La composition du microbiote intestinal varie au cours du temps. À la naissance le tube digestif du nouveau-né est stérile mais dès que les membranes fœtales sont rompues la colonisation bactérienne commence au contact de la flore vaginale. Le mode d’accouchement, d’allaitement, l’environnement, la prise éventuelle de médicaments puis la diversification alimentaire influencent la colonisation bactérienne chez le nourrisson. La composition du microbiote intestinal se complexifie progressivement jusqu’à l’âge de 3 ans où il est alors de composition identique au microbiote intestinal de l’adulte et reste alors stable. La composition peut varier transitoirement au cours de la vie en fonction des conditions extérieures (régime alimentaire, infections virales ou bactériennes, prise d’antibiotiques). Le microbiote tend à revenir à son état initial en 1 à 2 mois après des perturbations ce qui est appelé la capacité de résilience.
Principales fonctions du microbiote intestinal Le microbiote intestinal exerce de nombreuses fonctions dont les répercussions pour l’hôte sont pour la plupart bénéfiques. Le microbiote intestinal exerce des fonctions métaboliques essentielles. La digestion des fibres alimentaires (non digérées par l’hôte) par le microbiote libère des acides gras à courte chaîne (importante source d’énergie) et des vitamines et la digestion des protéines libèrent des peptides et acides aminés essentiels. Le microbiote intestinal exerce également différentes fonctions de défense au niveau du tube digestif assurant un effet barrière en s’opposant à l’implantation et à la multiplication des bactéries pathogènes exogènes. À l’état stable, l’équilibre des différentes populations permet le maintien de cet effet protecteur qui s’exerce par de nombreux mécanismes et interactions avec les composants de la barrière épithéliale intestinale. Par un effet spécifique de certaines bactéries sur les cellules T, le microbiote intestinal participe à la maturation du système immunitaire au début de la vie et joue un rôle au niveau de l’immunité mucosale.
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formation |synthèse
Récemment, diverses études ont montré que certaines bactéries du microbiote intestinal optimisent les chimiothérapies à base de cyclophosphamide utilisées dans le traitement de certains cancers (mélanomes, cancers du sein). Ce traitement entraîne une plus forte porosité de la barrière intestinale permettant le passage de bactéries du microbiote dans la circulation ce qui déclenche une réponse immunitaire pouvant entraîner la destruction des cellules tumorales. La muqueuse intestinale et le microbiote représentent un écosystème complexe qui est, en conditions physiologiques, dans un état d’homéostasie malgré les différentes agressions qu’il subit. | Déclaration d’intérêt : l’auteur déclare ne pas avoir de liens d’intérêts en relation avec cet article.
CHANTAL BERTHOLOM Professeur de microbiologie École nationale de physique-chimie-biologie – Paris
[email protected] source D’après une communication de P. Lepage – Jouy-en-Josas 1re Journée du Groupe français de transplantation fécale 16 juin 2017- Paris
Le microbiote intestinal : implication en pathologie Si le microbiote intestinal exerce de nombreuses fonctions dont les répercussions pour l’hôte sont pour la plupart bénéfiques, un microbiote déséquilibré pourrait favoriser le développement d’états pathologiques. Ce déséquilibre est appelé dysbiose.
Une dysbiose peut résulter de l’excès de microorganismes délétères et / ou de l’insuffisance de microorganismes bénéfiques à l’hôte. Beaucoup d’évènements extérieurs (infections virales, bactériennes ou parasitaires, changement brutal d’environnement ou d’alimentation, certains médicaments, diverses maladies) peuvent perturber l’équilibre du microbiote intestinal et entraîner une dysbiose.
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Dysbiose et maladies inflammatoires chroniques intestinales (MICI) La maladie de Crohn et la rectocolite hémorragique sont des MICI qui résultent d’une réaction inflammatoire et immune inadaptée et de dysbiose du microbiote intestinal. Dans les MICI le microbiote est instable avec baisse de la biodiversité, augmentation du nombre des espèces bactériennes pro-inflammatoires (entérobactéries) et réduction du nombre
OptionBio | septembre 2017 | n° 567-568
| Variété de bactéries fécales intestinales.
synthèse
des firmicutes notamment une diminution du groupe Clostridium leptum et particulièrement au sein de ce groupe de Faecalibacterium prausnitzii, espèce bactérienne à effet anti-inflammatoire.
Microbiote et pathologies extra-intestinales La cause de la spondylarthrite ankylosante (SPA) reste largement méconnue, l’hérédité y tenant une place importante pouvant rendre compte de 90 % de son déterminisme. Des travaux récents plaident pour un rôle du microbiote intestinal dans la pérennisation de la réponse inflammatoire chronique au cours de la SPA. Le microbiote intestinal aurait un rôle d’inducteur d’une inflammation de la muqueuse intestinale ainsi que des structures articulaires du fait de la diffusion vers ces der-
| formation
nières soit de constituants microbiens à la faveur d’une augmentation de la perméabilité de la muqueuse soit des cellules responsables de la réponse immunitaire comme les lymphocytes T. Le microbiote intestinal est également de plus en plus considéré comme un facteur environnemental contribuant aux maladies cardiovasculaires (athérosclérose), à l’obésité et au diabète. Le catabolisme de la choline issue des phospholipides d’origine alimentaire par le microbiote intestinal libère de la triméthylamine (TMA) entièrement absorbée et oxydée en TMA oxydée (TMAO) dans le foie. Le TMAO est un composé associé à un plus fort risque de maladie cardiovasculaire chez l’homme. La quantité de phospholipides consommés et la capacité plus ou moins forte du microbiote intestinal à convertir la choline en TMA pourraient être deux facteurs déterminants dans le développement de l’athérosclérose.
Interaction microbiote-cerveau
| Représentation de la maladie de Crohn.
L’implication du microbiote dans la physiologie du système nerveux central est un domaine d’étude récent mais un nombre croissant de données expérimentales nourrissent cette hypothèse. La grande majorité des molécules libérées par le microbiote intestinal dans la circulation sanguine est constituée par les métabolites fermentaires. Un déséquilibre microbien peut entraîner l’accumulation de ces métabolites qui deviennent alors toxiques pour l’organisme et peuvent perturber le fonctionnement cérébral. Le tryptophane, acide aminé essentiel, est un précurseur de nombreuses molécules neuroactives. Il peut parvenir sous la forme de protéines ou peptides non dégradés dans la partie distale du tube digestif où se concentre le microbiote. Il peut alors être dégradé en indole puis transformé dans le foie en dérivés oxydés ayant pour certains des propriétés neuroactives.
Conclusion Le microbiote intestinal, dépendant de notre génétique et de notre environnement à un rôle clé dans la physiologie en général et est impliqué dans la pathogénèse de différentes pathologies intestinales et extra-intestinales. |
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Déclaration d’intérêt : l’auteur déclare ne pas avoir de liens d’intérêts en relation avec cet article.
CHANTAL BERTHOLOM Professeur de microbiologie École nationale de physique-chimie-biologie – Paris
[email protected] source D’après une communication de H. Sokol – Paris 1re Journée du Groupe français de transplantation fécale 16 juin 2017 – Paris
OptionBio | septembre 2017 | n° 567-568
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