Les bisphosphonates dans le traitement des métastases osseuses des tumeurs solides

Les bisphosphonates dans le traitement des métastases osseuses des tumeurs solides

Rev Rhum [E´d Fr] 2002 ; 69 : 1010-1 © 2002 Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés S1169833002004313/SSU Les bisphosp...

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Rev Rhum [E´d Fr] 2002 ; 69 : 1010-1 © 2002 Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés S1169833002004313/SSU

Les bisphosphonates dans le traitement des métastases osseuses des tumeurs solides M. Tubiana-Hulin* Service d’oncologie médicale, centre René-Huguenin, 35, rue Dailly, 92210 St-Cloud, France

biphosphonates / métastases osseuses / ostéolyse maligne bisphosphonates / bony metastases / malignant osteolysis

Les métastases osseuses, de survenue fréquente dans l’évolution des tumeurs solides, ont une morbidité importante entraînant des douleurs osseuses, des fractures pathologiques, des hypercalcémies et compressions neurologiques et de ce fait, une perte de mobilité voire d’autonomie. Les bisphosphonates sont utilisés depuis une quinzaine d’années dans ces affections, en raison de leur capacité à s’opposer au processus ostéolytique, secondaire à l’hyperactivité des ostéoclastes. Les cellules tumorales intraosseuses sécrètent des médiateurs humoraux tels le pthrp pour les cellules d’origine mammaire et dont la production est augmentée par les facteurs de croissance délivrés par le microenvironnement cellulaire intramédullaire . Il a été montré que l’ostéoblaste était la cible première de ces facteurs et que ces cellules à leur tour envoyaient des signaux aux ostéoclastes emballant l’hyperrésorption. Les bisphosphonates (BP) ont un squelette commun liant deux phosphores à un atome de carbone. Leur potentiel antiostéolytique a été augmenté en manipulant le radical R2 et la chaîne latérale avec introduction de groupements amines. L’absorption des BP est très faible : 1 à 2 % et elle subit de grandes variations interindividuelles ; la demivie sérique des BP est brève, plus de 50 % sont stockés dans le tissu osseux, le reste étant excrété dans les urines.

*Correspondance et tirés à part. Adresse e-mail : [email protected] (M. Tubiana-Hulin).

Au cours du remodelage osseux, les Bp sont libérés dans l’organisme. Les BP inhibent l’activité des ostéoclastes, gênent leur recrutement et maturation ; ils favorisent l’apoptose des ostéoclastes et peut être aussi des cellules tumorales. NOUVELLES MOLÉCULES DANS LE TRAITEMENT DES MÉTASTASES OSSEUSES (MO) Le pamidronate 90 mg en perfusion de 2 H est considérée comme la molécule de référence depuis les recommandations de l’ASCO publiées par Hillner en 2000. Le zolédronate a expérimentalement un pouvoir de résorption augmenté de 100 à 1 000 fois par rapport au pamidronate. Son développement clinique a abouti à l’attribution d’AMM dans les hypercalcémies malignes en février 2001 et dans les métastases osseuses de toute origine en juillet 2002. Les doses recommandées sont de 4 mg dans 100 mL de sérum à passer en 15’ . Dans les cancers du sein et les myélomes les données décisives provenaient d’une étude de phase III comparant zolédronate (zol) 4 mg, zol 8 mg versus pamidronate 90 mg intraveineuse en deux heures. Après amendement les doses de 8 mg ont été abandonnées et la durée de la perfusion allongée en raison d’un surcroît de toxicité rénale sans augmentation significative de l’efficacité. L’étude portait sur 1 640 patients et explorait une hypothèse statistique d’équivalence. Les résultats montrent une équivalence en terme de délai sans progression et en taux d’événements osseux

Bisphosphonates et métastases osseuses

au prix d’une tolérance globale non significativement différente. La nécessité de contrôles réguliers de la créatininémie et du bilan phosphocalcique est néanmoins recommandée avec le zolédronate, ce qui n’est pas la pratique quotidienne de l’utilisation du pamidronate. Particulièrement intéressants sont les résultats des études réalisées dans les tumeurs d’origine autre que mammaire ou prostatique ou le Zol 4 mg était comparé à un placebo selon une hypothèse statistique de supériorité. Une stratification était faite entre les cancers pulmonaires non à petites cellules et les autres origines néoplasiques. Un effet significatif a été observé sur les critères classiques, délai et morbidité osseuse, plus net dans le groupe des cancers autres. De même un effet favorable a été observé dans les m.o des cancers prostatiques à prédominance condensantes confirmant l’importance de la résorption osseuse associée au processus condensant du fait du couplage osseux. L’ibandronate a lui aussi était testé dans les m.o des cancers du sein (440 pts) dans une étude de phase III à 3 bras comparant les doses de 2 mg ou 6 mg d’ibandronate à un placebo. Les résultats publiés par Body en abstract indique une efficacité pour la dose de 6 mg . L’étude réalisée avec la forme per os est en cours de publication. ÉTUDES DE PRÉVENTION DE SURVENUE DES MÉTASTASES OSSEUSES Les études cliniques réalisées jusqu’à présent dans le cancer du sein, sont basées d’une part, sur la grande fréquence des localisations osseuses comme premier site métastatique, et leur développement dans plus de 4 cas sur 5 au cours de l’évolution de la maladie métastatique et, d’autre part, sur la mise en évidence d’un effet chimiotactique des produits de dégradation du collagène osseux sur les cellules tumorales favorisant leur implantation dans l’os. Jusqu’à présent, ces études ont été réalisées avec le clodronate aux doses classiques de 1600 mg, en raison de sa très bonne tolérance clinique. Diel a publié en 1998 dans le NEJM les résultats à 36 mois médians d’une étude randomisée portant sur 313 patientes ayant un cancer du sein primitif à haut risque de rechute

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définis par l’existence de cellules tumorales sur les prélèvements de moëlle. Une diminution significative du pourcentage de localisations osseuses étaient observé dans le groupe recevant le clodronate, et de façon plus inattendue, une réduction du pourcentage de métastases viscérales et une prolongation de la survie. À 56 mois, l’effet favorable sur les métastases non osseuses n’était plus significatif, bien qu’il persistait un effet favorable sur la survie. L’étude de Saarto, publiée en 2001 portait sur des patientes (280) ayant un envahissement ganglionnaire axillaire et recevant trois ans de clodronate ou l’absence de traitement ; elle montrait à l’inverse dans le groupe clodronate, un taux identique de métastases osseuse et une augmentation du taux des métastases viscérales avec dégradation de la survie. L’ètude de Powles porte sur 1 050 patientes recevant deux ans de clodronate ou un placebo à l’issue des autres traitements adjuvants chez des patientes avec ou sans envahissement ganglionnaire axillaire. Les résultats ont été publiés récemment dans le JCO en 2002 : Avec 5 ans de recul, une réduction du pourcentage de métastases osseuses a été observée pendant la phase de traitement, mais ce bénéfice disparaît à l’arrêt du traitement et devienne non significatif à cinq ans. Néanmoins un effet favorable sur la survie du groupe traité reste constaté. Plusieurs études adjuvantes avec le clodronate (NSABP) et avec le zolédronate (SWOG) sont actuellement en cours. CONCLUSION L’introduction de nouvelles molécules plus puissamment inhibitrices de la résorption permettent aux cliniciens de disposer de traitements moins contraignants dans le cancer du sein et le myélome, du fait de la rapidité d’administration, sans que la supériorité en terme d’efficacité par rapport à la molécule de référence ne soit établie. Un allongement des intervalles de traitement dans les formes métastatiques osseuses moins évolutives est probablement à établir. L’utilisation de ce BP dans les MO de toute origine est licite et l’expérience des cancers prostatiques est particulièrement prometteuse.