Les formes cliniques et biologiques de l’hyperparathyroïdie secondaire en dialyse

Les formes cliniques et biologiques de l’hyperparathyroïdie secondaire en dialyse

Ne´phrologie & The´rapeutique 8 (2012) 35–40 Article original Les formes cliniques et biologiques de l’hyperparathyroı¨die secondaire en dialyse Cli...

569KB Sizes 224 Downloads 323 Views

Ne´phrologie & The´rapeutique 8 (2012) 35–40

Article original

Les formes cliniques et biologiques de l’hyperparathyroı¨die secondaire en dialyse Clinical and biological forms of secondary hyperparathyroidism in dialysis patients Guillaume Jean a,*, Jean-Claude Souberbielle b, Christie Lorriaux a, Brice Mayor a, Jean-Marc Hurot a, Patrick Deleaval a, Charles Chazot a a

Centre de rein artificiel, Nephrocare, 42, avenue du 8-mai-1945, 69160 Tassin la Demi-lune, France Unit 845, laboratoire d’explorations fonctionnelles, Inserm, universite´ Paris-Descartes, hoˆpital Necker-Enfants malades, Assistance Publique–Hoˆpitaux de Paris (AP–HP), 75015 Paris, France

b

I N F O A R T I C L E

R E´ S U M E´

Historique de l’article : Rec¸u le 1 mars 2011 Accepte´ le 29 mai 2011

Le diagnostic et le traitement de l’hyperparathyroı¨die (HPT) du patient porteur d’une maladie re´nale chronique restent encore mal codifie´s. Le but de l’e´tude est d’identifier les principales formes cliniques et e´volutives d’HPT a` partir d’une population de patients he´modialyse´s. Entre 2004 et 2010, tous les patients ont e´te´ suivis et traite´s avec la meˆme strate´gie : traitement « conventionnel » comportant la supple´mentation en vitamine D native, des che´lateurs du phosphore calciques et non calciques, l’ajustement du calcium du dialysat a` la concentration se´rique de PTH et des marqueurs osseux, des analogues du calcitriol (AC) en cas d’HPT, du cinacalcet (CC) et une parathyroı¨dectomie (PTX) en dernier recours, un dosage mensuel d’hormone parathyroı¨dienne (PTH) et de phosphatases alcalines (PAL) totales, un dosage semestriel de marqueurs osseux. Parmi les 520 patients suivis, 158 ont eu un diagnostic d’HPT (30 %) avec une PTH supe´rieure a` 300 pg/mL. Nous en avons identifie´ cinq formes : (1) les HPT « sans retentissement osseux » (SRO) avec une PTH supe´rieure a` 300 pg/mL et des marqueurs osseux non augmente´s (n = 28, 17,7 %) ; (2) les HPT « secondaires » avec des marqueurs osseux et une PTH augmente´s dont l’e´volution a e´te´ favorable par le seul traitement conventionnel (n = 59, 37,7 %) ; (3) les HPT « tertiaires » avec une hypercalce´mie initiale ne´cessitant un traitement par CC ou une PTX (n = 11, 6,9 %) ; (4) les HPT « mixtes » s’ame´liorant partiellement avec le traitement conventionnel et ne´cessitant du CC ou une PTX en seconde intention (n = 57, 36 %) ; (5) les HPT « re´sistantes » sans hypercalce´mie ne´cessitant une PTX apre`s l’e´chec des traitements conventionnels et du CC (n = 3, 1,8 %). Le CC a e´te´ prescrit dans 51 % des cas, les AC dans 76 % et une PTX a e´te´ re´alise´e dans 7 %. Notre proposition de typologie de l’HPT est base´e sur sa physiopathologie et ses diffe´rents stades e´volutifs. Elle re´pond a` des crite`res biologiques, ne´cessitant l’interpre´tation des marqueurs osseux, mais surtout e´volutifs et the´rapeutiques. L’HPT n’apparaıˆt pas homoge`ne dans sa pre´sentation et ne´cessite une prise en charge the´rapeutique individualise´e a` partir de strate´gies cohe´rentes. ß 2011 Publie´ par Elsevier Masson SAS pour I’Association Socie´te´ de ne´phrologie.

Mots cle´s : Hyperparathyroı¨die He´modialyse Hormone parathyroı¨dienne Marqueurs osseux Strate´gies the´rapeutiques Calcimime´tiques Vitamine D Parathyroı¨dectomie

A B S T R A C T

Keywords: Hyperparathyroidism Haemodialysis Parathyroid hormone Bone markers Vitamin D Parathyroidectomy Calcimimetics

The diagnosis and treatment of hyperparathyroidism (HPT) are not yet well standardized in chronic renal failure patients. The aim of this study was to identify the main types of HPT on the basis of clinical and biological findings in a haemodialysis population. Between 2004 and 2010, all patients undergoing haemodialysis were observed and treated using the same strategy: conventional therapy with vitamin D supplements, phosphate binders, dialysate calcium adjusted to serum parathyroid hormone (PTH) level and calcitriol analogues (CA), along with regular bone marker analysis. Wherever required, cinacalcet (CC) was administered and parathyroidectomy (PTX) was performed. Of the 520 patients, 158 were classified as having HPT (30%) with a serum PTH level greater than 300 pg/mL. From this population, we identified five main types of HPT: (1) HPT with ‘no bone impact’ had normal or low bone marker levels (n = 28, 17.7%); (2) ‘secondary’ HPT had elevated bone marker levels, but showed favorable response to CT (n = 59, 37.7%); (3) ‘tertiary’ HPT was accompanied with hypercalcemia and required CC or PTX in case of CT failure (n = 11, 6.9%); (4) ‘mixed’ HPT could not be completely treated with CT and required CC or

* Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (G. Jean). 1769-7255/$ – see front matter ß 2011 Publie´ par Elsevier Masson SAS pour I’Association Socie´te´ de ne´phrologie. doi:10.1016/j.nephro.2011.05.002

36

G. Jean et al. / Ne´phrologie & The´rapeutique 8 (2012) 35–40

PTX (n = 57, 36%); (5) ‘resistant’ HPT did not show hypercalcemia, but required PTX after CT and CC failure (n = 3, 1.8%). CC was prescribed in 51% cases, CA in 76%, and PTX in 7% of cases. We typified HPT on the basis of physiopathology and stages of HPT progression. Further studies on HPT that focus on bone marker levels are required to establish well-defined treatment strategies. In our study, HPT cases did not show uniform findings in He´modialyse (HD) patients because of the variation in the stages of the disease at the time of diagnosis. ß 2011 Published by Elsevier Masson SAS on behalf of the Association Socie´te´ de ne´phrologie.

1. Introduction L’hyperparathyroı¨die (HPT) reste une forme fre´quente de l’oste´odystrophie re´nale a` l’origine de troubles du me´tabolisme mine´ral et osseux (TMO) chez les patients atteints de maladie re´nale chronique (MRC) [1]. En dehors des conse´quences sur le me´tabolisme mine´ral, les complications osseuses et cardiovasculaires sont les plus redoute´es [2]. A` coˆte´ des facteurs physiopathologiques classiques comme la re´tention des phosphates, la carence en vitamine D et en calcitriol, et l’hypocalce´mie, les donne´es re´centes sur le couple fibroblast growth factor (FGF)-23–prote´ine Klotho [3] nous donnent un aperc¸u de la complexite´ des me´canismes de re´gulations et de leurs perturbations lie´es a` la MRC. Apre`s une premie`re phase d’HPT adaptative et facilement re´versible, avec la persistance des me´canismes pre´ce´demment e´voque´s, l’HPT va devenir plus re´sistante avec la diminution progressive de la sensibilite´ des re´cepteurs du calcium (CaR) et de la vitamine D (VDR) qui accompagne l’hyperplasie des cellules parathyroı¨diennes sous forme diffuse puis nodulaire avec au maximum l’HPT autonomise´e hypercalce´mique [4,5]. Le diagnostic pre´cis de l’HPT reste difficile en raison du manque de crite`res biologiques, notamment par la faible spe´cificite´ des valeurs se´riques d’hormone parathyroı¨dienne (PTH). Cependant, ce dosage de PTH reste indispensable malgre´ l’inhomoge´ne´ite´ des trousses disponibles [6]. En l’absence d’histologie osseuse, la mesure des marqueurs osseux paraıˆt donc ne´cessaire afin de mieux appre´hender le retentissement osseux de l’HPT [7]. Les strate´gies the´rapeutiques de l’HPT ont e´volue´ depuis la disponibilite´ du cinacalcet (CC) [8], mais sa place au sein de l’arsenal the´rapeutique conventionnel reste discute´e [9,10], tout comme celle de la chirurgie de re´duction parathyroı¨dienne (PTX). Le traitement conventionnel comporte les che´lateurs du phosphore, les sels de calcium e´tant plus freinateurs [11], les de´rive´s natifs de la vitamine D, les analogues du calcitriol (AC) et une augmentation du calcium du dialysat. De re´centes e´tudes d’intervention, comme Advance pour les calcifications cardiovasculaires [12] et Evolve pour la morbi-mortalite´ cardiovasculaire [13], visent a` comparer deux strate´gies dans le traitement de l’HPT, le traitement conventionnel, d’une part, et le CC associe´ a` des plus faibles doses d’AC, d’autre part. Ces e´tudes postulent que toutes les HPT sont homoge`nes dans leur physiopathologie, leur re´ponse au traitement et qu’elles peuvent eˆtre de´finies par une simple valeur seuil de PTH se´rique (300 pg/mL ou meˆme 150 pg/mL d’iPTH). Cette approche va a` l’encontre de l’expe´rience clinique que nous rapportons ici. Le but de ce travail est de proposer, a` partir d’une cohorte re´cente de patients dialyse´s, une classification des formes cliniques, biologiques et e´volutives de l’HPT a` partir d’une prise en charge homoge`ne. 2. Patients et me´thodes Entre septembre 2004 et septembre 2010, tous les patients he´modialyse´s plus de six mois dans le centre ont e´te´ inclus et suivis prospectivement. Ils ont eu des mesures de phosphatases alcalines

osseuses (PAO, chimiluminescence, valeurs de re´fe´rences 3– 20,9 mg/L, laboratoire Biomnis Lyon) et de ß-Cross-Laps (CTX, Elecsys, Roche Diagnostics, Meylan, France) au moins tous les six mois. Ils ont eu tous les mois une mesure de iPTH (ElecSys ; Roche Diagnostics, Meylan, France, valeurs de re´fe´rences 10 a` 65 pg/mL) et de phosphatases alcalines totales (PAL, Roche colorime´trique, valeurs normales infe´rieures a` 270 U/L chez l’homme et infe´rieures a` 240 U/L chez la femme). Nous avons choisi cette pe´riode de suivi qui correspond a` la disponibilite´ du CC, a` la ge´ne´ralisation du dosage des marqueurs osseux et de la supple´mentation en vitamine D native. Les strate´gies the´rapeutiques sont reste´es identiques depuis cette date avec, pour tous les patients, une supple´mentation en vitamine D (objectif de 25-OH-D : 75–150 nmol/L), des che´lateurs non calciques en cas d’hyperphosphate´mie (Sevelamer hydrochloride et Lanthanum carbonate), une dialyse de trois fois quatre heures a` trois fois huit heures par semaine utilisant un calcium du dialysat standard de 1,5 mmol/L, mais pouvant varier de 1,25 mmol/L, en cas de profil biologique d’oste´opathie adynamique (OA), a` 1,75 mmol/L en cas d’HPT. Pour le traitement de l’HPT, nous se´parons les traitements conventionnels qui comportent des che´lateurs calciques (CaCO3) et de l’alfacalcidol per os, des traitements de l’HPT tertiaire par le cinacalcet (CC) ou la PTX en cas d’e´chec. Les crite`res utilise´s pour les diffe´rentes cate´gories d’HPT e´taient les suivants :  les HPT « sans retentissement osseux » (SRO) : iPTH supe´rieure a` 300 pg/mL pendant plus de six mois avec des PAO infe´rieures ou e´gales a` 15 mg/L et des CTX infe´rieurs ou e´gaux a` 2 mg/L ;  les HPT « secondaires » ou adaptatives : PTH supe´rieure a` 300 pg/ mL avec des PAO supe´rieures a` 15 mg/L et des CTX supe´rieurs a` 2 mg/L et des calce´mies infe´rieures a` 2,5 mmol/L. Le caracte`re « adaptatif » est confirme´ par la disparition des anomalies par le traitement conventionnel ;  les HPT « tertiaires » avec une PTH supe´rieure a` 300 pg/mL, des PAO supe´rieures a` 15 mg/L, des CTX supe´rieurs a` 2 mg/L et une calce´mie supe´rieure a` 2,5 mmol/L. Ils ont ne´cessite´ un traitement par CC, puis un traitement conventionnel ;  les HPT « mixtes » qui se pre´sentent initialement comme une HPT secondaire, mais qui deviennent tertiaires apre`s la correction de la part adaptative par le traitement conventionnel ;  les HPT « re´sistantes » qui se manifestent comme une HPT mixte, mais qui ne re´pondent pas favorablement au traitement conventionnel ni au CC. Nous avons choisi le seuil de 300 pg/mL de PTH, d’une part, car ce seuil est propose´ par la plupart des e´tudes prospectives et dans les KDOQI [14], et, d’autre part, en raison de la trousse utilise´e qui est tre`s proche de la trousse de re´fe´rence Allegro (Nicholsß) [6]. Nous avons choisi la valeur de 2 mg/L pour les CTX, car elle correspond a` la me´diane des valeurs des patients et par ailleurs, des valeurs supe´rieures a` 2,2 mg/L ont e´te´ associe´es a` la perte osseuse chez les he´modialyse´s [15]. A` noter que la fonction re´nale re´siduelle des patients e´tait ne´gligeable. Nous avons choisi le seuil de 15 mg/L pour les PAO, car il correspond e´galement a` la me´diane des valeurs des patients et

G. Jean et al. / Ne´phrologie & The´rapeutique 8 (2012) 35–40

elles ont e´te´ rapporte´es associe´es aux le´sions osseuses de l’HPT lorsqu’elles sont supe´rieures a` 20 pg/mL [16]. La gue´rison est de´finie par l’association d’une PTH infe´rieure a` 300 pg/mL, d’une calce´mie normale, d’une phosphate´mie infe´rieure a` 1,8 mmol/L et des PAO entre 10 et 20 mg/L pendant plus de six mois. Une PTX a e´te´ propose´e en cas d’intole´rance digestive au CC interdisant une posologie efficace ou en cas d’inefficacite´ a` la posologie maximale tole´re´e sans de´passer 180 mg/j. Les valeurs initiales sont celles du moment ou` le diagnostic d’HPT a e´te´ porte´ la premie`re fois. Enfin, tous les patients ont eu une e´chographie et une scintigraphie (MIBI) de parathyroı¨des avant la PTX. Une densitome´trie osseuse a e´te´ re´alise´e chez tous les patients au moment du diagnostic. 3. Statistiques Nous avons applique´ une analyse de variance comple´te´e d’un Duncan’s post-test pour comparer les variables dans les cinq groupes. Les re´sultats sont rapporte´s en moyenne  de´viation standard et me´diane pour la PTH ; un p infe´rieur a` 0,05 repre´sentant le seuil de significativite´. Nous avons utilise´ le logiciel de statistique MedCalc, 9.3.1.0, Belgique. 4. Re´sultats Entre 2004 et 2010, 520 dossiers successifs de patients he´modialyse´s pre´valents ont e´te´ e´tudie´s et 158 cas d’HPT ont e´te´ retenus, soit 30 %. La re´partition des diffe´rentes formes cliniques est repre´sente´e sur la Fig. 1 avec, par ordre de´croissant, une HPT secondaire (37,3 %), une HPT mixte (36 %), une HPT SRO (17,7 %), une HPT tertiaire (6,9 %), et une HPT re´sistante (1,8 %). Les caracte´ristiques des patients ayant pre´sente´ ces diffe´rentes formes sont pre´sente´es dans le Tableau 1. En dehors des calce´mies plus e´leve´es dans le groupe des HPT tertiaires et des marqueurs osseux plus bas dans le groupe des HPT SRO, qui correspondent a` la de´finition initiale, nous n’avons pas trouve´ de caracte´ristiques diffe´rentielles significatives. Sur le plan the´rapeutique, 51 % (n = 81) des patients ont e´te´ traite´s par cinacalcet (15 % de l’ensemble des 520 patients) dont

[(Fig._1)TD$IG]

37

10 % (n = 8) ont pu eˆtre sevre´s apre`s plus de 12 mois. Une PTX (des 7/8) a e´te´ ne´cessaire dans 11 cas (7 %), en cas de re´sistance ou d’intole´rance au CC. L’e´volution a` moyen terme est rapporte´e sur la Fig. 1. Parmi les 28 HPT SRO, cinq patients avaient une hypercalce´mie mode´re´e, en l’absence d’AC, et ils ont e´te´ traite´s avec succe`s par de faibles doses de CC. Cinq autres ont de´veloppe´ une HPT tertiaire traite´e e´galement par CC. Dans le groupe d’ HPT mixtes, 9 % ont ne´cessite´ une PTX en raison d’une intole´rance digestive au CC. Les 11 patients qui ont eu une PTX (subtotale 7/8) ont eu une exploration morphologique pre´alable par e´chographie et scintigraphie. Les trois patients du groupe HPT re´sistante n’avaient pas de nodule individualisable, les quatre patients du groupe HPT tertiaire avaient un seul nodule (n = 1), deux nodules (n = 2) ou trois nodules (n = 1), les quatre patients du groupe mixte n’avaient aucun nodule (n = 1), un nodule (n = 2) ou deux nodules (n = 1). Ces constatations ont e´te´ confirme´es par l’e´tude anatomopathologique, les nodules visibles correspondant le plus souvent a` une hyperplasie nodulaire. Les crite`res pour proposer une PTX ont e´te´ le plus souvent l’association d’une PTH supe´rieure a` 800 pg/mL (neuf fois), d’une hypercalce´mie persistante (trois fois), de marqueurs osseux tre`s e´leve´s (cinq fois) ou d’une calciphylaxie (deux fois). Les valeurs des T-scores du col du fe´mur n’e´taient pas diffe´rentes entre les groupes (moyenne de –1,6 a` –2,2). Les valeurs de T-scores au poignet e´taient moins basses dans le groupe des HPT SRO (moyenne de –1,6 vs –3 pour les autres groupes). La Fig. 2 repre´sente notre algorithme en fonction de l’existence d’une hypercalce´mie et des marqueurs osseux. La Fig. 3 propose un sche´ma repre´sentant la relation entre les diffe´rents stades d’HPT et sa physiopathologie. 5. Discussion Malgre´ le bon controˆle de l’hyperphosphate´mie dans notre centre (8–15 % de phosphate´mies supe´rieures a` 1,8 mmol/L), et une supple´mentation en vitamine D native, l’HPT reste assez fre´quente (30 %). L’application d’une strate´gie the´rapeutique homoge`ne et base´e sur notre expe´rience nous permet de prendre

Fig. 1. E´volution des cinq formes d’hyperparathyroı¨die dans les 24 mois suivant le diagnostic.

G. Jean et al. / Ne´phrologie & The´rapeutique 8 (2012) 35–40

38

Tableau 1 Caracte´ristiques des patients ayant pre´sente´ les diffe´rentes formes cliniques d’hyperparathyroı¨die, au moment du diagnostic et les the´rapeutiques mises en œuvre les mois suivants. HPT SRO

HPT II

HPT III

Mixte

Re´sistante

n = 28

n = 59

n = 11

n = 57

n=3

ˆ ge (ans) A Sexe fe´minin (%) Anciennete´ (mois) Diabe`te (%) Non-caucasien (%) IMC kg/m2

68,4  10 25 38  52 28 32,1 27  4

61,6  16 38 53  86 33 31,7 25,5  6

65,6  13 70 63  38 20 10 24,3  3

54  15 52 71  83 27 23,6 26,2  5

41,1  11* 33 96  89 0 67 20  2

Biologie initiale Calce´mie (mmol/L) Phosphate´mie (mmol/L) PTH (pg/mL) Me´diane (min–max) PAO (mg/L) CTX (mg/L) PAL tot (UI/L)

2,23  0,12 1,5  0,3 492  159 456 (320–1050) 11,1  3,3* 1,5  0,6* 168  48

2,17  0,18 1,44  0,4 658  350 505 (420–2800) 30  30 2,9  1,2 329  200

2,62  0,1 * 1,6  0,4 668  240 646 (355–1000) 25,5  12 2,6  1,2 232  91

2,29  0,1 1,55  0,4 705  450 (368–3200) 37  35 42 391  277

2,23  0,1 1,2  0,26 655  270 708 (367–900) 52  7 6,5  1,6 396  75

Traitement des 24 mois suivants Cinacalcet (%) PTX n = (%) Alfacalcidol (%) Calcifediol ou cole´calcife´rol (%) CaCO3 (%) Sevelamer ou Lanthanum (%)

35,7 0 21 100 35 53

0 0 100 100 100 30,5

100 4 (37) 50 100 50 50

100 4 (9) 87 100 77 46

100 3 (100) 100 100 100 33

PTX : parathyroı¨dectomie ; PTH : hormone parathyroı¨dienne ; PAL tot : phosphatase alcaline totale ; PAO : phosphatase alcaline osseuse ; CTX : b-Cross-Laps. *p < 0,05.

[(Fig._2)TD$IG]

en charge efficacement l’HPT graˆce au traitement conventionnel et surtout au CC qui en a re´volutionne´ la prise en charge, meˆme si la PTX reste encore ne´cessaire dans un petit nombre de cas. Nous avons retenu cinq formes d’HPT qui nous paraissent pouvoir eˆtre identifie´es et nous allons les discuter successivement. Les HPT SRO repre´sentent certainement la forme la moins homoge`ne dans sa physiopathologie, son e´volution, mais aussi la moins diagnostique´e. La ne´cessite´ de disposer de marqueurs osseux et de savoir les interpre´ter nous laisse a` penser que cette forme est souvent prise en charge, a` tort au moins en partie, comme une HPT. L’existence d’une re´elle oste´opathie adynamique

avec une PTH supe´rieure a` 300 pg/mL a de´ja` e´te´ rapporte´e a` partir de se´ries d’histologie osseuse et peut repre´senter jusqu’a` 30 % des cas [17]. En l’absence d’histologie osseuse, nous avons choisi des crite`res base´s sur les valeurs de marqueurs osseux, PAO et CTX, dont nous avons l’usage depuis plusieurs anne´es. Ces HPT SRO peuvent repre´senter une authentique re´sistance a` la PTH, mais e´galement un exce`s de fragments inhibiteurs 7–84 non diffe´rencie´s par les trousses de deuxie`me ge´ne´ration et non dose´s par celles de troisie`me ge´ne´ration [6]. Ces HPT SRO peuvent e´galement repre´senter une forme de passage vers une HPT avec une discordance entre la PTH et les marqueurs osseux due a` la

Fig. 2. Proposition d’algorithme de prise en charge d’une hyperparathyroı¨die (HPT) avec indication de traitement conventionnel (TC), de cinacalcet (CC) ou de parathyroı¨dectomie (PTX). Le TC pouvant comporter des che´lateurs du phosphore calciques et/ou non calciques, des de´rive´s de la vitamine D native, des analogues du calcitriol, une augmentation de la teneur en calcium du dialysat.

[(Fig._3)TD$IG]

G. Jean et al. / Ne´phrologie & The´rapeutique 8 (2012) 35–40

39

Fig. 3. Sche´ma repre´sentant les diffe´rentes phases de l’hyperparathyroı¨die et la correspondance avec les formes cliniques.

diffe´rence de cine´tique de ces parame`tres [18]. Les cinq patients hypercalce´miques avec des marqueurs osseux effondre´s ont normalise´ leur bilan biologique sous CC, mais ont garde´ des marqueurs a` un niveau bas posant un proble`me diagnostique non re´solu. Enfin, ces HPT SRO peuvent repre´senter une e´tape vers la normalisation d’une HPT secondaire rapidement prise en charge par les traitements conventionnels. Finalement, ces HPT SRO nous posent le plus de proble`mes diagnostiques et donc the´rapeutiques et ne´cessitent, davantage encore, une prise en charge individualise´e et une analyse pre´cise de l’e´volution. Un bilan iconographique des parathyroı¨des peut eˆtre indique´ afin de ve´rifier l’absence d’hyperplasie nodulaire. Par ailleurs, le retentissement osseux, appre´cie´ par la DMO, apparaıˆt moins se´ve`re ce qui est cohe´rent avec la biologie. Les « HPT secondaires » ne´cessitent un diagnostic e´volutif et cette e´volution apparaıˆt rapidement favorable. En dehors de l’absence d’hypercalce´mie, il n’y a aucun crite`re initial pour en faire le diagnostic et notamment pas la valeur de PTH qui peut eˆtre supe´rieure a` 2000 pg/mL. Sur le plan physiopathologique, elle correspond a` une phase adaptative a` l’hyperphosphate´mie [19], a` la carence en vitamine D et calcitriol ou a` une balance calcique ne´gative, avant la phase qui comporte une diminution des re´cepteurs du calcium (CaR) et de la vitamine D (VDR) des cellules parathyroı¨diennes. Logiquement, l’e´volution est donc favorable apre`s la correction de ces de´sordres me´taboliques par le traitement conventionnel. Cette forme te´moigne du fait que la gravite´ de l’HPT est inde´pendante de la valeur de PTH. A` l’inverse, « les HPT tertiaires » ou autonomise´es correspondent the´oriquement a` une rare´faction des CaR et VDR des cellules parathyroı¨diennes avec une diminution de la sensibilite´ au calcium circulant [20]. La calce´mie e´leve´e correspond a` l’augmentation du set-point et justifie la prescription de CC en premie`re intention. La fre´quence des formes avec hyperplasie nodulaire est cohe´rente et explique les difficulte´s the´rapeutiques conduisant parfois a` la PTX. Les « HPT mixtes » sont le te´moin de la coexistence d’une partie adaptative secondaire, qui va re´pondre favorablement au traitement conventionnel, et d’une part autonome et re´sistante qui sera de´masque´e secondairement. Il est probable qu’il s’agisse d’HPT tertiaires diagnostique´es avant la correction de la phase adaptative. Rien ne permet de la distinguer initialement de l’HPT

secondaire et cela justifie, en l’absence d’hypercalce´mie, de commencer dans tous ces cas par un traitement conventionnel, le CC ne sera propose´ qu’en cas d’ame´lioration insuffisante du me´tabolisme mine´ral ou des marqueurs osseux. Enfin les « HPT re´sistantes », les plus rares, e´voluent de´favorablement apre`s un traitement conventionnel et le CC meˆme a` doses maximales. La PTX a e´te´ ne´cessaire dans ces trois cas. La physiopathologie nous apparaıˆt plus obscure. Cette forme touche volontiers des adultes jeunes, d’origine ethnique extraeurope´enne, avec un IMC plus bas. Biologiquement, on remarque des marqueurs osseux tre`s e´leve´s contrastant avec une PTH toujours infe´rieure a` 900 pg/mL. L’absence d’hypercalce´mie ne plaide pas pour une forme nodulaire et cela a e´te´ confirme´ par l’iconographie et l’anatomopathologie. Ces formes d’HPT nous paraissent correspondre a` des stades e´volutifs diffe´rents au moment du diagnostic, mais e´galement a` des variabilite´s de l’environnement me´tabolique, de leur prise en charge pre´alable, et a` des susceptibilite´s individuelles. A` coˆte´ des marqueurs osseux de´ja` disponibles, les dosages syste´matiques de FGF-23 et de prote´ine Klotho, des fragments 1– 84 de PTH, ainsi que l’e´tude des polymorphismes des CaR et VDR pourront sans doute aider a` mieux comprendre ces formes d’HPT et d’en optimiser le traitement. Cette e´tude observationnelle a certaines limitations importantes. Le moment du diagnostic initial n’est pas homoge`ne et ces re´sultats devront eˆtre confirme´s par l’observation longitudinale des patients ure´miques de`s les stades 3 de la MRC afin d’en identifier l’histoire naturelle. Malgre´ notre expe´rience des marqueurs osseux, le choix des valeurs seuils reste subjectif et base´ sur des e´tudes pre´ce´dentes [16], mais ils n’ont pas pu eˆtre corre´le´s syste´matiquement avec l’histologie osseuse. Les valeurs seuils de PAO sont prises en de´faut en cas d’he´patopathie du fait de leur spe´cificite´ imparfaite. Enfin, dans notre cohorte de patients he´modialyse´s, un nombre non ne´gligeable avait des marqueurs osseux e´leve´s avec une PTH infe´rieure a` 300 pg/mL. Cela peut correspondre a` de nombreux diagnostics comme une oste´omalacie, une oste´oporose, des me´tastases osseuses, une ische´mie osseuse, une intoxication aluminique, une maladie de Paget, mais aussi une authentique HPT. Le diagnostic de ces pathologies ne´cessite encore une biopsie osseuse, mais cet examen, juge´ invasif, tend a` disparaıˆtre en France.

40

G. Jean et al. / Ne´phrologie & The´rapeutique 8 (2012) 35–40

6. Conclusion L’HPT reste un proble`me fre´quemment rencontre´, dans au moins 30 % des cas, chez les patients he´modialyse´s. La simple mesure de la PTH se´rique ne permet pas de juger de la gravite´ ni de de´finir la strate´gie the´rapeutique. Nous avons de´crit ici cinq formes cliniques d’HPT selon des crite`res biologiques, e´volutifs et the´rapeutiques. Cela ne´cessite une e´valuation de l’e´tat osseux, biologique et radiologique, mais peut-eˆtre aussi d’une iconographie des glandes parathyroı¨diennes. Il ne s’agit que d’une e´tude pre´liminaire, mais la reconnaissance de ces formes d’HPT, qui correspondent probablement a` des stades e´volutifs diffe´rents, devrait pouvoir aider les cliniciens a` adapter au mieux la prise en charge the´rapeutique. Celleci peut comporter des the´rapeutiques conventionnelles, du cinacalcet et une parathyroı¨dectomie en dernier recours. De´claration d’inte´reˆts G. Jean, C. Lorriaux, B. Mayor, J.-M. Hurot et C. Chazot sont consultants pour Fresenius Medical Care. Re´fe´rences [1] Kdigo CM. Work Group Kdigo clinical practice guideline for the diagnosis, evaluation, prevention, and treatment of chronic kidney disease-mineral and bone disorder (CKD-MBD). Kidney Int 2009;76:S1–130. [2] Block GA, Port FK. Re-evaluation of risks associated with hyperphosphatemia and hyperparathyroidism in dialysis patients: recommendations for a change in management. Am J Kidney Dis 2000;35:1226–37. [3] Kumata C, Mizobuchi M, Ogata H, Koiwa F, Nakazawa A, Kondo F, et al. Involvement of alpha-klotho and fibroblast growth factor receptor in the development of secondary hyperparathyroidism. Am J Nephrol 2010;31:230–8. [4] Rodriguez M, Nemeth E, Martin D. The calcium-sensing receptor: a key factor in the pathogenesis of secondary hyperparathyroidism. Am J Physiol Renal Physiol 2005;288:F253–264. [5] Tominaga Y, Johansson H, Takagi H. Secondary hyperparathyroidism: pathophysiology, histopathology, and medical and surgical management. Surg Today 1997;27:787–92.

[6] Souberbielle JC, Boutten A, Carlier MC, Chevenne D, Coumaros G, Lawson-Body E, et al. Inter-method variability in PTH measurement: implication for the care of ckd patients. Kidney Int 2006;70:345–50. [7] Urena P, De Vernejoul MC. Circulating biochemical markers of bone remodeling in uremic patients. Kidney Int 1999;55:2141–56. [8] Torres PU. Calcimimetics: physiology, results of preclinical and clinical studies, and perspectives. Ne´phrologie & The´rapeutique 2011;7:99–104. [9] Jean G, Vanel T, Terrat JC, Hurot JM, Lorriaux C, Mayor B, et al. Treatment of secondary hyperparathyroidism resistant to conventional therapy and tertiary hyperparathyroidism with cinacalcet: an efficiency strategy. Ne´phrologie & The´rapeutique 2010;6:105–10. [10] Messa P, Macario F, Yaqoob M, Bouman K, Braun J, von Albertini B, et al. The optima study: assessing a new cinacalcet (sensipar/mimpara) treatment algorithm for secondary hyperparathyroidism. Clin J Am Soc Nephrol 2008;3:36–45. [11] St Peter WL, Liu J, Weinhandl E, Fan Q. A comparison of sevelamer and calcium-based phosphate binders on mortality, hospitalization, and morbidity in hemodialysis: a secondary analysis of the dialysis clinical outcomes revisited (DCOR) randomized trial using claims data. Am J Kidney Dis 2008;51:445–54. [12] Raggi P, Chertow GM, Torres PU, Csiky B, Naso A, Nossuli K, et al. The advance study: a randomized study to evaluate the effects of cinacalcet plus low-dose vitamin D on vascular calcification in patients on hemodialysis. Nephrol Dial Transplant 2011;26(4):1327–39. [13] Chertow GM, Pupim LB, Block GA, Correa-Rotter R, Drueke TB, Floege J, et al. Evaluation of cinacalcet therapy to lower cardiovascular events (Evolve): rationale and design overview. Clin J Am Soc Nephrol 2007;2:898–905. [14] Eknoyan G, Levin A, Levin NW. Bone metabolism and disease in chronic kidney disease. Am J Kidney Dis 2003;42:1–201. [15] Okuno S, Inaba M, Kitatani K, Ishimura E, Yamakawa T, Nishizawa Y. Serum levels of C-terminal telopeptide of type 1 collagen: a useful new marker of cortical bone loss in hemodialysis patients. Osteoporos Int 2005;16:501–9. [16] Urena P, Hruby M, Ferreira A, Ang KS, de Vernejoul MC. Plasma total versus bone alkaline phosphatase as markers of bone turnover in hemodialysis patients. J Am Soc Nephrol 1996;7:506–12. [17] Barreto FC, Barreto DV, Moyses RM, Neves KR, Canziani ME, Draibe SA, et al. K/ DOQI-recommended intact pth levels do not prevent low-turnover bone disease in hemodialysis patients. Kidney Int 2008;73:771–7. [18] Jean G, Chazot C, Charra B. Twelve months cinacalcet therapy in hemodialysis patients with secondary hyperparathyroidism: effect on bone markers. Clin Nephrol 2007;68:63–4. [19] Slatopolsky E, Brown A, Dusso A. Role of phosphorus in the pathogenesis of secondary hyperparathyroidism. Am J Kidney Dis 2001;37:S54–57. [20] Slatopolsky E, Brown A, Dusso A. Pathogenesis of secondary hyperparathyroidism. Kidney Int Suppl 1999;73:S14–19.