Le « nucléus Donggutuo » et sa signification dans l’industrie du paléolithique inférieur de Donggutuo, bassin de Nihewan, Chine du Nord

Le « nucléus Donggutuo » et sa signification dans l’industrie du paléolithique inférieur de Donggutuo, bassin de Nihewan, Chine du Nord

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L’anthropologie 112 (2008) 457–471 http://france.elsevier.com/direct/ANTHRO/

Article original

Le « nucléus Donggutuo » et sa signification dans l’industrie du paléolithique inférieur de Donggutuo, bassin de Nihewan, Chine du Nord The ‘‘Donggutuo core’’ from Donggutuo industry of Lower Pleistocene in the Nihewan basin, North China and its indication Yamei Hou Institute of Vertebrate Palaeontology and Palaeoanthropology, Chinese Academy of Sciences, Box 643, Beijing 100044, Chine Disponible sur Internet le 25 juin 2008

Résumé Le site de Donggutuo (DGT), qui constitue l’un des sites les plus importants du bassin de Nihewan en Chine du Nord, est bien connu pour ses petits outils finement retouchés, ainsi que pour les caractères des éclats de son industrie. Cependant, les fouilles récentes fournissent encore de nouveaux éléments d’où découlent de nouvelles informations. Par exemple, le « nucléus Donggutuo » présenté dans cet article correspond à la découverte d’une nouvelle technotypologie indiquant, pour les populations locales d’il y a 1,1 Ma, une nouvelle stratégie économique, qui était inconnue jusqu’alors dans cette région. Cet article présente le cadre général du site et l’analyse statistique de l’industrie de DGT, en particulier la méthode spécifiquement appliquée au « nucléus DGT », puis il discute la possible influence des changements climatiques sur l’émergence de ce type de nucléus. Le « nucléus DGT » montre les prémices d’une tradition microlithique et reflète la diversité culturelle des premiers peuples du paléolithique inférieur dans le nord de la Chine. # 2008 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. Abstract As one of the most important Lower Pleistocene sites of the Nihewan basin in North China, Donggutuo (DGT) site is well known for its fine retouched small tools and characters of flake industry. However, new excavations still reveal some new discoveries and educe some new issues to us. For example, the ‘‘DGT

Adresse e-mail : [email protected]. 0003-5521/$ – see front matter # 2008 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. doi:10.1016/j.anthro.2008.04.004

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core’’ introduced in this article is a new discovered typotechnology and indicates new economic strategy of the local people, which was never known before in this area at the time of 1.1 Ma B.P. The paper provides general background and statistic analysis of DGT industry including special method applied to the ‘‘DGT core’’ and discusses possible influence of environmental change for the emerging of the ‘‘DGT core’’. The ‘‘DGT core’’ shows a germinated microlithic tradition and reflects a cultural diversity of early humans in the Lower Paleolithic in North China. # 2008 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. Mots clés : Site de Donggutuo ; « Nucléus DGT » ; Pléistocène inférieur ; Bassin de Nihewan Keywords: Donggutuo site; ‘‘DGT core’’; Lower Pleistocene; Nihewan basin

1. Introduction Juste après la découverte du premier site du Paléolithique inférieur à Xiaochangliang en 1979 (You et al., 1980) dans le bassin de Nihewan (autrefois Nihowan), le site de Donggutuo (DGT) est découvert puis fouillé, d’abord en 1981 (Wei et al., 1985) et ensuite lors de plusieurs campagnes. Situé dans la zone de transition entre la Plaine de Chine septentrionale et le Plateau de la Mongolie-Intérieure, ce bassin est rempli de sédiments lacustres et éoliens correspondant à toute la période du pliocène à l’holocène. Il s’étend sur environ 150 à 200 km et offre des coupes sédimentaires très complètes qui dépassent 90 m d’épaisseur. Depuis les années 1920, le bassin est connu pour livrer une faune, dite faune de Nihewan, qui correspond en principe à la faune villafranchienne d’Europe (Barbour, 1925 ; Teilhard de Chardin et Piveteau, 1930) et qui appartient au pléistocène ancien. Parallèlement, ce bassin abrite plusieurs sites témoins des occupations anciennes de l’Asie orientale, dont DGT, Xiaochangliang (XCL) et Majuangou (MJG) sont les plus importants. Les deux premiers sont distants d’un kilomètre à vol d’oiseau et identifiés comme appartenant respectivement aux parties supérieure et inférieure, espacées d’une dizaine de mètres, de la même séquence géologique. Les couches archéologiques de DGT se trouvent à 5 m au-dessous de l’événement de Jaramilo, de sorte que l’âge du site est de 1 Ma, tant d’après les chinois que d’après les américains (Li et Wang, 1985 ; Schick et al., 1991). Les travaux de datation les plus récents sur XCL font état d’un âge de 1,36 Ma (Zhu et al., 2001), ce qui est cohérent avec l’âge du site de DGT. Un nouveau résultat de 1,1 Ma pour DGT vient d’être publié (Wang et al., 2005), si bien que ce site peut aussi être vu comme une preuve des plus anciennes occupations humaines dans le nord-est de l’Asie. De ce fait, l’étude de l’assemblage lithique devient particulièrement intéressante pour comprendre les populations humaines qui ont vécu à des latitudes si septentrionales à une époque si reculée. Dans cet article, l’industrie lithique de DGT est présentée en détail sous l’angle d’une nouvelle étude, d’une nouvelle interprétation et d’une nouvelle perspective. 2. Contexte En raison surtout de la discontinuité des moyens financiers, l’ensemble des travaux effectués sur le site de DGT s’est scindé en quatre phases (Tableau 1). Le site de DGT (408 130 2200 N ; 1148 400 1100 E) se trouve à une altitude absolue de 930,24 m à 934,43 m et à 125 m au-dessus du niveau de la rivière Sanggan. Cinq couches géologiques et archéologiques (A, B, C, D et E) peuvent y être distinguées ; elles appartiennent à la séquence typiquement lacustre de la formation de Nihewan, à 40 m au-dessous de sa surface. Parmi les

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Tableau 1 Les quatre phases de travaux sur le site de Donggutuo Table 1 Four periods work at Donggutuo site *

1re phase

2e phase

3e phase

4e phase

a b c d

1981, 1983 T1-T5 A-E Wei Q. et al. Wei et al. (1985) Schick et al. (1991) Hou (2000) Hou (2003) Hou (2003)

1997 T1 A, B Wei Q. et al. (y compris l’auteur du présent article) Hou (1998) Hou (1999) Hou et al. (1999) Hou (2000) Hou (1999)

2000, 2001 T1, T4 A, B, C ? Wei Q. et al.

e

1991, 1992 T1, T4 A, B, C ? Équipe sinoaméricaine sous la responsabilité de Wei Q. et Clark J.D. ÅÅ

ÅÅ

*a, années de fouilles ; b, secteurs fouillés ; c, couches fouillées ; d, équipes de fouille ; e, publications relatives au matériel issu des fouilles de DGT, pour la période concernée (ÅÅ pas encore publié). *a, excavated years; b, excavated areas; c, excavated layers; d, excavators; e, publications correlating to the excavated materials of DGT site from relevant period (ÅÅ not yet published).

campagnes de fouilles effectuées par différentes équipes à différentes périodes, la première a concerné l’ensemble des couches archéologiques, sur cinq secteurs de fouille. La seconde campagne n’a porté que sur les couches A et B ainsi qu’une petite partie de la couche C, mais pour la première fois toutes les pièces archéologiques ont été recueillies et enregistrées. La troisième période fut particulièrement significative en raison de la découverte d’un groupe de « nucléus DGT » (Hou, 1999, 2000, 2003 ; Fig. 1). La problématique du « nucléus DGT » est devenue le thème principal de la thèse de doctorat de l’auteur et fait l’objet du présent article. L’industrie lithique de DGT est assez hétérogène et est principalement taillée dans des cherts de différentes qualités, que l’on peut grouper en quatre catégories : excellente, bonne, moyenne et piètre. Les autres matières premières sont des calcaires silicifiés, quartz, quartzites, calcédoines et laves (Tableau 2(1) et Fig. 2). Une investigation préliminaire montre que toutes ces roches étaient récoltées localement sur un affleurement du substratum situé entre 300 et 400 m au nord du site et sur un ancien volcan à 600 m au sud-ouest (Pei et Hou, 2002). Les artefacts sur galet sont rares. L’activité quotidienne des artisans tailleurs d’outils à DGT devait se situer dans une aire d’environ 2 km2. Sur un total de 1571 artefacts issus des cinq secteurs fouillés dans les années 1980, quelques 1381 pièces proviennent du seul secteur T1, ce qui représente une proportion de 88 %. Tous les secteurs de fouille sont équivalents dans la séquence géologique. Les nucléus, au nombre de 142, constituent 9 % de l’ensemble de l’industrie, les 364 éclats représentent 23,2 % et les 165 outils retouchés (racloirs, denticulés, pointes, burins, grattoirs et encoches) 10,5 % (Fig. 3). Le reste du matériel, comme les éclats cassés, les débris et les fragments, d’un effectif de 900, participent pour 57,3 % à l’ensemble (Tableau 2(2)). 3. Les « nucléus DGT » 3.1. Historique et caractères généraux La plupart des nucléus mesurent entre 40 et 60 cm de long (42,3 %) et pèsent de 21 à 60 g (32,4 % ; Tableaux 3 et 4). Typologiquement et technologiquement on peut y distinguer quatre

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Fig. 1. Photos du site de Donggutuo, en direction de l’ouest (haut), en direction du nord (milieu) ; fouilles de 1997 (bas). Fig. 1. Photos of DGT site to the west (upper photo), to the north (middle photo; excavation area of DGT site in 1997 (lower photo).

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Tableau 2 1. Distribution des matières premières dans le site de Donggutuo Table 2 1. Proportions of raw materials for making stone artifacts at DGT site Matières premières

1

2

3

4

5

6

7

8

9

Total

(1) No %

51 3,2

396 25,2

702 44,7

284 18,1

77 4,9

5 0,3

38 2,4

3 0,2

15 1,0

1571 100

Matières premières

1

2

3

4

5

6

7

8

9

Total

%

(2) Débris Outils Éclats Nucléus Total %

33 1 15 2 51 3,24

175 57 118 46 396 25,2

421 66 164 51 703 44,6

190 23 35 36 285 18,14

50 7 17 3 77 5

3 0 0 2 5 0,32

26 3 9 0 37 2,4

0 1 1 1 3 0,20

2 7 5 1 14 0,9

900 165 364 142 1571 100

57,3 10,5 23,2 9.0 100

Matières premières : 1–4, 1re à 4e variété de chert ; 5, calcaire silicifié ; 6, quartz ; 7, quartzite ; 8, calcédoine ; 9, lave. Raw material: 1–4, 1st–4th class of chert; 5, silicious limestone; 6, quartz; 7, quartzite; 8, chalcedony; 9, lava.

groupes : choppers et chopping tools (11,26 %), discoïdes (0,7 %), « nucléus DGT » (23,9 %, spécialement traités dans cet article et qui feront l’objet de la discussion développée en dernière partie) et enfin nucléus normaux (64 %). Dans la fouille de 1997, une variété de petits nucléus a attiré l’attention de l’auteur. Au nombre de dix, ils se ressemblent et sont exploités selon la même idée. Cette variété de nucléus avait été mentionnée dans le premier rapport sur les artefacts de DGT (Wei, 1985) et était à comparer avec le type bien connu dans le paléolithique supérieur sous le nom de « nucléus en coin » (wedgeshaped core), qui est particulièrement orienté vers la production de microlames. Ces dix nucléus issus de la fouille de 1997 ont été étudiés par l’auteur et reçurent provisoirement le nom de « nucléus de forme Donggutuo » (Hou, 1998, 1999 ; Hou et al., 1999). Puis l’auteur rechercha des spécimens de même type dans les collections des précédentes campagnes de fouille. Finalement, 34 pièces intéressantes furent retrouvées et soigneusement regroupées avec les dix « nucléus de forme DGT ». Ils furent alors renommés « nucléus DGT » en tant que nouvel élément bien défini à prendre réellement en compte dans tous ses détails et à inclure dans des travaux comparatifs.

Fig. 2. Matières premières des artefacts lithiques de Donggutuo. Fig. 2. Raw materials of Donggutuo stone artifacts.

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Fig. 3. Petits outils retouchés du site de Donggutuo (1, racloir ; 2, 3, pointes ; 4, denticulé et encoche). Fig. 3. Small retouched tools of Donggutuo site (1, side scraper; 2, 3, points; 4, denticulate and notch).

3.2. Méthode d’étude Un modèle géométrique a été mis en place pour expliciter ce nouveau concept du « nucléus DGT » (Fig. 4 et 5). Trois faces caractérisent les « nucléus DGT » : un plan de frappe C et deux faces transversales latérales A et B (la face A étant celle qui présente le plus de négatifs d’enlèvement). Trois lignes (qui peuvent être courbes ou droites) définissent plusieurs Tableau 3 Distribution (fréquences absolues et relatives) de la longueur des nucléus (en mm) Table 3 Cores length (in mm) distribution: numbers and proportions Longeur

< 20

21–40

41–60

61–80

81–100

> 100

15–155

No. %

2 1,4

32 22,5

59 41,5

27 19

15 10,6

7 5

142 100

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Tableau 4 Distribution (fréquences absolues et relatives) du poids des nucléus (en g) Table 4 Cores weight (in g) distribution: numbers and proportions Poids

< 20

21–60

60–100

100–200

200–400

> 400

3–758

Nombre %

21 14,8

46 32,4

27 19

22 15,4

14 9,9

12 8,5

142 100

morphologies, variables, pour le « nucléus DGT » mais toujours avec une section étroite en forme de V ou de D, naturelle ou artificielle : aAmb, aBmb et adb (a étant l’extrémité du plan de frappe la plus exploitée, placée en position frontale). Tous les caractères pris en compte dans l’analyse du « nucléus DGT » sont définis ci-dessous.  Plan de frappe C :  0 : naturel,  1 : artificiel,  localisation de la préparation : a (extrémité frontale), b (extrémité postérieure), Aamb (bord), Bamb (bord), w (tout autour) ;  Faces transversales A ou B :  0 : naturelle,  1 : artificielle,  p : plane,  g : convexe ;  Position des enlèvements :  a : frontale,  b : postérieure,  Aamb (bord), Bamb (bord), w (tout autour) ;

Fig. 4. Modèle graphique 1 pour l’analyse du « nucléus DGT ». Fig. 4. Analysis drawing 1 of ‘‘DGT core’’.

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Fig. 5. Modèle graphique 2 pour l’analyse du « nucléus DGT ». Fig. 5. Analysis drawing 2 of ‘‘DGT core’’.

 Angle de débitage (mesuré en degrés) ;  État des négatifs d’enlèvement (forme générale et nombre) :  les plus longs : c1(x), c2(x), c3(x) . . . ; les plus courts : d1(x), d2(x), d3(x) . . .,  (x signifie que la longueur des négatifs d’enlèvement est égale à au moins deux fois la largeur, c’est-à-dire que des microéclats allongés ont été produits) ;  Caractères de la quille :  0 : non retouchée (y compris naturelle),  1 : retouchée,  position de la retouche sur Aadb, Badb,  mode de retouche : 1, unifacial ; 2, bifacial ; /, absent ;  Façonnage de la quille :  0 : non ; 1 : oui ; indf : indéterminé ;  Forme du nucléus (section en fonction de la direction des enlèvements) :  1 : type D ; 2 : type V ;  Schéma d’exploitation :  I : support brut,  II : ébauche ou débitage sommaire (laissant parfois un à deux négatifs d’éclats mal venus),  III : stade de plein de débitage (plus de trois éclats complets ont été produits),  IV : nucléus abandonné après épuisement des possibilités techniques. Ces éléments de description caractérisent clairement les anciens nucléus de forme DGT et définissent une sorte de système typologique et technologique abrégé relatif à ce groupe de nucléus. Ce système aboutit à une identification plus claire, plus concise et plus précise. L’utilisation d’une nouvelle désignation spécifique, celle de « nucléus DGT », est suggérée pour distinguer ce groupe particulier au sein de l’industrie de DGT, au lieu de la formule « nucléus de forme DGT », qui était utilisée précédemment. Lors de l’étude des « nucléus DGT », les dix pièces issues de la fouille de 1997 sont aussi prises en compte afin d’accroître les données statistiques et d’obtenir des résultats plus convaincants.

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3.3. Résultats de l’étude des « nucléus DGT » À part les trois pièces de la fouille T2 et les quatre pièces de T4, tous les autres spécimens, au nombre de 37, proviennent de la fouille T1. Les dix pièces de 1997 appartiennent aux deux couches archéologiques supérieures, les autres étant seulement connues comme issues de l’ensemble des couches.  Matière première :  première variété de chert : 2,3 %,  deuxième variété de chert : 59 %,  troisième variété de chert : 27,3 %,  quatrième variété de chert : 9,1 %,  quartz : 2,3 % ;  Support :  blocs : 56,8 %,  plaquettes : 15,9 %,  galets : 9,1 %,  éclats : 9,1 %,  indéterminés : 9,1 % ;  Plan de frappe :  naturels : 2,  peu préparés, le long du bord d’un plan de frappe naturel : 6,  totalement préparés : 36 ;  Forme du plan de frappe :  relativement plat : 42,  concave : 1,  convexe : 1 ;  Localisation de la préparation sur le plan de frappe :  (voir Fig. 4 et 5 ;« a » est l’extrémité du plan de frappe qui a été la plus exploitée, en comparaison avec l’extrémité opposée : elle est désignée comme extrémité frontale du nucléus, l’autre étant alors l’extrémité postérieure),  sur l’une des deux extrémités (a seule ou a et b à la fois) : 77,3 %,  sur un bord ou sur les deux (aAmb ou à la fois aAmb et aBmb) : 18,2 %,  non préparé : 4,5 % ;  Forme de la face A :  (face qui présente le plus de négatifs d’enlèvement, l’autre face étant nommée B),  convexes : 28 (une naturelle, 27 artificielles),  planes : 16 (deux naturelles, 14 artificielles) ;  Forme de la face B :  (face qui présente le moins de négatifs d’enlèvement par rapport à la face A et qui peut même être non exploitée),  convexes : 23 (trois naturelles, 20 artificielles),  planes : 21 (cinq naturelles, 16 artificielles) ;  Section latérale où convergent les faces A et B :  type V : 30 (68,2 %),  type D : 12 (27,3 %),  indéterminé : 2 (4,5 %).

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Deux modalités de débitage peuvent être observées sur les « nucléus DGT ». Elles sont considérées comme ayant des vocations différentes. La première modalité consiste à débiter longitudinalement, à partir du plan de frappe C à la base du volume du nucléus, le long de la direction a-b, b-d ou aAmb-d, aBmb-d, en vue de produire de petits éclats allongés. La seconde consiste à débiter, souvent de manière unifaciale, parfois bifaciale, d’une face vers l’autre (par exemple, de la face B vers la face A ou l’inverse), le long de la ligne a-d-b du modèle type de « nucléus DGT » (Fig. 4 et 5), qui est en quelque sorte la quille du nucléus ; cela semble avoir pour but de préparer la quille en donnant à la section transversale du nucléus une forme en D ou en V. Les négatifs correspondant à cette seconde modalité sont nettement perpendiculaires à la direction des négatifs de la première modalité, surtout lorsque ceux-ci ont été réalisés seulement sur une partie du bord, souvent proche de « l’extrémité a » ou de « l’extrémité b ». Les négatifs d’enlèvement produits par ces deux modalités peuvent être assez différents : la modalité longitudinale peut donner des enlèvements plus longs, dont la longueur dépasse, parfois même d’un facteur 2, la largeur. Les négatifs de la seconde modalité (transversale) sont presque toujours plus courts. Étant donnés les caractères de tous les éléments de l’assemblage de DGT, on peut supposer que pour répondre aux nécessités, l’artisan tailleur planifiait son travail en vue de produire une catégorie d’éclats petits et allongés. Quelques données statistiques paraissent récurrentes.  position du débitage longitudinal :  sur une ou deux extrémité(s) (a ou à la fois a et b) : 32,  le long d’un côté ou des deux (aAmb ou à la fois aAmb et aBmb) : 11,  pas d’enlèvement : 1 ;  enlèvements produits par la modalité longitudinale :  à la fois longs et courts : 28,  uniquement longs: 7,  uniquement courts : 7 ;  enlèvements produits par la modalité transversale ou centripète :  à la fois longs et courts : 3,  uniquement long : 1,  uniquement courts : 35,  les autres n’ont pas d’enlèvement de ce type ;  nombre d’enlèvements longs produits par la modalité longitudinale : 89 :  (longueurs comprises entre 10,7 et 39 mm, largeurs entre 3,5 et 17,7 mm) ;  nombre d’enlèvements courts produits par la modalité longitudinale : 135 ;

Fig. 6. Stades d’exploitation et effectifs des « nucléus DGT » de type D ou V. Fig. 6. Stages of knapping and number of D type or V type of ‘‘DGT core’’.

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 nombre d’enlèvements longs produits par la modalité transversale : 6 :  (longueurs comprises entre 23 et 38,1 mm largeurs entre > 6 et 27,6 mm) ;  nombre d’enlèvements courts produits par la modalité transversale : 143. Il apparaît que le débitage longitudinal est la fonction réelle du « nucléus DGT » et que le débitage transversal est destiné à configurer le nucléus et à servir sa fonction première. Qu’elle soit naturelle ou travaillée, la quille (ligne a-d-b à la base du modèle, Fig. 4 et 5) est une partie essentielle du « nucléus DGT ». C’est elle qui structure la forme requise et qui donne

Fig. 7. Le « nucléus DGT » à différents stades d’exploitation : 1, stade I (no 97 DGT 770) ; 2, stade II (no 97 DGT 576) ; 3, stade III (no 97 DGT 809) ; 4, stade IV (no 97 DGT 590a). Fig. 7. ‘‘DGT core’’ at different stages of knapping: 1, stage I (no 97 DGT 770); 2, stage II (no 97 DGT 576); 3, stage III (no 97 DGT 809); 4, stage IV (no 97 DGT 590a).

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Fig. 7. (Suite ).

au nucléus sa disposition à être exploité longitudinalement, même si les artisans tailleurs à DGT n’étaient pas toujours très habiles à coordonner ces deux modalités de débitage complémentaires. Les nucléus présentent souvent une forme naturelle appropriée, ce qui n’empêche pas les quilles d’être fréquemment préparées unifacialement ou bifacialement, sur la totalité ou sur une partie de l’arête basale. Caractères de la quille :        

totalement préparée bifacialement : 12 ; préparée bifacialement le long des segments a-d ou b-d : 5 ; totalement préparée unifacialement : 4 ; préparée unifacialement le long des segments a-d ou b-d : 14 ; préparée bifacialement le long de a-d et unifacialement le long de b-d : 1 ; sans préparation particulière : 5 ; absence de véritable quille : 2 ; indéterminée : 1.

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Le taux d’utilisation des quilles prêtes à l’emploi atteint pas moins de 54,8 %. En fait, quelques unes (neuf pièces) pourraient bien avoir complètement disparu à cause de l’exploitation et n’ont pas été prises en compte ; dix n’ont pas été utilisées. En considérant l’ensemble des « nucléus DGT », du support brut à la dernière phase d’exploitation, on peut distinguer quatre stades (I, II, III et IV). Il est intéressant de noter que les formes en V semblent plus aptes à être exploitées jusqu’à la fin (Fig. 6 et 7). 4. Conclusion et discussion En 1972, le professeur Jia a proposé l’existence de deux traditions techniques dans le nord de la Chine : l’industrie de Kehe–Dingcun, à grands outils/outils lourds, et l’industrie de Zhoukoudian loc. 1–Zhiyu, à petits outils/outils légers (Jia et al., 1972 ; Jia, 1978). L’industrie lithique de DGT appartient à la seconde et en constitue l’un des plus anciens représentants dans le nord de la Chine, entre le groupe de XCL, plus ancien et celui de Zhoukoudian loc. 1-loc. 15– Xujiayao–Salawusu–Zhiyu, plus récent. L’identification du « nucléus DGT » dans l’industrie de DGT révèle un fait nouveau dans le paléolithique inférieur du bassin de Nihewan, à savoir qu’il n’y a pas seulement quelques petits outils retouchés réalisés sur éclats ordinaires, comme on le savait déjà, mais aussi un autre type de produits comme les petits éclats allongés obtenus à partir des « nucléus DGT ». Ces deux séries de produits cassent l’idée de longue date concernant l’existence d’un style unique dans le pléistocène inférieur du nord de la Chine. L’industrie de DGT était un des cas généralement pris comme exemple du mode 1 (Schick et al., 1991 ; Schick et Dong, 1993 ; Schick et Toth, 1993) c’est-à-dire une industrie simple à éclats et nucléus. Mais la mise en évidence du « nucléus DGT » demande une révision de cette interprétation car on observe de manière évidente deux facettes dans la même industrie et cela diverge par rapport à l’ancienne conception de cette culture. Si je peux me permettre d’envisager cette question dans un esprit d’ouverture, il m’apparaît en quelque sorte que le concept sous-jacent au « nucléus DGT » est assez semblable à celui qui concerne le nucléus à microlames du paléolithique supérieur dans le nord de la Chine. L’un et l’autre ont pour fonction d’obtenir un nucléus qui produise des petits éclats, seulement le second est appliqué de façon beaucoup plus habile, qui fournit des produits plus standardisés. Pourraiton dire qu’il existe une quelconque relation entre eux ? Y-a-t-il un facteur, comme par exemple l’environnement, qui est très semblable aux deux époques concernées, qui puisse influencer les changements culturels ? Il s’agit là d’une idée audacieuse, en attendant des éléments plus significatifs ; mais il semble difficile pour l’instant d’approfondir la discussion. Cependant, la question vaut la peine d’être gardée à l’esprit. J’ai l’intention de définir le « nucléus DGT » comme appartenant à la famille des industries de tradition microlithique, bien qu’il soit trop ancien pour notre vieux concept. Plusieurs questions peuvent être proposées ici :    

quel était l’élément moteur pour l’émergence du « nucléus DGT » ? quel était le type d’environnement il y a 1,1 Ma ? Est-ce qu’il a brusquement changé ? où se retrouve ensuite le « nucléus DGT » ? de quelle manière a-t-il évolué ?

Le « nucléus DGT » n’est pas un fait isolé dans le bassin de Nihewan. Ce fut un événement inévitable et un indicateur de la nature ou une réflexion vis-à-vis de la nature de la part des

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populations. Il n’est pas seulement connu à DGT, mais aussi à Xujiayao (Jia et Wei, 1976 ; Li, 2004) et dans d’autres sites du nord de la Chine (An, 1978) et dans une zone importante de Sibérie (Derev’anko et al., 1998 ; Derev’anko, 2001). Je pense que cela nous apporte un élément nouveau qui mérite notre attention et qui demande à ce qu’on y travaille encore, afin de mieux comprendre les populations anciennes et leur culture. Remerciements Cet article résulte d’un travail de recherche supporté par les Major Basic Research Projects (2006CB806400 et 2007FY110200) du MST de Chine, National Science Fund of China (no 40172009) et Special Fund of Chinese Academy of Science (no KL201304). Je remercie particulièrement le professeur Wei Qi pour m’avoir facilité l’étude des anciennes collections provenant de DGT. Le professeur Huang Wei-Wen a dirigé ma thèse de doctorat et partagé avec moi une grande part de son expérience de chercheur ; il m’a beaucoup aidé à progresser dans ce domaine de recherche. Les discussions avec le professeur Gai Pei ont été très stimulantes pour approfondir les idées concernant le « nucléus DGT » et celles avec le docteur Richard Potts m’ont encouragé à utiliser cette dénomination de « nucléus DGT ». Je voudrais également remercier Éric Boëda, Jacques Pellegrin, Jean-Michel Geneste et Jacques Tixier pour leurs discussions avec moi. D’une manière ou d’une autre, ils m’ont beaucoup aidé dans ma recherche en me faisant part de leur expérience et en me donnant leur avis. Je voudrais encore remercier le professeur Jan Michal Burdukiezicz et le professeur Avraham Ronen pour avoir encouragé mon travail au travers de leurs discussions. Merci également à Hubert Forestier pour ses dessins de la Fig. 3 et Li Rong-Shang pour la Fig. 7. Je suis reconnaissante à Erika Bodin et à Claire Gaillard pour avoir traduit en français ce manuscrit. La majeure partie de cet article a été réalisée à Sireuil-Les-Eyzies-de-Tayac en Dordogne (France). Là, mon amie Catherine Machkovsky et sa famille m’ont beaucoup soutenue et je ne sais pas si, sans leur aide sincère, j’aurais pu terminer l’essentiel de cet article en un temps si court. Références An, Z.M., 1978. Mesolithic remains in Hailaer-discussion of origin and tradition of microlith. Bulletin of Archaeology 3, 289–316. Barbour, G.B., 1925. The deposits of the Sankanho Valley. Bulletin of Geological Society of China 4, 53–55. Derev’anko, A.P., 2001. The Middle to Upper Palaeolithic transition in the Altai (Mongolia and Siberia). Archaeology. Ethnology and Anthropology of Eurasia 3, 70–103. Derev’anko, A.P., Shimkin, D.B., Powers, W.R., 1998. The paleolithic of Siberia: New discoveries and interpretations. Translated by Laricheva I.P. University of Illinois Press, 1–406. Hou, Y., 1998. New Observations on Paleolithic of China Reflected by Three Sites. In: Budja, M. (Ed.), Procilo o raziskovanju paleolitika, neolitika ineneolitika v Sloveniji, 25. Documenta Praehistorica Ljubljana, pp. 1–17. Hou, Y., 1999. Expecting two-million-year-old human remains in the Nihewan basin, North China. Quaternary Research 1, 95. Hou, Y., 2000. Donggutuo lithic industry of the Nihewan basin, North China. PhD dissertation of the Institute of Vertebrate Paleontology and Paleoanthropology, Chinese Academy of Sciences, 1–112. Hou, Y., 2003. Naming and preliminary study on the category of the ‘‘Donggutuo core’’. Acta Anthropologica Sinica 22, 279–291. Hou, Y., Wei, Q., Lin, S.L., Feng, X.W., 1999. Excavation report of 1997 at Donggutuo in the Nihewan basin, North China. Quaternary Research 2, 139–148. Jia, L.P., 1978. Characters, tradition and distribution of microlithic culture in China. Palaeovertebrata and Paleoanthropology Sinica 16, 137–143.

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