Rec¸u le : 3 juin 2007 Accepte´ le : 14 de´cembre 2008 Disponible en ligne 31 janvier 2009
Disponible en ligne sur
www.sciencedirect.com
E´ditorial Function and place of hospital in the child welfare M. Roussey*, M. Balenc¸on, P. Suissa Poˆle de pe´diatrie me´dicochirurgicale et de ge´ne´tique clinique, cellule d’accueil spe´cialise´ de l’enfance en danger (CASED), hoˆpital Sud, CHU de Rennes, 16, boulevard de Bulgarie,
Le roˆle et la place de l’hoˆpital dans la protection de l’enfance
35203 Rennes cedex, France
Mots cle´s : Enfants, Se´vices, Enfant maltraite´, Hoˆpital
1. Enfance en danger et e´volution des structures hospitalie`res Depuis plus de 25 ans, de nombreuses circulaires ministe´rielles et lois ont re´affirme´ le roˆle de l’hoˆpital dans la protection de l’enfance [1]. Ces refontes le´gislatives ne sont que le reflet de la place de l’enfant au coeur de la vie sociale. On peut re´sumer brie`vement les de´marches : l’e´tape diagnostique d’abord ; la gestion de la situation dans sa complexite´ ; les interventions en pre´vention secondaire et primaire. La situation est toujours de´stabilisante, avec une remise en question de son savoir, par rapport aux familles et par rapport aux autres professionnels de l’institution hospitalie`re. L’acquisition d’une culture multidisciplinaire, avec des liaisons interinstitutionnelles d’autant plus efficaces que le champ professionnel de l’autre est respecte´, nous apparaıˆt comme un pre´ambule primordial dans la prise en charge de l’enfant suspect de mauvais traitements. Par de´finition, il s’agit d’une activite´ dite « chronophage », demandant beaucoup d’e´nergie, avec des re´sultats qui ne sont pas toujours a` la hauteur de l’e´nergie de´pense´e. Il s’agit d’une pathologie sociopsychome´dicale aux multiples facettes, et si on peut re´gler relativement rapidement le proble`me purement me´dical, il est toujours beaucoup plus difficile de traiter les causes ou les conse´quences psychosociales. Cette prise en charge justifie un savoir-faire spe´cifique de re´seau et ne peut en aucun cas reposer sur une seule personne, comme c¸a a pu * Auteur correspondant. e-mail :
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eˆtre le cas dans le passe´. Les circulaires ministe´rielles successives ont permis la reconnaissance de ce travail et n’ont fait qu’officialiser des circuits de´ja` existants dans de nombreuses villes mais, trop souvent, les partenariats mis en place ont plus e´te´ le fruit d’engagements individuels. Au fil du temps, il est apparu comme ne´cessaire d’authentifier des structures de´die´es a` cette prise en charge et d’en organiser le financement et les missions.
2. Les cellules d’accueil hospitalie`res et les poˆles de re´fe´rence re´gionaux Ce sont les circulaires successives de 1992, 1997 et 2000 [1], qui ont de´fini la prise en charge et les conditions d’accueil, dans les e´tablissements publics de sante´, des enfants victimes de maltraitance et les poˆles de re´fe´rence re´gionaux. Les obligations et les modalite´s sont brie`vement rappele´es.
2.1. La prise en charge en urgence des victimes de violences ou de mauvais traitements Au regard de la circulaire no 97-380 du 27 mai 1997 [1], les e´tablissements publics de sante´ ont des obligations de prise en charge des victimes de violences sexuelles. En effet, ils doivent pouvoir accueillir et informer les victimes mineures et majeures et leur famille, pratiquer un examen me´dical et me´dicole´gal si la personne porte plainte, re´aliser des soins adapte´s a` l’e´tat clinique et permettre une prise en charge me´dicopsychologique. Les modalite´s de prise en charge sont aussi de´finies et re´pondent a` une logique de travail 217
0929-693X/$ - see front matter ß 2008 Elsevier Masson SAS. Tous droits re´serve´s. 10.1016/j.arcped.2008.12.013 Archives de Pe´diatrie 2009;16:217-219
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interdisciplinaire, en re´seau avec un accueil permanent. Elles sont de´finies comme suit : les possibilite´s d’accueil 24 h sur 24 h ; un travail en liaison avec les services de me´decine le´gale ; un po ˆ le me´dicopsychiatrique ; un suivi ulte´rieur possible ; une collaboration avec les services du conseil ge´ne´ral, partenariat local avec les diffe´rents services implique´s ; des relations re´gulie`res avec le po ˆ le de re´fe´rence re´gional. Les prises en charge me´dicojudiciaires doivent eˆtre re´alise´es dans un univers pe´diatrique privile´giant ainsi un accueil sensible et adapte´. Cette priorite´ sera souligne´e par la circulaire DHOS/SDO no 2003-238 du 20 mai 2003 [1].
2.2. Les poˆles de re´fe´rence re´gionaux Afin de coordonner les actions locales entreprises au sein de chaque e´tablissement public de sante´, les agences re´gionales d’hospitalisation (ARH) ont de´signe´ un ou plusieurs centres re´fe´rents par re´gion. Les crite`res de de´signation des poˆles reprenaient ceux pre´ce´demment cite´s en y ajoutant l’obligation d’un plateau technique pluridisciplinaire comprenant un service d’accueil d’urgence, un service de gyne´co-obste´trique et un de pe´diatrie. Compte tenu de la disparite´ des centres, tant sur le plan ge´ographique et structurel que sur le plan des motivations, tous les e´tablissements ne pouvaient pre´tendre a` devenir poˆle de re´fe´rence.
3. La loi du 5 mars 2007 re´formant la protection de l’enfance La loi 2007-993 du 5 mars 2007 [2] vise a` rede´finir les objectifs prioritaires de la protection de l’enfance, notamment pour re´pondre aux situations de violence et de maltraitance. Trois objectifs sont affirme´s : renforcer la pre´vention, en essayant de de´tecter le plus pre´cocement possible les situations a` risque par des bilans re´guliers « aux moments essentiels de de´veloppement de l’enfant » : entretiens syste´matise´s au 4e mois de grossesse, visite a` domicile dans les premiers jours suivant la sortie de maternite´, bilans syste´matiques a` l’e´cole maternelle a` 3–4 ans, au cours de la 6e anne´e, puis en primaire et secondaire au cours des 9e, 12e et 15e anne´es. . . re´organiser les proce´dures de signalement : cre´ation dans chaque de´partement d’une cellule spe´cialise´e « dite de signalement », en de´finitive de´nomme´e cellule de recueil, de 218
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traitement et d’e´valuation. Celle-ci permet aux professionnels, lie´s par le secret professionnel et intervenant pour la protection de l’enfance dans les domaines sociaux, me´dicosociaux ou e´ducatifs, de mettre en commun leurs informations et d’harmoniser leurs pratiques dans l’inte´reˆt de l’enfant. Hors de ces structures spe´cialise´es la re`gle du secret continue de s’imposer ; diversifier les modes de prise en charge des enfants : possibilite´ d’accueils ponctuels ou e´pisodiques hors de la famille, sans pour autant qu’il s’agisse d’un placement en e´tablissement ou en famille d’accueil. Un rapport de l’inspection ge´ne´rale des affaires sociales (IGAS) [3], qui a pre´ce´de´ la re´daction de cette loi, soulignait l’importance des cellules hospitalie`res. Ce rapport disait combien la participation de ces e´quipes plurielles, empruntes d’une certaine neutralite´, e´tait primordiale dans le de´pistage et la prise en charge des enfants victimes. On de´plore que la nouvelle loi ne reprenne pas ces e´le´ments qui nous semblent fondamentaux. En 2005, nous avions re´alise´ une enqueˆte aupre`s de tous les services de pe´diatrie des centres hospitaliers universitaires (CHU) et des centres hospitaliers ge´ne´raux (CHG) de me´tropole et d’outre-mer, afin d’avoir un e´tat des lieux sur ce qui avait e´te´ mis en place pour l’accueil des enfants victimes de se´vices et les moyens qui avaient e´te´ accorde´s. Seules quelques unite´s d’accueil spe´cifiques avaient e´te´ cre´e´es, notamment dans 18 des 28 CHU de province, 2 des CHU parisiens et dans 19 CHG [4]. Actuellement, force est de constater que nous devons de´plorer une grande he´te´roge´ne´ite´ de prise en charge de l’enfance en danger sur le territoire franc¸ais. Quelques cellules ont pu eˆtre dote´es parce que la proble´matique de la maltraitance a` enfant e´tait dans les contrats d’objectifs et de moyens des e´tablissements, mais leur nombre est faible ; il semble s’agir la` encore de volonte´s locales de financement des hommes et des structures. Cette multiplicite´ de modalite´s d’accueil hospitalier souligne le peu de place laisse´e a` l’hoˆpital dans la nouvelle loi de protection de l’enfance. Une des lectures de ce manque le´gislatif pourrait eˆtre la liberte´ laisse´e aux centres hospitaliers quant a` l’organisation de l’accueil et de la prise en charge des enfants suspects de maltraitance. Il nous semble ne´cessaire que l’hoˆpital soit identifie´ comme un lieu de soins et de recours, non stigmatisant et ouvert en permanence. A` ces fins, des moyens de´die´s devraient pouvoir eˆtre engage´s. Certes, il est le´gitime que le chef d’orchestre soit le conseil ge´ne´ral ; la majorite´ des enfants en danger n’est pas hospitalise´e et la politique de pre´vention de l’enfance en danger rele`ve de la compe´tence de celui-ci. En ce sens, la cre´ation de cellule de recueil, traitement et d’e´valuation comme le
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pre´conisait l’office national de l’enfance en danger (ONED) et comme le pre´voit la loi de 2007 [2,5], nous paraıˆt eˆtre un pas dans l’harmonisation des pratiques au sein des de´partements. Ne´anmoins, les urgences hospitalie`res accueillent de plus en plus d’enfants et adolescents en souffrance et les unite´s d’accueil hospitalie`res, souvent situe´es dans les locaux des urgences, ont un roˆle de guidance, de de´pistage, de soins et de formation qui ne saurait eˆtre ne´glige´e. Ces missions rele`vent aussi du service public hospitalier. Par ailleurs, se pose le proble`me de la place des unite´s me´dicojudiciaires (UMJ), qui ont un roˆle comple´mentaire avec une mission d’auxiliaires de justice. Le constat dans le contexte de maltraitance nous paraıˆt devoir eˆtre fait par des personnes compe´tentes de´die´es a` cette fonction et qui leur revient sans conteste. Nous soulignons la ne´cessite´ que celui-ci soit fait dans un cadre pe´diatrique, situant ainsi l’enfant au cœur de ce maillage, dans une dimension de re´appropriation de son parcours, de son corps et de son psychisme. Les cellules d’accueil sont comple´mentaires et sont dans le soin.
4. Conclusion L’e´valuation d’une situation de maltraitance est par de´finition multidisciplinaire et multipartenariat. L’hoˆpital ne peut rester isole´ et dans ce domaine doit be´ne´ficier de l’aide non seulement de l’ARH mais aussi du conseil ge´ne´ral. Il est heureux que l’enfance maltraite´e soit partie inte´grante de la majorite´ des sche´mas re´gionaux d’organisation des soins (SROS) de pe´diatrie qui se sont renouvele´s ou se renouvellent actuellement, mais a` l’heure de la tarification des hoˆpitaux a` l’activite´, on peut s’inquie´ter de la pe´rennisation de ces cellules d’accueil et de leur extension. Par de´finition,
elles remplissent leur roˆle de service public, pre´vu en the´orie dans les missions d’inte´reˆt ge´ne´ral de l’hoˆpital, mais elles sont en concurrence directe avec d’autres missions le´gitimes, souvent plus prestigieuses. Or si on ne re´affirme pas la place de l’hoˆpital dans la protection de l’enfance, on peut craindre que les projets des e´tablissements hospitaliers de´laissent la prise en charge de la maltraitance a` enfants au motif qu’elle incombe au conseil ge´ne´ral. De la meˆme manie`re, un conseil ge´ne´ral, pour des raisons budge´taires, peut refuser ou se de´sengager d’un travail partenarial. Il faut espe´rer que la logique de rentabilite´ financie`re ne l’emporte pas sur le service rendu a` des enfants en danger.
Re´fe´rences 1. Balenc¸on M, Roussey M. Progre`s en pe´diatrie sociale ou l’enfant dans son environnement. In: Roussey M, Kremp O, editors. Accueil des enfants maltraite´s : e´volution des textes et des structures. Rueil Malmaison: Doin Ed; 2004. p. 225–33. 2. Loi 2007-993 du 5 mars 2007 sur « La re´forme de la protection de l’enfance ». Ministe`re de la Sante´ et des Solidarite´s. Discours du ministre les 16 mars 2006, 3 mai 2006 et 12 fe´vrier 2007. Guides pratiques. Protection de l’enfance www.famille.gouv.fr (site consulte´ le 6 mai 2007). 3. Boutereau-Tichet S, Giorgi D, Jourdain-Menninger D, et al. IGAS. Ministe`re de la Sante´ et des Affaires Sociales. Rapport no 2006011 sur le recensement et les bonnes pratiques en matie`re de signalement, dans le cadre de la politique de protection de l’enfance. Janvier 2006. 195 pages. www.sante.gouv.fr (site consulte´ en janvier 2006). 4. Roussey M, Balenc¸on M, Pele´ F. E´tats des savoirs sur la maltraitance. AFIREM. In: Les unite´s d’accueil (CHU et CHG). Paris: Ed Karthala; 2007. p. 393–405. 5. Premier rapport annuel au parlement et au gouvernement de l’observatoire national de l’enfance en danger (ONED) 2005. 101 pages. www.oned.gouv.fr (site consulte´ en mai 2007).
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