Le niveau d’irradiation lors de l’usage de l’amplificateur de brillance peut-il être évalué en chirurgie traumatologique mini-invasive ?

Le niveau d’irradiation lors de l’usage de l’amplificateur de brillance peut-il être évalué en chirurgie traumatologique mini-invasive ?

Revue de chirurgie orthopédique et traumatologique (2011) 97, 644—651 MISE AU POINT Le niveau d’irradiation lors de l’usage de l’amplificateur de bri...

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Revue de chirurgie orthopédique et traumatologique (2011) 97, 644—651

MISE AU POINT

Le niveau d’irradiation lors de l’usage de l’amplificateur de brillance peut-il être évalué en chirurgie traumatologique mini-invasive ?夽 Can fluoroscopy radiation exposure be measured in minimally invasive trauma surgery? A. Roux a,∗, N. Bronsard a, N. Blanchet b, F. de Peretti a a b

Service de traumatologie et d’orthopédie, hôpital Saint-Roch, CHU de Nice, 5, rue Pierre-Dévoluy, 06000 Nice, France Service de médecine du travail, hôpital Saint-Roch, CHU de Nice, 5, rue Pierre-Dévoluy, 06000 Nice, France

Acceptation définitive le : 5 avril 2011

MOTS CLÉS Radiation ; Ostéosynthèse ; Orthopédique

Résumé L’utilisation répétée des rayons X en chirurgie orthopédique pose le problème de l’irradiation du malade et du personnel soignant. Sept interventions chirurgicales de traumatologies osseuses courantes mini-invasives nécessitant l’utilisation d’un amplificateur de brillance ont été retenues : l’ostéosynthèse du poignet par embrochage percutané, l’ostéosynthèse mini-invasive du poignet par plaque antérieure, l’enclouage percutané du tibia et du fémur, l’ostéosynthèse des fractures trochantériennes et sous-trochantériennes par clou tronchantérien court et long, l’ostéosynthèse percutanée des fractures thoracolombaires. L’étude porta sur l’analyse de trois paramètres : le produit dose surface (PDS), la durée de l’irradiation et la dose à la surface d’entrée (De). Les données recueillies proviennent de 15 procédures successives pour chacune des interventions. Le but de l’étude fut d’établir une base de données pour les interventions de traumatologie osseuse de ce type et d’établir une hiérarchie de la quantité de rayons X délivrée. L’ostéosynthèse percutanée du rachis fut l’intervention la plus irradiante suivi de fac ¸on décroissante par le clou trochantérien long, le clou de fémur, le clou trochantérien standard, le clou de jambe, les broches de poignet et la plaque antérieure de poignet. Un acte de clou trochantérien court délivre le même PDS que 13 actes d’embrochage

DOI de l’article original : 10.1016/j.otsr.2011.03.024. Ne pas utiliser, pour citation, la référence franc ¸aise de cet article, mais celle de l’article original paru dans Orthopaedics & Traumatology: Surgery & Research, en utilisant le DOI ci-dessus. ∗ Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (A. Roux). 夽

1877-0517/$ – see front matter © 2011 Publi´ e par Elsevier Masson SAS. doi:10.1016/j.rcot.2011.07.012

Évaluation irradiation fluoroscopie per-opératoire

645

du poignet et une procédure d’ostéosynthèse rachidienne est équivalente à 13 actes de clou trochantérien court, c’est-à-dire 174 actes d’embrochages du poignet. La région anatomique radiographiée semble être le principal facteur de majoration de l’irradiation. Nous avons pu établir une base de données mais nous ne connaissons pas l’irradiation réelle du patient et du personnel. Niveau de preuve. — III : cas témoin. © 2011 Publi´ e par Elsevier Masson SAS.

Introduction Une prise de conscience collective se développe sur la nocivité des rayonnements ionisants médicaux et sur les rayons X émis par les amplificateurs de brillance. Tout rayonnement ionisant peut avoir un effet délétère à moyen et long terme sur un organisme en fonction de la dose émise et de l’organe receveur. On peut considérer que le patient court un faible risque supplémentaire dû à l’irradiation nécessaire à l’ostéosynthèse de sa où ses fractures [1]. Cela est encore plus réel pour le personnel médical et paramédical qui est soumis quotidiennement à ce rayonnement. En France, l’arrêté du 22 septembre 2006 du ministère de la Santé et des Solidarités relatif aux informations dosimétriques devant figurer dans un compte-rendu d’acte utilisant les rayonnements ionisants [2] stipule la nécessité de laisser une trace dans le dossier patient pour chaque acte de radiologie. Seule une personne ayant validé la formation de radioprotection peut manipuler un amplificateur de brillance au bloc opératoire depuis l’arrêté du 18 mai 2004 du ministère de la Santé et de la Protection sociale relatif aux programmes de formation portant sur la radioprotection des patients exposés aux rayonnements ionisants [3]. Une réelle volonté d’évaluer les rayonnements rec ¸us lors des actes médicaux tant pour le patient que pour le personnel soignant est instaurée. La médecine du travail effectue un suivi du personnel à l’aide de dosifilm ou de dosimètre. La littérature internationale est pauvre sur le risque encouru par les chirurgiens orthopédistes et le personnel [4—6]. Paradoxalement, les techniques mini-invasives avec contrôle par amplificateur de brillance sont de plus en plus utilisées, aussi bien en traumatologie qu’en orthopédie. Le but de cette étude fut d’établir une base de données sur la mesure de l’irradiation X pour les interventions de traumatologie osseuse mini-invasives, réalisées de manière courante dans notre bloc opératoire et d’établir une hiérarchie de la quantité de rayons X délivrée.

Matériel Sept interventions courantes de traumatologie osseuse mini-invasives au CHU de Nice nécessitant l’utilisation de fluoroscopies peropératoires ont été choisies. Ces interventions furent les suivantes :

• l’ostéosynthèse du poignet par embrochage percutané par une à deux broches dorsales à la manière de Kapandji et une broche styloïdienne à la manière de Castaing ; • l’ostéosynthèse mini-invasive du poignet par plaque antérieure type DRP 2.4TM de chez Synthes (Synthes France 1078 avenue Oehmichen BP 21019 25461 Etupes cedex) ; • l’enclouage percutané du tibia et du fémur sur table orthopédique avec traction transosseuse : transcalcanéenne pour le tibia et transtibiale proximale pour le fémur sans ancillaire pour le verrouillage distal avec le clou S2TM de chez Stryker (Stryker France ZAC, avenue de Satolas Green, 69330 Pusignan) ; • l’ostéosynthèse des fractures trochantériennes par clou tronchantérien court percutané sur table orthopédique avec traction dans la chaussure et l’ostéosynthèse des fractures sous-trochantériennes par clou tronchantérien long percutanné sur table orthopédique avec traction dans la chaussure sans ancillaire de verrouillage distal avec le clou gamma standardTM et longTM de chez Stryker (Stryker France ZAC, avenue de Satolas Green, 69330 Pusignan) ; • l’ostéosynthèse percutanée des fractures thoracolombaires. Les patients ont été opérés avec un ancillaire de visée percutanée permettant la mise en place de quatre à six vis en fonction du type de fracture et de deux tiges de type CD horizon sextant IITM de chez Medtronic (Medtronic France, 122, avenue du Général-Leclerc, 92514 BoulogneBillancourt cedex). Nous avons enregistré de fac ¸on prospective à partir du premier novembre 2008 les données pour 15 procédures successives de chaque type d’intervention, ce qui représente 105 patients. Les 15 ostéosynthèses rachidiennes ont été réalisées par un opérateur dédié et entraîné. Toutes les autres interventions furent réalisées par un unique opérateur.

Méthode Nous avons étudié trois paramètres d’irradiations par rayons X: • le produit dose surface (PDS) en milligray (mGy) cm2 qui est calculé à partir des paramètres d’acquisition mesuré par un calculateur de dose intégré dans l’amplificateur de brillance au niveau du générateur de rayons X. L’installation possède différentes courbes de PDS qui sont fonction des kilovolts (tension), des milliampères

10 347 1916—28 816 1843 378—3517 1197 397—2215 794 306—1754 238 114—574

Enclouage trochantérien long Enclouage fémur Enclouage trochantérien standard Enclouage tibia Embrochage de poignet

59,6 8—104 38,4 8—74

• ostéosynthèse percutanée du rachis dorsolombaire qui fut l’intervention la plus irradiante avec un PDS total moyen de 10 347 mGy/cm2 (allant de 1916 à 28 816), une De totale moyenne de 51,5 mGy (allant de 13,2 à 135) et une durée de l’irradiation moyenne de 158 secondes (allant de 46 à 388) ; • enclouage trochantérien long ; • enclouage de fémur ; • enclouage trochantérien standard (court) ; • enclouage de tibia ;

PDS total moyen Extrêmes

Les résultats des trois différents paramètres (PDS total, De totale et durée de l’irradiation) étudiés sont reportés sur les Tableaux 1—3. En fonction de l’irradiation délivrée, nous retrouvons dans l’ordre décroissant :

Ostéosynthèse antérieure de poignet

Résultats

Valeur moyenne des produits dose surface (PDS) totaux en mGy/cm2 .

Toutes les interventions ont été réalisées avec le même amplificateur de brillance, OEC 9800 plusTM de chez Général Electric (General Electric France, immeuble Défense Plaza, 23-27, rue Delarivière-Lefoullon, 92800 Puteaux Nanterre).

Tableau 1

(intensité) et de l’ouverture du collimateur (champ du rayon). À ces courbes, une correction de filtration est appliquée. Ainsi, le PDS total délivré pour chaque intervention est donné directement par l’amplificateur de brillance ; • la dose à la surface d’entrée (De) en mGy qui est obtenue en divisant le PDS par la surface du faisceau sur le patient, le tout multiplié par un facteur de rétrodiffusion qui est de 1,35 (De = (PDS/surface du faisceau)*1,35). Le facteur de rétrodiffusion est de 1,35 car l’amplificateur de brillance utilisé possède comme spécificité un tube à rayons X de 125 kV maximum avec un foyer de 0,3. La De donne la quantité de rayons à la peau du patient et donc, par soustraction au PDS, donne la quantité de rayons qui diffusent dans la salle opératoire. La surface du faisceau a été estimée par les auteurs pour chaque type d’intervention, en sachant que le diamètre du faisceau émis par l’amplificateur de brillance fut de 23 cm lorsque le générateur était positionné à 1 m de distance de la peau du patient. Cette estimation a été aisée pour les zones opératoires larges comme le rachis, la fesse ou la cuisse car dans ce cas la zone irradiée correspondait au diamètre du faisceau de l’amplificateur de brillance. En revanche, pour le poignet et la jambe, nous avons mesuré l’épaisseur moyenne dans le plan frontal et sagittal pour les 15 patients sur chacun des sites opératoires, en prenant, pour le poignet, ces mesures 10 cm en amont de l’interligne articulaire au niveau de l’avant-bras et 5 cm en aval de l’interligne articulaire soit en médiodiaphysaire des métacarpiens. Pour la jambe, le même procédé a été réalisé en prenant les mesures à la jonction tiers proximal/tiers moyen et à la jonction tiers moyen/tiers distal. Nous avons calculé la De totale pour chaque intervention en utilisant le PDS total et la surface moyenne du faisceau estimée ; • la durée de l’irradiation, en secondes, donnée pour chaque intervention par l’amplificateur de brillance.

A. Roux et al.

Ostéosynthèse percutanée rachis dorsolombaire

646

Valeur moyenne des doses à la surface d’entrée (De) totales en mGy.

De totale moyenne extrêmes

Tableau 3

Ostéosynthèse antérieure de poignet

Embrochage de poignet

Enclouage tibia

Enclouage trochantérien standard

Enclouage fémur

Enclouage trochantérien long

Ostéosynthèse percutanée rachis dorsolombaire

0,35 0,12—0,6

0,49 0,1—0,9

1,4 0,7—3,5

3,5 1,4—8,4

5,6 2—10,4

8,35 4,2—19,5

51,5 13,2—135

Évaluation irradiation fluoroscopie per-opératoire

Tableau 2

Valeur moyenne du temps d’irradiation en seconde.

Temps irradiation Extrêmes

Ostéosynthèse antérieure de poignet

Embrochage de poignet

Enclouage trochantérien standard

Enclouage tibia

Enclouage trochantérien long

Enclouage fémur

Ostéosynthèse percutanée rachis dorsolombaire

15 6—27

26 38—6

32 20—52

56 34—95

65 34—104

89 35—133

158 46—388

647

648

A. Roux et al.

5,6 9 13

20 31

174

31 48

270

44

1,5 2,3

4 13 6 21

1 3 1 1

Ostéosynthèse antérieure de poignet Embrochage de poignet Enclouage tibia Enclouage trochantérien standard Enclouage fémur Enclouage trochantérien long Ostéosynthèse percutanée rachis dorsolombaire

1,6

5 8

1

Enclouage trochantérien standard Enclouage tibia Embrochage de poignet Ostéosynthèse antérieure de poignet PDS mGy/cm2

Tableau 4

Cette étude comporte deux écueils : le faible nombre de patients par type d’intervention, rendant impossible tout calcul statistique, et la méthode de calcul de la De totale : en effet, pour avoir une mesure rigoureuse de la De totale, il faudrait relever le PDS pour chaque incidence, pour chaque émission de rayons X et ne pas prendre le PDS total de l’intervention et la surface moyenne estimée du faisceau de rayons X. La De totale que nous avons calculée n’est qu’une tentative d’appréciation de la dose rec ¸ue par le patient. En termes de radioprotection, c’est la dose efficace qui a une valeur. Mais en pratique son calcul est difficile car elle nécessite de connaître l’épaisseur des différents tissus traversés afin de pondérer l’énergie transmise à chaque tissu par un facteur de pondération qui lui sera propre. Néanmoins, le PDS rend compte de la quantité de rayons X émis par l’amplificateur de brillance qui irradie aussi bien le patient que l’opérateur. C’est donc un reflet de l’irradiation globale. C’est une valeur objective car elle est donnée directement par l’amplificateur de brillance. C’est pour cela que la législation impose sa trac ¸abilité. Dans cette étude, sur les sept interventions analysées, nous pouvons conclure qu’un acte de clou trochantérien court délivre en moyenne le même PDS que 13 actes d’embrochage du poignet. De la même manière, une procédure d’ostéosynthèse rachidienne est équivalente à 13 actes de clou trochantérien court, c’est-à-dire 174 actes d’embrochage du poignet. Ainsi, il ressort que certaines interventions nécessitent plus de rayonnements ionisants que d’autres. Mais quels sont les facteurs qui modifient ce rayonnement ? Nous avons constaté une différence entre les ostéosynthèses par plaque antérieure de poignet et les embrochages percutanés, avec un rayonnement plus faible pour les plaques sans pouvoir faire de conclusion en raison de la faiblesse statistique de notre étude. Ainsi la gravité de la fracture mais aussi l’expérience de l’opérateur sont des éléments déterminants de l’irradiation peropératoire et la notion de courbe d’apprentissage est ici aussi fondamentale, un opérateur novice a toujours tendance à multiplier les incidences radiologiques pour se rassurer. Mais dans notre étude, ce biais a été évité en prenant un opérateur unique aguerri à ces différentes opérations de traumatologies osseuses. Ainsi, un autre facteur déterminant est en cause. Si à nouveau

Rapport du produit dose surface (PDS) totaux entre les différentes interventions.

Quelles sont les limites de notre étude ?

1 1,5

Enclouage fémur

Discussion

1

Enclouage trochantérien long

Nous avons comparé les différentes interventions entre elles en fonction des trois paramètres d’irradiation qui ont été relevés. Les résultats obtenus sont sur les Tableaux 4—6. Ainsi, nous pouvons retenir que pour la De, si l’on prend l’embrochage de poignet comme intervention étalon : une ostéosynthèse percutanée thoracolombaire correspond à 102 embrochages du poignet. De la même fac ¸on un enclouage trochantérien long en vaut 17, un clou de fémur 11, un clou trochantérien standard 7, un enclouage de jambe 3.

1

Ostéosynthèse percutanée rachis dorsolombaire

• embrochage de poignet ; • ostéosynthèse antérieure de poignet.

Rapport de la dose à la surface d’entrée (De) totale entre les différentes interventions.

De en mGy

Ostéosynthèse Embrochage de poignet Enclouage tibia Enclouage trochantérien Enclouage antérieure de poignet standard fémur

Ostéosynthèse antérieure de poignet Embrochage de poignet Enclouage tibia Enclouage trochantérien standard Enclouage fémur Enclouage trochantérien long Ostéosynthèse percutanée rachis dorsolombaire

1

Tableau 6

Enclouage trochantérien long Ostéosynthèse percutanée rachis dorsolombaire

1,6

1

4 12

3 7

1 3

1

17 27

11 17

4 6

1,5 2

1 1,5

1

160

102

37

14

9

6

1

Évaluation irradiation fluoroscopie per-opératoire

Tableau 5

Rapport de durée d’irradiation entre les différentes interventions. Ostéosynthèse antérieure de poignet

Ostéosynthèse antérieure de poignet Embrochage de poignet Enclouage trochantérien standard Enclouage tibia Enclouage trochantérien long Enclouage fémur Ostéosynthèse percutanée rachis dorsolombaire

1

Embrochage de poignet

Enclouage trochantérien standard

Enclouage tibia

Enclouage trochantérien long

2

1

2

1

1

4 4,5

2 2,5

1,8 2

1 1

1

6 11

3,5 6

3 5

1,6 3

1,4 2,4

Enclouage fémur

1 1,8

Ostéosynthèse percutanée rachis dorsolombaire

1

649

Temps en seconde

650 on analyse la différence entre l’ostéosynthèse par broches percutanées du poignet et l’ostéosynthèse percutanée du rachis, on constate que si pour le PDS le rapport est de 174, pour la De il n’est plus que de 102 et le temps de scopie n’est que six fois plus long. La situation anatomique est vraisemblablement le facteur le plus important [7]. Cela est illustré par la différence entre le clou trochantérien standard et l’enclouage de tibia. Le PDS total et la De totale d’un clou trochantérien standard sont trois fois plus importants que ceux d’un enclouage de tibia alors que le temps de rayonnements pour un enclouage de tibia nécessite une durée d’irradiation 1,8 fois plus longue que pour un clou trochantérien. Cela s’explique par la nécessité d’augmenter le débit de rayons X suite à l’épaisseur de matière plus importante à traverser entre le pelvis et la jambe. Un autre exemple illustre tout aussi bien cette constatation : c’est la différence entre l’enclouage trochantérien long et l’enclouage de fémur. Le PDS total et la De totale du clou trochantérien long sont 1,5 fois plus importants que ceux de l’enclouage de fémur alors qu’un enclouage de fémur nécessite 1,4 fois plus de temps de scopie. Le bassin, et en particulier la fesse, impose suite à l’épaisseur des tissus d’augmenter le débit de rayons X. Nous pouvons simplement dire que notre étude nous a renseignés avec certitude sur le PDS délivré pendant certaines interventions de traumatologie et que le PDS n’est qu’un reflet de l’irradiation. En aucun cas les mesures que nous avons recueillies ne permettent d’évaluer avec certitude la dose rec ¸ue par le patient et par l’équipe soignante régulièrement exposée.

Y a-t-il un risque ? Il n’y a pas de risques dits déterministes ; en revanche, il n’en est pas de même des risques dits stochastiques. L’Organisation internationale de radioprotection stipule que le risque de pathologies liées aux rayonnements, notamment X pour les faibles doses, semble augmenter de fac ¸on linéaire avec l’augmentation des doses [7]. De même, la prévalence des pathologies liées à l’exposition de rayonnements X à faible dose augmente de fac ¸on linéaire avec la dose de rayons rec ¸ue [8,9]. Certains auteurs ont évoqué le bénéfice d’une faible irradiation itérative sans preuve scientifiquement validée [9,10]. La Commission internationale de protection radiologique lors de la publication 60 (CIPR 60) [11] stipule qu’il y a une augmentation de risque de cancer mortel pour une vie entière de 5 % par sievert soit pour 100 000 personnes exposées à 1 mSv, cinq déclareront dans leur vie un cancer mortel qui pourra être imputé à cette exposition. Pour le personnel soignant, la majorité des auteurs et des pouvoirs publics pensent que l’irradiation itérative est facteur de risque [12,13]. Les preuves à ce sujet sont quasiment inexistantes, seule la mortalité excessive des radiologues avant 1920 reste à l’esprit [14]. La limite de doses répétitives sur une année ou doses équivalentes (somme des doses absorbées par un tissu ou organe en fonction du temps) pour chaque main, avantbras, pied, cheville est de 500 millisievert (mSv) (pour les rayons X, 1 mGy est égal à 1 mSv) et pour le cristallin de

A. Roux et al. 150 mSv selon la directive 96/29/Euratom du Conseil de l’Union européenne du 13 mai 1996 [15] fixant les normes de base relatives à la protection sanitaire de la population et des travailleurs contre les dangers résultant des rayonnements ionisants. Le décret no 2003-296 du 31 mars 2003 du Code du travail franc ¸ais, relatif à la protection des travailleurs contre les dangers des rayonnements ionisants [16], donne 20 mSv pour l’ensemble de l’organisme comme valeurs limites de doses efficaces (somme des doses équivalentes multipliées par un facteur tissulaire de pondération) auxquelles les travailleurs peuvent être exposés sur une année. La répétition des actes expose donc les soignants à un risque accru. Il nous semble évident pour certaines interventions comme l’ostéosynthèse percutanée du rachis [17,18]. Heureusement, cette intervention n’est pas la plus fréquente. Il ne faut pas être rassuré par la faible irradiation du brochage du poignet ou de l’enclouage trochantérien car ce sont des interventions quotidiennes. Toutefois, rappelons qu’en France l’exposition naturelle correspond à une dose efficace de 2,5 mSv par an. N’oublions pas que l’émetteur de rayons X est la principale cause de variation de la dose de rayon émis. Bien que les amplificateurs de brillance actuels soient moins irradiants qu’auparavant, il est nécessaire de les contrôler régulièrement sous peine d’une irradiation accrue [9,11,13]. Pour le patient, l’étude de la littérature ne nous a pas permis de trouver un risque [19,20]. Néanmoins, pour le patient, l’enjeu est différent. En effet, pour le patient l’acte nécessitant un rayonnement est sporadique dans son histoire et le rapport bénéfice—risque est mesuré. Tout acte de radiologie est réalisé uniquement dans l’intérêt du patient. A priori, il ne devrait pas y avoir de risque pour le patient pour une seule intervention dans l’année. Néanmoins, le risque réel du patient ne peut être évalué sur l’année que si l’on connaît la totalité de l’irradiation. Rappelons que les clichés de radiologie les plus couramment réalisés en médecine de ville que sont la radiographie de thorax et l’abdomen sans préparation délivrent un PDS, dans le cas où la scopie n’est pas utilisée, de 140 mGy/cm2 pour le premier et 4500 mGy/cm2 pour le second. En revanche, si l’on tient compte de la dose efficace, un cliché de thorax représente 0,02 mSv soit trois jours d’exposition naturelle et un ASP représente 1 mSv soit six mois d’exposition naturelle. Ainsi, hormis certaines ostéosynthèses difficiles du rachis thoracolombaire, tous nos actes opératoires ont délivré un PDS inférieur au si banal ASP.

Quelle est la surveillance du personnel ? Dans notre centre, le seul élément actuel de contrôle est le dosifilm et depuis peu le dosimètre électronique porté sur la face antérieure du tronc sous le tablier de plomb. Ce dosimètre ne mesure ni l’irradiation du cristallin ni l’irradiation des mains. La médecine du travail assure un suivi annuel des personnels exposés aux risques liés aux rayonnements ionisants comme cela est recommandé dans le décret no 2003-296 du 31 mars 2003 (article R 231-100), relatif à la protection des travailleurs contre les dangers des rayonnements ionisants

Évaluation irradiation fluoroscopie per-opératoire du Code du travail [16]. Le suivi comporte une visite médicale systématique, éventuellement une consultation d’ophtalmologie visant à dépister une cataracte ainsi qu’un bilan biologique standard (dépistage des anomalies des formules sanguines). L’ensemble des données collectées est rassemblé dans le dossier médical individuel et ces données sont conservées et utilisables jusqu’à 50 ans. Cela étant réalisé uniquement pour les agents hospitalisés, en revanche, le personnel universitaire ne bénéficie d’aucun suivi de la part de la médecine du travail.

Peut-on exiger une meilleure connaissance des doses rec ¸ues par le personnel ? Toute personne soignante dans un bloc opératoire de traumatologie doit avoir trois exigences : la formation à l’utilisation des rayons ionisants, la protection contre les rayons ionisants et la connaissance des doses délivrées. Nous avons montré que la mesure réelle de l’irradiation du patient et des opérateurs est difficile à connaître. Les praticiens et leurs équipes qui ont « les mains sous les rayons ionisants X » devraient avoir un meilleur contrôle grâce à l’utilisation de dosimètre sous la forme de pastille, de bague ou de bracelet stériles ou stérilisables. Ceux-ci existent, ils sont chers et il n’y a pas encore de consensus sur leur utilisation. De la même fac ¸on, les gants plombés fins et stériles ou stérilisables existent mais ne sont pas encore mis à la disposition [21]. Tous ces éléments sont disponibles mais ne sont pas utilisés de fac ¸on routinière car, d’une part, le coût économique est conséquent et, d’autre part, leur méconnaissance de la part des équipes soignantes fait qu’ils ne sont pas réclamés aux autorités compétentes. En pratique, ni le personnel, ni la médecine du travail ne connaissent l’irradiation réelle des parties du corps des soignants non protégés par les tabliers de plomb.

Conclusion Nous avons pu établir une base de données sur l’irradiation au bloc opératoire en traumatologie et établir une hiérarchie entre les différentes interventions. Mais l’irradiation réelle du patient et du personnel ne nous est pas connue. Nous souhaitons que les équipes soignantes de traumatologie qui sont souvent fort jeunes aient connaissance de ces éléments. Nous insistons sur l’intérêt de la prévention du surdosage d’irradiation du personnel et de la nécessité de son contrôle. Les rayonnements ionisants sont une cause reconnue de maladie professionnelle. Ne marchons pas dans les traces de nos aînés, pensons à utiliser les différents dispositifs de protection et de contrôle existants avec, souhaitons-le, une surveillance de plus en plus efficace.

Déclaration d’intérêts Les auteurs déclarent ne pas avoir de conflits d’intérêts en relation avec cet article.

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