Revue du rhumatisme 77 (2010) 458–462
Mise au point
Le syndrome de Stickler夽,夽夽 Tifenn Couchouron a , Charles Masson b,∗ a b
Service de rhumatologie, centre hospitalier de Cholet-1, rue de Marengo, 49300 Cholet, France Service de rhumatologie, pôle ostéoarticulaire, CHU d’Angers, 4, rue Larrey, 49933 Angers cedex 9, France
i n f o
a r t i c l e
Historique de l’article : Accepté le 25 janvier 2010 Disponible sur Internet le 15 mai 2010 Mots clés : Arthrose précoce Syndrome de Pierre Robin Cécité Surdité Mutation du collagène
r é s u m é Le syndrome de Stickler est une maladie génétique rare (incidence 1/7500 naissances) hétérogène d’un point de vue génétique et clinique, liée à une mutation de gènes du collagène. Ce syndrome associe des malformations crâniofaciales, des manifestations ostéoarticulaires et sensorielles oculaires et auditives. Le syndrome de Pierre Robin, comportant une fente palatine, un rétrognatisme et un micrognatisme peut révéler un syndrome de Stickler à la naissance (25 % des patients) et entraîner des difficultés respiratoires néonatales. L’atteinte ophtalmologique se manifeste par une forte myopie, des anomalies du vitré et un risque élevé de décollement de rétine (60 % des patients) conduisant à une cécité (4 % des patients). Une surdité sévère apparaît tôt dans l’enfance, conduisant à des retards d’acquisition scolaire. L’arthrose précoce (75 % des patients) survenant avant 30 ans est une complication majeure, responsable de douleurs chroniques de hanches, de lombalgies chroniques, d’un handicap fonctionnel et justifie fréquemment des remplacements prothétiques. Les anesthésies itératives sont d’autant plus à risque que les patients ont des malformations crâniofaciales. Le statut osseux des patients mériterait d’être évalué, car l’influence génétique couplée au handicap physique favoriserait la fragilité osseuse. Le clinicien doit connaître l’existence du syndrome de Stickler afin de dépister les malades et leurs apparentés, de prévenir les complications fonctionnelles, d’organiser une prise en charge multidisciplinaire et le conseil génétique. © 2010 Société Franc¸aise de Rhumatologie. Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
1. Introduction Le syndrome de Stickler est une affection héréditaire regroupant une arthrose précoce, une hypermobilité articulaire, des anomalies crâniofaciales, des signes oculaires sous forme d’une myopie précoce, avec un risque de décollement de la rétine et de cécité et des signes auditifs. Le trait commun dans les différentes formes est une mutation portant sur des gènes du collagène. La description initiale revient à Stickler et al. dans un travail publié en juin 1965 dans la revue de la Mayo Clinic, à Rochester, université du Minnesota, où travaillait comme pédiatre Gunnarr B. Stickler, médecin américain d’origine allemande. La terminologie choisie a été l’opthalmo-arthropathie héréditaire progressive. Car le premier patient examiné à l’âge de 12 ans en 1960 avait des manifestations articulaires sous forme d’élargissement des reliefs osseux
夽
Ne pas utiliser, pour citation, la référence franc¸aise de cet article, mais sa référence anglaise dans le même volume de Joint Bone Spine (doi:10.1016/j.jbspin.2010.03.012). 夽夽 Arthrose précoce évolutive avec ophtalmopathie progressive héréditaire ou syndrome de Stickler. ∗ Auteur correspondant. Adresses e-mail :
[email protected] (T. Couchouron),
[email protected] (C. Masson).
articulaires et des troubles de la vision. Stickler et al. notèrent aussi que la mère de cet adolescent était aveugle. L’enquête familiale permit alors de mettre en évidence des cas similaires, en remontant jusque la consultation d’un ancêtre de la famille vu en 1887 par Charles Mayo, l’un des fondateurs de la célèbre Clinique [1]. Depuis les années 1980, l’habitude a été prise de prendre le nom de Stickler comme éponyme de ce syndrome. Désormais, l’analyse des données cliniques et les progrès en génétique moléculaire ont permis de mieux définir le syndrome de Stickler, dont l’incidence est estimée à 1/7500 nouveaux nés et dont il existe plusieurs génotypes et phénotypes [2–4].
2. Données génétiques 2.1. Les mutations du collagène dans le syndrome de Stickler La recherche de mutations pouvant expliquer la conjonction de manifestations ostéoarticulaires, ophtalmologiques et auditives s’est portée sur le collagène dans la mesure où le collagène est la principale macromolécule du tissu conjonctif. Elle comporte une triple hélice composée de trois chaînes polypeptidiques alpha. Dixneuf types de collagène ont été décrits et plus de 30 gènes codant les chaînes polypeptidiques correspondantes. Et la génétique moléculaire a permis d’identifier des mutations dominantes associées
1169-8330/$ – see front matter © 2010 Société Franc¸aise de Rhumatologie. Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. doi:10.1016/j.rhum.2010.01.015
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au syndrome de Stickler dans trois gènes différents codant pour le collagène [2,3]. Le gène du collagène de type 2, chaîne alpha 1 (COL 2 A1), situé sur le locus 12q 13.11-q13.2. Le gène du collagène de type 11, chaîne alpha 1 (COL 11 A1), situé sur le locus 1p21. Le gène du collagène de type 11, chaîne alpha 2 (COL 11 A2), situé sur le locus 6p21.3. En 2006, Van Camp et al. ont décrit une quatrième mutation dans le COL 9A1 se transmettant sur un mode autosomique récessif [5]. Depuis, d’autres mutations ont été mises en évidence par différentes équipes [6,7]. 2.2. Phénotypes du syndrome de Stickler
Fig. 2. Syndrome de Stickler : dysplasie polyépiphysaire métacarpophalangienne.
On distingue ainsi trois phénotypes différents. Le phénotype de type 1 concernant 75 % des patients est lié à une mutation du COL 2 A1, une mutation stop le plus souvent [8], ou une mutation faux sens (substitution, insertion, délétion) ou une mutation d’épissage. Dix-sept mutations de COL 2 A1 sont reconnues. Ce phénotype de type 1 correspond cliniquement à l’anomalie vitréenne dite de type 1, avec persistance d’un gel vitréen vestigial dans l’espace rétrolental, bordé par une membrane plissée. Le phénotype de type 2 est lié à une mutation du COL 11 A1. Ce phénotype est associé à l’anomalie vitréenne de type 2, beaucoup moins fréquente, caractérisée par la présence de rares fibres d’épaisseurs irrégulières, à travers la cavité vitrée. Le phénotype de type 3 est lié à une mutation du COL 11 A2. La chaîne alpha 2 du collagène 11 n’étant pas exprimée dans le corps vitré, les patients ayant un phénotype de type 3 n’ont pas de manifestations vitréennes. 3. Manifestations ostéoarticulaires et musculaires du syndrome de Stickler Fig. 3. Syndrome de Stickler : dysplasie épiphysaire fémorale supérieure.
3.1. L’arthrose précoce 3.2. L’hypermobilité articulaire L’arthrose précoce est une complication majeure du syndrome de Stickler [9] (Fig. 1–4). Elle concerne aussi bien les articulations périphériques que le rachis. Elle est estimée à 15 % des patients avant 20 ans, 50 % avant 30 ans, 55 % avant 40 ans, 75 % après 50 ans. Les enfants atteints d’un syndrome de Stickler ont une présentation clinique associant des articulations élargies et raides en rapport avec une dysplasie métaphyso-épiphysaire, un genu valgum, des membres longs, une hyperpronation des pieds, une finesse des extrémités à type d’arachnodactylie modérée, un pectus carinatum, une cyphoscoliose, une hypermobilité articulaire et une certaine hypotonie musculaire. .
Fig. 1. Syndrome de Stickler : aspects des deux mains. Hypertrophie des interphalangiennes proximales.
L’hypermobilité articulaire conduit à des instabilités, des subluxations ou des dislocations [2]. Fréquente dans l’enfance, elle s’atténue ou disparaît souvent à l’âge adulte. Cette hypermobilité accélère le processus dégénératif articulaire et rachidien et complique la chirurgie prothétique. De la même fac¸on, une hypotonie ou une amyotrophie est souvent décrite dans l’enfance. Les patients peuvent avoir un profil « marfanoïde » mais sans la grande taille.
Fig. 4. Syndrome de Stickler : dysplasie et chondrolyse fémorotibiale.
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3.3. Atteinte de la hanche Rose et al. ont analysé l’atteinte de hanche chez 59 patients atteints d’un syndrome de Stickler âgés de plus de cinq ans (36 femmes et 29 hommes, âge moyen = 29,2 ans) [10]. Chaque patient a eu des radiographies du bassin et des hanches. La douleur chronique a été définie par des symptômes récurrents pendant plus de six mois. Soixante-dix-neuf pour cent des patients ont rapporté des douleurs chroniques de hanche. L’existence d’une protrusion acétabulaire (10 %), d’une coxa vara ou valga (28 %) n’a pas dans cette étude été corrélée à une douleur de hanche. Une coxarthrose a été constatée chez 30 % des patients âgés de plus de 17 ans, considérés comme en fin de croissance osseuse et 70 % des patients de plus de 50 ans. Seize pour cent des adultes ont eu une complication sévère de hanche pendant leur enfance sous forme d’une épiphysiolyse fémorale supérieure, d’une ostéochondrite primitive de hanche, ou d’une coxarthose destructrice rapide. De nombreux patients ont rapporté des gonalgies, qui pour certains pouvaient être des douleurs référées de hanche. La grande prévalence des manifestations ostéoarticulaires conduit les parents des enfants souffrant de syndrome de Stickler à demander des avis rhumatologiques ou orthopédiques souvent avant même que le diagnostic de syndrome de Stickler ne soit posé. 3.4. Anomalies rachidiennes Une étude menée par Rose et al. s’est attachée à décrire les anomalies du rachis dorsolombaire chez 53 patients âgés d’un à 70 ans [11]. Trente-quatre pour cent des patients avaient une scoliose, 74 % des anomalies des plateaux vertébraux, 64 % des hernies intraspongieuses de Schmorl, 43 % une platyspondylie, 43 % une cyphose semblable à la maladie de Scheuermann. Soixante-sept pour cent des sujets et 85 % des adultes avaient des rachialgies chroniques. Des mesures prophylactiques comme un programme de rééducation fonctionnelle, l’éviction des activités à fort impact pourraient aider à modifier l’histoire naturelle des lombalgies chroniques précoces. 4. Les anomalies crâniofaciales et le syndrome de Pierre Robin Un syndrome de Pierre Robin, congénital, révèle dans 30 % des cas un syndrome de Stickler. Ce syndrome est défini par l’association d’un rétrognathisme, d’un micrognathisme, d’une glossoptose et d’une fente palatine. Un quart des patients souffrant de syndrome de Stickler a un syndrome de Pierre Robin. La majorité des patients ont des atteintes crâniofaciales moins graves : une face plate, une hypoplasie de la partie moyenne du visage, un nez court avec antéversion des narines, un micrognathisme isolé, une division palatine, une luette bifide, un palais court, un philtrum long. Ces manifestations expressives chez l’enfant s’atténuent avec l’âge. Lorsque le syndrome de Pierre Robin complet est dépisté sur les échographies anténatales, le nouveau-né justifie d’une prise en charge spécialisée, avec parfois recours à une trachéotomie dès la naissance pour assurer la liberté des voies aériennes [12]. Par la suite, les malformations faciales sont prises en compte pour évaluer le risque anesthésique de chaque intervention chirurgicale [13]. Les problèmes orthodontiques sont fréquents nécessitant des appareillages ou des interventions chirurgicales, pour la correction des troubles occlusifs. 5. L’atteinte ophtalmologique Différentes manifestations ophtalmologiques sont possibles au cours du syndrome de Stickler. Une forte myopie supérieure à
−3 dioptries est observée chez 95 % des patients, habituellement congénitale et non progressive [14]. Des anomalies du vitré de type 1 ou de type 2 sont présentes respectivement dans les phénotypes ayant la même numérotation. La cataracte précoce expose au risque d’amblyopie de l’enfant. Sont possibles aussi un glaucome, un strabisme, un astigmatisme, une uvéite chronique. Le principal risque visuel est le décollement de la rétine qui survient chez 60 % des patients, habituellement vers l’âge de 15 ans. Il se manifeste par un scotome positif et une baisse d’acuité visuelle brutale et indolore. Des myodésopsies et des photopsies font rechercher un décollement postérieur du vitré, des phosphènes, une déchirure rétinienne. Une cécité survient dans 4 % des cas de syndrome de Stickler. Lorsque le diagnostic de syndrome de Stickler est posé, un avis ophtalmologique rapide est nécessaire. L’examen ophtalmologique régulier permet de dépister précocement une myopie ou un décollement de la rétine [15]. La prévention des complications oculaires repose sur la prise en charge précoce des lésions [16,17]. Ang et al. ont montré que la cryothérapie prophylactique pouvait réduire significativement le risque de décollement de la rétine et éliminer le risque de détachement bilatéral de la rétine [18]. Les patients à risque (et leurs parents) sont informés et éduqués afin de connaître les signes cliniques d’alerte devant les amener à consulter en urgence. Les sports de contact sont interdits. Les nouvelles techniques chirurgicales permettent d’obtenir de bons résultats anatomiques et fonctionnels même après un décollement de rétine [19]. 6. L’atteinte auditive Le syndrome de Stickler est associé à une surdité de perception, congénitale, prédominant dans les fréquences élevées. Elle est plus sévère dans les phénotypes 2 et 3 que dans le phénotype 1. Les patients ont également un risque accru d’otites moyennes du fait des malformations palatines, pouvant entraîner une surdité de transmission, parfois irréversible. Un audiogramme de base est conseillé au moment du diagnostic puis régulièrement dans le suivi [20]. 7. Le prolapsus mitral La prévalence de cette anomalie valvulaire n’est pas clairement établie dans le syndrome de Stickler [21]. Les signes cliniques évocateurs sont une tachycardie, des douleurs thoraciques. 8. Le statut osseux Plusieurs auteurs rapportent une hypertransparence osseuse radiologique ou un os fragile lors de la mise en place de prothèses. Aucune étude n’a analysé la densité et la qualité osseuses dans le cadre du syndrome de Stickler. Chez une jeune femme de 26 ans, ayant un syndrome de Stickler, nous avons constaté au rachis dorsolombaire des corps vertébraux dysplasiques, déminéralisés avec sur l’un d’entre eux une fracture survenue à basse énergie (Fig. 5). Des études complémentaires osseuses seraient intéressantes [22,23]. In vivo chez la souris mutée pour les gènes du COL 2A1, gène responsable de la prolifération des chondrocytes et directement impliqué dans le syndrome de Stickler et du COL 10A1, gène de l’hypertrophie des chondrocytes, Chen et al. ont mis en évidence une diminution de la croissance et de la densité minérale osseuse des os longs [24]. De son côté, le gène du Col 11A1 muté dans des cas de syndrome de Stickler intervient dans la maturation des ostéoblastes en inhibant la différenciation cellulaire terminale [25]. Les interactions entre chondrocytes et ostéoblastes restent à élucider. Des études cliniques complémentaires sont nécessaires, afin de rechercher une
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Fig. 5. Syndrome de Stickler : déminéralisation et dysplasie rachidienne. Présence d’une fracture vertébrale à basse énergie.
fragilité osseuse chez les patients atteints d’un syndrome de Stickler et donc un risque de fractures et de handicap supplémentaire chez ces jeunes patients. 9. Conduite de l’analyse génétique 9.1. Analyse génétique L’analyse génétique peut être réalisée soit par séquenc¸age direct des COL 2 A1, COL 11 A1, COL11 A2 soit par scanning de certains exons d’intérêt. La stratégie d’analyse génétique proposée est la suivante. Le COL 2 A1 est testé en premier car il s’agit de la mutation la plus fréquente et d’autant plus si le patient présente une anomalie du vitré de type 1 et une hypoacousie modérée. Le COL 11 A2 est testé si le patient présente une anomalie du vitré de type 2 et une surdité sévère. Le COL 11 A2 pourrait être testé chez les patients avec des manifestations crâniofaciales, articulaires et auditives sans atteinte vitréenne. Quelle que soit la méthode d’analyse génétique, la mutation n’est retrouvée que chez 50 % des patients présentant un syndrome de Stickler. Des néomutations existent. Mais leur prévalence est inconnue. Aucun cas de mosaïcisme germinal n’a été rapporté jusqu’à présent. Dans tous les cas, la recherche d’une telle mutation n’est entreprise que chez un patient chez qui il existe des arguments cliniques forts en faveur du syndrome de Stickler. D’autres maladies génétiques de présentation clinique proche du syndrome de Stickler sont également associées à des mutations des gènes des collagènes 2 et 11 (Tableau 1) [26–28]. 9.2. Conseil génétique La femme porteuse de la mutation a un risque sur deux de transmettre la maladie à son enfant. Si une mutation COL 2 A1 ou COL 11 A1 a été identifiée chez un parent, un diagnostic génétique prénatal est possible par amniocentèse. Le diagnostic précoce est légitime afin de prévenir les complications néonatales graves justifiant une prise en charge immédiate en réanimation néonatale. Le conseil génétique est difficile dans le cadre du syndrome de Stickler car l’expression phénotypique est liée, d’une part, à l’hétérogénéité allélique et chromosomique, d’autre part, aux mécanismes de pénétrance incomplète et d’expressivité variable inter et intrafamiliale [29].
Tableau 1 Autres maladies génétiques de présentation clinique proche du syndrome de Stickler associées à des mutations des gènes des collagènes 2 et 11. Phénotypes associés aux mutations de COL 2 A1 [26] Achondrogénèse type 2 Hypochondrogénèse Dysplasie spondylo-épiphysaire congénitale Dysplasie spondylo-épimétaphysaire type Strudwick Dysplasie de Kneist Dysplasie des contours vertébraux Certaines arthropathies juvéniles Phénotypes associés aux mutations de COL 11 A1 Syndrome de Marshall [27] Phénotypes associés aux mutations de COL 11 A2 OSMED [28] Syndrome de Weissenbach-Zweymuller Certaines surdités neurosensorielles isolées OSMED: Oto-spondylo-megaepiphyseal dysplasia.
10. Critères diagnostiques du syndrome de Stickler Rose et al. ont proposé des critères diagnostiques du syndrome de Stickler de type 1, basés sur l’analyse de 22 patients avec une mutation connue de COL 2A1 [30] Le diagnostic repose sur un score d’au moins cinq sur neuf avec au moins un critère majeur (deux points) crâniofacial (fente palatine), oculaire (anomalie vitréenne ou rétinienne), ou auditif (baisse auditive dans les hautes fréquences) et l’absence de critères évidents en faveur des autres syndromes apparentés. Ces critères assez complexes donnés in extenso [30] ont démontré 100 % de sensibilité lorsqu’ils sont appliqués aux patients ayant un syndrome de Stickler avec une mutation connue du COL 2A1, 98 % de sensibilité lorsqu’ils sont utilisés pour des patients ayant uniquement les critères cliniques et une spécificité de 86 %. 11. Complications Les risques encourus par les patients atteints d’un syndrome de Stickler sont d’ordre fonctionnel et potentiellement graves. La cécité peut être brutale, bilatérale et définitive. Le traitement des complications ophtalmologiques et auditives chez les jeunes enfants permet de ne pas entraver leurs acquisitions scolaires. La
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prise en charge précoce des complications ostéoarticulaires a pour but d’essayer de limiter le handicap et les douleurs chroniques. 11.1. Les difficultés anesthésiques Des précautions particulières doivent être envisagées en cas d’anesthésies programmées, surtout lorsqu’elles doivent être itératives. Les anomalies palatines, les hypoplasies mandibulaires peuvent compliquer les ventilations au masque ou les intubations et contribuer à des insuffisances respiratoires hautes peropératoires [13]. Les cyphoses dorsales, les scolioses, les pectum excavatum ou carinatum, fréquents dans le syndrome de Stickler, sont des facteurs de risques d’insuffisance respiratoire restrictive. Un prolapsus mitral est recherché afin de ne pas méconnaître un risque de défaillance cardiaque et d’envisager une antibioprophylaxie de l’endocardite, notamment lors des interventions orthopédiques à risque septique. 11.2. La question des arthroplasties précoces Verma et al. ont publié récemment un cas clinique rappelant les difficultés de mise en place de prothèses chez une femme de 52 ans souffrant d’un syndrome de Stickler avec une gonarthrose sévère bilatérale [31]. Le chirurgien a pu constater des larges plages d’os sous-chondral mises à nu, un os fragile, une instabilité ligamentaire et une hypotonie musculaire. La longévité de ces prothèses n’a pas été évaluée. Des anesthésies générales itératives ne sont pas sans conséquences à cause des difficultés d’intubation et des anomalies cardiaques. Le remplacement prothétique s’intègre dans une stratégie chirurgicale à long terme, d’autant que la prothèse est mise en place le plus souvent avant 40 ans. 12. Conclusion Le diagnostic de syndrome de Stickler est souvent méconnu et retardé. La reconnaissance précoce de la maladie a pourtant de nombreux intérêts : mieux appréhender les complications ostéoarticulaires, prévenir ou limiter les pertes de vision, dépister et appareiller tôt les surdités, organiser un dépistage familial, optimiser la prise en charge néonatale et proposer un conseil génétique. Une consultation hyperspécialisée est conseillée en cas de suspicion de syndrome de Stickler en se basant sur les données du site internet des maladies rares appelé Orphanet (Martine Le Merrer). Conflits d’intérêt Les auteurs ne déclarent aucun conflit d’intérêt. Références [1] Stickler GB, Belau PG, Farrell FJ, et al. Hereditary progressive arthroophtalmopathy. Mayo Clinic Proc 1965;40:433–55. [2] Snead MP, Yates JR. Clinical and molecular genetics of Stickler syndrome. J Med Genet 1999;36:353–9. [3] Robin NH, Tarvin Moran R, Warman M. Stickler syndrome. In: Gene reviews. Seattle: University of Washington; 2005 (last update august 2). [4] Bowling EL, Brown MD, Trundle TV. The Stickler syndrome: case reports and literature review. Optometry 2000;71:177–82.
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