© Masson, Paris, 2005.
Rev Epidemiol Sante Publique, 2005, 53 : 111-125
Les « Années de vie ajustées sur l’incapacité » : un outil d’aide à la définition des priorités de santé publique ? Disability-adjusted life years: an instrument for defining public health priorities? D. GRANADOS(1), A. LEFRANC(2), R. REITER(3), I. GRÉMY(2), A. SPIRA(1) (1) Service de Santé publique et d’Epidémiologie, Atelier Parisien de Santé Publique, CHU Bicêtre, 78, rue du Général-Leclerc, 94275 Le Kremlin-Bicêtre Cedex. Email :
[email protected] (Tirés à part : A. Spira). (2) Observatoire Régional de Santé d’Île-de-France. (3) Department of Public Health, San Francisco, USA.
Background: The objective of this paper is the study of a health indicator allowing surveillance and evaluation of the overall health of the Paris population, and providing information to help prioritize possible choices among preventive and curative actions. Moreover, comparison between results obtained for Paris with a global health indicator, “Disability-adjusted life years” (DALYs) and available bibliographical data will enable clarifying some points about summary measures of health. Methods: The method used is that of the Global Burden of Disease. It allows a ranking of diseases using an indicator called DALYs. This indicator integrates mortality and morbidity components by summing expected years of life lost due to premature mortality and calculated years of healthy life lost. DALYs were calculated using local mortality data and published regional disabilities tables from the World Health Organisation (WHO). Results: There were a total of 242 061 DALYs for Paris for the year 1999. The six leading specific causes are: alcoholic psychosis and dependence (accounting for 6.5% of the total), lung cancers (5.7%), ischaemic hearth disease (4.8%), depression (4.4%), dementias (4.2%), and arthritis (3.9%). Men contributed the majority of DALYs for the first three. For four of the six leading causes, the majority of DALYs came from years lived with disability, rather than mortality. Only for lung cancer and ischaemic hearth disease was the majority of DALYs from years of life lost by mortality. Conclusion: The results for Paris are used to illustrate how DALYs can illuminate debates about public health priorities. Such data can inform the population about health condition and provide decision makers with global health indicators. The next step will be to estimate the DALYs from local morbidity data when available, and compare these results to those based on the World Health Organisation tables, which are not sensitive to local results other than those due to mortality. Future steps include further evaluation and development of this method for surveillance, assessment and evaluation of public health actions. However, some of the results obtained with this indicator underline the limits of this kind of analysis. Global burden of disease. Disability-adjusted life years. Years of life lost. Years lived with disability. Summary measures of health. Paris.
Position du problème : L’objectif est l’étude d’un indicateur de santé permettant d’estimer l’état de santé d’une population, comme celle de Paris, en combinant les données de mortalité et de morbidité. À partir de ces données, cet indicateur contribuera à déterminer les actions curatives et préventives Texte reçu le 21 avril 2004. Acceptation définitive le 16 septembre 2004.
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D. GRANADOS ET COLLABORATEURS
à entreprendre en priorité. De plus, la comparaison entre les résultats obtenus avec cet indicateur et les données disponibles dans la bibliographie concernant la situation parisienne permettront d’éclairer certains des questionnements entourant la pertinence des indicateurs synthétiques de santé. Méthodes : La méthode utilisée est celle du Fardeau Global de la Maladie (FGM). Elle permet une hiérarchisation des pathologies grâce à un indicateur nommé « Les années de vie ajustées sur l’incapacité » (AVAI). Cet indicateur intègre les notions de mortalité et de morbidité. Il permet d’estimer le nombre d’années de vie en bonne santé, perdues à cause d’une incapacité ou d’un décès prématuré. Les calculs ont été réalisés pour Paris à partir des données locales de mortalité de 1999 et des tables régionales d’incapacités publiées par l’Organisation mondiale de la santé (OMS). Résultats : Sur un total de 242 064 années de vie ajustées sur l’incapacité pour Paris en 1999, les six premières causes d’AVAI sont : les psychoses et dépendances alcooliques (6,5 % du total), les cancers des voies respiratoires (5,7 %), les cardiopathies ischémiques (4,8 %), la dépression (4,4 %), les démences (4,2 %) et l’arthrose (3,9 %). Il existe une prédominance masculine pour les trois premières d’entre elles. Les cancers et les cardiopathies ischémiques ont une mortalité supérieure à la morbidité avec un nombre d’années potentielles de vie perdues (APVP) prédominant. La morbidité est la plus importante pour les quatre autres principales causes qui présentent une majorité d’années de vie avec incapacité (AVI). Conclusion : Les classements obtenus pour Paris montrent comment les AVAI pourraient aider au classement des priorités de santé publique. De tels résultats pourraient servir à informer la population sur son état de santé et fournir aux décideurs un indicateur global de santé. La prochaine étape devra permettre d’estimer plus précisément les années de vie ajustées sur l’incapacité grâce à l’évaluation locale de la morbidité, ceci afin de ne plus dépendre des incidences régionales peu sensibles de l’OMS. Des mesures répétées de cet indicateur pourraient en faire un baromètre de santé publique, il pourrait contribuer à la surveillance sanitaire et à l’évaluation des actions entreprises. Cependant, certains des résultats obtenus avec cet indicateur illustrent les limites de ce type d’analyse. Fardeau global de la maladie. Années de vie ajustées sur l’incapacité. Années potentielles de vie perdue. Années avec incapacité. Indicateur global de santé. Paris.
INTRODUCTION
Face aux enjeux économiques des programmes de santé, la Banque mondiale et l’Organisation mondiale de la santé (OMS) ont créé un indicateur synthétique dont le but est de permettre l’estimation des besoins de santé et l’évaluation de l’efficacité des actions préventives et curatives mises en place. Pour ce faire, il était important que cet indicateur puisse prendre en compte non seulement la mortalité mais également la morbidité. Cette initiative était inédite dans la mesure où les débats concernant les politiques de santé reposaient jusqu’alors exclusivement sur les résultats des études de mortalité, totale ou prématurée. En effet, cet indicateur appelé en anglais « Disability-adjusted life years » (DALYs) est estimé en conjuguant un nombre d’années de vie perdues dues à une mortalité anticipée et un nombre d’années de vie en incapacité dues à une pathologie non mortelle ou mortelle après un certain nombre d’années d’incapacité. Il a été choisi
d’utiliser la traduction littérale « années de vie ajustées sur l’incapacité » (AVAI), plutôt que la dénomination « années de vie corrigées de l’incapacité » proposée par l’OMS, car il s’agit plus d’un ajustement que d’une correction. Cet indicateur mesure le « fardeau global de la maladie » (FGM), terminologie préférée à la « charge mondiale de morbidité » traduisant improprement le terme anglais « global burden of disease » proposé par C. Murray et A. Lopez en 1990 [1]. Il est construit de telle façon que les résultats obtenus puissent être comparés d’une zone géographique à l’autre. Dès 1993, la banque mondiale a utilisé les premiers résultats ainsi produits pour la mise au point du rapport du développement mondial [2], comparant les besoins sanitaires des différents populations du globe. Il a paru intéressant de présenter cette mesure du FGM, de mieux comprendre comment elle est estimée par cet indicateur (AVAI) et surtout quelle est son utilité pour la définition des politiques de santé publique à l’échelle nationale et internationale, mais aussi à un niveau géographique plus
LES « ANNÉES DE VIE AJUSTÉES SUR L’INCAPACITÉ »
fin. Ainsi, à titre d’exemple, une méthode de calcul des AVAI issue de celle mise en œuvre par l’OMS a été appliquée à la ville de Paris. Cette ville compte en effet une population relativement importante (plus de 2,1 millions en 1999), présentant certaines caractéristiques décrites par ailleurs en terme de santé publique (tuberculose, SIDA, troubles psychiatriques, fréquence des conduites à risque chez les jeunes, etc. [3]) Les objectifs de cet article sont : – d’exposer les concepts et les objectifs du FGM, – de présenter la façon dont sont estimés les AVAI par l’OMS, – de fournir une estimation des AVAI pour Paris en 1999, – de discuter, à la lumière des résultats obtenus pour Paris, certaines des limites de l’utilisation des AVAI. MATÉRIEL ET MÉTHODES
OBJECTIFS ET PRINCIPES : LA MESURE DU FGM Le FGM permet d’estimer et de hiérarchiser les répercussions des maladies sur la santé des populations. Cette méthode utilise un indicateur synthétique qui inclut à la fois les décès et les incapacités associées à une pathologie. L’indicateur permettant de quantifier le « fardeau » lié aux maladies est le nombre d’années de vie ajustées sur l’incapacité (AVAI), c’est-à-dire le décompte des années de vie en bonne santé perdues du fait de la maladie [1]. Par l’estimation des AVAI, il sera possible de hiérarchiser les problèmes de santé pour chaque population et donc de cibler les actions préventives ou curatives. A posteriori, l’efficacité d’une action donnée pourra être en partie évaluée par la diminution des AVAI [4, 5]. Afin de répondre à ces objectifs, le calcul des AVAI : – prend en compte tous les événements de santé, quelle que soit leur nature (maladies, traumatismes et décès) ; – ne tient pas compte de l’appartenance ethnique, religieuse et socio-économique des personnes : un même événement de santé survenant dans deux pays différents chez deux personnes différentes, dont l’âge et le sexe sont identiques, contribue au même nombre d’AVAI ; – a pour unité d’expression le temps compté en « années de vie », unité d’expression commune de la mortalité et la morbidité [1, 4, 5] ; – permet leur utilisation dans des études de type coût-efficacité.
LES ANNÉES DE VIE AJUSTÉES SUR L’INCAPACITÉ Le nombre d’années de vie ajustées sur l’incapacité (AVAI) est la somme du nombre d’années potentielles de vie
113
perdues (APVP) et du nombre d’années de vie avec incapacité (AVI). Les APVP correspondent au nombre d’années perdues par décès anticipé, tandis que les AVI correspondent au nombre d’années vécues avec une incapacité résultant des séquelles d’une maladie. Des coefficients de pondération ont été introduits dans le calcul des AVAI pour leur utilisation dans des études de coûtefficacité : – un taux d’actualisation qui accorde une valeur décroissante aux années de vie future (avec le temps tout événement de santé peut survenir et détériorer la santé de la personne) ; – un facteur de pondération de l’année de vie considérée dépendant de l’âge ; il traduit la contribution à la vie active de chaque personne selon son âge [1, 4-6]. Ces coefficients donnent plus de poids aux événements de santé survenants chez les 20-40 ans, et accordent plus d’importance aux incapacités survenant chez les jeunes adultes, considérés comme étant plus productifs. Il est possible d’ajuster ces coefficients selon le poids que l’on souhaite donner à chaque classe d’âge [1, 4, 5, 7]. Les résultats publiés par l’OMS prennent en compte ces coefficients [8, 9]. Cependant, une étude de sensibilité analysant l’influence de l’utilisation de ces coefficients sur les classements des maladies a montré peu de variations des résultats obtenus [10]. Le nombre d’AVAI est calculé pour chaque sexe et chaque classe d’âge (7 classes : 0-4 ans, 5-14, 15-29, 30-44, 45-59, 60-69 et > 70 ans) [1, 4, 5]. Pour chacune de ces classes d’âge, les nombres d’APVP et d’AVI sont calculés puis sommés afin d’obtenir le nombre d’AVAI.
LES ANNÉES POTENTIELLES DE VIE PERDUES Les APVP mesurent le nombre d’années de vie non vécues du fait d’un décès prématuré. Un décès est considéré comme prématuré s’il survient avant que la personne n’ait atteint son espérance de vie théorique. Les APVP associées à une cause de décès donnée sont la somme des APVP de tous les individus décédés de cette cause. Au niveau d’une population, le nombre total des APVP est la somme de tous les APVP par cause [1, 4, 5, 7]. Le calcul des APVP est réalisé pour tous les pays à partir d’une même table d’espérances de vie de référence [1]. Le nombre d’APVP attribué à une personne dont l’espérance de vie est E et qui décède prématurément à l’âge a, est égal à (E– a). Les espérances de vie théoriques proviennent de la table de référence « Coale and Demeny West Level 26 » [1]. Cette table a été choisie par l’OMS pour l’ensemble des régions du globe, pour deux raisons : d’une part, elle attribue aux femmes une espérance de vie à la naissance de 82,5 ans, égale à l’espérance de vie la plus élevée au monde (Japon) ; d’autre part, elle comporte une différence d’espérance de vie à la naissance de 2,5 ans en faveur des femmes, correspondant à la surmortalité prématurée masculine [1, 5]. Pour le calcul des APVP, les décès sont classés par cause ; la Classification Internationale des Maladies (CIM) a été choisie comme codage de référence de ces causes pour lesquelles 135 catégories principales sont distinguées, chacune d’entre elles regroupant différents codes CIM [1]. Ces 135 catégories, qui
114
D. GRANADOS ET COLLABORATEURS
sont aussi celles retenues pour les causes d’incapacité, sont ensuite organisées en trois groupes de pathologies : I – les maladies infectieuses, les pathologies materno-fœtales et les carences alimentaires ; II – les maladies non transmissibles : cancers, pathologies cardiovasculaires, malformations congénitales, pathologies mentales ; III – les traumatismes. Ces regroupements ont été sélectionnés par l’OMS afin de tenir compte de l’influence de la transition démographique sur la nature et l’importance des causes de décès et d’incapacité [1, 11]. Ainsi, pour les pays en voie de développement, le groupe I présente les plus importantes répercussions sur la santé. Le groupe II voit son importance croître une fois la transition démographique achevée et prédomine dans les pays industrialisés. La contribution du troisième groupe à la mortalité et à la morbidité est indépendante de la transition démographique [11]. Dans le cadre du FGM, la mortalité et la morbidité ont été estimées dans 8 régions, initialement définies par la Banque mondiale, à l’intérieur desquelles l’OMS considère qu’il existe un niveau socio-économique semblable [1] : les pays à économies de marché établies (EME, région à laquelle appartient la France), les anciennes économies socialistes européennes, la Chine, l’Amérique Latine et les Caraïbes, le Moyen-Orient, l’Inde, l’Afrique subsaharienne, et l’Asie [12]. Pour chacune de ces 8 régions, la mortalité a été quantifiée par l’utilisation combinée des registres de décès et des études de mortalité disponibles [12, 13]. La qualité des données de mortalité varie selon les pays. Dans certains pays, comme les pays en voie de développement, la déclaration et le codage des décès peuvent être effectués par du personnel non médical et les diagnostics établis peuvent manquer de précision. Ces situations conduisent à surestimer les décès attribués à des causes non spécifiques ou inconnues. C’est pourquoi l’OMS a prévu une ré-attribution de ces causes mal définies et inconnues vers des causes plus spécifiques [1, 12, 13].
Maladie
Déficience : atteinte organique
Incapacité : limitation de la fonction environnement Handicap : conséquence sociale FIG. 1. — Notions de déficience, d’incapacité et handicap. L’incapacité désigne la limitation fonctionnelle résultant d’une séquelle physique ; elle traduit la difficulté à réaliser les gestes de la vie quotidienne. Le handicap généré mesure le désavantage social (perte d’emploi, exclusion, etc.) résultant de l’incapacité et dépend donc de l’environnement dans lequel évolue la personne (fig. 1). C’est pourquoi lors du calcul des AVI seule l’incapacité est estimée afin de disposer d’une mesure de la morbidité indépendante des conditions de vie et donc reproductible d’une population à l’autre [1, 4, 6]. L’incapacité due à une maladie résulte des séquelles qu’elle entraîne. L’OMS a déterminé pour chaque maladie les séquelles qu’elle considérait comme étant les plus importantes. Un ensemble de 483 séquelles a ainsi été défini, et à chacune d’elles a été accordée une valeur du coefficient d’incapacité [15]. La valeur de ce coefficient, comprise entre 0 et 1, augmente avec l’importance de l’incapacité. En pratique, le niveau d’incapacité est classé en 6 catégories et la valeur du coefficient d’incapacité a été déterminée pour chacune de ces 6 catégories par un consensus d’experts selon les méthodes du « time trade off » et du « person trade off » (tableau I) [4-6, 15].
L’ESTIMATION DES APVP À PARIS Pour Paris, les données de mortalité sont disponibles auprès du Centre d’épidémiologie sur les causes médicales de décès de l’Institut National de la Santé et de la recherche médicale (CépiDc-Inserm) qui centralise les déclarations médicales obligatoires de décès pour toute la France [14]. Pour le calcul des APVP de Paris, les causes de décès ont été réparties selon les 135 dénominations et les ré-attributions des décès de cause indéterminée ont été appliquées (particulièrement fréquentes du fait du non retour d’informations sur les cas vus à l’Institut Médico-Légal de Paris). Il a ainsi été possible de déterminer pour chaque sexe, chaque classe d’âge et chaque catégorie de causes, le nombre d’APVP associées.
LES ANNÉES DE VIE AVEC INCAPACITÉ Les AVI mesurent la morbidité. Leur calcul est effectué en multipliant l’incidence des évènements de santé d’intérêt par la durée de l’incapacité associée et par un coefficient rendant compte de l’importance de cette incapacité. Au niveau d’une population, les AVI totaux sont la somme de l’ensemble des AVI individuels [1, 4, 5, 7].
TABLEAU I. — Catégories d’incapacité et valeur du coefficient d’incapacité D. Catégories
Description
D
I
Au moins une activité limitée parmi les champs d’activité suivants : loisirs, éducation, procréation, profession
0,096
II
Plusieurs activités limitées dans un des champs d’action proposés
0,220
III
Limitation dans au moins deux champs d’action
0,400
IV
Limitation dans tous les champs d’action
0,600
V
Besoin d’aide dans la vie quotidienne pour se préparer à manger, faire ses courses et faire le ménage
0,810
VI
Besoin d’aide dans la vie quotidienne pour manger et faire sa toilette
0,920
LES « ANNÉES DE VIE AJUSTÉES SUR L’INCAPACITÉ »
115
TABLEAU II. — Exemples de répartition des malades selon les catégories d’incapacité.
Maladies
% de malades présentant une incapacité
Catégories et coefficients d’incapacité I
II
III
IV
V
VI
0,096
0,220
0,400
0,600
0,810
0,920
Cancer du poumon – terminal – pré-terminal
100 % 50 %
– 100 %
– –
– –
40 % –
30 % –
30 % –
Accidents vasculaires cérébraux Parodontopathies
100 % 10 %
35 % 100 %
30 %
15 %
10 %
5%
5%
Le tableau II présente un exemple des coefficients d’incapacité attribués à quelques maladies et à leurs principales séquelles [2, 15]. Ainsi pour les accidents vasculaires cérébraux, 100 % des personnes atteintes présentent une incapacité ; 35 % des malades sont classés dans la catégorie I (incapacité mineure) et 5 % dans la catégorie VI (incapacité majeure). De même des coefficients d’incapacité ont été attribués pour les différentes étapes d’évolution de certaines maladies (maladies chroniques, cancers, etc.). Par exemple, pour le cancer pulmonaire, une phase pré-terminale dans laquelle 50 % des malades présentent une incapacité de catégorie I a été définie, ainsi qu’une phase terminale où tous les malades présentent une incapacité. L’OMS a défini une méthode de modélisation permettant d’évaluer les valeurs des incidences de maladies non disponibles dans la littérature. L’existence et la qualité des systèmes de recueil d’information de morbidité sont très différentes d’un pays à l’autre et la mesure de l’incidence des maladies est parfois impossible. Ce manque de données a conduit l’OMS a concevoir le programme informatique « DISMOD » [7]. DISMOD permet d’estimer des valeurs cohérentes des taux d’incidence, de prévalence, de létalité, de rémission et de mortalité générale, la durée moyenne de l’incapacité et l’âge moyen de sa survenue pour chaque pathologie considérée. Cet ensemble d’estimations est réalisé à partir des données locales disponibles, et des données régionales préalablement calculées pour chacune des 8 régions définies par l’OMS. DISMOD reproduit l’impact des maladies sur l’évolution d’une cohorte fictive. Le modèle repose sur une simulation des flux d’individus entre les différents états de non maladie, maladie et décès. Des équations ont été établies à partir du modèle schématisé sur la figure 2. Ainsi entre les non malades et les malades, les flux dépendent de l’incidence de la maladie et de son taux de rémission. Le taux de mortalité générale « m » s’applique aussi bien aux non malades qu’aux malades. Les malades présentent une surmortalité liée à leur maladie (létalité).
par pathologie diffère peu d’un pays à l’autre [1]. Nous avons considéré les résultats publiés par l’OMS pour la région EME (économies de marché établies) à laquelle appartient la France et nous avons calculé les valeurs des rapports morbidité/mortalité pour chaque maladie dans cette région [8]. Le rapport morbidité/mortalité correspond au rapport AVI/APVP. Le produit de ces rapports régionaux par les APVP de Paris fournit donc une estimation de la morbidité exprimée en AVI. Pour des maladies dont la létalité (composante APVP) est nulle (cataracte, arthrose…), nous avons utilisé un taux d’AVI régional. Ce taux est calculé par le rapport des AVI régionaux divisés par l’effectif de la population de la région OMS à laquelle appartient la France. La figure 3 indique comment les rapports AVI/APVP et les AVI régionaux sont utilisés pour le calcul des AVI à Paris. Le service de santé publique de la ville de San Francisco a mis au point et diffusé un programme informatique sur la base du logiciel R permettant le calcul des AVAI sous cette hypothèse [16]. Le service de santé publique de Los Angeles et l’Observatoire régional de santé d’Île-de-France ont également utilisé ce programme [3, 17, 18].
RÉSULTATS
Les AVAI pour Paris ont été calculés à partir des données de mortalité concernant l’année 1999, soit un total de 16 383 décès. Le total d’AVAI est de 242 066 années. Un premier classement général des 10 premières causes ne
Population non malade i
r
L’ESTIMATION DES AVI POUR PARIS Il n’est pas possible de calculer directement les AVI pour la ville de Paris, les données d’incidence pour la plupart des événements de santé n’étant pas disponibles. Nous sommes donc partis de l’hypothèse faite par l’OMS selon laquelle pour chacune des 8 régions OMS, le rapport morbidité/mortalité
m Décès m
Personnes malades
l
FIG. 2. — Schéma sur lequel repose les calculs d’incidences du logiciel DISMOD : i : taux d’incidence ; m : taux de mortalité ; r : taux de rémission ; l : taux de létalité.
116
D. GRANADOS ET COLLABORATEURS
∑
APVP (calculés pour Paris) =
∑N x L
cause/âge/sexe
cause/âge/sexe
∑ AVAI = ∑ APVP + ∑ AVI
N : nombre de décès par cause L=E–a
cause/âge/sexe
E : espérance de vie calculée à l’âge de décès a : âge de décès
Soit R le rapport : R =
AVI régionaux APVP régionaux
et T le taux d’AVI : T =
AVI régionaux effectif de la population régionale
si 0 < R < 10 :
∑ AVI pour Paris = R x ∑ APVP (calculés pour Paris)
cause/âge/sexe
si R ≥ 10 :
∑ AVI pour Paris = T x effectif de la population parisienne
cause/âge/sexe
FIG. 3. — Méthode de calcul des AVAI à partir des résultats de l’Organisation Mondiale de la Santé.
tenant compte ni du sexe ni de l’âge des personnes est présenté sur la figure 4. Les six premières causes d’AVAI sont par ordre décroissant : les psychoses et syndromes de dépendance alcoolique (6,5 % du nombre total d’AVAI), les cancers des voies respiratoires (5,7 %), les cardiopathies ischémiques (4,8 %), la dépression (4,4 %), les démences (4,2 %) et l’arthrose (3,9 %). Pour quatre de ces six causes, les AVAI sont majoritairement composés d’AVI, c’est-à-dire que, pour ces causes, l’impact en terme de morbidité prédomine sur celui de la mortalité. La part des AVI est ainsi de 95 % pour les psychoses et syndromes de
dépendance alcoolique de 86 % pour les démences, et les AVI représentent même la totalité des AVAI pour les syndromes dépressifs et l’arthrose. Les APVP sont, au contraire, majoritaires pour les pathologies cancéreuses du poumon (93 % des AVAI) et les cardiopathies ischémiques (82 %). La répartition par sexe diffère selon les pathologies considérées (tableau III) : 58 % des AVAI pour les psychoses et syndromes de dépendance alcoolique, 72 % pour les cancers des voies respiratoires et 60 % pour les cardiopathies ischémiques sont attribuables aux hommes. Inverse-
LES « ANNÉES DE VIE AJUSTÉES SUR L’INCAPACITÉ »
117
Psychoses et dépendances alcooliques
15789 13722
Cancers des voies respiratoires 11499
Cardiopathies ischémiques Dépression
10604
Démences
10247
Arthrose
9356 6763
Cancers du sein Cancers colorectaux
6036
Accidents vasculaires et maladies cérébrales ischémiques
5522
Hémorragies cérébrales et méningées
5200 0
4000
8000
APVP
12000
AVAI
AVI
FIG. 4. — Les 10 premières causes d’AVAI à Paris, en 1999. TABLEAU III. — Le « Fardeau Glogal de la Maladie » par sexe, Paris, 1999. Maladies
Rang total
Psychoses et dépendances alcooliques
Hommes
Femmes
Rang
AVAI
%
Rang
AVAI
%
1
2
9 103
58
3
6 686
42
Cancers des voies respiratoires
2
1
9 937
72
7
3 785
28
Cardiopathies ischémiques
3
3
6 903
60
6
4 596
40
Dépression
4
4
5 099
48
4
5 506
52
Démences séniles
5
9
2 706
26
1
7 542
74
Arthrose
6
5
4 521
48
5
4 835
52
Cancers du sein
7
–
0
0
2
6 763
100
Cancers colorectaux
8
6
3 144
52
8
2 892
48
Accidents vasculaires et maladies cérébrales ischémiques
9
8
2 790
51
9
2 732
49
10
7
2 837
55
10
2 363
45
Hémorragies cérébrales et méningées
ment, 52 % des AVAI pour la dépression et 74 % pour les démences concernent les femmes. Les classements obtenus en considérant les effectifs de décès, le nombre d’APVP, d’AVI et d’AVAI sont présentés dans le tableau IV. Ils montrent que le classement des évènements de santé selon les AVAI prend en compte à la fois la mortalité (nombre de décès et APVP) et la morbidité (AVI). La répartition des AVAI est différente selon les classes d’âge (fig. 5). Aux pathologies périnatales
et malformations congénitales des premières années de vie (2 067 AVAI chez les 0-4 ans) succèdent les pathologies de santé mentale (au total un peu plus de 21 000 AVAI chez les 15-29 ans). Puis chez les adultes d’âge mûr apparaissent les cancers des voies respiratoires (5 600 AVAI chez les 45-59 ans), l’arthrose (plus de 8 000 AVAI entre 30 et 59 ans) et les complications liées à la consommation d’alcool (6 800 AVAI pour les complications psychologiques et organiques de sa consommation entre 30 et 69 ans). Les personnes âgées sont confrontées aux démences (9 000
118
D. GRANADOS ET COLLABORATEURS
TABLEAU IV. — Classement du nombre des décès, des années potentielles de vie perdues (APVP), des années de vie avec incapacité (AVI), et des années de vie ajustées sur l’incapacité (AVAI), Paris, 1999. Rang
Nombre de décès
Événements de santé
1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12
2 082 1 224 940 730 602 565 417 393 367 354 347 338
Cardiopathies ischémiques Cancers des voies respiratoires Accidents vasculaires cérébraux ischémiques Cancers colorectaux Cancers du sein Infections du bas appareil respiratoire Maladies pulmonaires obstructives chroniques Démences Hémorragies cérébrales et méningées Chutes Cancers du pancréas Cancers de la prostate
Rang
APV
Événements de santé
1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12
12 777 10 522 5 836 4 772 3 956 3 396 3 204 3 135 2 697 2 574 2 553 2 436
Cancers des voies respiratoires Cardiopathies ischémiques Cancers du sein Cancers colorectaux Accidents vasculaires cérébraux ischémiques Cirrhoses hépatiques alcooliques Cancers du pancréas Hémorragies cérébrales et méningées Cancers hépatiques Infections du bas appareil respiratoire VIH/SIDA Cancers intra-cérébraux
Rang
AVI
1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12
14 937 10 604 9 350 8 826 4 070 3 910 3 631 3 525 3 285 3 076 3 032 2 726
Événements de santé Psychoses et syndromes de dépendance alcooliques Dépression Arthrose Démences séniles Malformations congénitales cardiaques Pathologies endocriniennes Accidents vasculaires cérébraux ischémiques Asthme Toxicomanie Schizophrénie Syndrome maniaque Diabète insulino-dépendant
Rang
AVAI
Événements de santé
1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12
15 789 13 722 11 499 10 604 10 247 9 356 6 763 6 036 5 595 5 522 5 200 4 835
Psychoses et syndromes de dépendance alcooliques Cancers des voies respiratoires Cardiopathies ischémiques Dépression Démences séniles Arthrose Cancers du sein Cancers colorectaux Pathologies endocriniennes Accidents vasculaires cérébraux ischémiques Hémorragies cérébrales et méningées Malformations congénitales cardiaques
LES « ANNÉES DE VIE AJUSTÉES SUR L’INCAPACITÉ »
119
0 - 4 ans Malformations congénitales cardiaques Troubles respiratoires et traumatiques périnataux Infections materno-fœtales Trisomie 21 Diarrhées 5 - 14 ans
1 465 602 462 377 341
APVP AVI
Asthme
399 357 300 247 187
Pathologies endocrines et hématologiques Toxicomanie Santé bucco-dentaire Troubles obsessionnels compulsifs 15 - 29 ans Psychoses et dépendance alcooliques Syndrome dépressif Schizophrénie Toxicomanie Syndrome maniaque 30 - 44 ans
8 917 4 948 3 076 2 646 2 082
Arthrose
4 496
Psychoses et dépendance alcooliques Syndrome dépressif V.I.H./S.I.D.A Accidents vasculaires ischémiques 45 - 59 ans Cancers des voies respiratoires
3 282 2 959 2 365 1 877 5 604 3 577 2 847 2 468 2 354
Arthrose
Complications neuro-psy alcooliques Cancers du sein Dépression 60 - 69 ans
3 154
Cancers des voies respiratoires Cardiopathies ischémiques Cancers colorectaux Cancers du sein Cirrhoses hépatiques alcooliques
2 020 1 357 1 249 709
≥ 70 ans
Démences Cardiopathies ischémiques Accidents vasculaires cérébraux ischémiques Malformations congénitales cardiaques Cancers des voies respiratoires
9 101 6 347 3 692 3 118 2 961 0
2000
4000
6000
8000
10000
FIG. 5. — Classement des principales causes d’AVAI par classes d’âge, à Paris, en 1999.
AVAI à elles seules après 70 ans) et aux pathologies cardio-vasculaires (plus de 10 000 AVAI pour l’ensemble cardiopathies ischémiques et accidents vasculaires cérébraux chez les plus de 70 ans).
De façon plus détaillée, pour les 0-4 ans, le total des AVAI est de 9 566 années de vie. Les malformations congénitales cardiaques prédominent et représentent 15,3 % des AVAI. Les pathologies périnatales suivent avec les troubles
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D. GRANADOS ET COLLABORATEURS
respiratoires et traumatismes périnataux (6,3 %), les infections materno-fœtales (4,8 %) et le petit poids de naissance (2,8 %). Pour les 15-29 ans, le nombre d’AVAI s’élève à 25 517 années de vie. Les pathologies mentales se classent au premier rang avec les psychoses et dépendances alcooliques (34,9 %), la dépression (19,4 %) et la schizophrénie (12 %). Les traumatismes représentent la deuxième grande cause d’AVAI avec les accidents de la route (7 %) et les suicides (3,8 %). Les 45-59 ans présentent un total de 58 886 AVAI. Les cancers arrivent en tête avec (33 % des AVAI). Parmi les cancers, les cancers respiratoires représentent une part importante (9,8 % du total des AVAI), suivis du cancer du sein (4,3 %). Les troubles de la santé mentale, dont les psychoses et dépendances alcooliques (5 % des AVAI) et les syndromes dépressifs (4,1 %) représentent au total 21,3 % des AVAI. Les pathologies cardiovasculaires sont en troisième position avec 9,3 % des AVAI, elles comprennent les cardiopathies ischémiques (3,9 %) et les accidents vasculaires cérébraux (3,2 %). Pour les 60-69 ans, le total est de 26 585 AVAI. Les principales causes d’AVAI sont les cancers (45,7 % des AVAI), dont les cancers des voies respiratoires (11,9 %), les cancers colorectaux (5,1 %) et le cancer du sein (4,7 %). Les pathologies cardiovasculaires dont les cardiopathies ischémiques (7,6 % des AVAI) représentent au total 17 % des AVAI de cette classe d’âge. La santé mentale (12 %) arrive en troisième position avec l’apparition des démences séniles (2,2 %). Les 70 ans et plus présentent un total de 62 523 AVAI. La santé mentale, dont les démences (14,6 % des AVAI), représente 28 % des AVAI et se place en tête des causes d’AVAI. Les pathologies cardiovasculaires représentent 27,8 % des AVAI avec les cardiopathies ischémiques (10,1 %) et les accidents vasculaires cérébraux (8 %). Les cancers représentent 25,7 % des AVAI, les premières localisations sont les cancers des voies respiratoires (4,7 %), les cancers colorectaux (4,6 %), cancers du sein (2,9 %) et de la prostate (2,4 %). À titre exploratoire, nous avons calculé de la même façon que pour l’ensemble de la ville de Paris en 1999 les AVAI pour le 19e arrondisse-
ment de Paris de 1980 à 1999 à partir des seules données de mortalité concernant cet arrondissement (CépiDc [14]). Les AVI de 1980 à 1999 ont été obtenus en utilisant les rapports AVI/ APVP estimés à partir des résultats OMS concernant l’année 1999. Ces mêmes résultats sont disponibles pour d’autres arrondissements. Le choix de ne présenter que ceux concernant le 19e arrondissement est arbitraire, ayant valeur d’exemple. La figure 6 présente l’évolution des principales causes d’AVAI observée pour cet arrondissement. Elle illustre l’utilisation possible des AVAI pour le suivi à long terme de l’évolution des répercussions des maladies sur une population très délimitée. DISCUSSION
LES RÉSULTATS OBTENUS À PARIS Les résultats obtenus pour Paris sont fondés sur deux types de données : les données de mortalité locales, et les rapports (morbidité/mortalité) et taux d’AVI régionaux issus des résultats de l’OMS. Le classement obtenu pour Paris en 1999 (fig. 4) place quatre pathologies non mortelles parmi les six premières causes d’AVAI. Ce classement illustre l’importance des incapacités secondaires aux troubles de la santé mentale (dépressions et psychoses), aux pathologies des personnes âgées (démences) et aux consommations de tabac et d’alcool. Pour cet ensemble de pathologies, la part des AVI est importante. Le calcul de ces AVI reposant presque exclusivement sur les résultats de l’OMS, il est important de s’interroger sur la validité de l’application des données globales de l’OMS dans un contexte local. Validité des données de mortalité
Les données de mortalité permettant l’évaluation les APVP sont issues des déclarations médicales obligatoires de décès. En France, tous les certificats médicaux de décès sont remplis par des médecins. De plus un codage automatique mis en place par le CépiDc-Inserm avec une vérification manuelle des déclarations incohérentes et une demande d’information complémentaire auprès des médecins certificateurs, permettent d’obtenir des bases de données fiables et en constante amélioration [19]. L’Île-de-France est une des régions de France ayant l’un des taux les plus élevés de
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1980-84
1985-89
1990-94
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1995-99
Cardiopathies ischémiques Cancers de l’appareil respiratoire X X
Psychoses et dépendances alcooliques
X
X X
Dépression Démences séniles Cancers du sein V.I.H./S.I.D.A
FIG. 6. — Évolution des principales causes d’AVAI de 1980 à 1999, dans le 19 e arrondissement de Paris.
décès de cause indéterminée en 1999, l’Institut Médico-Légal de Paris ne communicant pas les résultats de ses enquêtes sur les cas de morts violentes et/ou de causes inconnues [20]. Les décès de cause indéterminée représentent ainsi 9,2 % de tous les décès et 30 % des décès des 15-24 ans à Paris en 1999. Le nombre précis de décès par suicide est ainsi mal connu pour Paris : la sous-estimation du nombre des suicides en 1990 a été évaluée à près de 70 % [21]. Parmi les 15-24 ans, la proportion des suicides parmi les décès de cause indéterminée a été estimée à près de 24 % [21]. Ainsi la 15e position des suicides dans le classement des APVP pour les 15-29 ans à Paris résulte-t-elle sans doute d’une sous-estimation. La méthode de prise en charge et donc de notification et codage des décès par suicide étant différente en grande couronne autour de Paris, les AVAI dus aux suicides ont été quantifiés pour ces quatre départements de l’Île-de-France (Seine-et-Marne, Yvelines, Essonne et Val-d’Oise). Pour l’ensemble de ces départements, les suicides se classent en 2e position des APVP chez les 15-29 ans, derrière les accidents d’automobile. Ce même calcul effectué sur toute l’Île-de-France place les suicides en 5e position chez les 15-29 ans [3].
Validité des rapports « morbidité/mortalité » et des taux d’AVI
Il n’a pas été possible de retrouver les sources de données à partir desquelles l’OMS a défini les incidences des différentes pathologies pour la région EME. Ce point illustre l’opacité des méthodes ayant conduit aux données d’incidence utilisées par l’OMS dans leur calcul des AVI. Pour étudier la validité de l’utilisation des résultats régionaux de l’OMS dans un contexte local, nous avons comparé nos résultats avec les données locales dans le cas où elles étaient disponibles : ainsi les résultats obtenus pour la tuberculose, la première place obtenue pour l’arthrose chez les 30-44 ans, et la part importante donnée à la dépendance alcoolique entre 30 et 59 ans ont été confrontés avec les informations disponibles localement. L’Observatoire Régional de Santé d’Île-deFrance a calculé les AVAI attribuables à la tuberculose à partir de l’incidence enregistrée dans le cadre des déclarations obligatoires en Île-deFrance en 1999, soit 2 200 AVAI [3]. Le calcul effectué à partir des résultats de l’OMS n’attribue, quant à lui, que 1 316 AVAI à la tuberculose. Les AVAI obtenus à partir des incidences
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D. GRANADOS ET COLLABORATEURS
locales sont ainsi 1,25 fois plus importants qu’avec la méthode de calcul reposant sur les résultats préalables de l’OMS. Cet exemple illustre le besoin de recourir à des données produites localement afin d’estimer l’impact des pathologies dans une zone géographique limitée telle que la ville de Paris. Lorsque l’on considère une population de taille relativement restreinte, la probabilité d’écarts importants entre l’incidence locale et l’incidence retenue par l’OMS augmente : des spécificités locales qui ne sont pas prises en compte par les incidences globales de l’OMS peuvent exister, comme c’est le cas pour la tuberculose à Paris par exemple. La première place obtenue pour l’arthrose chez les 30-44 ans concernant les AVAI (fig. 5) peut s’expliquer par les valeurs des coefficients de pondération. Lorsque l’arthrose touche des personnes de 30-44 ans, elle atteint la classe d’âge pour laquelle les coefficients attribuent un poids important à l’apparition de toute incapacité. À ceci s’ajoute une plus longue durée des maladies chroniques chez les adultes jeunes et donc une durée importante des incapacités secondaires à l’arthrose. Ces deux éléments peuvent expliquer que, selon le classement par AVAI, l’arthrose figure parmi les priorités de santé des 30-44 ans, bien que les données épidémiologiques disponibles montrent que l’arthrose est une pathologie prédominant chez les personnes plus âgées [22]. Les résultats obtenus donnent aux « psychoses et dépendances alcooliques » la première place tous âges confondus et chez les 15-29 ans, la deuxième chez les 30-44 ans et la troisième chez les 45-59 ans. L’enquête « Alcool auprès des patients de médecins généralistes libéraux en Îlede-France » réalisée par l’Observatoire Régional de Santé Île-de-France en 2002 indique que 9,4 % des patients présentent une consommation d’alcool à risque pour la santé [23]. Les hommes sont plus nombreux (16,7 %) que les femmes (4,7 %) à présenter ce risque. Toutefois le stade de dépendance à l’alcool n’est noté que chez 4,8 % des hommes et 2,5 % des femmes. Les classes d’âges les plus touchées par la dépendance sont les 45-74 ans chez les hommes et les 55-64 ans chez les femmes. Ces constatations conduisent à recommander quelques précautions quant à l’interprétation et à l’utilisation des classements obtenus à partir des résultats de l’OMS :
ainsi, prendre en compte ces classements sans tenir compte des résultats d’enquêtes complémentaires, pourrait amener les décideurs à accorder, parmi les 15-59 ans, une importance exagérée au problème de dépendance alcoolique par rapport à d’autres problèmes de santé ou à se méprendre sur la tranche d’âge pour laquelle d’éventuelles actions seraient nécessaires. Ceci montre qu’il est important de comparer les classements obtenus en AVAI avec des indicateurs de santé obtenus localement. LA MÉTHODE DU FARDEAU GLOBAL DE LA MALADIE Les critiques concernant le FGM sont principalement issues des travaux de S. Anand et K. Hanson [24-28]. Ces auteurs mettent en cause le mélange des concepts de mortalité et de morbidité dans un même indicateur. Il leur semble difficilement acceptable de résumer les décès à une simple valeur sur l’échelle des incapacités, comme la méthode s’accorde à le faire pour tous les autres événements de santé. La définition de l’incapacité, telle qu’elle est utilisée dans le FGM leur semble trop limitée pour les raisons suivantes : – l’incapacité est définie dans la méthode du FGM de façon mono-causale ; elle ne prend pas en compte l’incapacité secondaire à l’âge du malade, ni l’existence de co-morbidités associées, alors que la survenue de plusieurs maladies peut être la cause d’une plus importante incapacité chez un malade ; – l’absence de prise en compte du contexte social écarte la prise en compte des répercussions de l’incapacité ou du décès sur l’entourage du malade ; on peut se demander dans quelle mesure le décès d’une personne affecterait la productivité de ses proches et la façon de prendre en compte les répercussions de cet événement à l’échelle collective ; de plus, ne pas prendre en compte le contexte socio-économique peut conduire à sousévaluer les conséquences des maladies pour des populations dont les conditions socio-économiques sont défavorables [29]. Au delà de ces critiques, l’OMS a choisi de mettre au point et d’optimiser la mesure de ce nouvel indicateur synthétique de santé car il constitue un encouragement à la mesure des incapacités et de leurs incidences, témoins tangibles du poids des maladies sur les populations.
LES « ANNÉES DE VIE AJUSTÉES SUR L’INCAPACITÉ »
L’OMS a adopté depuis l’an 2000 un nouveau découpage mondial comportant 17 régions (et non plus 8) ainsi que la détermination de coefficients d’incapacités propres à chaque région contrairement à ceux initialement définis au niveau mondial sans distinction [9, 30, 31]. Cette réduction de l’échelle géographique considérée, et une meilleure adaptation des coefficients d’incapacité à la situation locale devraient contribuer à améliorer la validité des estimations réalisées par l’OMS. CONCLUSION
La méthode du FGM est novatrice car elle prend en compte la notion d’incapacité et met en évidence l’importance des pathologies non mortelles, dont les répercussions sur la santé des populations ne pouvaient être considérées par la seule étude de la mortalité. Les classements obtenus par le calcul des AVAI mettent en évidence les répercussions des affections chroniques sur la santé des populations. Afin de pallier le manque de données locales d’incidence, les AVAI ont été calculées en se fondant sur les résultats préalables de l’OMS. Ces résultats ont été obtenus par l’OMS à partir de données modélisées, sur de très grandes régions du monde, et leur pertinence est donc limitée à un niveau infra-régional. Toutefois, en l’absence d’autre possibilité, s’appuyer sur les résultats de l’OMS constituait une étape préliminaire permettant de calculer des AVAI à un niveau local. Dans cette démarche exploratoire, la présentation des premiers résultats obtenus pour Paris illustre comment les AVAI peuvent donner une information inédite en combinant mortalité et morbidité. Cette nouvelle façon d’aborder les problèmes de santé, au travers d’un indicateur global prenant en compte mortalité et morbidité, devrait trouver sa place, auprès des autres indicateurs de santé, dans le débat entre les experts et les décideurs pour la définition des priorités de santé publique. Les AVAI pourraient ainsi contribuer à la définition des indicateurs de suivi de la Loi de santé publique en France [32]. Toutefois l’utilisation de la méthode du FGM et des AVAI dans le contexte de tout projet de hiérarchisation des problèmes de santé en France
123
soulève certaines questions, et amène à formuler quelques recommandations. 1. Le calcul du FGM sans utilisation des rapports AVI/APVP fournis par l’OMS nécessite non seulement des données de mortalité, mais aussi des données d’incidence pour chacune des pathologies considérées, et des coefficients d’incapacité associés à chacune de ces pathologies. À l’heure actuelle, en France, les données de mortalité sont disponibles et fiables. Les coefficients d’incapacité attribués à chaque pathologie peuvent bien sur être remis en cause en fonction des situations particulières locales, bien que dans la méthode du FGM, il soit explicitement fait abstraction de l’environnement dans lequel évoluent les personnes. Cependant, mis à part ces coefficients, c’est l’autre composante des AVI qui semble la plus problématique : les données d’incidences sont extrêmement rares en France. Les données de déclaration obligatoire et les données issues de registres constituent des sources de données d’incidence. Cependant, elles ne concernent que quelques pathologies, et sont souvent limitées à des zones géographiques restreintes. Des données de prévalence sont parfois disponibles (résultats d’enquêtes du type du « baromètre santé », ou de l’enquête décennale santé), mais le plus souvent, les seuls éléments disponibles sont des données initialement recueillies à des fins non-épidémiologiques (données d’hospitalisation issues du PMSI, données de consommation médicamenteuse issues des bases de remboursement de la CNAM, prises en charge à 100 % des ALD), et à partir desquelles la détermination d’une incidence ou d’une prévalence ne peut être faite sans certaines approximations. Le calcul du FGM sans utilisation des rapports AVI/APVP fournis par l’OMS semble donc à l’heure actuelle impossible à mettre en œuvre en France sans un important travail préliminaire permettant d’évaluer l’incidence de chacune des pathologies à prendre en compte. 2. Devant cette difficulté, partir des données globales fournies par l’OMS pour le calcul des AVAI est la seule méthode envisageable à court terme. L’évaluation ainsi réalisée doit, bien sûr, être complétée par un calcul faisant appel à des données d’incidence locales pour les pathologies pour lesquelles elles sont disponibles, comme cela a été fait
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D. GRANADOS ET COLLABORATEURS
pour la tuberculose dans le cadre du présent travail. La comparaison entre les résultats obtenus avec les données fournies par l’OMS et ceux obtenus avec les données d’incidence locales permet d’évaluer l’ampleur, en termes d’AVAI, des approximations induites par l’utilisation des données de l’OMS. 3. Dans le cas où les AVAI sont calculées à partir des données globales de l’OMS, les comparaisons transversales à l’intérieur d’une même région OMS n’apportent que peu de valeur ajoutée par rapport à la comparaison d’indicateurs plus classiques. En effet, dans cette situation, les différences observées en terme d’AVAI d’un lieu à l’autre ne peuvent provenir que de différences dans la structure démographique des populations, ou de différences dans la mortalité et sa répartition entre les différentes causes médicales de décès. 4. En ce qui concerne l’échelle géographique à laquelle cette méthode utilisant les données globales de l’OMS peut être mise en œuvre, on peut recommander, compte tenu des remarques précédentes, de restreindre l’utilisation à des zones de relativement grande taille (département ou région). Cela ne remet pas en cause l’analyse préliminaire réalisée ici à l’échelle de Paris (qui est aussi un département), car elle fait suite à d’autres analyses réalisées à l’étranger pour les villes de San Francisco et de Los Angeles, et a permis de dégager quelques points fondamentaux concernant la méthode de calcul des AVAI à partir des données globales de l’OMS [16-18]. 5. À plus long terme, une estimation des taux d’incidence de certaines pathologies en France peut être obtenue au travers de différents indicateurs. Outre les données d’incidence que l’on peut attendre de la mise en place d’une cohorte de taille importante, certaines sources de données pré-existent. Parmi celles-ci, on peut évoquer les données issues du PMSI de la prise en charge à 100 % (ALD), des consommations médicamenteuses, des registres des cancers et des maladies à déclaration obligatoire. Toutes ces données, à l’exception peut être de celles concernant les maladies à déclaration obligatoire dont la sous-déclaration reste cependant à évaluer, sont soit partielles, soit ne correspondent pas à des données d’incidence stricto-sensu : par exemple, un même individu affecté par une même pathologie peut être recensé plusieurs fois du fait de l’absence de « chaînage » entre les séjours dans les données du
PMSI ; seules les formes les plus graves d’une pathologie donnent lieu à recensement (cas des données de consommation médicamenteuse et du PMSI), etc. L’estimation de l’incidence d’une pathologie dans une population, pour être réalisée de façon fiable, nécessite obligatoirement le recoupement de nombreuses sources de données, et donc un travail coopératif entre les différents organismes disposant de ces données. Des méthodes adaptées permettant d’inférer des taux d’incidence à partir des données disponibles devront être définies. Compte tenu de l’ampleur de la tâche à réaliser, il peut être nécessaire de restreindre ce travail à certaines pathologies. Dans ce contexte, les résultats exposés dans cet article peuvent orienter vers les premières études à effectuer pour les pathologies qui apparaissent les plus importantes dans le classement obtenu : évaluation de l’incidence des cancers, des pathologies cardiovasculaires, des accidents vasculaires cérébraux, des démences, des suicides, des pathologies liées à l’alcoolisme, de la dépression et des atteintes rhumatismales par exemple. Le calcul des AVAI selon la méthode qui a été mise en œuvre pour Paris permet d’obtenir un indicateur de santé qui, à la différence des indicateurs classiques, prend en compte à la fois la mortalité et la morbidité. Cependant, compte tenu des nombreuses imprécisions introduites dans ce calcul en l’absence de données d’incidences locales, cet indicateur ne représente pas un outil suffisamment précis pour l’observation de la santé. Il reste cependant exploitable dans un contexte de programmation en santé publique, où la prise en compte de la morbidité pour la définition des priorités représente une importante avancée, malgré son statut expérimental en l’état actuel. REMERCIEMENTS : au CépiDc INSERM pour son aide dans l’exploitation des données de mortalité, à son directeur M. Eric JOUGLA, et à la Mairie de Paris pour tout l’intérêt qu’ils ont montré pour ce travail. RÉFÉRENCES 1. Murray CJL, Lopez AD. The Global Burden of Disease: a comprehensive assessment of mortality and disability from diseases, injuries, and risk factors in 1990 and projected to 2020. Vol. 1. Boston: The Harvard School of Public Health on behalf of the World Health Organization and The World Bank, 1990.
LES « ANNÉES DE VIE AJUSTÉES SUR L’INCAPACITÉ »
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