’accident un niveau de déshydratation suffisant pour expliquer la défaillance thermorégulatrice terminale selon un tel mécanisme [8]. Il faut donc suspecter une autre cause. Comme cette défaillance de la thermorégulation n’est pas isolée au plan central, puisque la clinique du CCE est dominée dans la phase aiguë par les symptômes neurologiques ([30] et voir premier article), il est licite de penser qu’elle fait suite à un dysfonctionnement primitif lié aux conditions de fonctionnement de l’encéphale pendant la phase d’établissement du CCE. De ce point de vue, le CCE s’oppose à l’épuisement hyperthermique (EH) et au coup de chaleur classique (CCC, voir premier article de ce dossier). L’épuisement hyperthermique, forme bénigne du CCE ou forme achevée d’un exercice mal supporté, constituerait l’aboutissement d’un exercice physique général et implique la notion de continuum dans le retentissement physiologique des exercices de ce type. La même notion existe dans le CCC qui est provoqué par exposition trop longue à un environnement trop chaud. Dans ce syndrome, le phénomène pathogénique est d’installation progressive et jusqu’à un certain point entièrement résolutif sous réhydratation. Expérimentalement, le pronostic d’un CCC est contrôlable par le niveau de Tco. La situation est tout autre dans le CCE : l’accident est brutal, il provoque l’arrêt de l’exercice physique et malgré cela, l’évolution clinique est souvent défavorable en l’absence de traitement. Il semble donc que dans le CCE, il y ait une rupture provoquée par l’irruption d’un phénomène pathogénique spécifique. 2.2. La brutalité de l’accident et le phénomène neurologique La brutalité de la symptomatologie neurologique a frappé de nombreux auteurs [5,30] particulièrement la notion de
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coma inaugural. Il ne semble pas exister de signes focaux précoces spécifiques permettant de suspecter que l’une ou l’autre des zones cérébrales soit particulièrement vulnérable. Néanmoins, 2 fonctions semblent perturbées précocement : • le jugement qui devrait provoquer l’arrêt avant que ne se manifeste l’accident ; • et la thermorégulation dont le dysfonctionnement témoigne vraisemblablement d’un trouble hypothalamique. Ces interrogations fondent les hypothèses centrales du CCE développées plus loin. 2.3. Coup de chaleur et syndrome inflammatoire systémique En fait, c’est l’irruption au début des années 1990 du système immuno-inflammatoire dans le CCE qui a permis d’ordonner nos connaissances dans ce domaine. Il existe maintenant une abondante littérature démontrant que l’évolution naturelle du CCE se fait vers la généralisation du syndrome inflammatoire, chez l’homme [5,6,26,27] comme chez l’animal [24,36]. De fait, le syndrome inflammatoire prend très fréquemment le devant de la scène quelques heures après l’accident, par ses répercussions focales, en particulier au niveau hépatique [28], mais aussi au plan général puisque l’état clinique des patients ayant fait un CCE grave est typiquement celui de « syndrome de réponse inflammatoire systémique » (SRIS), voie finale commune aux atteintes tissulaires étendues ou métaboliquement importantes comme les brûlures graves, les polytraumatismes ou la pancréatite aiguë [18]. Ce cadre nosologique résulte de la compréhension des mécanismes du phénomène inflammatoire et en particulier la cascade d’événements allant des altérations endothéliales vasculaires au recrutement local puis éventuellement général de cellules immunocompétentes et à leur activation. Le SRIS a été individualisé en 1992 et s’appuie au plan physiopathologique, pour l’essentiel, sur le réseau des cytokines pro-inflammatoires [15,66]. Depuis, de nombreuses études ont été conduites visant à mieux définir ses relations avec le coup de chaleur. En particulier, Lin et al. se sont intéressés à l’implication du système neuro-immunitaire dans le CCC chez l’animal [36,37]. Ces auteurs ont montré que la défaillance cardiovasculaire observée au moment du coup de chaleur s’accompagnait : • de lésions neuronales induite par l’ischémie cérébrale fonctionnelle (voir plus loin) ; • d’une augmentation des taux circulants et centraux d’interleukine-1b ; • et que les temps de survie dans ces conditions étaient très sensiblement améliorés par l’injection d’un antagoniste de l’IL-1b [16]. Pour ces auteurs, ces résultats démontrent que les lésions neuronales d’origine inflammatoire sont au premier plan du phénomène pathogénique, tout du moins dans leur modèle [36]. Chez l’homme, les principales données cliniques provenant de l’équipe de Riyad (Arabie Saoudite, voir premier article) ont démontré que, dans ce cas également, le phéno-
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mène inflammatoire était biologiquement très important ; il semble aussi qu’il ait une expression nosologique différente chez les sujets en coup de chaleur et chez les sujets affectés par la chaleur bien que les mécanismes provoquant ces différences ne soient pas compris [27]. Pour certains, ces travaux permettent d’envisager des thérapeutiques nouvelles fondées sur des antagonistes des cytokines pro-inflammatoires [5]. Le syndrome inflammatoire généralisé apparaît donc comme un élément déterminant dans l’émergence des complications du CCE ; mais peut-il participer à la défaillance thermorégulatrice terminale du coup de chaleur ? En d’autres termes, quels sont les arguments qui permettent de penser que des éléments du syndrome inflammatoire pourraient apparaître suffisamment tôt, i.e. en cours d’exercice, pour participer à la genèse même du CCE ? Cette question, qui dérive du débat sur la nature fébrile de l’hyperthermie d’exercice [17,43], est redevenue d’un intérêt considérable depuis que l’action pyrogène des cytokines pro-inflammatoires [66], en particulier l’IL-1b et l’IL-6, a été établie [70]. Il semble donc que le CCE résulte de l’adjonction à un processus physiologique bien supporté, l’exercice physique général intense, d’un processus pathogénique : • dont l’hyperthermie est un élément caractéristique bien que complexe à appréhender puisqu’elle est non nécessaire et non suffisante et que le potentiel évolutif de l’accident n’est pas corrélé à son niveau mais à la durée de son maintien. En fait, il semble que les 2 facteurs les plus importants dans le déclenchement du CCE, concernant l’hyperthermie soient : C la rapidité avec laquelle Tco monte ; C et la tolérance cérébrale à l’hyperthermie ; • dont le retentissement immuno-inflammatoire est important ; • modifiant le fonctionnement du système nerveux central en général et des centres de la thermorégulation en particulier. Plusieurs hypothèses, qui se complètent plus qu’elles ne s’opposent, ont été formulées pour comprendre l’émergence d’un CCE dans la situation de l’exercice physique extrême mal toléré. 3. Les hypothèses et mécanismes pathogéniques 3.1. L’hypothèse myopathique du coup de chaleur d’exercice et l’hyperthermie maligne peranesthésique Cette hypothèse explique la rapidité de l’installation de l’hyperthermie dans le CCE en se fondant sur le modèle de la crise d’hyperthermie maligne peranesthésique (HM). L’HM est une myopathie sans traduction clinique en situation normale, qui provoque des crises de contracture musculaire généralisée, donc avec une énorme production métabolique de chaleur, quand les sujets sont exposés lors d’une anesthésie générale à certains agents pharmacologiques (gaz halogénés anesthésiques, curares dépolarisants ; [19,42,56]). Les études épidémiologiques ont montré qu’il s’agissait d’une
maladie autosomique dominante rare. Les crises sont provoquées par une anomalie du contrôle des mouvements intracellulaires de calcium dans les fibres musculaires striées [42]. Celles-ci sont dues le plus souvent à une mutation du canal de libération du calcium par le réticulum sarcoplasmique (récepteur à la ryanodine de type 1, RyR1, Fig. 1, [42]). Cependant, il existe au moins une famille porteuse d’une mutation du canal ionique sarcolemmal situé en regard de RyR1 au niveau de la triade (le récepteur aux dihydropyridines, DHPr), tandis qu’aucune mutation de ces canaux n’est retrouvée dans presque une famille sur deux [42]. Le diagnostic initial de susceptibilité à l’HM se fait par un test de provocation, par exposition in vitro d’un lambeau musculaire prélevé chirurgicalement, à des agents inducteurs (test de contracture in vitro, IVCT). Si le fragment musculaire se contracte pour des concentrations d’halothane et de caféine inférieures à un certain seuil, le sujet est dit sensible (HMS), si cela n’est observé que pour une seule des deux drogues, le sujet est dit équivoque (HMe halothane ou HMe caféine), si non le sujet est dit normal. Depuis sa standardisation en Amérique du nord et en Europe, ce test s’est révélé extrêmement sensible (il n’existe pas de faux négatifs) mais peu spécifique : de nombreuses myopathies (maladie de Duchenne, maladie de Becker, Central Core Disease) le positivent [19,42]. L’application de ce test à des sujets victimes d’un CCE et à des membres de leur famille a observé un nombre étonnamment élevé de sujets HMS et HMe : environ 20 % [19,56]. Il est donc possible que dans un nombre significatif de cas, le CCE soit associé à une anomalie de l’homéostasie calcique intracellulaire des fibres musculaires striées. Cela est renforcé par des arguments fonctionnels obtenus par l’analyse par spectroscopie de résonance magnétique du phosphore 31 du métabolisme musculaire [2]. Avec cette technique, il a été montré que certaines anomalies fonctionnelles typiques des sujets MH étaient également observées chez les sujets CCE [2], bien que les résultats dans ce domaine restent conflictuels [54]. En fait, pendant longtemps, on a douté qu’une canalopathie ionique caractérisée puisse avoir pour traduction clinique un accident aussi polymorphe et fluctuant que le CCE [7]. En effet, la mutation de RyR1 observée chez le porc provoque une extrême sensibilité des animaux à l’halothane. Chez ces animaux, la crise d’hyperthermie maligne peut également être déclenchée par le stress ou l’exercice physique intense ce qui n’est pas observé chez l’homme. L’analyse de la situation à l’échelon moléculaire permet d’apporter des éléments de réponse à cette discordance. L’édifice macromoléculaire libérant le calcium du réticulum sarcoplasmique au moment du couplage excitation–contraction comporte plusieurs protéines dont les plus importantes sont RyR1, DHPr et FKBP12 (Fig. 2). L’analyse de la position des mutations recensées sur ces protéines montre que la zone de jonction entre RyR1 et DHPr est un point critique [42]. Il est cependant licite de penser qu’une mutation, selon l’acide aminé qu’elle touche, puisse avoir un retentissement différent sur la
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Fig. 2. Vue schématique (d’après Monnier et Lunardi, 2001) de l’interaction récepteur à la ryanodine-1 (RyR1)-récepteur aux dihydropyridine (DHPr), au niveau des triades de la membrane sarcolemmale, qui forme le substratum du couplage excitation–contraction : l’influx nerveux transmis à la membrane sarcolemmale au niveau de la plaque motrice est conduit par les tubules T vers des zones profondes des fibres musculaires puis par l’intermédiaire du complexe appareil triadique à l’intérieur des cellules. Là, il déclenche l’ouverture du canal calcique spécifique du réticulum sarcoplasmique (RS) RyR1. Le calcium, en très forte concentration dans le RS, est alors massivement libéré dans l’espace intracellulaire où il exerce ses effets mécaniques et métaboliques. RyR1 est un énorme édifice homotétramérique stabilisé par des protéines accessoires cytosoliques, comme FKBP12 et intracisternales. Le gène de RyR1 est le plus long gène connu de l’organisme (plus de 5000 paires de base, 106 exons). L’hyperthermie maligne peranesthésique résulte le plus souvent d’une mutation de RyR1, en général dans sa partie cytosolique en rapport avec DHPr, mais dans au moins un cas il a été observé que la pathologie était liée à une mutation de DHPr.
stabilité de la protéine touchée aboutissant à une expression clinique différente. C’est peut-être un mécanisme de ce type qui explique les différences de sensibilité des patients HM au test IVCT. De plus, il faut tenir compte de l’environnement de cet édifice. En effet, celui-ci peut avoir une influence sur la stabilité de RyR1 à travers son action sur FKBP12, une protéine dont la liaison avec RyR1 modifie sa conductance. C’est peut-être par un mécanisme de ce type qu’il faut expliquer l’effet du monoxyde d’azote (NO·) sur la fonctionnalité du récepteur à la ryanodine dans la fibre musculaire striée [58,62]. Comme la forme inductible des NOS est exprimée dans les fibres musculaires striées (voir [20,38] et plus loin) quand elles sont stimulées par les cytokines pro-inflammatoires [68] que le tissu musculaire squelettique produit en cas d’exercice intense et prolongé [52], il est possible que dans certaines situations d’exercice la fonctionnalité de RyR1 soit anormale, aboutissant à une anomalie de la régulation des flux de calcium dans la cellule musculaire active. On voit ainsi se dessiner un tableau dans lequel l’association d’une mutation infraclinique et des conditions mêmes de l’exercice pourrait faire passer le fonctionnement du couplage excitation–contraction d’un mode physiologique à un mode pathologique. Dans ces conditions, le retentissement fonctionnel effectif de la mutation causale, en soi éventuellement très variable d’un sujet à l’autre, serait très dépendant de l’écologie de la protéine impliquée. Un tel phénomène pourrait expliquer l’hétérogénéité des tableaux cliniques et
des conditions de survenue. En tout état de cause, il justifie la biopsie musculaire dans les cas de coup de chaleur grave. Cependant, les facteurs immuno-inflammatoires ont bien d’autres sources et d’autres points d’impact que la fibre musculaire striée. 3.2. Le système immuno-inflammatoire dans le coup de chaleur d’exercice 3.2.1. La sphère hépatosplanchnique Il est maintenant établi qu’au cours des exercices physiques intenses et prolongés, les phénomènes de redistribution sanguine au territoire musculaire et cutané et de diminution du volume plasmatique, liée à la déshydratation, induisent une diminution du débit splanchnique (DSS). Celle-ci peut maintenant être mesurée avec une relative précision chez l’homme, ce qui permet de vérifier qu’elle est précoce [51,55] et peut-être suffisamment importante pour avoir un retentissement fonctionnel sur le métabolisme hépatique. Elle est observée pour des exercices modérés ; ainsi Perko et al. ont rapporté que le DSS baissait de façon très significative pour des exercices n’induisant pas une augmentation de la fréquence cardiaque au-dessus de 90 battements/minute [55]. Il est très probable que dans certaines conditions, cette diminution de DSS provoque une altération fonctionnelle de la paroi intestinale [32,34,53] à l’origine de la translocation dans la circulation sanguine de fragments bactériens norma-
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lement cantonnés à la lumière intestinale, en particulier les lipopolysaccharides (LPS) ou endotoxines [4] ; un effet qui est aggravé par l’hyperthermie [25,45]. Les LPS sont de très puissants inducteurs inflammatoires, stimulant directement les cellules immunocompétentes et en particulier l’important contingent de macrophages fixés dans le foie : les cellules de Küpffer. Il a d’ailleurs été montré que l’injection d’anticorps anti-LPS améliorait la survie de primates exposés à un coup de chaleur [24]. Cela avait conduit Moseley et Gisolfi à formuler l’hypothèse endotoxinémique du CCE en 1993 [44] repris et étendu à tous les coups de chaleur par Bouchama et
Knochel plus récemment [5] (Fig. 3). Le phénomène d’endotoxinémie induite par l’exercice a été depuis confirmé [34,53] et complété par la description du phénomène d’ischémie–reperfusion hépatique qu’un bas débit splanchnique est susceptible de provoquer [23], puis par celle du rôle du monoxyde d’azote et de l’interleukine-6 [34,45], dans les effets tissulaires observés. 3.2.2. Place du monoxyde d’azote Nombre de phénomènes biologiques impliquent le monoxyde d’azote (NO) dont au moins 3 d’entre eux concernent
Fig. 3. L’exposition prolongée à un environnement trop chaud ou bien par un exercice physique intense et prolongé induit des processus physiologiques adaptatifs qui pourrait, dans certaines conditions non encore explicitées, évoluer vers un « processus physiopathologique » aboutissant à une endotoxémie aggravée conduisant aux manifestations cliniques des coups de chaleur (voir texte).
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directement la physiopathologie du coup de chaleur. Le NO est un composé radicalaire, chimiquement agressif à concentration élevée, produit par 3 types d’enzymes distinctes (NO synthase ou NOS, pour revue voir [14,60]). Deux d’entre elles sont constitutives (cNOS), elles produisent du NO de façon régulée dans des cellules utilisant cette molécule pour transmettre une information sur un mode autacoïde, le troisième type enzymatique de NOS est une forme inductible (iNOS, type II) dont l’expression est étroitement contrôlée et qui produit du NO en grande quantité dès que l’enzyme est transcrite. Cette forme est présente dans un certain nombre de types cellulaires, dont celles à fonction de scavenger (macrophages circulants ou fixés, microglie, etc.) où le NO est produit pour ses propriétés toxiques. Le NO est impliqué dans la thermorégulation tant au niveau central qu’au niveau périphérique [14]. Son action centrale globale semble plutôt orientée vers la thermolyse, mais il est légitime de penser que son mode d’action volumique lui donne un rôle de type plutôt permissif par opposition à celui des neurotransmetteurs classiques. Son action périphérique est étroitement dépendante du type cellulaire où elle s’exprime : ainsi le NO participe à la thermolyse à travers son action vasodilatatrice cutanée, mais a également une action importante dans la thermogenèse de la graisse brune, chez le
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rongeur de laboratoire [14]. Dans le cadre du coup de chaleur, le NO pourrait avoir un potentiel favorable lorsqu’il est libéré de façon régulée, mais induire des lésions dès lors qu’il est libéré de façon non régulée. Ainsi, l’inhibition des NOS vasculaires entraîne un forte vulnérabilité à la chaleur en dépit d’une faible activité hypothermiante [11] alors que le blocage des NOS inductibles après le coup de chaleur accélère la défervescence [14]. Il semble donc que la fonctionnalité du NO doive être analysée non pas en fonction de la quantité de transmetteur mais en fonction de son origine, de son mode de libération et du moment où il est libéré. Le même potentiel du NO, favorable quand il entre dans le cadre du contrôle physiologique fonctionnel, mais pathogène dans le cadre inflammatoire est également observé au niveau musculaire [20] et au niveau de la sphère hépatosplanchnique [29]. Ces éléments suggèrent une participation directe du NO dans le coup de chaleur dans la mesure où le contrôle local de sa production, tant au niveau hépatosplanchnique que central [14,59,60], semble avoir un rôle clé : produit en quantité très contrôlée par les formes constitutives pour satisfaire aux besoins locaux (débit sanguin, fonctionnalité tissulaire spécifique, etc.) le débordement de sa production par emballement inflammatoire (Fig. 4) pourrait constituer le facteur
Fig. 4. Un échange d’informations est assuré à l’état physiologique par les cytokines pro-inflammatoires (IL-6, IL-1b et TNFa) et le monoxyde d’azote (NO·), entre les cellules assurant la spécificité d’un organe (neurone dans le tissu cérébral, fibre musculaire striée dans le tissu musculaire, hépatocyte dans le foie) et ses cellules de soutien (cellules endothéliales, cellules gliales...). Cet échange est nécessaire au maintien de la fonctionnalité des cellules à un niveau optimal ; dans ce cadre (A), les cytokines et le NO sont produits et agissent localement sur un mode autacoïde. Un tel échange existe aussi avec le contingent de cellules immunocompétentes fixées (microglie dans l’encéphale, cellules de Küpffer dans le foie), en particulier dans le cadre des réactions adaptatives à un environnement local contraignant. Dans cette situation (B), le monoxyde d’azote peut être produit par les cellules scavengers pour ses propriétés radicalaires. Quand de tels phénomènes sont distribués à l’ensemble de l’organisme, ils peuvent aboutir à une production généralisée d’intermédiaires de l’inflammation qui agissent alors à distance et pourraient produire le basculement d’un état de réaction physiologique dans un état physiopathologique général (C).
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amorçant un cercle vicieux aboutissant aux lésions tissulaires, caractéristiques du coup de chaleur d’exercice grave. Il faut cependant rester prudent. En effet, la constitution d’un état inflammatoire généralisé est observée dans les exercices intenses prolongés sans retentissement pathologique, d’une part et peut n’apparaître qu’au second plan dans certains cas cliniques de CCE, d’autre part. Cela donne au syndrome inflammatoire le même statut causal qu’à l’hyperthermie. Des investigations complémentaires sont donc nécessaires pour préciser les mécanismes en cause. 3.3. Rôle du système nerveux central dans le coup de chaleur d’exercice Plusieurs mécanismes non mutuellement exclusifs ont été suggérés. Ils reposent sur la relation unissant au niveau cérébral métabolisme et fonction et se fondent sur les relations qui existent entre apport énergétique au cerveau pendant le coup de chaleur et élimination locale de la chaleur. Lors du choc cardiovasculaire accompagnant le coup de chaleur, Lin et al. ont montré sur des modèles animaux [21,33,36,37] que la conjonction d’une diminution de la pression artérielle systémique et d’une augmentation des résistances vasculaires liée à un œdème cérébral aboutissait à une diminution dramatique des apports énergétiques au cerveau [36,61]. Cette réduction des apports s’accompagne d’une modification du métabolisme énergétique. Les expérimentations menées chez l’homme à l’exercice, bien que réalisées dans des conditions moins drastiques que celles faites chez l’animal, montrent que le métabolisme cérébral (consommation d’oxygène et de glucose) n’est pas altéré alors que le débit sanguin cérébral peut avoir diminué de 20 % [48]. Cela suggère que la chute de métabolisme est réellement terminale. Celle-ci est aggravée par l’augmentation de la demande métabolique liée à l’effet d’entraînement thermodynamique. De surcroît, une réduction de l’élimination calorique du cerveau en situation de CCE doit également être envisagée, comme le suggèrent Nybo, Nielsen et al. [46,48,49] qui ont étudié chez l’homme le retentissement central des exercices physiques intenses et prolongés effectués en environnement contraignant. Pour ces auteurs, la principale cause de la diminution du débit sanguin cérébral observée chez l’homme au laboratoire, donc en dehors de tout retentissement pathologique, pourrait être la diminution de PaCO2 liée à l’hyperventilation relative constamment observée quand l’exercice physique est intense. Cela pourrait avoir un retentissement sur l’équilibre thermique du cerveau, puisque le flux sanguin cérébral est la principale voie d’évacuation de la chaleur de l’encéphale [49]. Un tel phénomène pourrait expliquer les observations de Maloney et al. (2002) faites en environnement naturel chez la gazelle Oryx gazella qui présente systématiquement une température cérébrale supérieure à Tco au cours de la course [39]. La température locale qui pourrait intervenir en niveau, interviendrait alors aussi en tolérance fonctionnelle. Ainsi, il a été montré que l’exercice physique intense provoquait la production au niveau hépatosplanchnique [22]
et central [64,65] de protéines de choc thermique (Heat Shock Proteins, HSP70) protectrices contre le risque de coup de chaleur [71]. Or, il a été récemment décrit la production d’anticorps anti-HSP chez les sujets CCE [65,69], semblet-il en proportion de la gravité de l’accident. Cela constitue de ce point de vue une voie de recherche sur les modalités de la tolérance aux hyperthermies qu’il faut poursuivre. Le cerveau, depuis les progrès de la neuropsychoimmunologie est considéré comme étroitement lié au reste du corps. On considère ainsi, que même si la sphère hépatosplanchnique est le principal lieu où sont produites les cytokines pro-inflammatoires, celles-ci sont susceptibles de retentir sur le fonctionnement du système nerveux central, en particulier sur les centres de la thermorégulation principalement localisés dans l’aire médiane pré-optique (Ampo) de l’hypothalamus. Comment ces protéines agissent-elles ? Trois possibilités non exclusives sont actuellement en discussion : • les cytokines empruntent la « voie humorale », le passage dans l’espace extracellulaire intracérébral se faisant par voie nerveuse à partir de la lame terminale de l’organum vasculosum (OVLT), une aire cérébrale dépourvue de barrière hémato-encéphalique située au niveau du troisième ventricule, à proximité immédiate de l’Ampo. Ce processus est lent, difficilement compatible avec une dérégulation s’installant en quelques (dizaines de) minutes, comme cela est le plus souvent observé dans le CCE ; • l’information immunologique peut atteindre le cerveau directement par voie nerveuse. Au cours de la dernière décennie, plusieurs équipes ont montré qu’à travers un mécanisme substance P-dépendant, l’information véhiculée par l’IL-1b pouvait être transmise directement par les terminaisons sensorielles vagales sousdiaphragmatiques (pour revue voir [3,66] vers le noyau du tractus solitaire où elles sont relayées vers l’hypothalamus (aires pré-optiques et paraventriculaires en particulier). Il s’agit là d’un mécanisme potentiellement beaucoup plus rapide mais dont l’incidence reste méconnue dans le CCE ; • et l’information immunologique peut être directement générée au niveau du système nerveux central. Ainsi, a-t-il été décrit une production in situ intracérébrale d’IL-6 lors d’exercices prolongés [50]. Cela pourrait sans doute expliquer l’intense expression de cytokines pro-inflammatoire dans le système nerveux central de rats au décours immédiat du coup de chaleur [36]. D’autres mécanismes centraux peuvent jouer un rôle important dans le coup de chaleur d’exercice, au premier rang desquels la sensibilité du réseau glutamatergique (le glutamate est le principal neurotransmetteur central excitateur) aux conditions de fonctionnement du système nerveux central dans les minutes qui précèdent ou accompagnent l’accident [9,35,41]. L’un des récepteurs du glutamate, le récepteur NMDA, intervient de façon importante dans la thermorégulation et de façon probablement reliée au métabolisme cellulaire [10]. Son inhibition pharmacologique en ambiance
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Fig. 5. Schéma intégré de la physiopathologie du CCE, dans lequel les effets locaux décrits dans la Fig. 4 interagissent entre eux. Au cours de l’exercice physique intense, une redistribution du flux sanguin vers les muscles actifs, pour des raisons métaboliques et vers la peau, pour des raisons thermolytiques, peut provoquer une diminution du débit sanguin splanchnique suffisante pour induire des anomalies fonctionnelles de la muqueuse entérocolique [1], voire lésionnelles si ce phénomène s’accompagne d’une importante production de radicaux libres (O·). Ces altérations sont susceptibles d’augmenter la perméabilité de la muqueuse aux bactéries et aux endotoxines (LPS) entéroluminales qui : • stimulent le contingent de cellules immunocompétentes tissulaires ; • et/ou sont drainées dans les ganglions mésentériques et dans la circulation portale. Au niveau du foie [2], les bactéries et LPS sont captées par les cellules de Küpffer qui produisent alors les mêmes cytokines de réponse inflammatoire qu’au niveau intestinal : interleukine-1b (Il-1b) et du Tumor Necrosis Factor Alpha (TNFa) ; ces cytokines pourraient alors être libérées dans la circulation générale de façon importante. Au niveau musculaire [3], les conditions de fonctionnement des fibres musculaires striées sont profondément modifiées au cours d’un exercice physique intense et prolongé, ce qui pourrait chez certains sujets porteurs d’une myopathie infraclinique déclencher un processus d’emballement métabolique augmentant considérablement la quantité de chaleur produite par les muscles actifs et transférée au reste de l’organisme (hypothèse myopathique du CCE, voir texte). De plus, il est démontré que les muscles actifs produisent de l’interleukine-6 en quantité suffisante pour réorienter le métabolisme hépatique vers la néoglucogenèse et la réponse de phase aiguë. Que ce soit du fait d’une production endo-entérocolique, hépatique ou musculaire, les concentrations plasmatiques de cytokines pro-inflammatoires et parfois de LPS peuvent augmenter de façon très notable [4], suffisamment pour avoir un retentissement sur des fonctions nerveuses centrales [5] (thermorégulation, fonctions cognitives). Le SNC pourrait être informé directement de l’activation immuno-inflammatoire abdominale par le vague sous-diaphragmatique [6]. La cinétique d’apparition de ces différents facteurs, comme leurs éventuelles interactions, ne sont pas encore clairement déterminées. Il semble que dans tous les tissus cités, le monoxyde d’azote (NO·), intermédiaire cytotoxique produit par les cellules immunocompétentes activées, ait un rôle péjoratif quand il est produit en abondance par la forme inductible de la NO synthase (voir texte).
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chaude conduit à l’instauration d’un coup de chaleur [12]. Cet état pourrait refléter la réalité puisque l’exposition à la chaleur conduit à la réduction de son expression dans le cerveau [35]. On peut donc penser que dans les conditions du CCE, un dysfonctionnement central peut affecter la thermorégulation (et pourquoi pas les centres neuronaux de contrôle de la pression artérielle ?) pendant l’exercice physique et participer ainsi à l’aggravation d’un phénomène pathologique en train de se mettre en place. Par ailleurs, dans les phases ultimes du coup de chaleur, un déséquilibre métabolique lié à l’association d’une augmentation de la demande et d’une réduction des apports crée un état de pénombre, voire d’ischémie en phase toute terminale [21,36,37]. Dans de telles conditions, il est observé une augmentation importante de la concentration extracellulaire de glutamate, ainsi que du monoxyde d’azote [13,59,60]. Ces conditions ultimes pourraient intervenir dans l’apparition des lésions cérébrales du coup de chaleur [9,67]. Tout cela se ramène en fait à un défaut de tolérance central dont l’origine est très multifactorielle et fait vraisemblablement intervenir de nombreux modulateurs de l’activité cérébrale connus [47,60,61] ou restant à expliciter [63] voire à découvrir.
sont les aspects cinétiques de l’enchaînement des évènements biologiques impliqués dans le CCE qui doivent être compris pour mettre en pratique les avancées thérapeutiques. Remerciements Les auteurs remercient vivement les Prs J. Lunardi et J.F. Payen pour leurs très utiles commentaires et Mlles N. Fidier et C. Chevrier et Mmes A. Roux, D. Popieul et F. Raffin pour leur aide inestimable dans la réalisation des études citées dans cet article. Les travaux rapportés n’auraient pu avoir lieu sans l’aide financière de DGA/DSP/STTC et la DCSSA. Références [1]
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4. Conclusion : pour une vision intégrée des mécanismes pathogéniques
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Les différents mécanismes pathogéniques présentés cidessus sont très complémentaires. En effet, un sujet présentant une myopathie infraclinique amenant une augmentation brutale du niveau de l’hyperthermie à un certain moment d’un exercice physique intense et prolongé a probablement beaucoup plus de chances de faire un coup de chaleur s’il présente aussi un dysfonctionnement cérébral, que celui-ci soit induit par une endotoxémie importante ou par une cause locale. En fait, le caractère pléïotropique de l’action des intermédiaires immuno-inflammatoires permet d’imaginer que c’est l’accumulation des productions locales, individuellement banales, qui produirait le débordement des capacités de contrôle de l’organisme dans son ensemble (Figs. 4 et 5). Cette hypothèse qui réconcilie les différents tableaux cliniques du CCE ainsi que la place des facteurs favorisants, s’appuie sur la démonstration de l’importance du phénomène inflammatoire dans l’évolution immédiate du coup de chaleur. Des éléments de découverte récente, comme la sensibilité du contrôle du débit sanguin splanchnique en situation de demande (exercice physique, hyperthermie), l’importance du monoxyde d’azote, le rôle sensoriel du système nerveux autonome, l’ubiquité de la production des messagers proinflammatoires, permettent de mieux comprendre le génie évolutif de cet accident, y compris au plan des fonctions supérieures. Ont-ils le temps de se mettre en place au cours des quelques dizaines de minutes d’exercice qui précèdent le coup de chaleur d’exercice, pour expliquer les défaillances neurologiques observées et en particulier celle de la thermorégulation ? C’est ce qu’il faut étudier maintenant, puisque ce
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