Le peuplement des baléares (espagne) au paléogène

Le peuplement des baléares (espagne) au paléogène

LE PEUPLEMENT DES BALEARES (ESPAGNE) AU PAL] OGENE par MARGUERITE H I . I G U E N E Y " et RAFAEL A D R O V E R "" R~SUM~ ABSTRACT Lr petits mammi...

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LE PEUPLEMENT DES BALEARES (ESPAGNE) AU PAL] OGENE par

MARGUERITE H I . I G U E N E Y " et RAFAEL A D R O V E R ""

R~SUM~

ABSTRACT

Lr petits mammif4res, d6couverts ces derni4res ann6es a Majorque, permettent de pr6ciser l'g~ge des faunes anciennement connues et de montrer l'existence de plusieurs vagues successives d'arrivants, a la lois dans l'Eoc6ne sup6rieur et dans l'Oligoc4ne. Majorque n'6tait alors vraisemblablement pas une ile; cependant le faible nombre d'esp4ces rencontr6es et les particularit6s de certaines d'entre elles mettent en 6vidence l'existence de barri6res 6co]ogiques. Dans le bassin central les faunes 6oc6nes et oligoc6nes sont toutes d'origine europ6enne, alors que les gisements oligoc4nes de Paguera, sur la c6te sud-ouest de l'ile, montrent des affinit6s ~ la lois avec les faunes end6miques d'Allemagne du Sud et dr, Fayoum.

The small mammals discovered during the last few years in Mallorca allow to determine the age of previously known faunas more accurately, and to show the existence of several successive waves of immigrants, in the late Eocene and in the Oligocene. Mallorca was probably not an island at the time; however, the small number of species and the peculiarities of some of them reveal the existence of palaeoecological barriers. In the central basin, the eocene and oligocene faunas are all of European origin, while the Paguera oligocene localities, on the south-western coast of the island, show affinities with the endemic faunas of both southern Germany and the Fayum.

MOTS-CLI~S: KEY-WORDS

BALl'ARES, : BALEARIC

PALI~OBIOGI~OGRAPHIE,

MAMMALIA,

ISLANDS, P A L E O B I O G E O G R A P H Y ,

RODENTIA, MIGRATIONS,

MAMMALIA.

I~OCf~NE, OLIGOCI~NE.

RODENTIA, MIGRATIONS, EOCENE, OLIGOCENE.

* Centre de Pal6ontologie stratigraphique et de Pal~o~cologie associ~ au C N R S (L.A. I1), Llniversit6 Claude-Bernard Lyon I, 27-43, bot,levard du l l-Novembre, 69622 Villeurbanne Cedex. "* D6parternent des Sciences de ]a Terre. 27-'t3, boulevard du l l-Novembre, 69622 Villeurbanne Cedex.

Geobios, m6moire sp6cial 6

p. 439-449, 5 fig., 1 tabl.

Lyon, 1982

- -

4 4 0

- -

TABLE DES MATI~.RES Introduction

...........................

't40

I. - -

L o c a l i s a t i o n des d i f f 6 r e n t s 9 i s e m e n t s

II. - -

Les d i f f 6 r e n t e s p h a s e s d u p e u p l e m e n t 1) E o c e n e s u p 6 r i e u r Selva - Biniamar

............ ............

2) O l i 9 o c ~ n e .................. Sineu ...................... Binisalem . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Paguera

....................

441

441 443 443 443 443

III.-

L ' o r i g i n e des [ a u n e s successives 1) O r i g i n e e u r o p 6 e n n e

..

..........

445 445

2) Le p r o b l ~ m e des formes <> . . . . . . . . . . . . . . . . . .

445

3) Le p r o b l ~ m e des formes caines >> . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

445

Conclusion

<
............................

446

A n n e x e : Liste f a u n i q u e des g i s e m e n t s . . . .

446

R6f6rences bibliographiques

449

.............

INTRODUCTION

Fig. 1. - - Localisation des diff6rents gisements de mammif~res du Pal6og~ne de Majorque Map of Mallorca showing the location of Palaeogene mammals sites

--

441

~taient [r~quent~es par des [ormes d'ori,qine europt~enne. Les trouvailles r~centes de R. Adrover (Adrover Huqueney, 1975; Adrover et al., 1978), de H. de Bruijn et al. (1979) et la poursuite des fouilles dans les nouveaux ,qisements decouverts dans cette ile ont au,qment~ le nombre des formes repr~sent6es et mis en 6vidence l'ori,qinalit~ de ces faunes. En re,qroupant l'ensemble du materiel, on peut tenter de cerner de plus pros l'6chelonnement et les modalit6s du peuplement de Majorque (notons ici que les autres lies de l'archipel n'ont livr~ aucun reste de vert~br~ pal~o,qene).

D~s le milieu du xtx" si~cle et jusqu'~l nos jours de nombreux auteurs, aussi bien espaqnols qu'~tranqers, se sont int~ress~s aux Mammif~res pal~o,q6nes trouves dans les mines de li,qnite de Majorque (Espagne) - - citons entre atttres : L.M. Vidal, B. Darder Pericas, C.I. Forsyth Major, C. Dep6ret et P. Fallot, F. Roman, G. Colom, ]. Bauzh, R. Adrover - - ; les r6sultats de leurs ~tudes sont repris et comment6s dans les travaux r~cents de G. Colom (en particulier, 1975) et de 1. Bauz/i (1968). O n arrive h la conclusion de l existence h M a j o r q u e de lacs, dont la dur6e s'~ta,qe du Ludien au Stampien et dont les rives

I. - -

--

LOCALISATION

DES GISEMENTS

On peut les classer en deux groupes : les `qisements du bassin central de l'ile d'une part et, d'autre part, les gisements de la c6te sud-ouest (fi,q. 1 ).

l'exploitation commerciale des li`qnites dans l'ile d6s le d6but du xxx" si6cle. Ils sont ,qroup6s autour du villa,qe de Selva (Biniamar, Lloseta...) et, par ailleurs, aux alentours de Sineu.

] ) Gisements du bassin central

2)

Leur caract~ristique commune est leur association h d'importantes formations li,qniteuses; ce sont les plus anciennement connus du fait de

II. - - - LES D I F F I ~ R E N T E S II apparait, si l'on sances actuelles sur formes rencontr~es ~ ment s'est effectu~ en

tient compte des connaisl'extension des diff6rentes Majorque, que le peupleplusieurs ~tapes (tabl. 1).

1 ) Eocene sup~rieur Du fait de la presence de taxons qui sont connus en E u r o p e ant6rieurement h la r G r a n d e Coupure >> de Stehlin (changement faunique important commun/~ment admis comme synchrone de la limite Eoc~ne-Oli,qoc~ne). il est clair qu'une p~n~tration des faunes europ~ennes dans la zone majorquine a ~t6 possible h l'Eoc~ne sup6rieur. - - Les faunes les plus anciennes semblent bien repr~sent~es h SELVA et dans les localit~s voisines de BtNIAMAR, LLOSETA (voir. en annexe, la liste faunique de ces ,qisements) ; en effet, Lophiothe-

Gisements de

la

c6te sud-ouest

11 s'a,qit des deux gisements de Pa,quera, localis6s dans des marnes ,qrises intercaldes dans une s~rie marno-calcaire /t pass~es con,qlom~ratiques situ~e ~ l'extr~mit6 sud de la Sierra Norte.

PHASES

DU

PEUPLEMENT

rium cervulum, forme terminale des Hyracoth/~riid6s europ6ens, n'est pas connu plus haut que le niveau d'Euzet ; le 9enre Plesiarctomys ne semble pas atteindre le niveau de La D6bruge et Elfomys tobieni est connu de Robiac. I1 semble donc que l'on puisse individualiser, /l l'int6rieur de l'Eoc~ne sup~rieur, une premiere phase marin~sienne (c'esth-dire h peu pr6s, Ludien inf~rieur) ; /l cette phase devrait aussi appartenir Pseudoltinomys gliri[ormis qui semble peu hypsodonte par rapport ~ P. cmfferi du niveau de M o n t m a r t r e et pourrait avoir un niveau d'~volution plus proche de celui de P. phosphoricus d'Euzet. - - Line deuxi~me ~tape est marquee, au Ludien sup~rieur ( ~ Priabonien), par l'arriv~e des membres de la sous-famille des AnoplothCriin~s (Anoplotherium commune et Diplobune secundaria) qui sont inconnus en Europe avant le niveau de

442

La D6bruge. A. commune disparait au moment de la G r a n d e C o u p u r e alors que D. secundaria continue jusqu'au niveau de M o n t a l b h n ; il en est de m~me pour PlagioIophus (---- Paloplotherium) [raasi qui doit faire partie de la m~me faune. Les r~centes trouvailles ~oc6nes ~ SelvaBiniamar se r a p p o r t e n t routes A la [aune la plus ancienne; on peut donc penser que les couches a y a n t livr(! autre[ois les formes priaboniennes n ' o n t pas ~t~ localis6es ou bien ont disparu. T o u tefois, on ne peut ~carter l'hypoth6se que les formes du niveau le plus ancien aient pu persister M a i o r q u e un peu plus longtemps que dans le reste de l ' E u r o p e et se rencontrer duns le m~me gisement que les arrivants plus tardifs.

--

Ainsi des possibilit~s de communication avec l ' E u r o p e semblent avoir exist~ tout au long de l'Eoc6ne sup~rieur depuis le niveau de R o b i a c ; on ne peut savoir si le p a s s a g e a ~t6 continu ou s'il s'est produit seulement h certaines p6riodes mais, quel que soit l'6chelonnement des arriv~es, on peut noter deux faits: -certaines [ormes, apparent~es aux genres europ~ens, montrent cependant des differences morphologiques pouvant atteindre le niveau sp~cifique (t). gliri[ormis, ?Plesiarctomys sp.), ce qui p a r lerait en faveur d'un certain degr~ d'ind~pendance du territoire bal~are. Les faunes de mollusques de cette ~poque, connues pour leur end~!misme, t~!moi~nent d a n s le m~me s e n s ;

93'

CODERET LA MILLOQUE BONINGEN - COURNON Z

<

ANTOINGT

2 gl

9 m

HEIMERSHEIM

9 MONTALBAN VILLEBRAMAR HOOGBUTSEL- RONZON

Gra nde oo

FROHNSTETTEN

LIp 1.11C

MONTMARTRE LA DEBRUGE PERRIERE

5 -r

FONS 4 - EUZET GRISOLLES ROBIAC

Tabl. 1. - - Extension dans le temps des genres et esp~ces de mammif~res trouv~s dans le bassin central de Majorque ; les II~ches indiquent les p~riodes possibles d'arriv~e de faunes. Temporal distribution of mammalian genera and species found in the Mallorcan Central Basin ; arrows indicate possible faunal arrivals.

- - 443 - bien que le nombre des individus puisse %tre assez 41ev4 dans les gisements (coll. J. Bauza h Palma), le hombre de families et de genres est tr4s faible par rapport fi celui connu dans les gisements synchrones d'Europe (au total, seulement deux Pal4oth4riid4s, deux Anoploth4riid4s et cinq rongeurs). Ceci semble bien indiquer que, m~,me si les possibilit4s mat4rielles 4taient r4alis4es pour le passage, il existait sans doute une barri~re 4cologique jouant le r61e de filtre. K. Heissig (1978, p. 278-279) a montr4 que la faune /~ Diplobune 4tait g4n4ralement fiche en individus mais pauvre en esp4ces - - ce qui est 4galement le c a s h Majorque - - : il en conclut qu'elle habitait un biotope d4favorable occup4 seulement par des formes sp4cialis4es. Comme, en Allemagne, on trouve Diplobune bavarica dans des s4diments rouges sans trace d'influence aquatique, K. Heissig pense que cette esp4ce devait habiter une savane parsem4e de bosquets; par contre, il note que Diplobune quercyi se rencontre seulement dans des faunes ~ influence aquatique ; c'est plut6t ce dernier biotope qui serait en accord avec la pr4sence ~ Selva de Crocodiliens, de roseaux (Typha et Phra~Tmites), de foug~res de grande taille (Acrostichum, actuellement cantonn~ dans les fissions intertropicales /~ proximit~ de la mer, pros de l'embouchure des fleuves), de formes de Gast~ropodes, en particulier Neritina, qui indiqueraient plut6t la bordure de grands fleuves h courant assez fort (comm. orale de G. T r u c ) ; moins que, pr6cis~ment, les crues de ces grands fleuves aient pu transporter les cadavres d'animaux assez loin de leurs biotopes d'origine. -

-

2 ) Oligoc~ne La presence /t Majorque de formes qui ne sont arrivdes en Europe qu'apr~s la G r a n d e Coupure indique que durant l'Oligoc~ne les possibilit~s de communication continuaient ~t exister. II y a eu cependant d~placement de la zone de s~dimentation, car, si des fossiles oligoc~nes semblent avoir ~t~ trouv~s ;~ Binisalem (situ~ fi peine /~ l'Est de Selva). la majeure partie du materiel provient de la r~gion de Sineu, tout ~h fait au centre de File, tandis que les gisements, ~galement oligocs de Paguera occupent la bordure sud de la Sierra N o n e . S*NEU Contrairement aux gisements de Selva, ce bassin semble reprs une unit~: en effet des ~chantillonnages effectt,~s en divers points (puits

de mine, anciennes mines, exploitation r~cente /, ciel ouvert, de la base jusqu'aux derni%res couches marneuses du sommet de la carri~re) ont toujours fourni la m~me faune, d'ailleurs tr~s diss~min~e et peu vari~e (voir liste en annexe). Les formes de grande tail/e ne sont pas des repr~sentants des premiers migrants post~rieurs /, la G r a n d e Coupure mais des arrivants plus tardifs (Anthracoth~riid%s : Anthracotherium et Elomeryx --~ ? Brachyodus, qui sont connus en Europe seulement dans le niveau de Villebramar). I1 s'agit d'ailleurs d'une forme de taille d%j~ forte du genre Anthracotheriurn, ce qui indique un niveau assez ~lev~ de rOligoc~ne. De marne, le th~ridomorphe taeniodonte, les Pseudocricetodon et le Paracricetodon tr~s ~volu~s concordent pour indi~ quer un niveau homog~ne, tr~s voisin de celui d'Antoingt (Stampien sup~rieur). Ici aussi la faune est tr~s proche des formes europeennes bien que beaucoup moins diversifi~e. BINISALEM I l n e molaire inf~rieure de Suide, d~termin~e par Roman (1927) comme Palaeochoer,s mut. waterhonsi repr~sente plut6t un Doliochoerus quercyi de taille moyenne ; tout comme les Anthracotherium, les Doliochoerus font partie de la deuxi/~me vague de migrants post~rieurs fi la G r a n d e Coupure. Les derniers repr~sentants de ce genre, d'ailleurs de plus grande taille que la forme de Binisalem ne d~passent pas le niveau de La Milloque. Bien que situ~ tout pr%s des gisements ~oc~nes, Binisalem correspond plut6t, du point de vue de son ~ge, au gisement de Sineu. I1 semble donc que le renouvellement faunique postdrieur ~ la G r a n d e Coupure n'ait atteint le bassin central de M a j o r q u e que tr~s tardivement, la fin de l'Oligoc%ne moyen. F.

PAGUERA ia faune des deux (Adrover ~ Hugueney,

gisements de Paguera 1975: Adrover et al.,

1978) est actuellement encore en cours d'~tude. Sa datation precise pose des probl~mes du fair de l'oriqinalit~ de la majorits des formes qui la composent ; en particulier, la for,ne dominante est morphologiquement plus proche des Phiomyid~s de l'Eoc~ne-Oligoc~ne du Fayoum et du Mioc%ne du Kenya que de tout autre groupe. Quelques families apportent cependant des %l~ments de comparaison avec les faunes europ~ennes mais ceux-ci ne concordent pas totalement. Glirid~s : deux formes sont comparables aux genres europ~ens : -

-

.... 44't - -

9 Oligodtjromys planus BAHLO, 1975 avait ~te signal6 auparavant sous le nora de Bransatoglis a[f. [ugax; par ses dimensions et sa structure, il est cependant tr~s proche de O. planus d~crit ult6rieurement & l'Oligoc~ne moyen d'Heimersheim (Allemagne) et retrouv~ dans des niveaux de m~me ,~ge du Sud-Est de la France (Saint-Martin-deCastillon, Vaucluse). 9 Bransatoglis nov. sp. : le mat~riel d6sign6 ant~rieurement comme B. aff. concavidens nous semble actuellement representer une esp~ce dif[erente du B. concavidens de Coderet, ~ placer, sans doute, sur une branche lat~rale de l'~volution de la lign~e de B. concavidens-B, cadeoti. En effet, cette forme est d'aspect plus primiti[ du fait de ses tubercules bien marquis, de ses cr6tes accessoires moins d~velopp~es et moins bien individualis6es; en particulier, les crates situ6es/~ l'int6rieur du trigone des molaires sup~rieures se regroupent en un lacis o/~ centrolophes et crates accessoires ne sont plus reconnaissables. Les P4 et les M3 sont de taille proportionnellement petites mais les M I-2 atteighent tes dimensions maximales de Coderet. alors que, dans cette lign6e, on observe une augmentation des dimensions au cours du temps. Peut-~tre peut-on d~celer ici les premi~res influences d'un isolement auquel la famille des Glirid~s, apparemment tr~s sensible /~ ce ph~nom~ne, r~agit le plus souvent par une tendance au gigantisme. Cette forme ne peut donc apporter de donn~es pr~cises sur l'~ge de la [aune; on peut seulement la consid~rer comme plus ancienne que B. concavidens de Coderet. --Sciurid~s: R. Adrover ~ M. H u g u e n e y (1975) avaient signal6 la presence de deux formes de Sciuropt6res de tai]le diff6rente ,~ Paguera, alors que cette famille n'6tait pas connue dans l'Oligoc~ne d'Europe. Depuis lors, K. Heissig (1979b) a d~crit dans les gisements de l'Oligoc~ne inf~rieur d'Allemagne le nouveau genre Olicjopetes, rapport~ & la sous-famille des Petauristinae, avec trois esp~ces, O. lophulus, O. radialis et O. obtusus ; la comparaison avec le materiel de Paguera semble bien montrer l'identit~ de celui-ci avec O. radialis et O. obtusus (la plus petite forme O. lophulus ne semblant pas repr~sent~e) ; tout au plus, les dents de Paguera sont-elles un peu plus grosses que le mat6riel-type, indiquant peut-~tre un ~ge l~g~rement plus r~cent. --Pseudosciurid~s: Paguera I e t Paguera II ont tous deux livr~ des Suevosciurus, formes qui ont disparu de presque toute l'Europe ~ la fin de l'Eoc6ne et dont l'6volution ult~rieure paraissait cantonn~e en Allemagne du Sud.

Nous avions d~j/l not~ une difference de taille et de fr~quence entre Paguera I et Paguera I I : une ~tude precise de la coupe a montr~/t L. Pomar que Paguera II 6tait stratigraphiquement un peu plus ancien que Paguera I (comm. orale). Oi1 obtient donc la r~partition suivante :

Suevosciurus Paguera I : grande taille ; rare Paguera I I : petite taille ; abondant

Th~ridomorphe absent rare

On peut ~mettre l'hypoth~se qu'une forme initiale, proche de S. [raasi, subissant une forte concurrence (sans doute de la part de la forme <> tr~s abondante) a vu sa representation diminuer en m@me temps que sa taille augmentait rapidelnent. S. [raasi s'~teint en Allemagne juste avant le niveau de Montalb~n, ce qui impliquerait un ~ge proche de la base de l'Oligoc~ne moyen pour l'arriv6e de cette forme ,~ M a j o r q u e ; moins que le Suevosciurus de Paguera puisse avoir ~volu6 sur place ~ partir des Suevosciurus de Biniamar. -Th~ridomorphes : il n'est pas totalement impossible que le Pseudoltinomys de Paguera II puisse d~river de P. gliriformis de l'Eoc~ne de Biniamar; la forme de Paguera II est de m6me taille que P. gliri[ormis mais pr~sente des caract~res plus ~volu6s, en particulier une hypsodontie plus forte ; cette forme, d~j~ tr6s rare ~ Paguera II (seulement deux dents), n'a pas ~t/: retrouv~e /! Paguera I e t il est possible qu'elle ait 6t~ 6galement victime de la concurrence des Phiomyid~s.

- - Cricetid~s : Eucricetodon a[f. dubius (en raison de la priorit6 de E. dubius sur E. quercyi; Brunet et al., 1981) est interm6diaire par sa taille entre les Evcricetodon du niveau de Montalb,~n et ceux, plus r~cents, de Pech-du-Fraysse. En consequence, puisque le grand Glirid~ ne semble pas indiquer un niveau aussi r6cent qu'on pouvait le penser tout d'abord, il semble bien que l'on puisse proposer un ~ge oligoc~ne moyen pour Ies gisements de Paguera sans pouvoir trancher entre un niveau bas, voisin de celui de Montalb6n (indiqu~ par les Sciurid6s, Pseudosciurid6s, Th~ridomorphes) ou un ~ge plus ~lev~, voisin de celui d'Heimersheim-Antoingt (sugg~r6 par les Glirid 6 s ) ; il semble toutefois tr~s probable que Paguera soit un peu plus ancien que S i n e u ; le fait qu'il n'y ait aucune [orme commune entre les deux gisements ne rend pas les comparaisons faciles mais on peut remarquer que les Pseudosciurid~s et le genre Pseudoltinomys n'ont pas atteint en Europe le niveau d'Antoingt.

--

III.

~

L'ORIGINE

DES

1 ) Origine ,europ~nne E n majeure pattie, les faunes qui out peupl~ les Bal~ares sont tr~s proches des [aunes europeennes de meme niveau ; cette caracteristique rut raise en ~vidence d~s les premieres trouvailles et est expliqu~e par le [ait que, au cours du Tertiaire, le domaine mediterran~en a 6t6 soumis /t d'importants c h a n g e m e n t s ; la repartition des terres et des mers rut profondement modifi~e et, g la [aveur des divers mouvements, ont pu se c r i e r des connexions tr~s differentes de l'Actuel. A la fin de l'Eocene et de l'Oligocene, Majorque, ultime prolongemem des Cordill~res betiques, semble se rattacher h u n ensemble continental unissant le bloc corso~sarde, la Calabre et les K a b y l i e s /l ta Provence et au domaine ib~rique (parm~ l'abondante bibliographie sur ce sujet, on peut consulter Alvarez et al., 1974 ; Colom, 1975 ; Azzaroli ~ Guazzone, 1979-80); l'extension des formes europ~ennes jusqu'g M a i o r q u e n'offrait pas, en principe, de difficult~s bien que nous ayons not~ le [aible nombre de 9enres de mammif~res trouves g Maiorque, qui pourrait bien etre en rapport avec l'existence de ~ [iltres >>. O n peut remarquer qu'il n'y a aucune forme en commun ou meme apparent~e entre M a j o r q u e et la Sardaigne ; il est vrai que les Lophiodon sardes proviennent de niveaux plus anciens que les couches repr~sent~es g~ Selva mais il faut egalement noter que les deux formes trouvees dans l'Eoc~ne de Sardaigne montrent des particularit~s suffisamment importantes pour justifier la creation d'une esp~ce et meme d'un genre nouveaux (Lophiodon sardus et Atalonodon mon(erini), ce qui semble bien mettre en ~vidence un certain degr~ d'end~misme. P a r contre, dans l'Oligocene de Calabre sont signales, tout comme ~ Majorque, des A n t h r a cotheriides.

2 )

Le probi~me des formes (( germaniques ))

Dans l'Oligoc~ne de Paguera on trouve des Pseudosciurid~s et des Sciuropt~res connus g cette epoque uniquement dans les gisements de l'Oligocene d'Allemagne du Sud et consideres comme t~moins d'une <> (Schmidt~ Kittler, 1977).

445 - -

FAUNES

SUCCESSIVES

En effet, les Suevosciurus, abondants en Allemagne du Sud ok leur ~volution se poursuit assez haut dans l*Oligocene moyen, ne sont connus apr~s la G r a n d e Coupure ni en France (oil pourtaut les riches gisements des phosphorites du Q u e r c y auraient dfi en livrer), ni en Espagne (malgre la faune tr~s vari~e decouverte /l M o n t a l b/m). O n pouvait penser que ce genre avait vu son aire de r~partition se disjoindre et qu'/t partir de formes eocenes comme S. minimus l'~volution avait pu se poursuivre dans certains <>, d'une part en Allemagne du Sud et, plus discre~ tement, dans le domaine des Baleares et jusque clans la region de N a r b o n n e (France) - - la forme trouvee g Armissan (Aude) repr~sente un Suevos~ ciurus evolu~ de la taille des derniers S. ehin9ensis a l l e m a n d s - - . La presence simultanee des Sciuropteres remet cette hypoth~se en question car il semble bien etabli que ceux-ci ne d~rivent pas d'esp~ces autochtones mais sont arrives apr~s la G r a n d e Coupure en Allemagne, et ~galement /l Majorque, sans etre connus ailleurs. Ces deux familles posent donc le probleme d'une liaison privilegi~e entre l'Allemagne du Sud et les Bal~ares, route qui ne passait vraisembla* blement pas par la France ni par l'Espagne peninsulaire mais qui, ~ titre d'hypothese, pouvait peut~etre emprunter le seuil intra~alpin connu pour avoir ete praticable d~s l'Eocene (Heissig, 1979a).

3 ) Le probl~me des formes (( africaines )) La {orme qui <~pullule >> g Paguera est representee par des dents isolees morphologiquement proches des Phiomyid~s connus au F a y o u m (Egypte) et au K e n y a ; elle ne peut d~river d'aucun theridomorphe actuellement connu, meme les plus aberrants de l'Eocene superieur (Ectro~ pomys, Remys, Pairomys) ; Ectropomys et Pair romys sont /~ ecarter du fair de leur hypsodontie dejg plus f o r t e ; chez Remys, brachyodonte tout comme la forme de Paguera, la crete longitudinale, bien marquee sur les molaires inferieures de Paguera, est inexistante (g son emplacement un sillon net indique la tendance au d~veloppement de deux lobes s~parCs). Ces trois genres out, de plus, des dents sup~rieures o/1 le plan penta!o~ phodonte des T h e r i d o m o r p h e s est bien reconnaissable ; ce n'est pas le cas chez la forme de Paguera o/~, tout comme chez certains Phiomyides et chez

- - 446 - -

les Thryonomyid4s, il y a seulement trois crates, le protoc6ne 4rant prolong4 par une cr6te unique et s4par~ de l'arri6re de la dent par une vall6e oblique. L'hypoth~se d'une immigration de cette forme est ~tay~e par: son abondance: une forme nouvellement arriv~e, qui porte en elle un degr~ 41ev4 d'expansionisme, a tendance h se multiplier pour occuper le maximum de niches dans son nouveau territoire ; sa comp4titivit6: aboutissant ~ l'~limination des Pseudosciurid4s et des Th4ridomorphes. Si on la rapproche des Phiomyid6s (ou des Thryonomyid~s) son origine dolt ~tre africaine puisque, dans le Pal4og~ne, cette famille est connue, jusqu'~t present, uniquement dans le Fayoum. En l'absence de jalons, la route emprunt4e est tr6s conjecturale; un passage par l'arc b4tico-

rifo-maghr4bin avait 4t4 propos6 (Adrover Hugueney, 1975) et pourrait s'expliquer par la collision de ce bloc d'abord avec l'Afrique, vers 45 M.A., puis avec la marge ib4rique vers 30 M.A. (Bourgois, 1980) ; cependant la raise en 4vidence r4cente en M4diterran~e d'une plate-forme carbonat4e, 4merg~e h l'Eoc6ne sup~rieur-Oligoc~ne, situ~e au large de la Tunisie et ayant apparemment des liaisons avec les Apennins, montre une autre vole possible et met en 6vidence notre m4connaissance actuelle de la pal6og~ographie du bassin m~diterran~en au Pal4og~ne (Bismuth Bonnefous, 1981 ). La faune de Paguera renferme done, h c6t4 de formes europ4ennes, des 61~ments originaires d'Allemagne d'une part et d'Afrique d'autre part ; par ailleurs elle ne semble pas persister longtemps puisque la faune apparemment ult4rieure de Sineu, d'origine clairement europ~enne, est tout h fait diff4rente et n'a aucun genre en commun.

CONCLUSIONS

Finalement, l'apport des petits mammif~res r6cemment d6couverts h Majorque permet de pr6ciser l'6chelonnement dans le temps des divers arrivants. Durant l'Eoc~ne, une premiere vague marin4sienne est repr4sent4e h Biniamar, Lloseta et Selva, suivie d'une s4rie de formes un peu plus r~centes (Priabonien) trouv~es ~galement h Selva. A l'Oligoc~ne, l'~ge de la faune pourtant tr~s vari4e de Paguera n'a pu ~tre pr4cis4 et peut s'6tager entre les niveaux de Montalb~n h Heimersheim ; au contraire, la faune de Sineu indique tr~s nettement le niveau un peu plus r6cent d'Antoingt. Toutes les faunes du bassin central de l'ile (Eocene de Selva, Biniamar, Lloseta; Oligoc~ne

ANNEXE

: LISTE

de Binisalem et Sineu) ont une origine clairement europ~enne, en rapport avec les liaisons pal4og4ographiques du territoire majorquin, qui n'~tait alors pas une fie, avec les plaques ib6rique et europ4enne (par l'interm4diaire du bloc corso-sarde?). On peut toutefois mettre en 4vidence l'existence de (< filtres >7 emp~chant la p4n4tration d'un grand nombre d'esp~ces en favorisant la cr4ation d'esp~ces nouvelles. L'origine de la faune tr~s vari~e de Paguera (affinit6s avec l'Allemagne du Sud et le Fayoum) reste encore 4nigmatique. A la fin de l'Oligoc~ne, une transgression marine recouvrira ce territoire et provoquera la disparition totale de routes ces faunes.

FAUNIQUE

DES

GISEMENTS

Eocene

?Plesiarctomys sp. (fig. 4-5) Glirauus priscus STEHLIN ~ SGHAHB

B1NIAMAR: age marin4sien

Didelphid4 intl4t. Nyctith4riid4 ind4t.

Sueuosciurus minimus (MAJOR) (fig. 3) El[omys cf. tobieni (TI~ALER) (fig. 2) Pseudoltinomgs gliri[ormis DE BRUIJN

El[omgs cf. tobieni est ~ peine plus .qrand que la formetype de Robiac; ?Plesiarctomys sp. : ces dents se rapprochent du genre Plesiaretomys par leurs protoc6ne et hypo-

2 t

)

iX

4b Ron.qeurs 4oc6nes de Biniamar et Selva Eocene rodents from Blniamar and Selva Fig. 2. - - El[omys cf. tobieni (THALER) :

Fig. 4. - - ? Plesiarctomys sp. :

MI_,2 d de Biniamar (coll. Adrover) Right FAt-e- from Biniamar 2 a : face occlusale - occlusal view 2 b : profil externe - labial side

Mt Left 'ta: 'tb:

Fig. 3. - - Suevosciurxts minimus (MAJOR) :

Fig. 5. - - ? Plesiarctomgs sp. :

M1 Left 3a: 3b:

p,t ou 194 d ? de Biniamar, r u e occlusale (coil. Hugueney) .7Right p t or D-t from Biniamar, occlusal view

q de Biniamar (coll. Hugueney) FAt from Biniamar face occlusale - occlusal view profil externe - labial side

c6ne presque 4galement d~velopp6s et ~ peine s4par~s l'un de l'autre, par la tendance du cingulum posterieur ~t venir se souder au m4sostyle par l'interm~diaire d'un bourrelet labial par r a p p o r t au m6tac6ne (voir la M1), par le contour piriforme et la pente lingual| tr~s d4velopp4e de la M 1 ; mais la taille est beaucoup plus faible que celle de toutes les esp~ces connues de Plesiarctomvs [cependant W o o d {1970) signale dans le Lut4tien de Montllobar en E s p a g n e un PIesiarctomgs sp. 1 qui serait de dimensions 6quivalentes] et la surface occlusale est beaucoup plus compliqu~e par le

g de Selva (coll. Hugueney) M t from Selva profil ant4rieur - anterior side face occlttsa]e - occlusal view

L'dchelle reprdsente 1 mm - Scale represents 1 mm.

developpement accessoires.

de

nombreuses

petites

crates

et

cuspides

LLOSETA: &ge marin4sien Lophiotherium cervulum GERVA1S Flore 1 : Myrica sp. I. La flore des diff4rents gisements est tir~e de J. Bauzfi (1968).

--

SELVA: fi~e marin6sien a Priabonien Crocodiliens Trionyx sp. Lophiotherium cervulum GERVAIS Plagiolophus [raasi (VON MEYER) Anoplotherium commune CUWER Diplobune secundaria CuvIER Pseudoltinomys gliri[ormis DE BRUUN 2 Plesiarctomys sp.

4"t8

-

-

PAGUERA I I : age oligoc~ne moyen (sans doute un peu plus ancien que Paguera I) Ce gisement contient les m~mes formes que Paguera I mais quelques-unes sont absentes et le genre Suevoseiurus est represent6 par des dents de taille plus faible, plus proches de S. [raasi (MAJOR); par contre, il renferme deux dents d'un Th~ridomorphe, Pseudoltinomys sp.

Flore : Acrostichum (Chr!tsodium) lanzeanum, Sequoia langsdor[i, Typha cf. latissima, Phragmites L Sabal major, Phoe~ nicites pseudosylvestris, ]uglans sp. ? L'incisive de grande taille signal~e par ]. Bauza (1968) comme Sr sp. (genre inconnu en Europe avant l'Oligoc~ne) pourrait appartenir h .2Plesiarctomys sp.

Oligoc~ne BINISALEM: age oligoc6ne moyen ?

SINEU: age oligoc~ne moyen (niveau d'Antoingt) Trionyx sp. Cyprinid~s Crocodiliens Anguid6s (cf. Ophisaurus, d6termination ].C. Rage) ?Ericin~ (d6t. ].C. Rage) Desmanin6 ind6t. Dinosorex sp. Th6ridomorphe taeniodonte ind6t. (Taeniodus, Archaeomys gervaisi ou Blainvillimgs blainvillei ?) ? Vasseuromys sp. Pseudotheridomys cf. pusi[lus FAHLBUSCH Paracricetodon cf. cadurcensis (ScHLOSSER)

Pseudoericetodon incertus (SCHLOSSER) Pseudocricetodon aff. philippi HUGUENEY Anthracotherium taille moyenne (A. magnum CLIVIER oH A. alsaticum mut. [ilholi DEP~RET) Brachyodus sp. (? -- Elomeryx) Amphitragulus cf. gracilis (en principe ce genre n'est connu

Doliochoerus quercyi (FILHOL) Trionyx sp. Ftore: Phragmites sp. PAGUERA I : fige oligoc6ne moyen Phiomyid6 ind~t. ? Ctenodactylid6 ind6t. Eucricetodon aff. dubius (ScHAUB) Gliravus taille priscus (STEHLIN ~.~ SCHAUB) Bransagoglis nov. sp. Oligodyrom!ls planus BAHLO Sueuosciurus cf. ehingensis DEHM Oligopetes radialis HEISSlG Oligopetes obtusus HEmSIG Nyctitheriid6 ind6t. Talpid6 ind6t. Tetracus sp. Didelphid6 ind6t. Carnivora ind6t. Cainotheriid6 ind6t. [Jngula~a div. sp.

en Europe que dans des niveaux plus r6cents qu'Antoingt ; cependant K. Heissig le signale avec doute dans l'Oligoc~ne inf6rieur).

Age ind~termin~ SON FE

Trionyx sp. Palaeochoerus

sp. (l'hmn~rus figur6 par Bauzfi, 1968, n'appartient certainement pas fi ce genre; peut-~tre est~ce de la tortue). Flore: Dryopteris dalmatica, Typha cf. latissima, Sabal major, Sapindus sp., Ma'anolia sp., Crassulites sp., Quereus eleana, Myriea sp., Fieus sp, Cinnamomum polymorphum, Lindera stenoloba, Laurus sp., Aeer sp.

Remerciements Les travaux de terrain effectu6s par M. Hugueney ont ~t6 r6alisds grfice ~ l'autorisation de la Commission nationale de G6ologie espagnole et h l'aide d'une bourse d'6changes scientifiques franco-espa.qnols et de plusieurs missions du C . N . R . S . R . Adrover a pu assurer le transport du s6diment

grace h l'aide de J. Sacares, L. Llull et S. Ordinas ; S. Moy~ et J. Pons ont ~galement aid~ dans certaines fouilles, principalement 8 Paguera. Les auteurs remercient les g6ologues et collectionneurs majorquins J. Bauz~, G. Cotom et L Pomar pour leur aimable accueil.

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